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Articles avec #thriller tag

Fight Club

Publié le par Rosalie210

David Fincher (1999)

Fight Club

Le style David FINCHER dans "Fight Club" est beaucoup trop clinquant et démonstratif à mon goût. Il assène plutôt que de faire réfléchir. Et le fait de n'avoir qu'un seul point de vue, celui d'un type qui adore s'écouter parler n'aide pas. Il faut dire qu'il épouse bien les codes de la société décadente qu'il dénonce: vitesse de l'élocution et de la narration, zapping permanent, comportement consommateur jusque dans les aspects les moins quantifiables de l'existence, hyperstimulation sensorielle, compétition virile etc. Tellement bien qu'il s'avère au final bien inoffensif. Près de 20 ans ont passé et on ne peut pas dire qu'il ait fait trembler le système sur ses bases. Reste que la mise en scène est virtuose et le personnage principal intéressant malgré son terrifiant narcissisme (grand rôle pour le duo Brad PITT/Edward NORTON). La crise identitaire et existentielle qui le pousse à se dédoubler met en lumière le caractère autodestructeur des sociétés occidentales contemporaines et leur vacuité profonde.

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20th Century Boys chapitre 2 : Le dernier espoir (20-seiki shônen: Dai 2 shô - Saigo no kibô)

Publié le par Rosalie210

Yukihiko Tsutsumi (2009)

20th Century Boys chapitre 2 : Le dernier espoir (20-seiki shônen: Dai 2 shô - Saigo no kibô)

Ce deuxième volet peine à rendre compte de la richesse du matériau d'origine (les tomes 6 à 15 du manga éponyme de Naoki Urasawa). Il se contente d'un copié-collé des meilleures scènes, sacrifiant la cohérence d'ensemble qui cependant est essentielle dans une histoire contenant autant de personnages et faisant des allers-retours incessants dans le temps. Autre point faible, l'interprétation, tellement outrancière qu'elle tire le film vers la farce alors que l'histoire est dramatique en dépit de passages humoristiques.

Volet de transition, le chapitre 2 se concentre sur les héritiers du premier film: Kanna, la nièce de Kenji et le petit-fils de l'inspecteur Chôno. La première combat pour réhabiliter la mémoire de son oncle disparu, le second garde une touchante probité au milieu d'une police gangrenée comme le reste du pays par le pouvoir d'Ami et de sa secte. Ceux-ci sont passés maître dans l'art de manipuler la population, provoquant des catastrophes sanitaires pour mieux la contrôler tout en les mettant sur le dos de Kenji et ses amis. Les techniques d'asservissement de la population sont explorées dans ce deuxième volet, des livres d'histoire falsifiés aux camps de rééducation pour la jeunesse avec lavage de cerveau intégré. L'aspect millénariste de l'histoire atteint son apogée avec la résurrection d'Ami, sorte de Jésus inversé qui revient parmi les hommes non pour les sauver mais pour les anéantir. Derrière la manifestation surnaturelle se cache un homme sans visage susceptible d'être incarné par plusieurs personnes qui ont des problèmes d'identité et des comptes à régler avec leur enfance.

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Le crime de l'Orient-Express (Murder on the Orient Express)

Publié le par Rosalie210

Kenneth Branagh (2017)

Le crime de l'Orient-Express (Murder on the Orient Express)

Kenneth Branagh étant peu apprécié en règle générale des critiques français, il n'est guère étonnant que son dernier film ait été fraîchement accueilli. Pourtant cette adaptation contemporaine du roman policier d'Agatha Christie ne m'a pas ennuyée une seconde. Tout simplement parce que Branagh qui a le sens de l'image et du rythme a eu la bonne idée de retourner la veste du roman en rendant intérieur ce qui était extérieur et vice-versa. L'intrigue policière centrale dans le roman étant éventée depuis longtemps, elle est un peu sacrifiée en dépit de son prestigieux casting faisant écho au film de Sidney LUMET (Judi DENCH, Michelle PFEIFFER, Penélope CRUZ, Daisy RIDLEY,Willem DAFOE, Johnny DEPP etc.)

Le principal intérêt du film repose donc sur les épaules du personnage de Hercule Poirot, revu et corrigé par Kenneth BRANAGH. Simple rouage de l'intrigue sans consistance dans le roman, il devient ici un héros à la fois surdoué et tourmenté, en inadéquation avec son environnement. Le prologue à Jérusalem dans la lignée des James Bond, Ethan Hunt ou Indiana Jones campe fort bien sa personnalité. Une perception manichéenne du monde, l'obsession de la perfection, la hantise du déséquilibre et de la faille qui est à l'origine de ses dons exceptionnels pour débusquer les coupables mais aussi de son « splendide isolement ». Son voyage à bord de l'Orient Express symbolise son cheminement vers l'acceptation en lui des zones grises de l'âme humaine, celles qui fracturent l'âme et brouillent les frontières entre le bien et le mal. L'avalanche qui bloque le train et fissure le verre du cadre contenant la photo du grand amour perdu constitue de ce point de vue un tournant irrémédiable. Poirot se retrouve pris au piège d’un dilemme moral sans autre issue que l’acceptation d’un déséquilibre dans le balancier de la justice. Ou il dénonce les coupables et cautionne une institution défaillante qui non seulement n’a pas joué son rôle mais a aggravé l’étendue du mal en faisant de nouvelles victimes. Ou il les couvre et doit mentir à l’institution judiciaire. Dans les deux cas, il y perd son intégrité. On comprend qu’il soit tenté un moment par le suicide. C’est cette dimension tragique, ce déchirement tout shakespearien « to be or not to be » qui m’a scotché au film. Branagh a réussi à faire sienne une œuvre qui a priori était très éloignée de lui. Il lui a insufflé une nouvelle vie en faisant de l’humanisation du détective un enjeu central.

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Mud: Sur les rives du Mississippi (Mud)

Publié le par Rosalie210

Jeff Nichols (2013)

Mud: Sur les rives du Mississippi (Mud)

Un fleuve, une île déserte, un bateau niché dans un arbre, un mystérieux personnage au passé trouble qui y a trouvé refuge (son surnom "Mud" renvoie aussi bien à son opacité qu'au Mississippi). Il n'en faut pas plus pour être embarqué dans un récit d'aventures aux fortes résonances mythologiques. On pense aux récits de Mark Twain dont s'est inspiré Jeff Nichols. Ellis (Tye SHERIDAN) et Neckbone (Jacob LOFLAND), les deux adolescents inséparables qui vivent sur ses rives sont des avatars de Tom Sawyer et d'Huckleberry Finn alors que Mud (Matthew McCONAUGHEY) renvoie quant à lui à Joe l'indien de par son statut de paria et le parfum de danger qui l'entoure. Quoique le pasteur Powell de la "La Nuit du chasseur (1955)" de Charles LAUGHTON ne soit pas non plus très loin (les mains tatouées appartiennent à la copine de Mud, ce dernier ayant préféré avoir un serpent sur le bras et un flingue dans sa poche ^^). Et puis il y a Tom Blankenship (Sam SHEPARD), un vieil homme solitaire qui vit sur l'autre rive et dont le nom renvoie à l'ami d'enfance de Mark Twain (il aurait inspiré le personnage de Huckleberry). D'autre part Tye SHERIDAN et la photographie contemplative deAdam STONE qui magnifie la beauté de la nature évoquent l'univers de Terrence Malick.

"Mud" offre donc un univers signifiant mais le message qui se dégage de ce récit initiatique laisse perplexe. Passe encore que Ellis cherche un modèle positif qu'il ne trouve pas dans sa propre famille et qu'il se heurte à des adultes fuyants et/ou irresponsables. Son foyer se désagrège à cause de la mésentente de ses parents. Mud qui lui sert de père de substitution est immature, violent et manipulateur. Il est peut-être attaché à lui mais il l'implique dans ses problèmes d'adulte ce qui le met dans des situations trop lourdes pour son âge. Là où le réalisateur charge carrément la barque, c'est dans l'accumulation d'échecs amoureux ou d'amours impossibles (Mud et Juniper jouée par Reese WITHERSPOON, Tom et sa femme, Ellis et sa copine, l'oncle de Neckbone joué par Michael SHANNON) et l'ajout de pénibles histoires de fausse couche, de bébé mort né, de stérilité, de fils assassinés ou à l'inverse d'orphelin. Il n'y aurait pas eu besoin de tout ces éléments mélodramatiques pour expliquer les agissements des personnages s'ils avaient eu plus de profondeur.

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20th Century Boys chapitre 1 (20-seiki shōnen: Honkaku kagaku bōken eiga)

Publié le par Rosalie210

Yukihiko Tsutsumi (2008)

20th Century Boys chapitre 1 (20-seiki shōnen: Honkaku kagaku bōken eiga)

A l'origine de cette adaptation efficace mais platement illustrative, il y a un des meilleurs manga jamais créés. "20th Century boys" de Naoki Urasawa, un dieu du genre au même titre que son maître, Osamu Tezuka est riche, complexe et haletant de bout en bout. Il a obtenu une pléthore de récompenses prestigieuses et méritées aussi bien au Japon qu'en France et aux USA. Il a contribué avec "Monster" à la reconnaissance internationale de son auteur.

En dépit des allers-retours constants entre plusieurs temporalités, l'histoire est finalement assez simple à résumer. A la fin des années 60, un enfant d'une dizaine d'années, Kenji Endo écrit et dessine avec l'aide de sa bande d'amis un récit d'anéantissement de l'humanité par une arme bactériologique. Trente ans plus tard à la fin des années 90, il voit ce récit apocalyptique qu'il a complètement oublié en grandissant se réaliser point par point. Derrière l'accomplissement de ce sinistre scénario, un gourou qui se fait appeler "Ami" et sa secte qui grandit tel un cancer pour noyauter progressivement toutes les institutions du Japon ou les faire exploser. Le parallèle avec la montée du nazisme s'impose d'autant plus aisément que Naoki Urasawa a souvent donné à ses récits des références germaniques ("Monster" se déroule en Allemagne, "Pluto" a pour héros le professeur Gesicht etc.) Et ce, même si une référence plus contemporaine s'impose immédiatement, celle des attentats au gaz sarin commis par la secte Aum entre 1989 et 1995. Kenji comprend rapidement que "Ami" est l'un de ses anciens camarades de classe qui a gravité autour de sa bande des années 60 sans jamais parvenir à s'y intégrer. A partir de cette exclusion, il a développé une haine qui le pousse à accomplir le récit de Kenji en lui faisant porter le chapeau des attentats. Kenji et ses amis, tous devenus des quadragénaires à la petite vie médiocre doivent alors affronter leurs responsabilités (et une dernière chance de se réaliser en tant qu'individu). La scène où ils déterrent la boîte contenant les souvenirs de leur passé commun a une valeur éminemment symbolique.

La force de "20th Century boys" est de jouer sur plusieurs niveaux. Derrière le récit spectaculaire millénariste et apocalyptique se cache une histoire intimiste mélancolique voire nostalgique sur le thème des illusions perdues. Tout lecteur ou spectateur lambda ne peut que se demander après la lecture ou la vision de cette oeuvre ce qu'il a fait de ses idéaux et rêves de jeunesse. Mais Urasawa ne se contente pas d'être dans le passé, il trace aussi des perspectives d'avenir. Ce guitariste autodidacte pour qui "le rock est une philosophie et Bob Dylan est son prophète" parsème son oeuvre de références à son idole et plus généralement au rock des années 60 et 70, à commencer par le titre de son manga, référence au tube éponyme du groupe T-Rex. Cependant dans le film, il souligne que le "club des 27" (rockeurs ayant pour point commun le fait d'être morts à l'âge de 27 ans) n'est pas une fin et qu'il est possible de s'accomplir ou de rester au zénith à tout âge, y compris à 80 ans. Phrase clé pour le destin de Kenji et de ses amis, tous des quadragénaires ratés qui ne deviendront des adultes accomplis qu'aux alentours de la soixantaine.

L'adaptation cinématographique, très fidèle au manga est comme je le disais plus haut platement illustrative mais efficace. Elle a le mérite de la clarté, utilisant des codes couleurs aisément identifiables pour se répérer (sépia pour le passé, bleu pour l'avenir et une ambiance naturaliste pour le présent). L'interprétation surjouée tire le film vers la série Z mais la qualité du scénario est telle que l'on s'y laisse prendre. L'ampleur de l'histoire (le manga fait 22 tomes) explique le choix de la découper en trilogie, le premier volet couvrant les 5 premiers tomes.

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L'Armée des douze singes (Twelve Monkeys)

Publié le par Rosalie210

Terry Gilliam (1995)

L'Armée des douze singes (Twelve Monkeys)

Le plus grand film de Terry Gilliam avec "Brazil (1985)" dont il est par bien des aspects le prolongement. Terry Gilliam considère d'ailleurs que "L'Armée des douze singes" est le volet central d'une trilogie sur les mondes dystopiques qui a commencé avec "Brazil (1985)" et s'est terminée avec "Zero Theorem (2013)".

La figure circulaire revient d'une manière obsédante dans "L'Armée des douze singes", instaurant une atmosphère carcérale, claustrophobique, étouffante. Le générique donne le ton: le motif d'une ronde d'où tente de s'échapper l'un de ses membres sur la musique d'un tango lancinant joué à l'accordéon. Puis nous plongeons directement dans l'univers post-apocalyptique de 2035 où les survivants se terrent comme des rats dans les sous-sols et sont enfermés dans des cages pour subir des expérimentations scientifiques, tels des cobayes humains. Parmi eux, James Cole (Bruce WILLIS), un "repris de justice" dont le seul crime est d'avoir conservé sa liberté d'esprit (les scènes de confrontation entre Cole et les scientifiques rappellent celles de Sam et de ses tortionnaires dans "Brazil (1985)"). Le passé étant la source du présent et du futur, Cole est envoyé en 1990 (soit l'époque contemporaine de la réalisation du film) ce qui nous permet d'observer par nous-même les "racines du mal": un monde déjà régimenté par une science toute-puissante qui impose ses normes (rationalité, contrôle, réduction du vivant au rang d'objet technique, culte de la consommation) et enferme les déviants à l'asile de fous où ils sont abrutis de drogues. Cole y rencontre un alter ego en la personne de Jeffrey Goines (Brad PITT), un militant anti-consumériste et défenseur des animaux en rupture avec son père scientifique. Avec une ironie grinçante et désespérée, Gilliam dégomme la prétendue toute-puissance de la science en montrant ses failles (par deux fois, Cole est envoyé par erreur dans des époques où il n'a rien à y faire) et la finalité autodestructrice du pouvoir. Enfin lorsque l'on arrive au dénouement du film, on se rend compte qu'il s'agit d'une boucle temporelle sans début, ni fin.

La figure du cercle est indissociable de celle de la spirale, l'autre grand motif de "L'Armée des douze singes" rythmé par ses vortex spatio-temporels. Grand film de cinéphile comme l'était déjà "Brazil (1985)", "l'Armée des douze singes" est à ce jour l'ultime excroissance du séquoia de "Vertigo (1958)" d'Alfred HITCHCOCK qui avait auparavant étendu ses ramifications dans "La Jetée (1963)" de Chris MARKER dont "L'Armée des douze singes" constitue un remake étendu. Quant à Hitchcock, il est cité directement lorsque Cole et Kathryn (Madeleine STOWE) vont se cacher dans un cinéma qui diffuse du Alfred HITCHCOCK en boucle (logique!). Mais sur les quatre films annoncé par l'enseigne du cinéma ("L Inconnu du Nord-Express (1951)", Vertigo (1958), "Psychose (1960)" et "Les Oiseaux (1962)"), seuls deux d'entre eux sont montrés, la séquence la plus longue étant logiquement celle du séquoia de "Vertigo (1958)". Elle annonce la transformation de Kathryn en blonde (sur la musique de Bernard HERRMANN) afin de matérialiser la vision de la femme qui obsède Cole depuis la première image du film dont on ne sait s'il s'agit d'un rêve ou d'un souvenir. "L'Armée des douze singes" partage en effet avec "Vertigo (1958)" et "La Jetée (1963)" une confusion permanente entre la réalité, le rêve, la mémoire et la folie. Mais contrairement à "Vertigo (1958)", l'apparition de Katryn blonde ne s'accompagne pas d'une lumière verte mais rouge. Il ne s'agit pas en effet d'une vision mortifère mais d'un pôle de résistance de la vie sur la mort (l'amour, la passion, la liberté d'esprit de Cole). D'ailleurs Gilliam a également joué avec les prénoms (dans le film de Alfred HITCHCOCK, un acteur prénommé James embrasse un personnage prénommé Madeleine. Dans "L'Armée des douze singes", un personnage prénommé James embrasse une actrice prénommée Madeleine ^^). Gilliam ayant une imagination très picturale, il puise cet idéal féminin dans la célèbre "Naissance de Vénus" de Botticelli qui revient dans plusieurs de ses films dont "Brazil". Quant à la séquence de l'asile, elle sort tout droit du film de Milos FORMAN "Vol au-dessus d un nid de coucou (1975)", le rôle de Brad PITT rappelant celui tenu par Jack NICHOLSON. Brad PITT qui n'était pas encore une star nous gratifie de la prestation la plus remarquable du film. Tel un diable sorti de sa boîte, il offre une interprétation azimutée et hystérique en phase avec les personnages de cartoons de Tex AVERY qui sont diffusés sur une télévision située à l'arrière-plan. Il est avec Cole ce singe rebelle qui tente de s'échapper du cercle à la manière des Marx Brothers passagers clandestins dans "Monnaie de singe (1931)" (Gilliam fait un parallèle avec le titre du film des Marx mais joue aussi sur les sonorités du mot Monkey, key signifiant clé [de l'évasion]).

Enfin "L'Armée des douze singes" par son aspect millénariste fait penser à deux manga qui lui sont contemporains:
- Tout d'abord "X" des Clamp (1992-2002) qui est une libre adaptation de l'Apocalypse selon saint Jean (dont un extrait est cité dans "L'Armée des douze singes"). On y voit s'affronter sept sceaux et sept anges, les premiers cherchant à sauver l'homme et les seconds, à le détruire pour sauver la terre.
- Ensuite "20th Century Boys" d'Aoki Urasawa (1999-2006) qui narre comment une secte apocalyptique dirigée par Ami précipite la fin du monde en répandant sur terre un virus semblable à celui d'Ebola (c'est également une arme biologique qui est responsable de la mort de 99% de l'humanité dans "L'Armée des douze singes").

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La Loi du silence (I Confess)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1953)

La Loi du silence (I Confess)

"La Loi du silence" est considéré à tort comme un film mineur d'Hitchcock. Encore qu'au sein des cinéastes de la Nouvelle Vague, il ait eu dès l'origine de fervents supporters. Aujourd'hui, bien que toujours dans l'ombre de ses chefs-d'œuvre ultérieurs, il suscite davantage d'intérêt de la part des cinéphiles et tend à être réévalué.

Il serait dommage en effet de sous-estimer cette véritable petite pépite qui se situe directement dans le prolongement de son prédécesseur "L'inconnu du Nord-Express". En effet, il y est également question d'un transfert de culpabilité sur fond de frustration sexuelle le tout généré par le catholicisme, la religion dans laquelle a été élevé Hitchcock.

Si l'on en reste au niveau de l'interprétation religieuse, le père Logan (Montgomery CLIFT) est un martyr qui au nom de la foi et de ses principes moraux accepte de prendre sur lui le fardeau de son domestique, Keller (Otto E. HASSE). En refusant de révéler l'aveu du meurtre entendu en confession, le père Logan endosse la culpabilité que Keller ne veut pas assumer afin de racheter sa faute, dans la lignée du sacrifice christique.

Mais Hitchcock sait d'autant mieux la limite d'une lecture seulement religieuse que le catholicisme est minoritaire aussi bien en Angleterre qu'au Etats-Unis (bien que le film ait été tourné dans la ville de Québec): « L’idée de base n’est pas acceptable pour le public. Nous savons, nous les catholiques, qu’un prêtre ne peut pas révéler un secret de la confession, mais les protestants, les athées, les agnostiques pensent : "C’est ridicule de se taire ; aucun homme ne sacrifierait sa vie pour une chose pareille." »

C'est pourquoi le film atteint une dimension universelle dans son deuxième niveau de lecture qui est psychanalytique. Le père Logan n'est un faux coupable qu'au niveau des faits. Il ne l'est plus dès que l'on analyse le niveau des pulsions et des désirs. En tuant l'avocat véreux Villette (Ovila LÉGARÉ), Keller n'a fait que réaliser le souhait inconscient du père Logan, l'argent servant de substitut au sexe comme le souligne "L'interprétation des rêves". En effet Villette menaçait de révéler la liaison secrète entretenue par Michael Logan avant son ordination avec une femme mariée, Ruth Grandfort (Anne BAXTER). Une relation sur laquelle nous n'avons que le point de vue idéalisé de Ruth mais que Michael Logan n'a cessé de fuir, d'abord en allant à la guerre, puis en se faisant ordonner prêtre.

Si le scénario n'avait pas été doublement censuré, le film aurait été encore plus radical et subversif. Logan et Ruth devaient à l'origine avoir un enfant naturel, preuve irréfutable que leur liaison avait été consommée. Le film tel qu'il est reste évasif sur cette question, on comprend pourquoi alors qu'aujourd'hui encore le tabou entourant la sexualité des prêtres catholiques a bien du mal à être levé. D'autre part, le prêtre devait aller jusqu'au bout de son sacrifice masochiste et être pendu. Cette fin tragique a été refusée au profit d'une fin plus consensuelle et commerciale.

En dépit de ces réserves scénaristiques qui altèrent un peu la lisibilité du film, celui-ci se distingue évidemment par la qualité de sa mise en scène, de sa photographie expressionniste et de son interprétation. Montgomery CLIFT tout en intériorité tourmentée est particulièrement intense. Son antagoniste, le rationnel et déterminé inspecteur Larrue est tout aussi finement joué par Karl MALDEN. Hitchcock donnait beaucoup d'importance aux regards et à l'introspection lui qui disait qu'un mauvais film était un film de gens qui parlent. Les films d'Hitchcock sont des films de gens qui pensent.

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Le cabinet du docteur Caligari (Das Cabinet des Dr. Caligari)

Publié le par Rosalie210

Robert Wiene (1920)

Le cabinet du docteur Caligari (Das Cabinet des Dr. Caligari)

Avec le temps, les souvenirs que l'on a des films s'estompent voire disparaissent à l'exception des éléments qui nous ont vraiment marqué. Du "Cabinet du docteur Caligari", vu il y a très longtemps je n'avais retenu qu'une chose: le décor. C'est dire s'il occupe une place centrale dans ce film matrice du cinéma fantastique à tendance horrifique de Friedrich Wilhelm MURNAU à Tim BURTON en passant par James WHALE et Fritz LANG qui avait été d'ailleurs pressenti pour le réaliser. On peut également dresser une autre filiation avec le cinéma du dédoublement souvent à forte teneur psychiatrique de "Docteur Jekyll et Mister Hyde (1941)" de Victor FLEMING à "Shutter Island (2009)" de Martin SCORSESE en passant par "Psychose (1960)" de Alfred HITCHCOCK.

Le décor est l'incontestable star du film, il imprime la rétine et reste en mémoire bien après le visionnage. Un décor de toiles peintes tout en perspectives forcées, lignes brisées, obliques, angles aigus, proportions tronquées, trompe l'œil. Un décor tordu, tourmenté, torturé comme sorti d'un esprit malade. Celui du personnage principal et narrateur, Francis (Friedrich FEHER) dont la confusion entre cauchemar et réalité entretient celle du spectateur. Son ami Alan (Hans Heinrich Von TWARDOWSKI) et la jeune fille dont il est amoureux Jane (Lil DAGOVER) ne sont pas plus lucides ni plus équilibrés. Dans deux scènes emblématiques du film, ils sont surpris dans leur sommeil par Cesare (Conrad VEIDT), la marionnette du docteur Caligari (Werner KRAUSS) qui est fort justement surnommé le "somnambule". De très belles scènes vampiriques expressionnistes qui préfigurent celles de "Nosferatu le vampire (1921)" de Friedrich Wilhelm MURNAU. Toute la jeune génération est en fait sous l'emprise d'un personnage qui va devenir emblématique du cinéma muet allemand: le criminel diabolique qui contrôle les esprits à distance. Caligari préfigure en effet le Mabuse de Fritz LANG comme 1919 annonce 1933. Ce climat d'effondrement spirituel et moral, de chaos et de forces obscures reflète de façon saisissante la déliquescence de l'Allemagne d'après-guerre et l'hypnose collective d'une société sous l'emprise d'un gourou criminel qui allait suivre. 

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La maison du docteur Edwardes (Spellbound)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1945)

La maison du docteur Edwardes (Spellbound)

"La maison du docteur Edwardes" est le premier thriller psychanalytique d'Alfred HITCHCOCK. Il annonce aussi bien "Psychose (1960)" (la perte d'identité, la démence) que "Pas de printemps pour Marnie (1964)" (les leitmotivs visuels du traumatisme, l'amnésie, les pulsions sexuelles refoulées). Si le scénario est la grande faiblesse de ce film en ce qu'il utilise la psychanalyse pour résoudre l'énigme sans la moindre subtilité, le brio de la mise en scène compense largement. Comme dans la plupart de ses autres films, Alfred HITCHCOCK mélange pulsions sexuelles et pulsions meurtrières pour offrir des séquences au suspense insoutenable souvent par le truchement d'un objet à fort pouvoir symbolique. L'exemple le plus évident de cette ambivalence est celui où le faux docteur Edwardes (Gregory PECK) quitte la chambre de Constance (Ingrid BERGMAN) au milieu de la nuit armé d'un rasoir ouvert tenu à hauteur du bassin. Rasoir suspendu comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête du docteur Brulov (Michael CHEKHOV) qui héberge le couple en fuite. Hitchcock joue aussi bien sur l'aspect menaçant que sur l'aspect phallique de l'objet (le fait de dormir à côté d'une femme désirable sans pouvoir la posséder peut se transmuer en pulsion meurtrière). Un second objet, le révolver, lié à un autre personnage masculin frustré, le docteur Murchinson (Leo G. CARROLL) joue exactement le même rôle. Côté féminin, la symbolique est tout aussi riche. Lors de leur première rencontre, Constance est envoûtée d'emblée par le regard du pseudo-Edwardes (éclairé d'une manière suggestive) et dessine à la fourchette sur la nappe une forme qui ressemble à un vagin. Puis lorsqu'elle décide de concrétiser son désir, elle monte un escalier vers une porte fermée sous laquelle dépasse un rai de lumière. Lorsqu'elle ira voir le docteur Murchison pour le démasquer, Alfred HITCHCOCK reprendra significativement la scène à l'identique. Enfin lorsque a lieu le premier baiser, sept portes s'ouvrent les unes derrière les autres jusqu'à libérer le septième ciel d'une blancheur éblouissante (leitmotiv qui ne trouve sa pleine signification qu'à la fin).

"La maison du docteur Edwardes" comporte enfin une séquence expérimentale tout à fait remarquable, celle du rêve dessinée par Dali. Voici ce que Alfred HITCHCOCK disait à propos de cette scène: "Quand nous sommes arrivés aux séquences de rêve, j'ai voulu absolument rompre avec la tradition des rêves de cinéma qui sont habituellement brumeux et confus, avec l'écran qui tremble, etc. J'ai demandé à David O. SELZNICK de s'assurer la collaboration de Salvador Dali. Il a accepté mais je suis convaincu qu'il a pensé que je voulais Dali à cause de la publicité que cela nous ferait. La seule raison était ma volonté d'obtenir des rêves très visuels avec des traits aigus et clairs, dans une image plus claire que celle du film justement. Je voulais Dali à cause de l'aspect aigu de son architecture - Chirico est très semblable - les longues ombres, l'infini des distances, les lignes qui convergent vers la perspective… les visages sans forme…
Naturellement, Dali a inventé des choses assez étranges qu'il n'a pas été possible de réaliser.. J'étais anxieux parce que la production ne voulait pas faire certaines dépenses. J'aurais voulu tourner les rêves de Dali en extérieurs afin que tout soit inondé de lumière et devienne terriblement aigu, mais on m'a refusé cela et j'ai du tourner en studio." Effectivement le producteur n'aimait pas cette séquence (sans doute trop avant-gardiste pour lui) et l'a faite considérablement raccourcir mais le résultat reste impressionnant, encore aujourd'hui.

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Rebecca

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1940)

Rebecca

"Rebecca", le premier film américain d'Alfred HITCHCOCK adapté du roman éponyme de Daphné du Maurier préfigure "Vertigo" (1958) tourné dix-huit ans plus tard. Dans les deux cas, le fantôme d'une morte quasi déifiée revient hanter les lieux vécus de son vivant et entraver le bonheur d'un couple en empêchant la rivale de prendre sa place (sauf à se confondre illusoirement avec elle). Mais la comparaison s'arrête là. "Vertigo" (1958) est une vaste manipulation psychique à plusieurs niveaux (Scottie est manipulé par la fausse Madeleine et son amant puis il manipule Judy en devenant son pygmalion et nous sommes tous manipulés par Hitchcock, le metteur en scène qui s'en donne à cœur joie). Les plus grands manipulateurs de "Rebecca" sont les normes sociales et les individus leurs victimes.

Au premier plan de ce cruel conte gothique à la fois onirique et romantique, il y a le ténébreux Maxim de Winter (Laurence OLIVIER) et la dame de compagnie (Joan FONTAINE) de l'insupportable Mrs Van Hopper (Florence BATES). Même si selon les paroles de la fée des Lilas "un prince et une bergère peuvent s'accorder quelquefois" il s'agit d'une mésalliance aussitôt condamnée par la bonne société pour qui la nouvelle épouse n'a pas l'étoffe d'une grande dame. Le château des Winter, Manderley se referme sur la jeune femme comme une prison dans laquelle la pression sociale devient insupportable. Rebecca, la première femme a ses initiales gravées partout, "occupe" toujours la plus belle chambre du château et revient sans cesse dans les conversations comme un mètre-étalon qu'il est impossible d'égaler. Face à ce fantôme envahissant, omniprésent, qui se nourrit de la dévotion féroce de la gouvernante, Mrs Danvers (Judith ANDERSON) et des silences de Maxim qui est enfermé dans son douloureux secret, la jeune mariée, privée d'identité propre (elle n'a ni nom, ni prénom à elle), naïve, maladroite et totalement ignorante des codes sociaux de l'aristocratie n'arrive pas à trouver sa place ou plutôt à occuper la place qui devrait lui revenir. Et lorsqu'elle y parvient enfin grâce à la libération de la parole de Maxim, cela a un prix, la perte de son innocence.

Mais à l'arrière-plan de ce drame, tel un écho, il s'en joue un autre qui donne toute sa profondeur tragique à ce grand film. Il s'agit de la relation impossible entre Rebecca et Mrs Danvers. Deux personnages au comportement détestable mais qui s'avèrent au final surtout autodestructeurs. Si une relation hétérosexuelle entre un homme riche et une jeune fille pauvre pouvait se concevoir (dans la lignée de "Cendrillon"), l'inverse n'a pas d'équivalent (où est le conte où une jeune fille riche épouse un jeune homme pauvre?) et si en plus on ajoute le facteur supplémentaire de l'orientation sexuelle, on rentre dans l'inconcevable. Pourtant, la visite ultra-érotisée de la chambre de Rebecca ne laisse aucun doute sur l'intensité du désir que Mrs Danvers continue de nourrir à son égard. Un désir qui finira par la consumer, littéralement. Et il apparaît d'autre part que Rebecca qui se jouait des hommes tout en étant incapable d'en aimer un seul était rongée par un cancer.

Ces deux femmes autodestructrices pèsent considérablement sur l'atmosphère de l'histoire car elle tentent d'entraîner dans leur chute Maxim et sa femme. Rebecca a manigancé son suicide de façon à compromettre son mari et à le pousser lui aussi au suicide (la première scène du film montre comment il en réchappe in-extremis). Mrs Danvers quant à elle "travaille au corps" la nouvelle Mrs de Winter pour que, condamnée à échouer dans ses tentatives d'égaler Rebecca, elle finisse par disparaître du paysage.

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