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Articles avec #thriller tag

A plein temps

Publié le par Rosalie210

Eric Gravel (2022)

A plein temps

En transformant un quotidien banal en enfer quotidien et un drame social en thriller anxiogène tendu comme un arc, Eric GRAVEL fait ressortir de façon cruellement réaliste tout ce qui cloche dans notre société, particulièrement quand on est une femme qui élève seule ses enfants et qui essaye de leur assurer une certaine qualité de vie. Du matin au soir et du soir au matin, Julie court dans un stress permanent entre le village de la grande couronne parisienne où vivent ses enfants encore petits sous la pression d'une nounou qui rechigne de plus en plus à les garder tard le soir et son travail de première femme de chambre dans un palace à Paris sous la pression d'une supérieure qui guette ses faux pas. Le tout dans une solitude absolue (son ex-mari est aux abonnés absents, elle n'a pas de famille sur place, ses amis ne sont jamais disponibles), sous la menace d'un interdit bancaire (étant donné que la pension alimentaire n'arrive pas et qu'elle ne semble pas gagner assez pour rembourser le prêt de sa maison ou faire réparer sa voiture) et alors qu'une grève paralyse les transports en commun et les grands axes de communication. Le film est une démonstration exemplaire des causes de l'explosion des burn-out sous l'effet d'un stress insupportable lié à l'exigence de rentabilité, à l'atomisation des liens familiaux et sociaux, à la métropolisation (qui fait exploser les prix du foncier dans les centres tout en y maintenant les emplois, provoquant des migrations pendulaires profondément nuisibles) et à la montée de la conflictualité et de la violence. Bien que Julie soit montrée comme une working girl efficace et une battante qui utilise toutes les ressources possibles et imaginables pour arriver à concilier son boulot alimentaire, ses enfants et sa recherche d'un emploi qui corresponde mieux à ses compétences, elle n'est pas montrée comme une superwoman. Laure CALAMY que j'ai surtout vu jusqu'ici dans des rôles de nunuches porte le film sur ses épaules. La mise en scène faite de plans courts qui se succèdent et d'une musique électro qui fait monter la tension tient en haleine car on se demande à chaque nouvelle journée si son personnage pourra aller jusqu'au bout et jusqu'à quand tiendra-t-il à ce rythme. En même temps, le réalisme âpre des situations et l'aspect immersif du film* font que beaucoup de gens s'y reconnaîtront à commencer par ceux qui comme moi ont eu à subir des années de trajets quotidien en train sous épée de Damoclès, la pression d'assistantes maternelles peu compréhensives, même pour quelques minutes de retard et l'absence de toute aide familiale et sociale.

* Qui a reçu deux prix mérités dans la sélection parallèle Horizons du festival de Venise: celui du meilleur réalisateur et de la meilleure actrice.

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Vanishing

Publié le par Rosalie210

Denis Dercourt (2021)

Vanishing

Vanishing est un film franco-coréen que j'ai eu la chance de pouvoir regarder en avant-première au cinéma alors que sa sortie est prévue en France directement sur Canal + en avril 2022. Autrement dit comme pour les productions Netflix, il n'est pas prévu qu'il sorte en salle en France sauf lors de projections exceptionnelles.

L'histoire est le reflet du cosmopolitisme de l'équipe du film, elle se déroule en Corée du sud avec une majorité d'acteurs coréens mais a pour principale protagoniste une médecin-légiste française, Alice Launey jouée par une actrice d'origine russe à la carrière internationale, Olga Kurylenko. Trois langues sont principalement utilisées: le français, le coréen et l'anglais pour les relations entre les policiers coréens et Alice Launey même si celle-ci dispose d'une interprète qui joue un rôle essentiel dans l'intrigue. Il s'agit d'un thriller extrêmement bien ficelé autour d'un trafic d'organes se déroulant sur le sol coréen mais dont les victimes sont des immigrées d'origine chinoise venues travailler comme femme de ménage en Corée. Le début du film nous fait remonter toute la filière criminelle avec une grande fluidité et uniquement grâce aux images, depuis celui qui utilise sa vieille mère sénile pour piéger et livrer aux trafiquants d'organes les jeunes chinoises envoyées par une société vraisemblablement complice ironiquement nommée "dream" (le profil recherché est en effet celui du groupe sanguin B- qui est très fréquent au sud de la Chine alors qu'il ne représente que 2% des cas dans le monde) jusqu'à une clinique de chirurgie esthétique utilisée comme couverture pour les opérations du chirurgien véreux qui y officie, chirurgien marié par ailleurs à l'interprète de Alice Launey. Celle-ci qui est à Séoul pour un colloque est invitée à participer à l'enquête grâce à sa technique de prise d'empreintes sur les cadavres en décomposition avancée retrouvés par la police locale, technique inconnue en Corée du sud. La police à la ramasse est un clin d'oeil notamment à "Memories of murder" de Bong joon-ho, même si heureusement, elle n'en est plus à l'âge de pierre dépeint par l'illustre réalisateur de "Parasite". Elle se retrouve à faire équipe avec un jeune commissaire, Jin-Ho Park (Yeon-seok Yoo) qui à ses heures perdues tord les cuillères pour épater sa jeune nièce (un tour de magie que j'avais déjà vu dans le manga "20th Century Boys", j'en conclue qu'il doit être populaire en Asie). Les deux membres de ce duo peu conventionnel qui s'expriment en trois langues différentes (une femme de tête forte et fragile à la fois car hantée par une expérience traumatique et un homme plus jeune et plus maladroit, du moins en apparence) ne sont d'ailleurs pas insensibles l'un à l'autre ce qui ajoute une touche de romantisme, lequel est contrebalancé par l'histoire tragique de l'interprète d'Alice, amenée à commettre le pire pour tenter de sauver son mari, pris au piège de son pacte avec la mafia.

Seul bémol de ce film sans temps mort, fluide et nerveux à la fois qui met en relation plusieurs genres et plusieurs cultures: quelques personnages qui apparaissent fugitivement (un couple avec un enfant en attente de greffe, un indonésien faisant partie de la filière des trafiquants) ne sont pas développés, laissant ainsi quelques trous dans la raquette.

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Mort sur le Nil (Death on the Nile)

Publié le par Rosalie210

Kenneth Branagh (2022)

Mort sur le Nil (Death on the Nile)

Dans sa précédente adaptation d'Agatha Christie, "Le Crime de l'Orient-Express", un prologue et un épilogue montraient un Hercule Poirot obsessionnel, perfectionniste, amoureux de la symétrie qui allait devoir pourtant apprendre à vivre avec l'imperfection et le déséquilibre (en résumé avec la vie*). "Mort sur le Nil" qui constitue une sorte de suite implicite du moins sur un plan intimiste est également construit sur un prologue et un épilogue qui se répondent. Le prologue explique dans quelles circonstances historiques dramatiques Hercule Poirot s'est fabriqué un masque (tant en ce qui concerne son apparence que sa persona) alors qu'à l'inverse dans l'épilogue, la découverte du blues, parfait reflet de son être profond l'amène à montrer son vrai visage et donc à commettre un acte iconoclaste. La version de Kenneth Branagh est en effet beaucoup plus sombre et mélancolique que celle, plus légère et ludique de John Guillermin. Plus humaine aussi. Derrière le théâtre convenu se déroulant à bord du bateau (une scène de crime idéale, comme celle du train) le film rappelle que Kenneth Branagh est issu de la Royal Shakespeare Company et non du théâtre de boulevard. Autrement dit, celui-ci nous invite au travers de l'amplitude de sa mise en scène à prendre de la hauteur ou au contraire à plonger dans les profondeurs ou encore à contempler au travers de verrières biseautées. Objectif? Montrer ce qui se cache derrière le "beau mariage" qui sert de vitrine officielle à la croisière privée cinq étoiles à savoir un réseau grouillant de désirs et de passions souterraines non conformes voire monstrueuses aux yeux de la société de l'époque mais qui tôt ou tard remontent à la surface, comme le vrai visage de Poirot.

Un mot sur le travail de modernisation par rapport au livre et à l'adaptation de 1978. Côté casting, Kenneth Branagh a pris le contrepied du parti pris du film de John Guillermin que Olivier Père avait qualifié de "pavillon de gériatrie" ^^ en mêlant à quelques vétérans (comme Annette Bening) des acteurs jeunes ayant percé dans des films ou des séries appréciés du public du même âge (Gal Gadot, Emma Mackey, Letitia Wright, Armie Hammer). S'ils sont pour la plupart insipides et font regretter notamment Mia Farrow, Angela Lansbury et Maggie Smith, en revanche le choix de rendre explicite des thématiques qui ne l'étaient pas à l'époque où écrivait Agatha Christie me semble parfaitement pertinent. Même un film aussi illustratif que celui de Guillermin montre par exemple que Bowers est très masculine presque à la limite du travestissement ou que Salomé Otterbourne est une marginale (mais pas dans le même genre encore que l'ancienne et la nouvelle partagent le même turban). Enfin le choix de tourner les scènes d'extérieur en numérique n'est pas un problème, bien au contraire, il fait ressortir l'aspect factice des voyages des classes aisées dans l'entre-deux-guerres, celles-ci transposant leurs salons mondains dans des décors exotiques tout en leur tournant le dos (les scènes d'extérieur, assez rares sont tout à fait dans le ton des clichés coloniaux).

* Comme Sherlock Holmes, Hercule Poirot ne peut pas traverser le temps en restant éternellement déconnecté du reste de l'humanité. Ce genre de personnage de super-cerveau complètement désincarné ne fonctionne plus. Kenneth Branagh l'a donc fait entrer dans la vie et dans l'histoire, la petite et la grande.

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Le Rideau déchiré (Torn Curtain)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1966)

Le Rideau déchiré (Torn Curtain)

Je n'avais jamais vu "Le Rideau déchiré" qui fait partie des films de la fin de carrière de Alfred HITCHCOCK soit une période de relatif déclin (si on excepte "Frenzy" (1972)). Et puis je suis peu friande d'intrigues d'espionnages sur fond de guerre froide. Néanmoins si "Le Rideau déchiré" est nettement plus bancal que ses films les plus célèbres, on est loin de l'oeuvre insignifiante. La preuve: dans "Lust, Caution" (2007) de Ang LEE il y a une scène qui fait directement écho à la plus emblématique de "Le Rideau déchiré" (1966). Il s'agit d'un meurtre qui s'avère particulièrement laborieux, nécessitant de s'y reprendre à plusieurs fois et de plusieurs façons. L'intention est la même dans les deux films: montrer que tuer un homme n'a rien d'évident quand on est inexpérimenté."Les Amants sacrifiés" (2020) de Kiyoshi KUROSAWA sorti récemment repose également sur une intrigue qui reprend celle du "Le Rideau déchiré": une femme découvre l'inquiétante opacité de l'homme qui partage sa vie dans un contexte de guerre au point d'être rejetée par lui. Preuve que Alfred HITCHCOCK savait encore surprendre, innover et inspirer, même dans ses films mineurs. On peut aussi citer une autre scène expérimentale très réussie de poursuite dans un musée et deux morceaux de bravoure dans un bus puis un théâtre (une séquence qui rappelle fortement "L Homme qui en savait trop") (1956).

Néanmoins après l'échec de "Pas de printemps pour Marnie" (1964), Alfred HITCHCOCK n'avait plus les coudées aussi franches pour réaliser les films qu'il voulait et a perdu la plupart de ses collaborateurs les plus emblématiques. Surtout il s'est vu imposer les acteurs principaux avec lesquels il n'avait guère d'affinités. Et cela se ressent, particulièrement avec Paul NEWMAN qui a l'air de traverser le film complètement anesthésié alors qu'il est censé prendre des risques déments et sacrifier sa fiancée. J'aime beaucoup Julie ANDREWS mais le fait est que Alfred HITCHCOCK ne savait pas trop quoi faire d'elle. Par conséquent, elle est sous-exploitée. Cette faiblesse au niveau de l'interprétation dessert le film qui souffre inévitablement de passages à vide entre les moments réussis.

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Mort sur le Nil (Death on the Nile)

Publié le par Rosalie210

John Guillermin (1977)

Mort sur le Nil (Death on the Nile)

En rachetant la Fox en 2019, Disney a eu accès à un catalogue de films et de séries qui lui a permis de lancer sa propre plateforme de streaming, Disney +. "Mort sur le Nil" réalisé en 1977 par John Guillermin figure en bonne place dans cette offre et ce d'autant plus que la sortie du remake réalisé par Kenneth Branagh la même année et qui devait servir de vitrine à la plateforme a été repoussée de deux ans suite à la crise du covid et aux accusations de viol touchant l'interprète de Simon Doyle, Armie Hammer. Disney ne pouvait pas tout prévoir! 

Comme "Le crime de l'Orient-Express", "Mort sur le Nil" est un whodunit c'est à dire une enquête à huis-clos façon Cluedo dans un moyen de transport mettant en scène le détective belge Hercule Poirot et un aéropage de représentants plus ou moins excentriques de la haute société britannique qui ont tous un lien avec le crime commis. Comme l'adaptation cinématographique de "Le crime de l'Orient-Express" par Sidney Lumet en 1974, celle de John Guillermin qui traversait alors sa meilleure période cinématographique réunit un casting prestigieux (Bette Davis, Mia Farrow, Maggie Smith, Angela Lansbury etc.). Peter Ustinov qui reprend le rôle de Hercule Poirot après que Albert Finney ait décliné l'offre est savoureux. La mise en scène est inventive, que ce soit dans l'utilisation d'un site antique pour une scène à suspense, les visualisations des scènes de meurtres sous différents angles et avec différents suspects ou certains traits d'humour (ainsi le personnage joué par Angela Lansbury raconte qu'elle était sortie admirer le paysage alors qu'un flashback la montre en train d'acheter en douce des bouteilles de gin). On peut également souligner la qualité de l'adaptation (le scénario est de Anthony Shaffer qui a signé aussi ceux de "Frenzy" et de "Le Limier"), de la musique (par Nino Rota) et de la photographie. Le résultat est un divertissement réussi, même si le procédé est éventé depuis longtemps (le spectateur devine très vite qui est le véritable coupable).

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Les Amants sacrifiés (Supai no tsuma)

Publié le par Rosalie210

Kiyoshi Kurosawa (2020)

Les Amants sacrifiés (Supai no tsuma)

"Les Amants sacrifiés" qui a obtenu le Lion d'argent à Venise avait tout pour séduire sur le papier: son réalisateur, Kiyoshi Kurosawa (auteur du très beau "Tokyo Sonata"), son scénariste, Ryusuke Hamaguchi (son ex-élève devenu lui aussi réalisateur à succès avec "Drive my car"), son argument (la dénonciation des crimes commis par le Japon en Mandchourie dans les années trente et pendant la seconde guerre mondiale sur fond de thriller d'espionnage et de romance). Mais après un début prometteur témoignant de la folie xénophobe, militariste et nationaliste qu'a connu le Japon avant et pendant la guerre, la grande histoire est reléguée en toile de fond (sauf à deux ou trois reprises avec quelques scènes-chocs servant de piqûre de rappel) au profit de celle de ses protagonistes principaux, un riche entrepreneur et son épouse vivant à l'occidentale dont les agissements ne vont cesser d'aller vers une opacité croissante jusqu'à perdre le spectateur en chemin. La mise en scène de Kiyoshi Kurosawa très précise souligne bien les enjeux (un simple regard suffit à signifier au spectateur que le mari de retour de Mandchourie à des choses à cacher à sa femme). Mais la mayonnaise ne prend pas. Le film est certes de bonne facture mais incohérent, désincarné, impersonnel. Les personnages sont mal écrits et mal interprétés par des acteurs peu charismatiques et qui ne semblent pas d'ailleurs savoir dans quelle direction aller. Le pire de tous est Satoko (Yu Aoi, hyper niaise) qui passe sans transition de l'ingénuité bébête à l'amoralité la plus complète, la jalousie et la folie comme si elle était bipolaire pendant que son mari (Issey Takahashi) reste d'une impassibilité indéchiffrable. La manière dont leur entourage est traité n'est pas plus convaincante: l'infirmière que Satoko soupçonne d'être la maîtresse de son mari est (soi-disant) retrouvée assassinée mais ça n'émeut personne (et surtout pas le spectateur qui l'a vue trois secondes), elle dénonce son neveu qui est affreusement torturé sans que là encore ça n'émeuve qui que ce soit, son mari l'abandonne (et peut-être la trahit ou la sauve, on ne sait puisque le spectateur n'a pas accès à ce qu'il pense et ressent), elle ne comprend pas comment son ami d'enfance a pu devenir policier (entendez par là tortionnaire), lui "si gentil" (on appréciera la subtilité des dialogues), etc. L'impression que ce film m'a donné, c'est que Kiyoshi Kurosawa était resté étranger au scénario écrit par Hamaguchi dont il ne comprenait pas plus que le spectateur ou les acteurs les tenants et les aboutissants. Il a donc fait comme eux, il a fait semblant de piger alors que je pense il n'y a tout simplement rien à comprendre. C'est creux mais ça plaît aux snobinards qui peuvent ainsi renchérir sur les méandres tortueux d'un scénario retors (comparé à un jeu d'échecs, rien que ça!) auquel le simple quidam n'aurait pas accès (il est trop bête pour ça). Tout le contraire du thriller hitchcockien auquel ce film fait un évident appel du pied sans pourtant lui arriver à la cheville (et ne parlons même pas du titre VF hors-sujet et racoleur qui fait référence à Kenji Mizoguchi, cité également en passant dans le film, histoire d'en rajouter dans les références).

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Le Choix des armes

Publié le par Rosalie210

Alain Corneau (1981)

Le Choix des armes

La première fois que j'ai vu ce film, c'était dans le cadre d'un cycle consacré à Catherine Deneuve et j'avais trouvé que ce n'était pas le meilleur choix pour lui rendre hommage. Bien que le "Le Choix des armes" dépasse son genre pour atteindre une véritable profondeur, il traite d'un univers d'hommes tout juste "coloré" par la présence de l'actrice dont le rôle quelque peu potiche (^^) se résume selon ses propres termes à "obéir" (à son mari) mais surtout à symboliser (au choix) la douceur, l'innocence, la rédemption, le paradis pour Noël Durieux, le personnage de Yves Montand, ancien truand devenu "gentleman farmer" à la tête d'un haras. Lorsque Serge, un ancien membre de sa bande s'évade de prison avec un jeune chien fou du nom de Mickey (Gérard Depardieu), ce n'est pas seulement son passé qui vient frapper à sa porte. C'est aussi son avenir, incarné par Mickey, cet écorché vif aux accès de violence imprévisible qui aurait l'âge d'être son fils. Celui-ci l'arrache à son confort bourgeois pour le plonger au coeur de la misère sociale des cités de banlieue, dépeintes avec un naturalisme impressionnant ce qui était à l'époque une nouveauté*. D'ailleurs le film en lui-même est hybride, conciliant un polar à l'ancienne avec l'esprit de bande composée de personnages charismatiques élégamment vêtus et se comportant selon un code d'honneur et un polar plus moderne âpre, urbain, chaotique faisant une large place aux paumés, aux marginaux, aux "rebuts" de la société incluant également Dany, l'ami de Mickey père de famille (joué par Richard Anconina alors peu connu) et Ricky le drogué (Jean-Claude Dauphin). Ce même choc social et culturel des générations se retrouve du côté de la police avec d'un côté le placide commissaire Bonnardot (Michel Galabru) et de l'autre le fougueux inspecteur Sarlat (Gérard Lanvin) dont les actes irréfléchis ont des conséquences aussi tragiques que ceux de Mickey de l'autre côté de la barrière. Mais le coeur du film se retrouve dans la confrontation entre Noël et Mickey, joué par un Gérard Depardieu habité dont la composition est tout bonnement hallucinante. Complètement fou furieux au début, son personnage devient peu à peu poignant et tragique au fur et à mesure qu'il est approfondi. C'est dans cette confrontation (qu'on retrouve jusque dans le choix du montage alterné) qu'il faut chercher le sens du titre "Le Choix des armes" qui est polysémique. On peut l'interpréter comme un retour au choix de recourir à la violence lorsque celle-ci frappe à nouveau Noël de plein fouet ou bien à l'inverse, comme la décision d'y renoncer pour mettre fin au cycle infernal de la vengeance. En cherchant par exemple à comprendre cette jeune génération privée de repères, en assumant ses responsabilités vis à vis d'elle, en retissant du lien (aussi bien social que filial). La parole est une arme. L'éducation également comme le laisse entendre la fin de ce film très noir mais où perce une lueur d'espoir.

* Cette confrontation générationnelle de personnages issus d'un même milieu d'origine mais dont les plus anciens se sont embourgeoisés et les plus jeunes au contraire précarisés m'a fait penser au film de Robert Guédiguian "Les Neiges du Kilimandjaro".

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Diva

Publié le par Rosalie210

Jean-Jacques Beineix (1981)

Diva

Je ne suis pas spécialement fan de Jean-Jacques Beineix et de l'esthétique années 80 qui l'accompagne mais j'aime bien "Diva" son premier film qui a acquis le statut de film culte. Celui-ci a en effet relativement bien vieilli comparativement à d'autres oeuvres de cette époque et je pense que c'est lié au fait que "Diva" est un alliage réussi d'éléments contradictoires. En effet la réalisation tape-à-l'oeil (la critique a suffisamment taillé en pièces les films de Beineix en raison de leur parenté avec l'esthétique du clip et de la publicité pour que je n'aie pas besoin de développer davantage cet aspect) est contrebalancée par un travail d'épure qui par moments, touche, n'ayons pas peur des mots, la grâce (pour le dire autrement, il y a une âme derrière l'image). Chaque passage où l'on écoute l'air extrait de "La Wally" chanté par Wilhelmenia Wiggins Fernandez (la diva du titre qui fascine Jules, l'improbable facteur mélomane héros de l'histoire) s'accompagne de mouvements de caméra planants, épousant le rythme lent et hypnotique de la musique. Il y a aussi l'univers tout aussi hypnotique de l'allié de Jules, Gorodish qui pratique la philosophie zen dans son loft quasi vide plongé tout entier dans le "grand bleu" de "La Vague" de Hokusai (le travail très pop art sur les couleurs primaires, jaune, rouge et bleu et les jeux de lumières et de mouvements oscillatoires d'une sculpture associée au bleu renforcent l'effet d'hypnose ressenti, un peu comme l'atmosphère de "Blade Runner").

Le motif de la vague a aussi selon moi un autre sens. "Diva" rend à sa manière -décalée- hommage aux courants qui l'ont précédé: le réalisme poétique et la nouvelle vague. Côté Carné, le film met en avant des décors de studio et une galerie d'acteurs typés inconnus à l'époque mais que le film allait hisser au rang de stars: Gérard Darmon, Dominique Pinon et surtout Richard Bohringer. Côté Godard (outre les couleurs primaires), je ne peux pas m'empêcher de penser à une parodie du début de "Le Mépris" quand j'entends les répliques de Dominique Pinon dans le film "j'aime pas Beethoven", "j'aime pas les ascenseurs", "j'aime pas ta gueule"* et son comparse qui finit par lui dire "mais t'aime rien alors?" (sans parler de l'actrice asiatique qui joue Alba, la compagne de Gorodish et qui je trouve joue comme Bardot).

Enfin "Diva" a une parenté qui m'a sauté aux yeux lorsque je l'ai revu avec le cinéma de Leos Carax et particulièrement ses deux premiers films, "Boy meets Girl" et "Mauvais Sang" (dans la manière de filmer des marginaux, les quais déserts de Paris, des intérieurs désaffectés, de mener un thriller, de décrire des couples improbables incarnant le "modern love") ainsi qu'avec celui de Jean-Pierre Jeunet. Et pas seulement en terme d'esthétique (des décors en studio à la Trauner façon "Le jour se lève") mais aussi en terme de "gueules de cinéma". Ainsi les répliques de Dominique Pinon font penser au court-métrage "Foutaises", le prototype du "Fabuleux destin de Amélie Poulain" où celui-ci alterne entre les "j'aime" et les "j'aime pas". Alors "cinéma du look" comme cette "nouvelle-nouvelle vague" (incluant aussi évidemment Luc Besson) a été qualifiée ou bien cinéma "d'atmosphère-atmosphère, est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère!"

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J'ai le droit de vivre (You only live once)

Publié le par Rosalie210

Fritz Lang (1937)

J'ai le droit de vivre (You only live once)

Jalon de la genèse du film noir américain mais aussi de certains thrillers hitchcockiens ("Le Faux Coupable" reprend Henry Fonda accusé à tort dans sa cage), "J'ai le droit de vivre", le deuxième film américain de Fritz Lang s'inspire librement de l'odyssée de Bonnie et Clyde et possède des qualités inhérentes au savoir faire de ce grand cinéaste (lumières, atmosphère, cadrages, mise en scène) ainsi qu'une interprétation remarquable, notamment de Henry Fonda dans le rôle principal.

Néanmoins, il m'a profondément irrité ce qui ne m'était jamais arrivé jusque-là avec ce réalisateur. En effet il manque de manière flagrante de subtilité dans son scénario.... à moins qu'on ne considère que tout est vu par le prisme de son anti-héros, Eddie dont le film reflète la vision du monde simpliste, paranoïaque et hystérique. Pourquoi pas après tout? Il n'y a en effet pas de place pour la nuance dans le film. Soit on est à 100% avec lui, soit à 100% contre lui (quoique cela revient au même "contre" au sens de "tout contre"). Etre avec Eddie, c'est choix de sa femme Joan qui ressemble moins à une personne réaliste qu'à un prolongement de lui-même, solidaire de lui à la vie à la mort. Affichant dans un premier temps une sorte de bonheur béat digne d'une publicité ménagère complètement déconnectée de la réalité elle se compromet ensuite de plus en plus pour l'aider de manière toujours aussi naïve et finit par partager sa cavale sans issue, le choisissant lui au détriment de leur bébé (dont on se demande comment il a pu naître dans ces conditions mais le film n'est absolument pas réaliste, la mise en plis de Sylvia Sidney ne souffrant d'aucune altération après plusieurs jours de cavale dans les bois et un accouchement sauvage). La seule alternative qu'elle ait imaginé à ce funeste destin étant étant le suicide, c'est dire son degré d'autonomie (il faut dire que l'une des seules fois où elle prend une initiative, ça ne marche pas et il lui tourne le dos ce qu'elle ne supporte pas). A l'extrême inverse (puisqu'il n'y a qu'un gouffre béant entre les deux), on a quasiment tout le reste de la société et l'ensemble des institutions qui s'acharnent sur Eddie parce qu'il est un ex-taulard, le seul d'ailleurs qui semble exister aux USA puisqu'il est reconnu et montré du doigt partout où il passe. L'occupation préférée du citoyen moyen semble être de traquer le voyou et le criminel dans les magazines et les journaux de bas étage ou bien le charger pour couvrir ses propres méfaits alors que la police ne semble servir qu'à lui tirer dessus, la justice le condamne à mort sur la foi d'un seul indice et ainsi de suite. Si bien que quand enfin il est innocenté, il a tellement perdu confiance dans ses interlocuteurs qu'il tire aussitôt sur celui qui lui avait montré le plus d'humanité, un religieux (métaphore à l'appui), fermant la porte à toute possibilité de rédemption, se maudissant ainsi lui-même. Et ce n'est que la dernière (et la plus grave) d'une série de fautes de parcours qui font que Eddie n'est pas du tout la pauvre victime innocente de l'injustice de la société ou de la seule fatalité qu'on pourrait croire au premier abord mais bel et bien l'artisan de sa propre chute, un ancien voyou qui s'est racheté une conduite de surface mais à qui il en faut bien peu pour que ses instincts sauvages les plus profonds reprennent le dessus. Bref un discours d'un pessimisme  absolu sur l'âme humaine (tant dans sa dimension individuelle que collective) pas inintéressant mais auquel je préfère les films tournés en Allemagne ou dans son premier film américain, "Furie". 

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Trente minutes de sursis (The Slender Thread)

Publié le par Rosalie210

Sydney Pollack (1965)

Trente minutes de sursis (The Slender Thread)

Le premier film de Sydney Pollack devait entièrement reposer à l'origine sur le dialogue téléphonique d'un étudiant en médecine exerçant une mission de bénévolat au centre d'aide aux désespérés et d'une mère de famille ayant entrepris de se suicider. Deux genres se superposaient ainsi: un thriller avec le compte à rebours pour localiser la jeune femme et la sauver avant qu'il ne soit trop tard et une romance par téléphone interposé qui aurait été impossible de montrer frontalement en 1965 dans un film hollywoodien classique. On voit ainsi comment "Trente minutes de sursis" a ouvert la voie deux ans plus tard à "Le Lauréat", film-phare du nouvel Hollywood qui allait faire tomber le tabou de la différence d'âge et de statut social avec en plus la même actrice, Anne Bancroft dans le rôle de l'épouse bourgeoise insatisfaite. D'autre part, la relation téléphonique s'avère également être un excellent moyen de contourner la barrière de la couleur de peau dans un pays marqué par un profond racisme et une phobie non moins profonde du métissage. Comme le montre ironiquement Spike Lee dans "BlacKkKklansman", les membres du KKK se font berner par un policier noir parce qu'ils ne parviennent pas à le démasquer au téléphone. Il en est de même évidemment dans "Trente minutes de sursis" où jamais la question raciale ne se pose alors qu'il n'en aurait pas été de même si Alan (Sidney Poitier) et Inga (Anne Bancroft) s'étaient réellement rencontrés.

Cependant Sydney Pollack qui exécutait une commande n'a pas pu réaliser le film qu'il voulait si bien que le film est affaibli par les flashbacks expliquant pourquoi Inga en est arrivé là. Ceux-ci cassent la tension du compte à rebours et du huis-clos alors que de nombreux personnages viennent interférer avec Alan dans la cellule de crise où il était de garde ce qui détruit l'aspect intimiste de la relation qu'il avait pu instaurer avec son interlocutrice.

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