Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Dumb Money

Publié le par Rosalie210

Craig Gillespie (2023)

Dumb Money

"Dumb money" est basé sur une histoire vraie, l'affaire GameStop survenue en 2021 et qui avait affolé les marchés boursiers. En pleine période du covid, la bourse américaine s'est ouverte aux petits investisseurs en leur permettant d'acheter ou de revendre des actions à l'aide d'une application nommée "Robinhood" (rien que ce titre en dit long) qui ne prélève pas de commission. Un analyste financier au look de pirate du web, Keith Gill également surnommé Roaring Kitty et DeepFuckingValue a alors misé sur les actions de la maison-mère de Micromania alias la chaîne de magasins de jeux vidéos GameStop pour contrarier les manoeuvres d'un fond spéculatif américain qui pariait sur la baisse des actions de l'enseigne. Grâce à son forum spécialisé sur les réseaux sociaux, il a réussi à entraîner ses followers à en faire de même, faisant flamber temporairement le cours des actions de GameStop et enrichissant les pauvres tout en dégarnissant les riches. Bref l'éternelle histoire du pot de terre contre le pot de fer ou de David contre Goliath. Une sorte d'écho lointain de l'appel lancé par Eric Cantona en 2010 à faire la révolution en retirant l'argent des banques pour que le système s'écroule. Bien qu'aux USA, l'idée ne soit pas de détruire le système capitaliste mais de remettre sur le devant de la scène le rêve américain dans toute sa splendeur (réussite à partir de rien, liberté d'entreprendre etc.)

Le film de Craig GILLESPIE (réalisateur de "Moi, Tonya") (2017) essaye de transformer l'aridité de l'histoire en comédie satirique enlevée. Il n'y parvient pas tout à fait. Entre le jargon financier indigeste que le spectateur doit avaler sans aucune pédagogie et un style visuel frénétique qui donne mal à la tête et m'a rappelé "Don't look up : Deni cosmique" (2021), on est tout de même assez souvent largué et essoré. Pas tout à fait quand même. Les grandes lignes de l'intrigue du combat des petits contre les gros sont universelles et Paul DANO dans le rôle de Keith Gill excelle à jouer les leaders charismatiques d'opposition au système.

Voir les commentaires

Oh, oh, oh, jolie tournée!

Publié le par Rosalie210

Jacques Rozier (1984)

Oh, oh, oh, jolie tournée!

Un OVNI que ce documentaire de Jacques ROZIER de qualité VHS et pollué par un timecode apparent qui aussi incroyable que cela paraisse raconte en fait la genèse improbable sinon de la totalité de "Maine Ocean" (1986), du moins celle de la séquence "Le roi de la samba". Pourtant à priori, on est très loin de l'univers du cinéma. Le documentaire nous plonge en effet au coeur de la tournée du "Podium-Europe 1" de l'année 1984. Présentés par Michel Drucker, la série de concerts ressemble à une déclinaison "vacances à la mer" de son émission "Champs-Elysées". Au menu, Linda de Suza, Claude Barzotti et Bernard MENEZ avec son tube "Jolie Poupée" qui cartonnait alors dans les hit-parades. Or sans être aussi schizophrène que Takeshi KITANO (qui avant sa consécration à Venise comme grand cinéaste était aux yeux des japonais un humoriste de télévision) Bernard MENEZ était déjà en 1984 l'un des interprètes fétiches de Jacques ROZIER. "Du cote d'Orouet" (1971) qui avait lancé sa carrière lui avait d'ailleurs ouvert les portes de la nouvelle vague puisque deux ans plus tard, il figurait à l'affiche de "La Nuit americaine" (1973) de Francois TRUFFAUT (ce qui ne l'avait pas empêché de jouer aussi dans des comédies populaires). C'est donc pour les beaux yeux de Bernard MENEZ que Jacques ROZIER tourne le documentaire "Oh oh oh jolie tournée". L'acteur-chanteur est en effet de presque tous les plans et quand il ne chante pas sur scène, Jacques ROZIER le suit partout: à l'hôtel, en séances de dédicaces, dans la maison de vacances de Michel Drucker (à propos de ce dernier, il fait une remarque amusante, se demandant dans quelles vitamines il puise son énergie). L'air de rien, Jacques ROZIER capte donc l'air d'un temps révolu où les émissions, chansons et stars de variétés étaient reines, montre sa fascination pour le monde de la télévision et des vacances à la mer et fait le portrait d'un homme qui pourrait être le voisin de palier, en décalage par rapport au cirque qui l'entoure*. Un cirque auquel participe en toile de fond une troupe de danseurs brésiliens (dont Rosa-Maria GOMES, future Dejanira de "Maine Ocean") (1986) que Jacques ROZIER filme dans les coulisses se moquant de Bernard MENEZ chantant sur scène avec une danseuse blanche comme deux faces de la même médaille. Lorsqu'ils sont réunis sous la caméra de Jacques ROZIER après le spectacle, Bernard MENEZ dit "Le Brésil et moi, on était fait pour s'entendre". C'est sur ce malentendu que le cinéaste va construire"Maine Ocean" (1986).

* Pour reprendre les propos de l'émission que France Culture lui a consacré, "Souvent dans le cinéma, on lui reproche les succès du théâtre Michel et de la chanson populaire. Les êtres avec physique d’homme en vacances et lumière de 30 juin, ça fait des jaloux. Bernard Menez aime raconter la dernière scène du film de Jacques Rozier, Maine Océan : un contrôleur des trains qui veut changer de vie. Bernard Menez a changé de métiers mille fois, il a le physique d’un homme en vacances, c’est-à-dire un homme disponible à rêver et à changer- lui qui a aussi eu envie de faire bouger les lignes en politique. Bernard Menez donne envie de repenser nos physiques d’hommes et de femmes pressés, nos physiques de l’année, nos physiques de septembre pour en faire des physiques de juillet".

Voir les commentaires

Le Grand Détournement-La Classe américaine

Publié le par Rosalie210

Michel Hazanavicius et Dominique Mézerette (1993)

Le Grand Détournement-La Classe américaine

C'est dans le cadre d'une intervention consacrée à la carrière de Michel HAZANAVICIUS que j'ai découvert ses débuts à Canal plus dans "Les Nuls, l'émission" (l'homme que la caméra suivait de dos lors du générique de début, c'était lui!) Il y pratiquait déjà le détournement d'images préexistantes pour "Le Faux journal". Il a ensuite toujours pour Canal plus au début des années 90 réalisé une trilogie intitulée "Le Grand détournement". Celle-ci se composait de deux courts-métrages, "Derrick contre Superman" (1992) et "Ca détourne" et d'un long-métrage, "La Classe américaine" devenu depuis un film culte. Il s'agit en effet d'un authentique exploit: créer un film inédit à partir d'images d'archives piochées dans les films du catalogue Warner réalisés entre 1952 et 1980, le tout doublé par les voix françaises habituelles des principaux acteurs du studio, tous de grands noms du cinéma hollywoodien (John WAYNE, Burt LANCASTER, Paul NEWMAN, Henry FONDA, James STEWART, Robert REDFORD, Dean MARTIN, Dustin HOFFMAN etc.). Il faut dire que le film était à l'origine programmé pour fêter les cent ans du cinéma et les soixante-dix ans de la Warner qui avait autorisé Canal plus à utiliser les extraits de son catalogue. Néanmoins le résultat plutôt subversif n'a pas plu au studio qui n'a autorisé qu'une seule diffusion. Mais des copies ont aussitôt circulé sous le manteau, des projections ont eu lieu lors d'événements ponctuels et l'avènement d'internet a permis une diffusion plus large. Preuve de son succès, le film a été depuis restauré et ses dialogues, publiés en 2020 dans une édition pastiche des Classiques Larousse.

Que dire du film sinon que c'est soixante-dix minutes de bonheur cinéphile absolu? A partir de la trame de "Citizen Kane" (1940) revue et corrigée par leurs soins, Michel HAZANAVICIUS et Dominique MEZERETTE signent une oeuvre hilarante, au fort caractère méta (l'apparition de Orson WELLES hurlant au plagiat est un must!) où le jeu avec le spectateur est permanent. Par exemple on voit pas moins de quatre fois la scène de "Les Hommes du President" (1976) durant laquelle Robert REDFORD et Dustin HOFFMAN courent pour parler à leur boss joué par Jason ROBARDS qui s'apprête à prendre l'ascenseur, à chaque fois avec des lignes de dialogues différentes mais toujours parfaitement ajustées. Le film de Alan J. PAKULA est le fil rouge du récit puisque les journalistes (auxquels vient se rajouter Paul NEWMAN) enquêtent dans la version détournée sur la dernière phrase d'un défunt qui n'est autre que George Abitbol alias John WAYNE alias "l'homme le plus classe du monde". L'art du découpage et du montage, celui des dialogues (même complètement loufoques, ils sont écrits au cordeau) et enfin celui du doublage créé une illusion parfaite tout en se délectant de mettre en avant ce qui était interdit dans les films originaux, la majorité ayant été tournés sous le code Hays. L'homosexualité par exemple se taille la part du lion et ce d'autant plus que "La Classe américaine" en tant que mashup fait ressortir combien le cinéma hollywoodien laissait peu de place aux femmes. Deux seulement se fraient un chemin dans la version détournée: Angie DICKINSON et Lauren BACALL. On a donc un univers viril, magnifié notamment par le western et où parfois il n'en faut vraiment pas beaucoup pour qu'on y croit: Henry FONDA et James STEWART dans "Attaque au Cheyenne Club" (1970) peuvent par exemple tout à fait incarner les cow-boys vivant dans un ranch évoqués dans "Le Secret de Brokeback Mountain" (2005) et tout récemment dans "Strange way of life" (2023).

Voir les commentaires

La Fiancée du poète

Publié le par Rosalie210

Yolande Moreau (2023)

La Fiancée du poète

Je suis allé voir "La Fiancée du poète" pour sa formidable brochette d'acteurs et de ce point de vue, je n'ai pas été déçue: chacun apporte son petit grain de folie à l'ensemble. Cerise sur le gâteau, la présence de William SHELLER (je suis "fière et folle de lui") pour son premier rôle au cinéma dans le rôle d'un curé "pas très catholique" (mais 100% ABBA pour l'une des scènes les plus drôles du film). Mais pourquoi a-t-il attendu si tard pour se lancer, son plaisir à jouer est évident depuis si longtemps!* D'une certaine manière, il illustre parfaitement la devise du troisième film de Yolande MOREAU, "mieux vaut tard que jamais". L'autre aspect que j'ai beaucoup aimé dans le film, c'est son atmosphère bohème et bucolique. Avec ses artistes ne se prenant pas au sérieux (une femme de lettres cantinière, un peintre copiste, un musicien folk bidon, un plombier qui a usurpé l'identité d'un poète, un jardinier "as de la tulipe" etc.) et son cadre enchanteur de château décrépi au bord de la Meuse, j'ai eu plusieurs fois l'impression d'être transportée au temps des impressionnistes et la fin où ce petit monde prend le large sur une péniche m'a rappelé le final de "Si loin, si proche!" (1993) de Wim WENDERS qui racontait aussi une histoire de famille d'élection entre ciel et terre.

Néanmoins le film souffre aussi de défauts, à commencer par son rythme bancal, et son histoire, si peu vraisemblable. Je pense en particulier au retour inopiné du grand amour perdu de Mireille (Yolande MOREAU) et au fait qu'après une présentation réaliste, les personnages n'existent plus qu'en fonction de leur hôtesse et de son monde décalé. Pourquoi pas mais la mise en scène met tout sur le même plan alors qu'il y a un basculement dans une dimension surréaliste qui n'est pas assez souligné. L'animation du cerf de pierre qui symbolise la renaissance de Mireille était une excellente idée tout comme la séquence "film muet", il aurait fallu les multiplier et faire monter la mayonnaise.

* Je pense notamment au clip "Excalibur" où William SHELLER joue un double de Erich von STROHEIM!

Voir les commentaires

Le Règne animal

Publié le par Rosalie210

Thomas Cailley 

Le Règne animal

"Le film de Thomas CAILLEY bouscule le cinéma français": c'est le moins que l'on puisse dire! Car même en connaissant vaguement le synopsis, jamais je n'aurais pensé qu'un jour, un cinéaste français allait réaliser en prises de vues réelle un film aussi proche de ce que j'ai pu voir et ressentir devant les plus grands films d'animation japonais pour lesquels la métamorphose, particulièrement celle de l'adolescence n'a aucun secret. Alors, bien sûr que l'on pense à Hayao MIYAZAKI qui dans toute son oeuvre a analysé la relation entre l'homme et la nature. On pense tout particulièrement à "Princesse Mononoke" (1997) parce que l'histoire se déroule dans une grande forêt peuplée d'esprits en lutte contre une micro-société humaine et que par-delà tout manichéisme, la question que pose "Le Règne animal" est fondamentalement la même: comment cohabiter? Mais il y a un film qui ressemble encore plus à "Le Règne animal", c'est "Les Enfants Loups : Ame & Yuki" (2012) de Mamoru HOSODA. Le film raconte l'histoire d'amour clandestine entre une jeune femme et un homme-loup qui disparaît rapidement et la nécessité pour elle par la suite de partir à la campagne, près de la forêt afin d'élever leurs enfants, tous deux hybrides et qui en grandissant doivent choisir entre la condition d'homme et celle de loup. Dans "Le Règne animal", c'est le père, François (Romain DURIS) qui est humain et sa femme, Lana qui s'est transformée, comme d'autres humains, en créature hybride que la société, dépassée, ne sait gérer que par la violence et la camisole chimique. Le film montre de manière frappante ce que le géographe François Terrasson appelait "L'Apartheid de la nature" c'est à dire la séparation totale entre la société humaine et la forêt avec une frontière hérissée de barrières entre deux mondes étanches qui ne communiquent pas. Le seul qui y parvient est Emile (Paul KIRCHER), le fils de François et de Lana parce que c'est un adolescent en pleine transformation et que celle-ci emprunte le chemin de l'hybridation. C'est lui que l'on suit et qui nous permet de basculer dans l'autre monde, peuplé de créatures fantastiques plus vraies que nature et plus humaines que les humains. Il y a Fix (Tom MERCIER), l'homme-oiseau qui fait penser à une gueule cassée et a bien du mal à prendre son envol. Il y a aussi la petite créature qui le suit partout et qui à l'approche de la menace humaine adopte le camouflage du caméléon. Il y a enfin la mère, Lana que Emile ne peut retrouver qu'en liberté. Les effets spéciaux, eux-mêmes hybrides sont une réussite ainsi que la conception des créatures (élaborées avec l'aide de l'auteur de BD, Frederik Peeters qui est un disciple de Moebius lui-même grand fan de Miyazaki). Le fait d'avoir tourné en décors naturels est également un élément clé de la réussite du film. Jamais la forêt des Landes (pourtant à l'origine une plantation d'arbres 100% d'origine humaine!) n'a paru aussi mystérieuse, ni aussi "naturelle". Et la scène de chasse à "l'homme-animal" en nocturne dans les champs de maïs avec des hommes à échasses est particulièrement puissante. Les quelques scories du film (Adele EXARCHOPOULOS dans un rôle qui sonne faux et qui est inutile par exemple) n'enlèvent rien à la beauté, la force d'évocation du film et à la richesse des réflexions qu'il suscite.

Voir les commentaires

Flo

Publié le par Rosalie210

Géraldine Danon (2023)

Flo

Un portrait de femme combattif et libre, vraiment? Au vu de l'affiche, j'espérais une sorte d'épopée montrant les démêlés de la navigatrice Florence Arthaud (dont le film propose une biographie romancée) avec le monde de la mer et des marins et je trouve qu'on en voit bien trop peu. Il y a d'ailleurs des questions que je me suis posé et auxquelles le film n'apporte aucune réponse comme de savoir par exemple comment elle a acquis et amélioré son savoir et sa technique, comment elle a obtenu son premier bateau pour faire la route du Rhum etc. Au lieu de quoi, le film raconte de façon ultra répétitive des anecdotes sur ses frasques diverses et variées (alcool, fête, accidents, aventures) qui ne lui donnent aucune envergure. Alors qu'il y avait de quoi faire un portrait puissant à la "All is lost" (2013) d'une "dompteuse d'océans" ou bien un roman d'apprentissage au féminin, le scénario est d'une désespérante platitude. Visiblement, la peur de perdre le grand public avec un développement trop pointu du monde des marins conduit à la superficialité malgré quelques beaux passages (la route qu'elle a gagné et la fin). L'actrice principale (Stephane CAILLARD) est bluffante dans le rôle et il y a de belles images mais ce que le public risque de retenir, c'est moins ses exploits que sa liaison animale avec un Olivier de Kersauson "plus macho tu meurs". Pfff...

Voir les commentaires

Les Baleines ne savent pas nager

Publié le par Rosalie210

Matthieu Ruyssen (2020)

Les Baleines ne savent pas nager

Monteur professionnel dans différents secteurs (courts-métrages, clips, séries), Matthieu RUYSSEN est passé à l'écriture et à la réalisation avec "Les Baleines ne savent pas nager" en 2020, son premier court-métrage. Situé entre "Naissance des pieuvres" (2007) et "Le Grand bain" (2017). La similitude avec le film de Gilles LELLOUCHE est particulièrement frappante. Même si le scénario a été écrit avant la sortie du film, il lui fait écho en décrivant la passion secrète pour la natation synchronisée d'Yves, un adolescent corpulent qui a une double vie. Le jour, il subit des brimades à l'école où il ne brille guère par ses résultats et où il est moqué pour son physique ingrat. A la maison ce n'est guère mieux, son père étant plus préoccupé par ses rendez-vous galants que par ses enfants. La nuit il s'introduit à la piscine pour travailler seul la chorégraphie qu'il a vu être répétée en journée par les filles. Le film raconte comment il réussit à s'affranchir du poids des normes et de la peur du regard des autres pour participer à une démonstration en public grâce à son amitié naissante avec Charlotte. On dira que cela n'est guère original mais d'une part, la performance de Yves n'est pas idéalisée et reste limitée et de l'autre, le monde adulte est dépeint d'une manière sarcastique qui rend le film souvent drôle. Raphael QUENARD que l'on ne présente plus interprète un coach obsédé par la performance... de sa longue perche tendue vers le groupe féminin qu'il entraîne. Le père d'Yves (Bruno PAVIOT) qui néglige son fils au profit de sa nouvelle conquête est ridicule et la prof de physique (Camille RUTHERFORD) ne cherche pas à cacher qu'elle est complètement dépressive. Quant au proviseur collectionneur (Hugues MARTEL), il orchestre un conflit et une agression d'une manière plutôt surprenante. En bref les adultes apparaissent comme immatures, laissant le champ libre aux adolescents qui désirent innover. Soit l'extrême inverse d'un film qui reposait lui aussi sur la stigmatisation de ceux qui ne parvenaient pas à se fondre dans le groupe, "Full Metal Jacket" (1987) dont un jeune homme corpulent surnommé justement "Baleine". Mais avec une issue tout autre.

Voir les commentaires

Les Vitelloni (I Vitelloni)

Publié le par Rosalie210

Federico Fellini (1953)

Les Vitelloni (I Vitelloni)

A mes yeux, les premiers films de Federico FELLINI sont les plus beaux. "Les Vitelloni", son troisième film (le deuxième si l'on exclut "Les Feux du music-hall") (1950) traduit en français par "les oisifs de province" mais qui signifie littéralement "Les vieux veaux" raconte l'histoire d'une bande de cinq hommes d'une trentaine d'années qui n'ont pas réussi à entrer dans l'âge adulte. Des "inutiles" (sous-titre du film) qui ne travaillent pas et vivent encore chez et de leurs parents, s'étonnant en retour d'être infantilisés par eux. Leur vie sans horizon est parfaitement résumée en un plan mélancolique où on les voit regarder la mer. Mais comme dans beaucoup de films de Federico FELLINI, il y a une part autobiographique. Ces jeunes gens sont moins des feignants que des rêveurs coincés dans une existence pour laquelle ils sont inadaptés. Alternant les plans vides suintant l'ennui et les séquences de fête ou de spectacle au rythme frénétique et à l'ambiance onirique qui annonce ses oeuvres à venir, le cinéaste ne se contente pas d'une chronique douce-amère et néoréaliste de ses losers, ne serait-ce que parce que ceux-ci planent ou jouent plutôt qu'ils ne s'engagent ou se révoltent. Il les creuse de l'intérieur au point que le film finit par adopter la forme d'un drôle de récit initiatique entre vrai et "Faux mouvement" (1975). Fausto (Franco FABRIZI), le chef de la bande, Don Juan lâche et menteur qui torpille par ses incartades répétées une vie d'adulte qui ressemble à un costume mal taillé pour lui finit par se racheter auprès de sa femme Sandra (Eleonora RUFFO) qui de son côté passe de la jeune oie blanche à la femme expérimentée et mûrie par les épreuves. Le frère de Sandra, Moraldo (Franco INTERLENGHI) qui est le plus jeune et le plus discret de la bande (et le vraisemblable double de Fellini) assiste à tous les événements en position d'observateur jusqu'au jour où il trouve le courage de quitter le nid. C'est une rencontre qui s'avère décisive, celle du jeune Guido (au prénom prédestiné), personnage d'adolescent cheminot éminemment chaplinesque. L'intellectuel Leopoldo (Leopoldo TRIESTE) voit ses espoirs de succès engloutis dans une nuit de terrible désillusion. Enfin, impossible d'oublier Alberto (Alberto SORDI) qui après une nuit de folie traîne misérablement son masque habillé en femme et voit sa soeur Olga (Claude FARELL) avoir plus de courage que lui en osant partir pour vivre son amour non conforme au grand jour.

Voir les commentaires

Les Dents de la mer (Jaws)

Publié le par Rosalie210

Steven Spielberg (1975)

Les Dents de la mer (Jaws)

Il y a des films que l'on croit avoir vu parce qu'ils sont tellement cultes qu'ils sont cités, repris, déclinés partout et tout le temps (dernier exemple en date de "sharksploitation", "En eaux (tres) troubles" (2023) avec Jason STATHAM). L'avantage est qu'ils entretiennent la flamme, l'inconvénient est qu'ils finissent par brouiller le souvenir du film original, quand ils ne se substituent pas à lui. Steven SPIELBERG s'est lui-même autocité cinq ans après la sortie de "Les Dents de la mer" en reprenant sa scène d'ouverture pour "1941" (1979) actant le succès de son troisième film, tourné pour neuf millions de dollars mais qui en a rapporté cinq cent millions.

Car par bien des aspects, "Les Dents de la mer" se situe à la croisée des chemins: film de genre et film d'auteur, film de série B hérité de Roger CORMAN et acte de naissance du blockbuster, film du nouvel Hollywood et suite logique des "Universal Monsters" (à qui Robert ZEMECKIS prédit un bel avenir dans "Retour vers le futur II" (1989) et son "Jaws 19"!) "Les Dents de la mer" c'est tout cela à la fois. Cela donne un film très riche dont l'intelligence de la mise en scène saute aux yeux à chaque instant et se substitue aux effets spéciaux défaillants. Les requins mécaniques n'étant pas optimaux, ils apparaissent le moins possible et sont remplacés par la caméra qui adopte leur point de vue, la musique mythique de John WILLIAMS qui fait monter la tension quand il le faut ou bien des métonymies visuelles à commencer par le titre du film!

Mais ce qui fait de "Les Dents de la mer" un chef-d'oeuvre et pas simplement le résultat d'un habile savoir-faire est que son histoire possède plusieurs niveaux de lecture. L'affiche le montre d'ailleurs avec sa nageuse en surface et sous les eaux son énorme requin. Là, on n'est plus dans la métonymie mais dans la métaphore. Le personnage principal Brody (Roy SCHEIDER) traîne un passé traumatique avec l'eau qu'il ne peut exorciser qu'en affrontant le monstre des mers en "Duel" (1971) ^^ comme le capitaine Achab face à Moby Dick. Son comparse dur à cuire et fonceur, Quint (Robert SHAW) est un rescapé de la seconde guerre mondiale sur qui plane l'ombre de la bombe nucléaire d'Hiroshima. Hooper enfin (Richard DREYFUSS) est le scientifique rationnel qui s'avère néanmoins impuissant à dompter la bête. Laquelle à force d'abstraction finit par incarner toutes les angoisses humaines. Dans sa première partie, "Les Dents de la mer" contient une satire toujours actuelle du tourisme balnéaire de masse où les baigneurs oscillent entre déni et psychose alors que le maire pense surtout à sauver la saison estivale quitte à dénicher des "faits alternatifs" pour expliquer les "accidents" qui se produisent. Bien plus que le requin qui obéit à ses instincts naturels, le semeur de mort, c'est lui et ses semblables que l'on a pu voir à l'oeuvre lors de catastrophes bien réelles comme la tempête Xynthia il y a treize ans.

Voir les commentaires

Variétés (Varieté)

Publié le par Rosalie210

Ewald André Dupont (1925)

Variétés (Varieté)

En regardant "Variétés", le premier film où je vois Emil JANNINGS sans favoris, ni moustache, ni maquillage outrancier, ni perruque, je lui ai trouvé des airs de Jean GABIN. Et ce sans savoir qu'un remake avait été tourné dix ans plus tard, en 1935 avec Jean GABIN justement! Il faut dire que l'intrigue ressemble à ce que l'acteur français tournait à l'époque, des histoires d'adultère et de vengeance. Mais le film muet de Ewald Andre DUPONT récemment restauré retranscrit avec force l'ébullition du Berlin de la République de Weimar. La mise en scène est brillante, faisant passer l'essentiel par l'image, parfois jusqu'à l'abstraction. Néanmoins, lorsqu'elle n'illustre pas l'intériorité de son héros tourmenté, celle-ci est réaliste contrairement aux films allemands les plus connus de cette époque qui étaient expressionnistes. C'est sans doute aussi ce "naturalisme" qui m'a fait penser à Gabin en regardant Emil JANNINGS jouer sans masque. L'histoire se déroule dans le monde du spectacle comme de nombreux films muets -un héritage du cinéma premier qui se jouait dans les foires- et fait penser sur le plan de l'intrigue un peu à "L'Aurore" (1926). Un ancien trapéziste devenu bateleur de foire s'ennuie dans sa vie plan-plan avec sa femme et son bébé. l'occasion lui est donnée de retrouver le frisson du risque avec une jeune danseuse naufragée qu'il recueille avant de s'enfuir avec elle et qui s'avère aussi excellente trapéziste. Mais celle-ci est convoitée par leur partenaire commun, un artiste de music-hall qui va faire d'eux des professionnels reconnus mais va aussi précipiter le drame. La scène où Emil JANNINGS le fixe longuement sans dire un mot met les chocottes, l'acteur savait mettre une intensité dans son regard impressionnante, proche de la folie. Sa partenaire, Lya De PUTTI est également impressionnante dans sa chute finale, réalisée sans trucages. Une oeuvre importante à découvrir pour avoir une autre vision du cinéma allemand de cette période.

Voir les commentaires