Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Articles avec #thriller tag

La Sirène du Mississipi

Publié le par Rosalie210

François Truffaut (1969)

La Sirène du Mississipi

"La Sirène du Mississipi" est un film injustement sous-estimé de François TRUFFAUT, une déclaration d'amour fou à Catherine DENEUVE, à Alfred HITCHCOCK, à Jean RENOIR, à Nicholas RAY, à Walt DISNEY, à Honoré de Balzac. C'est aussi le film bâti sur des contrastes et sur le mélange des genres. Un film généreux et riche que l'on peut raconter de plein de façons différentes et cet aspect multifacettes me plaît énormément. On pourrait faire un livre des récits superposés ou plutôt entremêlés de "La Sirène du Mississipi". En voici trois, du plus superficiel au plus profond:

- Après "L Homme de Rio" (1963), le nouveau film d'aventures rocambolesques et exotiques de Jean-Paul BELMONDO qu'un destin hors du commun entraîne de l'île de la Réunion jusqu'au fin fond des Alpes enneigées ("tu as tué mon frère à Gstaad" puisque "Rio ne répond plus" ^^).

- "L'Amour à mort" version François TRUFFAUT, quinze ans avant Alain RESNAIS. Entre "Blanche Neige et les 7 Nains" (1935) et sa pomme empoisonnée et "Phantom Thread" (2017) et ses champignons vénéneux, une exploration très hitchcockienne de la réversibilité du désir et de la mort dans la passion amoureuse, un calice qui se boit jusqu'à la lie comme dans "Soupçons" (1941).

- L'éveil douloureux aux sentiments d'une gourgandine droguée à l'argent et au mensonge (sa dualité fait évidemment penser à "Vertigo" d'autant que Catherine DENEUVE est une parfaite blonde hitchcockienne) (1958), éveil qui s'effectue au prix du don de soi du personnage de Louis qui se dépouille peu à peu de tout (ses biens, son être social et ainsi de suite jusqu'au sacrifice de sa vie) sans rien exiger en retour. L'aspect selon moi le plus beau, le plus secret, le plus profond de "La Sirène du Mississipi" est en effet son caractère spirituel qui lui fait tutoyer la grâce à la manière d'un Robert BRESSON, d'un Pier Paolo PASOLINI ou encore d'un Jean COCTEAU. La clinique où est soigné Louis ne s'appelle pas Heurtebise par hasard. Heurtebise est le passeur qui dans le film de Jean COCTEAU, "Orphée" (1950) permet à celui-ci de traverser le miroir pour retrouver Eurydice aux enfers et la ramener dans le monde des vivants.

Voir les commentaires

Satan (The Penalty)

Publié le par Rosalie210

Wallace Worsley (1920)

Satan (The Penalty)

Il y a environ un an, j'ai trouvé par hasard dans une brocante un petit trésor: plusieurs DVD de la collection "Ciné-Club Hollywood" avec Lon CHANEY. Lon CHANEY a été la première grande star transformiste de l'histoire du cinéma. Surnommé "l'homme aux mille visages", il a particulièrement excellé dans les rôles d'exclus de la société souvent affublés d'un handicap ou d'une disgrâce physique: bossu dans "The Hunchback of Notre-Dame" (1922), défiguré dans "Le Fantôme de l'opéra" (1925) manchot dans "L Inconnu" (1927) et ici, cul-de-jatte mutilé à la suite d'une erreur médicale à la manière de celle du jeune héros de "Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte" de Thierry Jonquet. Devenu adulte, l'homme se comporte de façon schizophrène: génie du mal planifiant un plan machiavélique en sous-sol pour piller la ville de San Francisco (certains passages expressionnistes font penser au Docteur Mabuse) et brutal exploiteur de femmes d'un côté, pianiste et critique d'art sensible de l'autre qui se laisse sonder l'âme par ces mêmes femmes qu'il veut à d'autres moments écraser. Outre cette palette de jeu étendue qui suscite des sentiments variés chez le spectateur, on est estomaqué par la prouesse physique de l'acteur qui s'est littéralement plié en deux pour interpréter son rôle. Il souffrait le martyre mais jamais on ne s'en doute tant il se déplace avec aisance comme la petite Sirène qui dans le conte d'Andersen reçoit une paire de jambes la faisant évoluer avec grâce au prix d'une douleur immense. Seul bémol, la fin "morale" referme maladroitement un film qui sans atteindre les sommets de Tod BROWNING capture déjà avec talent le génie d'un acteur unique.

Voir les commentaires

L'Arme fatale 2 (Lethal weapon 2)

Publié le par Rosalie210

Richard Donner (1989)

L'Arme fatale 2 (Lethal weapon 2)

Cette première suite de "l'Arme fatale" est particulièrement savoureuse car elle parvient à se renouveler tout en conservant un équilibre entre humour et action. La réécriture du scénario a fait grincer des dents le scénariste Shane BLACK, partisan d'une version conservant le côté sombre de Martin Riggs mais pour une fois, le parti de la légèreté pris par Richard DONNER et Joel SILVER s'avère payant. Peut-être parce que l'humour distillé dans le film est plutôt intelligent. Il y a d'abord un panel de méchants de choix répondant au contexte de l'époque, celui des dernières années de l'Apartheid en Afrique du sud. Roger Murtaugh (Danny GLOVER) et Martin Riggs (Mel GIBSON) se payent leur tête d'aryens racistes avec une jubilation particulièrement communicative. Ensuite il y a une bonne dose d'autodérision, notamment de la part du personnage de Roger Murtaugh dont les moeurs conservatrices sont mises à rude épreuve. A cela il faut ajouter le grand numéro d'un Joe PESCI complètement azimuté qui vient perturber la dynamique du duo et auquel on s'attache immédiatement. Enfin, il y a cette fin "Eros et Thanatos" qui concentre un peu tous les enjeux et toutes les tensions sous-jacentes du film. Avec la scène des toilettes, elle vient nous rappeler que l'amitié virile (telle qu'on la voit dans "Point Break" (1991), "Top Gun" (1986) ou "Les Valseuses" (1974) par exemple) a toujours une connotation ambigüe, ce qui d'ailleurs fait l'objet d'une réflexion dans "Husbands" (1970) de John CASSAVETES de la part de Harry, le personnage de Ben GAZZARA qui en étreignant ses deux potes après une nuit de beuverie se surnomme "Fairy Harry". Une émotion extrême comme un état d'ivresse conduit à faire sauter les barrières sociales et à laisser paraître une certaine ambivalence que chantait déjà Henry Garat (et que l'on peut entendre dans "On connaît la chanson") (1997): "Avoir un bon copain / Voilà c'qui y a d'meilleur au monde / Oui, car, un bon copain / C'est plus fidèle qu'une blonde" (il y en a une d'ailleurs dans le film jouée par la chanteuse Patsy KENSIT et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle et le fameux "copain" ne peuvent pas cohabiter: boire ou conduire, il faut choisir ^^.)

Voir les commentaires

L'Arme fatale (Lethal Weapon)

Publié le par Rosalie210

Richard Donner (1986)

L'Arme fatale (Lethal Weapon)

"L'Arme fatale" est un jalon-clé de l'histoire du buddy movie, un genre qui trouve sa genèse dans le tandem formé par Stan LAUREL et Oliver HARDY dont la célèbre chanson est la définition même du genre "C'est moi Laurel, c'est toi Hardy, c'est toi le gros et moi le petit, c'est moi Laurel, c'est toi Hardy
Et nous sommes de bons amis. Quand un y va, l'autre le suit, toujours ensemble, toujours unis, on se dispute mais qu'est-ce qu'on rit, nous sommes Laurel et Hardy." Sa variante policière, le "buddy cop movie" explose dans les années 80 et atteint la perfection dans le premier volet de "L'Arme fatale", scénarisé par LE pape américain du genre, Shane BLACK. On y trouve en effet tout ce qui constitue l'ADN du genre: un duo de flics dont les personnalités opposées font des étincelles à l'écran mais qui sont obligés de coopérer face à un ennemi commun, l'épreuve partagée faisant naître une estime réciproque qui grandit au final chacun d'entre eux. Mais "L'Arme fatale" aussi emblématique du genre soit-il ne se réduit pas à cette recette, il a quelque chose en plus. Et ce quelque chose provient du fait que l'un des deux flics, Martin Riggs (joué par un Mel GIBSON plus borderline et charismatique que jamais) est animé de pulsions suicidaires si extrêmes qu'il renverse l'ordre établi partout où il passe. Les truands sont effrayés ou dépassés par cet homme incontrôlable qui ne semble connaître ni la douleur ni la peur, le suicidaire "lambda" apparaît pusillanime face à ce kamikaze et le flic bon père de famille bien plan-plan (Danny GLOVER) voit son "home sweet home" dévasté par la tornade qui s'abat sur lui le soir de noël. Martin Riggs a bien plus en commun avec le truand psychopathe qu'avec le justicier et son duel final contre Mr Joshua (Gary BUSEY) est d'une certaine manière un combat contre la partie la plus obscure de lui-même, Murtaugh étant celui qui le ramène du côté de la vie et de la raison, non sans accepter lui-même d'entrer dans l'arène et de lâcher les monstres. En témoigne l'état final de sa maison, l'attirance dangereuse de sa fille aînée pour les bad boys ou encore la violence extrême à laquelle ils sont tous deux confrontés ainsi que l'alignement final avec son partenaire. Le film bien que ne lésinant pas sur l'humour est en effet plus violent et dérangeant que la norme avec par ailleurs des scènes d'action remarquablement mises en scène notamment celle qui se déroule dans le désert.

Voir les commentaires

Lost Highway

Publié le par Rosalie210

David Lynch (1996)

Lost Highway

Si David LYNCH était une couleur, il serait le bleu, si David Lynch était un nombre il serait le deux, si David Lynch était un jeu, il serait le puzzle et s'il était une instance psychique, il serait l'inconscient. Ses romans préférés seraient "Alice de l'autre côté du miroir" et "Le Magicien d'Oz" et sa phrase poétique en prose fétiche, "Je est un autre". "Lost Highway" est ainsi le jumeau de "Mulholland Drive" (2001), un thriller sous acide faisant éclater l'unité de la personnalité et restituant donc un récit fragmenté par l'image, le rêve, la folie schizophrène, la brune et la blonde, le négatif et le positif. Le récit y est lui-même double comme l'est la route de briques jaunes délimitant deux rubans de bitume parfaitement symétriques parcourus en nocturne à toute vitesse en caméra subjective à la façon d'un trip hallucinogène. Fred Madison (Bill PULLMAN) un saxophoniste est "habité" par un homme mystérieux (Robert BLAKE) qui hante ses cauchemars, sorte d'être maléfique tapi dans l'ombre ne jaillissant dans la lumière que pour aider Fred à assouvir ses pulsions criminelles et voyeuristes (celles-ci sont filmées ce qui fait penser à "Le Voyeur") (1960). De l'autre côté du miroir, un récit parallèle se déroule dans lequel Fred devient Pete Dayton, garagiste (Balthazar GETTY). La femme qu'il rêve de posséder (Patricia ARQUETTE) change seulement de prénom et de couleur de cheveux (dans le récit en miroir, elle s'appelle Alice, comme quoi même chez Lynch il y a de la logique ^^) alors que le rival de Fred (Robert LOGGIA), homme d'affaires louche trempant notamment dans le business du sexe se contente de changer de nom (Dick Laurent devenant Mr Eddy). Pris isolément, chacun de ses récits constitue une intrigue de film noir dont on trouve également les fondamentaux dans "Blue Velvet (1985) mais c'est leur mise en relation et les accès de folie de Fred transformés en une réflexion méta (le personnage mystérieux avec sa caméra au poing est aussi un double du réalisateur) qui déroute et fascine. Mieux vaut rester dans son sillage le long de la route de briques jaunes...

Voir les commentaires

En quatrième vitesse (Kiss Me Deadly)

Publié le par Rosalie210

Robert Aldrich (1954)

En quatrième vitesse (Kiss Me Deadly)

La scène introductive de "En quatrième vitesse", très accrocheuse (et qui a donné des idées à David LYNCH, décidément très influencé par Robert ALDRICH) met en scène une femme en panique jaillissant des ténèbres et courant sur la route, nue sous son imperméable avant de se jeter presque sous les roues du premier véhicule qui passe, lequel est fortuitement conduit par le détective Mike Hammer. Popularisé par la série des années 80 avec Stacy KEACH, celui-ci a pourtant été inventé à la fin des années 40. Il est donc le contemporain de Sam Spade et Philip Marlowe. Mais le film se déroulant dans les années 50, c'est plutôt au genre fantastique que l'on pense avec ce thriller cauchemardesque sur fond de guerre froide. Une personne seule, de nuit, sur la route essayant d'arrêter les voitures, ça rappelle par exemple "L Invasion des profanateurs de sépultures" (1956)" qui rivalise en inhumanité avec l'empilement des cadavres de "En quatrième vitesse" et la galerie de tueurs et de tortionnaires rencontrés. Mais c'est surtout le macguffin après lequel tout le monde court qui le rattache bien plus à "Docteur Folamour" (1963)" qu'à "Le Faucon maltais" (1941)". Quentin TARANTINO y fait directement allusion avec la valise de "Pulp Fiction" (1994) mais son effet destructeur est comparable à l'ouverture de l'arche d'alliance dans "Les Aventuriers de l arche perdue" (1980). Plus qu'à la mythologie avec la boîte de Pandore, c'est dans la bible en effet qu'il faut aller chercher la mystérieuse baraka de Mike Hammer, lui qui aurait dû mourir dans sa voiture mais est ressuscité au bout de trois jours et devient à peu près invulnérable par la suite, résistant aux balles, aux piqûres et même aux radiations. Dommage que le personnage soit si cro-magnonesque et son interprète, si peu expressif sans parler du caractère alambiqué de l'intrigue que le brio de la mise en scène, du découpage et du montage (qui par son côté heurté a inspiré celui de "À bout de souffle") (1959)" ne pallie pas tout à fait.

Voir les commentaires

Le Passé (Gozashte)

Publié le par Rosalie210

Asghar Farhadi (2012)

Le Passé (Gozashte)

Contrairement à Hirokazu KORE-EDA qui a perdu son identité en tournant à Paris "La Vérité" (2019), bel objet de prestige parfaitement creux, Asghar FARHADI a réussi à transplanter son univers dans le terreau français pour son premier film tourné hors d'Iran. Il faut dire que contrairement à son homologue japonais qui n'a fait tourner que des stars occidentales dans un cadre fermé et huppé, le film de Farhadi est multiculturel, brassant des acteurs venus d'horizons variés, donnant l'un des rôles principaux, celui d'Ahmad à un acteur iranien (Ali MOSAFFA) et montrant des personnages issus de la classe moyenne dans leur pavillon de banlieue en cours de rafraîchissement comme dans la banalité de leur travail. C'est d'ailleurs davantage cet ancrage réaliste qui m'a touché de prime abord que le thème principal du film à savoir le poids du passé sur le présent et donc la difficulté à tourner la page et à aller de l'avant. Mais grâce à la qualité d'écriture et à l'impeccable direction d'acteurs, on accroche à l'histoire de cette famille recomposée aux rapports conflictuels mais également prise dans les non-dits avec des rebondissements dignes d'un thriller qui nous tiennent en haleine du début à la fin. Les personnages parviennent à exister, non seulement le trio principal, Marie (Bérénice BEJO), Ahmad son ex-mari et Samir (Tahar RAHIM) son nouveau compagnon mais aussi les enfants, notamment Lucie et Fouad et Naïma (Sabrina OUAZANI) l'employée de Samir. Leurs motivations sont suffisamment complexes et développées pour éviter l'écueil du jugement facile. La scène finale qui fait écho à celle qui ouvre le film complète le panorama de la tragédie ordinaire de l'incommunicabilité entre individus qui s'aiment.

Voir les commentaires

Qu'est-il arrivé à Baby Jane? (What Ever Happened to Baby Jane ?

Publié le par Rosalie210

Robert Aldrich (1962)

Qu'est-il arrivé à Baby Jane? (What Ever Happened to Baby Jane ?

"Qu'est-il arrivé à Baby Jane?" est une histoire de stars déchues ravalées au rang de monstres de foire. Entre Blanche dont la carrière d'actrice s'est arrêtée net avec la fracture de sa colonne vertébrale, sa soeur Jane dont le développement a cessé brusquement lorsqu'elle a perdu son statut d'enfant-star et l'adipeux pianiste Edwin sous l'emprise d'une mère possessive, on nage entre "Freaks - La monstrueuse parade" (1931), "Psychose" (1960) pour l'affrontement des deux soeurs à huis-clos et "Boulevard du crépuscule" (1950), Gloria SWANSON étant remplacée par une Bette DAVIS quinquagénaire ayant gardé sa tenue et son maquillage de poupée, lequel, horriblement décrépi fait penser à celui du joker de Heath LEDGER. L'aspect pathétiquement clownesque de Jane renvoie à sa folie intérieure, laquelle s'exprime avec un mélange d'infantilisme grotesque et de sadisme faisant d'elle la tortionnaire de sa soeur qui connaît une déchéance inexorable. Le film est en effet une réflexion sur le vedettariat à l'américaine reposant sur une image fabriquée de toute pièce qui lorsqu'elle se brise libère les démons à la manière de l'expressionnisme allemand auquel on pense beaucoup en regardant le film. Afin de rendre le miroir plus efficace, Robert ALDRICH a réuni à l'écran deux "monstres sacrés" de l'âge d'or hollywoodien, rivales mais à la carrière déclinante, Bette DAVIS et Joan CRAWFORD dont les visages vieillis voire déformés par la haine ou la folie reflètent les aspects les plus sordides du mirage hollywoodien. Nul doute que ce film a eu des échos jusqu'à nos jours, que ce soit dans la réalité (le sort peu enviable d'ex-enfants stars comme Macaulay CULKIN) ou dans le cinéma ("Mulholland Drive" (2001) de David LYNCH explore lui aussi la part d'ombre et de lumière du rêve hollywoodien au travers de deux actrices rivales et fusionnelles dont l'une est aussi blonde que Bette Davis et l'autre, aussi brune de Joan Crawford).

Voir les commentaires

Il était une fois (A Woman's face)

Publié le par Rosalie210

George Cukor (1941)

Il était une fois (A Woman's face)

Réalisé juste après "Indiscrétions" (1940), "Il était une fois" (on se demande d'où vient ce titre absurde en VF, "A Woman s Face" (1941) le titre en VO est beaucoup plus parlant) est un film méconnu qu'il est intéressant de redécouvrir. Remake de "Visage de femme" (1938), film suédois réalisé trois ans auparavant avec Ingrid BERGMAN, "A Woman's face" appartient au genre du mélodrame mais ce n'est pas un mélodrame classique. Je soupçonne d'ailleurs son oubli relatif d'être lié à son caractère hybride. Il emprunte en effet des éléments au film noir, au film de procès et même au film d'épouvante de par notamment ses nombreuses allusions à Frankenstein. Exceptionnel directeur d'actrices hollywoodiennes, George CUKOR offre dans ce film un grand rôle à Joan CRAWFORD dont la carrière commençait à montrer des signes d'essoufflement. Celle-ci joue en effet dans le film le rôle d'une femme partiellement défigurée dont le visage est ensuite reconstruit par un chirurgien esthétique ce qui préfigure nombre de films sur le sujet, de "Les Yeux sans visage" (1960) à "Fedora" (1978). Le caractère méta (volontaire ou non) du film saute tout de suite aux yeux. Le glamour hollywoodien reposait en effet, du moins en partie sur la photogénie des visages de ses stars. "Il était une fois" ose donc briser son icône, au propre comme au figuré puisque l'amertume liée à sa difformité pousse Anna dans les bras du mal, d'abord en jouant les corbeaux puis en tombant dans les bras de Torsten Barring joué par Conrad VEIDT (le futur nazi de "Casablanca" (1942), les méchants dans le cinéma hollywoodien étant allemands ou russe c'est bien connu) qui lui propose un pacte diabolique. Bien évidemment, dans l'optique d'un manichéisme américain s'inscrivant sur le visage dont on a vu une manifestation éclatante dans le personnage de Harvey Dent alias Double Face issu de l'univers Batman, Anna possède aussi un côté lumineux que va mettre au jour le docteur Gustaf Segert (Melvyn DOUGLAS vu aussi chez Ernst LUBITSCH) qui de son propre aveu joue à Pygmalion... et au docteur Frankenstein. Cependant, sa situation de couple laissant à désirer avec son épouse volage et écervelée qui ne lui convient pas du tout, il se sent attirée par sa créature et devient logiquement le grand rival de Torsten Barring. Là-dessus, George Cukor orchestre des séquences de thriller à haut suspense moral (le téléphérique et la course-poursuite en traîneau) qui n'ont rien à envier à celles de Alfred HITCHCOCK, le tout étant raconté sous forme de flashbacks lors du déroulement du procès d'Anna qui a pour but de trancher entre le côté lumineux et le côté sombre du personnage.

Voir les commentaires

Un condamné à mort s'est échappé

Publié le par Rosalie210

Robert Bresson (1956)

Un condamné à mort s'est échappé

Je ne sais pas si "Un condamné à mort s'est échappé" est comme je l'ai lu le film le plus abordable de Robert BRESSON, les programmateurs du dispositif "Lycéens au cinéma" lui avaient préféré "Pickpocket" (1959). Mais ces deux films ont pas mal en commun, en particulier le fait de transcender le genre dans lequel ils s'inscrivent (le film d'évasion et le polar) sans pour autant le dénaturer. Dans son style caractéristique, dépouillé, elliptique, introspectif Robert BRESSON décrit un cheminement qui est autant temporel que spirituel. L'économie de mots et la précision des gestes se justifie ici par le contexte carcéral qui fait que chaque mouvement mal calculé peut être fatal. Derrière son apparente abstraction, il s'agit d'un cinéma très sensoriel (que l'on pense au rôle des mains filmées en gros plan et du toucher dans "Pickpocket" comme dans "Un condamné à mort s'est échappé" ou à l'importance des sons dans la prison où le lieutenant Fontaine est enfermé) mais cette sensorialité est toujours en relation avec quelque chose qui relève de l'invisible (dans "Un condamné à mort s'est échappé", c'est la chance qui en étant du côté du lieutenant favorise son évasion mais aussi la rencontre avec des guides spirituels emprisonnés comme lui tels qu'un pasteur et un abbé). Tiré d'une histoire vraie ayant eu lieu en 1943 dont on connaît l'issue dès le départ, le film nous fait partager l'intimité d'un homme (et notamment sa voix intérieure) que sa force de caractère, sa patience, son ingéniosité, sa minutie et sa détermination empêche de sombrer dans le désespoir. On partage également ses moments de doute, notamment face à l'arrivée d'un jeune co-détenu au visage d'ange mais aux habits pas nets dont il ne sait s'il constitue une entrave de plus ou au contraire un allié. Il doit donc faire un choix risqué sans savoir avant de l'avoir éprouvé s''il est le bon, un de plus qui démontre que même physiquement privé de liberté, l'homme conserve son libre-arbitre. Le sous-titre du film, "Le vent souffle où il veut" (parole de Jésus à Nicodème) est de ce point de vue éloquent.

Voir les commentaires

<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 20 30 40 > >>