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Articles avec #abbasi (ali) tag

The Apprentice

Publié le par Rosalie210

Ali Abbasi (2024)

The Apprentice

Voilà un biopic passionnant et d'utilité publique! Moins qu'un biopic, il s'agit d'un terrifiant récit d'apprentissage, celui d'un jeune homme sans personnalité qui sous la houlette d'un mentor méphistophélique va finir par dépasser le maître. Le jeune homme sans personnalité, c'est Donald Trump dans les années 70, l'héritier un peu terne d'un promoteur immobilier du Queens, lequel est en délicatesse avec la Justice. Motif? Discrimination raciale au logement. Donald fréquente les night-clubs huppés de New-York afin de dénicher la perle rare qui saura tirer son père (et lui-même) de ce mauvais pas. Il le trouve en la personne de l'avocat véreux Roy Cohn, ex bras droit de Joseph McCarthy, artisan de l'exécution des époux Rosenberg. Un serpent venimeux qui va le prendre sous son aile et lui enseigner l'art cynique de la "gagne" à tout prix soit la base du trumpisme: attaquer, nier, ne jamais s'avouer vaincu. Quant aux méthodes de Roy Cohn pour obtenir gain de cause, elles se résument à corrompre, faire chanter ou traîner en justice. Des méthodes de voyou et de mafieux. Avec un tel maître, Trump gagne effectivement à tous les coups et peut bâtir son empire immobilier véreux. Plus son ascension s'accélère, plus l'homme se déshumanise, y compris avec ses proches, plus son apparence se dégrade vers celle qui est la sienne aujourd'hui. Bref, on assiste à la naissance d'un monstre qui finit même par lâcher son mentor dès que celui-ci commence à montrer des signes de maladie. Car si le film n'est jamais explicite, il laisse entrevoir l'origine de la fascination de Roy Cohn pour Trump. Ceux qui connaissent la mini-série "Angels in America" (2003) se souviennent de Roy Cohn (interprété par Al PACINO) dire "Je suis un hétéro qui se tape des mecs". Donald Trump, c'est le mâle alpha WASP que Roy Cohn a toujours rêvé d'être, lui le juif homosexuel antisémite et homophobe. C'est sa haine de lui-même qui a poussé Roy Cohn dans les bras de Donald Trump jusqu'à ce que celui-ci ne le renvoie dans la catégorie des pestiférés. La scène où il fait désinfecter tout ce que Roy Cohn a pu toucher dans sa demeure fait penser aux propos de Jean-Marie Le Pen dans les années 80 sur les "sidaïques" qu'il fallait enfermer en "sanatorium" parce qu'ils pouvaient soi-disant contaminer par simple contact. Au cas où on ne se souviendrait pas que la désinformation est l'une des mamelles à laquelle s'abreuvent les populistes. Dans les rôles principaux, Sebastian STAN est tout à fait convaincant et Jeremy STRONG est saisissant.

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Les nuits de Mashhad (Holy Spider)

Publié le par Rosalie210

Ali Abbasi (2022)

Les nuits de Mashhad (Holy Spider)

Les nuits de Mashhad est le troisième long-métrage du réalisateur irano-danois Ali Abbasi. Il repose sur des faits réels à savoir le parcours d'un tueur en série ayant assassiné 16 prostituées entre 2000 et 2001 dans la ville sainte de Mashhad, deuxième ville la plus peuplée d'Iran (bien que pour des raisons évidentes, le tournage ait eu lieu en Jordanie). La réalisation, très classique repose sur un montage parallèle visant à nous faire prendre conscience des dysfonctionnements de la société iranienne. D'un côté Saeed Haneei (Mehdi Bajestani), un maçon, bon père de famille très croyant et ancien combattant de surcroît (de la guerre Iran-Irak) qui se transforme la nuit en nettoyeur, persuadé de mener une mission divine alors que les autorités ne lèvent pas le petit doigt pour l'arrêter. De l'autre, Rahimi, une journaliste (Zar Amir Ebrahimi, prix d'interprétation féminine au festival de Cannes 2022) enquêtant sur les faits avec pugnacité mais à qui ces mêmes autorités ne cessent de mettre des bâtons dans les roues. Par la suite, la confusion entre le bien et le mal s'accentue encore quand au moment de son procès, Saeed Haneei est acclamé par une partie de la population qui le considère comme un justicier et réclame sa libération. Bénéficiant de complicités jusqu'au sein de la prison où il est enfermé, celui-ci continue donc à penser qu'il est intouchable alors que Rahimi, elle, paraît bien seule dans cette société machiste. Même si elle développe une relation d'estime avec son collègue journaliste, c'est elle qui s'expose et s'exposer en Iran quand on est une femme peut être mortel.

Même si le ton est parfois trop appuyé, le film dresse un portrait saisissant de l'hypocrisie voire de la schizophrénie de tout un pays obsédé par la pureté des moeurs (ou du moins sa façade sociale) au point d'ériger en héros un assassin qui lui-même justifie ses crimes par la religion alors que le film montre frontalement l'ivresse de la toute-puissance et la jouissance sexuelle qu'il en tire. C'est d'ailleurs ce qui finit par lui valoir les foudres d'autorités qui après l'avoir longtemps laissé courir comprennent qu'elles risquent d'être débordées par le désordre qu'il déchaîne sur son passage. Quant aux prostituées, elles représentent évidemment la poussière sous le tapis, métaphore illustrée littéralement par les méthodes du tueur, retranscrites de façon clinique et prêtes à être reproduites à la génération suivante qui n'en perd pas une miette. Rahimi, personnage fictif dérange cet ordre des choses: ni soumise, ni diminuée par la drogue, sa voix ne peut être étouffée en dépit des intimidations dont elle fait l'objet. On comprend le symbole du prix d'interprétation à une actrice obligée de s'exiler en France à la suite d'une affaire de "revenge porn" l'ayant brutalement privée de carrière en Iran.

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