Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Articles avec #moreau (yolande) tag

Louise-Michel

Publié le par Rosalie210

Gustave Kervern et Benoît Delépine (2008)

Louise-Michel

J'avais pris un faux départ avec "Mammuth" (2010) que je n'avais pas aimé à l'époque (mais il me faut le revoir). "Louise-Michel" est l'une de ces comédies sociales vachardes et vengeresses trempée à l'humour belge et à l'esprit canal d'antan. Mais qui va au-delà de la fable potache. D'abord en s'inscrivant dans une filiation historique explicite: celle de l'institutrice anarchiste de la Commune qui, comme la Louise/Jean-Pierre de Gustave KERVERN et Benoit DELEPINE portait tout aussi bien le flingue. Mieux en tout cas que son comparse avec lequel elle forme un couple à la "Family Compo", Michel/Cathy, la "lopette mythomane" jouée par Bouli LANNERS. Mais aussi dans le sillage d'une filmographie implicite que j'ai perçue en écho: celle de "Les Temps modernes" (1936) avec le tapis de course qui s'enraye et les paroles mécaniques prononcées par le financier qui s'escrime dessus mais aussi celle de "Les Raisins de la colere" (1940). L'odyssée jusqu'au-boutiste et absurde de "Louise-Michel" résonne avec les propos échangés entre fermiers expulsés et bons petits soldats du capitalisme du film de John FORD adapté du roman de John Steinbeck se défaussant de leurs responsabilités sur une entité abstraite et lointaine: " Qui tuer ? Le conducteur reçoit ses ordres d’un type qui les reçoit de banque qui reçoit ses consignes de l’Est. Peut-être qu’il n’y a personne à tuer. Il ne s’agit peut-être pas d’hommes. Comme vous dites, c’est peut-être la propriété qui est en cause." Dans "Louise-Michel" où le politiquement correct est mis de côté puisque ce sont des malades en phase terminale qui sont chargés d'exécuter les "contrats", chaque nouveau mort, loin de constituer une catharsis s'avère n'être qu'un leurre menant le duo dans un périple à la Victor Hugo, de leur Picardie originelle à Bruxelles et de Bruxelles à Jersey devenu un paradis fiscal. Sur leur chemin, des rencontres loufoques avec des acteurs-réalisateurs bien connus pour leur regard critique sur le système tels que Mathieu KASSOVITZ en propriétaire d'une ferme estampillée "développement durable" et Albert DUPONTEL en tueur à gages serbe muet et frappadingue.

Voir les commentaires

Je ne me laisserai plus faire

Publié le par Rosalie210

Gustave Kervern (2023)

Je ne me laisserai plus faire

C'est avec "Ya Basta" (2010) que j'ai découvert le cinéma jubilatoire de Gustave KERVERN. Cinéma robin des bois où de manière drôle, inventive et pacifique les damnés de la terre prennent leur revanche sur ceux qui les écrasent ou les méprisent. "Je ne me laisserai plus faire" dont le titre se dévoile par bribes tout au long du film raconte comment la révolte d'Emilie (Yolande MOREAU) sur le point d'être jetée à la rue après la mort de son fils faute de pouvoir payer son Ehpad se propage de proche en proche, d'abord à Lynda, une femme de ménage ayant bien du mal à joindre les deux bouts (Laure CALAMY) puis au duo de flics mous du genou chargés de les poursuivre (Anna MOUGLALIS et Raphael QUENARD). L'épopée vengeresse d'Emilie ressemble à un pastiche de "Kill Bill" avec sa liste de personnes lui ayant fait du tort contre lesquels elle imagine des stratagèmes dignes de ceux que subit Collignon dans "Le Fabuleux destin d'Amelie Poulain" (2001) (dans lequel jouait justement Yolande MOREAU). Gustave KERVERN en profite au passage pour tirer des flèches satiriques sur tout ce qui "bourge" que ce soit l'exploitation de "l'or gris" par une directrice d'Ehpad politiquement très incorrecte, la gentrification ou les lotissements pavillonnaires de banlieue. La fuite en avant d'Emilie et de Lynda qui renforcent leurs liens au fur et à mesure de la progression de leur vengeance donne au film un caractère de road movie qui n'est pas sans rappeler "Thelma et Louise" (1991) tandis qu'à l'inverse, les personnages joués par Anna MOUGLALIS et Raphael QUENARD, au départ réduits à l'uniforme de leur fonction se singularisent progressivement par une introspection qui les conduit à réparer une période traumatique de leur passé.

Voir les commentaires

Ya Basta

Publié le par Rosalie210

Gustave Kervern et Sébastien Rost (2010)

Ya Basta

11 minutes de pure jubilation, ce "Ya Basta" est un bijou de construction dramatique, de loufoquerie et de causticité autant qu'un défi humain qui se reflète d'ailleurs dans le scénario: réunir autour d'un projet commun et de sa réalisation à toutes les étapes une équipe de professionnels du cinéma et de jeunes adultes handicapés pensionnaires à l'Esat (établissement et service d'aide par le travail) de Quincampoix. Mais le résultat, particulièrement drôle et inventif force l'admiration. Cette réinvention originale du film de casse à la "Ocean's Eleven" (2001) semble avoir été tourné à Groland ce qui n'est guère surprenant quand on voit que Gustave KERVERN est l'un de ses maîtres d'oeuvres au scénario et à la réalisation (en plus de jouer un petit rôle dans le film). On retrouve également au casting des acteurs proches de Gustave KERVERN ou engagés comme Stephanie PILLONCA, Yolande MOREAU, Jean-Pierre DARROUSSIN ou Augustin LEGRAND. Sans parler des tubes du groupe Zebda qui scandent le film. Par-delà son humour ravageur, le film appelle à changer de regard sur les handicapés, interroge leur place dans la société et constitue une critique féroce contre le productivisme avec notamment une réinvention du flicage de la "pause pipi" qui décoiffe!

Voir les commentaires

La Fiancée du poète

Publié le par Rosalie210

Yolande Moreau (2023)

La Fiancée du poète

Je suis allé voir "La Fiancée du poète" pour sa formidable brochette d'acteurs et de ce point de vue, je n'ai pas été déçue: chacun apporte son petit grain de folie à l'ensemble. Cerise sur le gâteau, la présence de William SHELLER (je suis "fière et folle de lui") pour son premier rôle au cinéma dans le rôle d'un curé "pas très catholique" (mais 100% ABBA pour l'une des scènes les plus drôles du film). Mais pourquoi a-t-il attendu si tard pour se lancer, son plaisir à jouer est évident depuis si longtemps!* D'une certaine manière, il illustre parfaitement la devise du troisième film de Yolande MOREAU, "mieux vaut tard que jamais". L'autre aspect que j'ai beaucoup aimé dans le film, c'est son atmosphère bohème et bucolique. Avec ses artistes ne se prenant pas au sérieux (une femme de lettres cantinière, un peintre copiste, un musicien folk bidon, un plombier qui a usurpé l'identité d'un poète, un jardinier "as de la tulipe" etc.) et son cadre enchanteur de château décrépi au bord de la Meuse, j'ai eu plusieurs fois l'impression d'être transportée au temps des impressionnistes et la fin où ce petit monde prend le large sur une péniche m'a rappelé le final de "Si loin, si proche!" (1993) de Wim WENDERS qui racontait aussi une histoire de famille d'élection entre ciel et terre.

Néanmoins le film souffre aussi de défauts, à commencer par son rythme bancal, et son histoire, si peu vraisemblable. Je pense en particulier au retour inopiné du grand amour perdu de Mireille (Yolande MOREAU) et au fait qu'après une présentation réaliste, les personnages n'existent plus qu'en fonction de leur hôtesse et de son monde décalé. Pourquoi pas mais la mise en scène met tout sur le même plan alors qu'il y a un basculement dans une dimension surréaliste qui n'est pas assez souligné. L'animation du cerf de pierre qui symbolise la renaissance de Mireille était une excellente idée tout comme la séquence "film muet", il aurait fallu les multiplier et faire monter la mayonnaise.

* Je pense notamment au clip "Excalibur" où William SHELLER joue un double de Erich von STROHEIM!

Voir les commentaires

Séraphine

Publié le par Rosalie210

Martin Provost (2008)

Séraphine

Fascinante Séraphine Louis (interprétée magistralement par Yolande MOREAU) que le beau film de Martin PROVOST a contribué à sortir de l'oubli. Issue du même terreau que le douanier Rousseau, promue par le même marchand d'art, Wilhelm Uhde (joué par Ulrich TUKUR déjà remarquable dans "Amen" (2001) et "La Vie des autres") (2006) elle fut pourtant victime de la même discrimination de genre que dans la plupart des autres domaines artistiques, l'histoire de l'art préférant retenir son homologue masculin plutôt qu'elle-même.

Ce n'est toutefois pas le sujet du film de Martin PROVOST même si au détour d'un plan, on voit que le seul tableau que les Udhe décident d'emporter avec eux lors de leur fuite au début de la guerre est celui d'Henri Rousseau. Le film est tout entier dédié à ce magnifique portrait de femme pour laquelle il suit deux axes principaux.

Le premier concerne ses sources d'inspiration. Issue d'un milieu humble, pauvre, cantonnée à des taches ingrates de servante, autodidacte et solitaire, Séraphine puise une immense consolation d'une part dans sa relation profondément sensuelle à la nature (on la voit caresser la végétation, humer le vent, se baigner nue, grimper aux arbres etc.) et de l'autre dans la foi catholique. Cette double influence, à la fois païenne et religieuse (que l'on retrouve aussi chez Charlotte Brontë dans la littérature) est une des raisons du génie de sa peinture. Créant elle-même ses couleurs à partir de pigments issus de végétaux ou d'animaux (du sang pour le rouge par exemple qu'elle mêle à la cire des cierges d'église) elle donne vie à ses tableaux à partir de racines terrestres d'une puissante matérialité pour élever ses compositions florales ou fruitières jusqu'au ciel (de son propre aveu, son inspiration "vient d'en haut"). Une telle contradiction ne peut que créer de malaise. Les religieuses se demandent si c'est comme elle le prétend la Vierge Marie et les Anges qui guident sa main alors que tout dans sa personne (son indépendance, son rapport à la nature, son travail créatif qui ressemble à celui d'une alchimiste) mais aussi dans le caractère troublant de ses toiles (des végétaux qui ressemblent à des insectes en mouvement mais aussi aux parties intimes su corps féminin, sans parler de l'importance du sang dans les coloris de ses tableaux) fait penser à une sorcière habitée par le diable.

Le deuxième axe est celui qui concerne la dialectique entre le génie et la folie. En sortant de l'ombre grâce à Wilhelm Udhe qui partage avec elle solitude et marginalité, Séraphine perd le fragile équilibre qui la maintenait jusque-là. Bien que celui-ci fasse ce qu'il peut pour l'aider, il ne peut lui assurer la stabilité dont elle a tant besoin, d'abord à cause de la guerre, puis à cause de la crise économique des années 30, sans parler de l'argent qui lui fait perdre la tête. Conséquence, bien qu'elle ait de l'or dans les mains, Séraphine termine sa vie misérablement à l'asile.

Voir les commentaires

7 p., cuis., s. de b., ...à saisir

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1984)

7 p., cuis., s. de b., ...à saisir

Ce court métrage a été tourné dans l'hospice désaffecté Saint Louis d'Avignon pendant l'exposition « Le vivant et l'artificiel » qui avait lieu en 1984. La réalisatrice a laissé libre cours à son imagination et s'est approprié les lieux de l'exposition. Elle a elle-même du mal à définir son œuvre mais il semblerait qu'il s'agisse d'une sorte de recueil d'images en écho avec des sentiments perçus lors de sa confrontation avec les lieux. On peut définir cette technique de réalisation comme une application cinématographique de pensées immédiates d'où une succession de flashs et une ambiance globale surréaliste avec tout un travail esthétique qui préfigure ses films-installations comme "Les Plages d Agnès" (2007). Les références vont des natures mortes picturales jusqu'aux œuvres des artistes plasticiennes contemporaines Louise Bourgeois et Annette Messager. Les pièces névralgiques du film sont comme le titre l'indique la cuisine aux proportions digne d'un restaurant abritant une nourriture gélatineuse ou en plastique (comme les dinettes d'enfant mais à taille réelle) et la salle de bains, succession de boxes abritant des lavabos qui finissent recouverts de plumes et de poussière, comme s'ils étaient embaumés.

Mais l'aspect décousu du film ne l'est qu'en surface. En effet on a une unité de lieu qui est cet ancien hospice que la réalisatrice "fait parler" en faisant y ressurgir des mémoires. S'y télescopent les époques et les genres. D'un côté le documentaire avec quelques témoignages des anciennes pensionnaires ayant réellement vécu entre ses murs et n'en étant peut-être jamais parties. De l'autre la fiction avec un agent immobilier faisant visiter les lieux comme s'ils pouvaient intéresser des particuliers et évoquant le premier propriétaire, un médecin à travers lequel Agnès VARDA fait le procès du patriarcat. Son épouse soumise qui enchaîne les grossesses avant de confier les bébés à la bonne et dont il finit par se détourner avec dégoût quand elle vieillit (illustrant ainsi la répulsion des masculinistes vis à vis des femmes de plus de 50 ans) et ses six enfants sur lesquels il exerce une autorité tyrannique jusqu'à ce que sa fille aînée Louise se rebelle, incarnant les combats féministes des années 70. Louise cherche à s'échapper de ce "foyer" étouffant et de l'emprise de son père (dont elle porte le prénom féminisé) et trouve une alliée en la personne de la bonne, Yolande (Yolande MOREAU dont c'était la première apparition au cinéma) totalement provocante, du genre à fumer en cuisinant la blouse entrebâillée (ce qui est déjà trop pour Madame) et à cracher dans la soupe au sens propre ^^. L'agent évoque également un drame ayant poussé le médecin à s'enfuir avec ses enfants, on comprend à demi-mot qu'il a peut-être tué sa femme ou sa fille.  

A ces deux mémoires, l'une réelle et l'autre fictionnelle, Agnès Varda ajoute une autre opposition, celle du corps humain fait de chair (elle filme d'ailleurs deux corps nus aux deux extrêmes de la vie, un bébé et une vieille dame, celle que l'on retrouve également dans "Sans Toit ni Loi") et celle de mannequins mécaniques grandeur nature dotés d'une respiration artificielle.

Voir les commentaires

Sans toit ni loi

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1985)

Sans toit ni loi

"Sans toit ni loi" est le plus grand film de fiction de Agnès Varda avec "Cléo de 5 à 7". Plus de vingt ans les séparent soit une génération. Le second est beaucoup plus dur et âpre que le premier tant par le contexte social qu'il dépeint que par son interprétation (formidable Sandrine Bonnaire qui a 17 ans 1/2 endossait sans réserve le rôle désaffilié et mal aimable de Mona). Mais les deux films entretiennent des points communs. Il s'agit dans les deux cas d'une errance au féminin dont on connaît ou devine cependant dès l'introduction l'issue. Une errance doublée d'une quête d'identité. Mona la routarde SDF et Cléo la chanteuse en attente de diagnostic se cherchent dans des fragments de miroir, ceux que leur renvoient les personnes qui croisent leur chemin. Car Agnès Varda est une glaneuse et ses portraits (ceux de ses personnages de fiction comme le sien) sont à multiples entrées, des puzzles faits de bric et de broc, toujours incomplets. Si Cléo se dévoile à la fin en raison d'une rencontre décisive, ce n'est pas le cas de Mona qui reste un personnage opaque et contradictoire, antipathique et attachant à la fois (ou selon les points de vue, c'est aussi cela qui fait la richesse du film). Un personnage tragique aussi, ne trouvant sa place nulle part, soit parce qu'elle retrouve ailleurs et sous d'autres atours tout ce qui l'a poussé à fuir, soit parce qu'elle se fait rejeter des endroits où elle pourrait éventuellement se sentir bien. Les propos des uns et des autres en disent souvent plus sur eux même que sur elle, son caractère impénétrable servant aussi à réfléchir la lumière sur les témoins qui ont croisé sa route et qui sont issus d'un large spectre social: il y a entre autre l'ouvrier tunisien mutique, la bonne (Yolande Moreau) qui projette ses fantasmes romantiques sur Mona (elle n'est pas la seule d'ailleurs à envier sa liberté en oubliant la solitude qui l'accompagne), sa riche patronne (Marthe Jarnias), une vieille dame qui noue une complicité avec Mona, son neveu BCBG (Stéphane Freiss) ingénieur agronome au mode de vie petit bourgeois (étriqué) qui est profondément dérangé par Mona, sa collègue platanologue (Macha Méril) qui éprouve une profonde culpabilité à l'égard de Mona etc.

A travers "Sans toit ni loi" qui a conservé toute sa puissance en dépit du temps qui a passé, Agnès Varda dévoile une dialectique fondamentale de son cinéma à savoir le fait que son goût prononcé pour les autres (notamment les marginaux) est toujours lié à des interrogations sur elle-même. Comme Cléo, Agnès Varda est une artiste mais comme Mona, elle est en marge et isolée, traçant sa route de pionnière en solitaire. C'est cette dimension personnelle, introspective ainsi que la forme très recherchée qu'elle prend (là encore hybride, entre documentaire et fiction) qui permet à son film d'échapper aux stéréotypes du film social. Comme son héroïne, "Sans toit ni loi" est un film à multiples entrées qui possède aussi une indéniable dimension féministe. Mona refuse le monde hiérarchisé et patriarcal (celui du travail notamment) et apparaît également asociale (elle déteste les groupes) mais son vagabondage solitaire fait d'elle paradoxalement une proie facile pour les hommes. En dépit de son caractère rageur, de son apparence délabrée et de sa gangue de crasse, elle est régulièrement confrontée au viol et à la prostitution à laquelle elle n'échappe que pour finir dans le fossé. Elle n'a en effet aucun projet constructif à proposer, vivant de petits boulots et de chapardages, fuyant la réalité dans l'alcool et l'herbe. L'éleveur de chèvres qu'elle rejette à cause de son côté paternaliste a deviné l'impasse dans laquelle elle s'est fourrée et constate avec désolation que son attitude nihiliste sert les pires aspects du système qu'elle rejette.

Voir les commentaires

Micmacs à Tire-Larigot

Publié le par Rosalie210

Jean-Pierre Jeunet (2009)

Micmacs à Tire-Larigot

On retrouve dans "Micmacs à tire-larigot" le savoir-faire et la personnalité de Jean-Pierre JEUNET. Néanmoins la magie n'opère pas cette-fois ci avec autant d'efficacité que dans ses précédents films. Cela tient déjà à une histoire qui privilégie la vengeance sur tout le reste. Je n'aimais déjà pas beaucoup dans "Le Fabuleux destin d Amélie Poulain" (2001) les passages où celle-ci se prenait pour Zorro et faisait intrusion dans l'appartement de Collignon pour lui rendre la vie impossible. Attitude puérile et moralement discutable mais qui heureusement n'était pas au centre du film, il était facile de l'oublier. Or "Micmacs à tire-larigot" repose entièrement sur ce principe ce qui ne rend pas les héros spécialement sympathiques. Ceux-ci sont d'ailleurs très mal définis, c'est une autre des faiblesses du film. Les chiffonniers rappellent moins les locataires de l'immeuble de "Delicatessen (1990)" que les troglodistes qui n'étaient pas l'aspect le plus réussi du film. Chacun d'eux se réduit à une caractéristique liée à son surnom qui n'est pas spécialement drôle, voire consternante (pauvre Yolande MOREAU réduite à faire la "tambouille" pour toute la communauté ou Marie-Julie BAUP la "calculette" humaine! Mais le pire de tous est Omar SY dans le rôle de "Remington" chargé d'aligner les maximes bateau). Leur seule fonction est d'aider (et de servir de faire-valoir) au héros. Mais Bazil (Dany BOON) se réduit à ses malheurs et à sa vengeance et c'est un personnage qui manque cruellement de poésie. Alors certes, on passe un bon moment devant les stratagèmes alambiqués échafaudés par la bande pour faire s'entretuer les deux marchands d'armes (André DUSSOLLIER et Nicolas MARIÉ transfuge de la bande à Albert DUPONTEL). Mais entre un message anti militariste d'une naïveté confondante, des personnages -ou plutôt pantins- stéréotypés et une intrigue parfois confuse, on reste un peu sur sa faim.

Voir les commentaires

Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain

Publié le par Rosalie210

Jean-Pierre Jeunet (2001)

Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain

"Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain" me fait l'effet d'une inépuisable malle aux trésors à plusieurs entrées. Il y a l'entrée de la réminiscence proustienne par la boîte de bergamotes (et non la madeleine!) de Nancy, il y a tout à côté l'entrée sensuelle delermienne par le sac de grains, il y a l'entrée folklorique du Paris-village par la carte postale, le biais idéologique dans lequel certains s'acharnent à voir une entrée (c'est plutôt selon moi un cul-de-sac) et puis il y a l'entrée autistique par le bocal d'aquarium de Bruno Delbonnel, celle que je vais emprunter aujourd'hui pour faire mieux découvrir cet univers.

Il y a d'abord l'hypertrophie du détail. Lorsque le film commence, il se focalise sur... une mouche. Un détail dont on connaîtra tous les détails de ses derniers instants. Son espèce, ses capacités, sa dernière action, le lieu et la seconde, minute, jour, mois et année de sa mort "Le 3 septembre 1974 à 18 heures 28 minutes et 32 secondes, une mouche bleue de la famille des Calliphoridae capable de produire 14 670 battements d'ailes à la minute se posait rue saint Vincent à Montmartre." Nous sommes directement connecté à l'esprit d'Amélie Poulain (Audrey Tautou), celle qui regarde lorsqu'elle est au cinéma l'insecte qui se pose par mégarde dans un plan de "Jules et Jim" de Truffaut plutôt que les personnages qui en forment le centre.

Il y a ensuite ce défilé de personnages solitaires qui tournent en rond dans leurs (au choix) obsessions, maniaqueries, routines, rituels, ceux-ci les enfermant autant que les aidant à survivre en contenant leurs angoisses. La forme même du film épouse cette manière de vivre en établissant des listes poétiques en vers "à la Prévert" sur le mode "Il/Elle aime", "Il/Elle n'aime pas". Quelques exemples:

-Le père et la mère d'Amélie (Rufus et Lorella Cravotta) aiment nettoyer et ranger régulièrement le contenu de leur boîte à outil/sac selon un ordre bien précis.
-Une fois sa femme décédée, le père d'Amélie lui construit un mausolée qu'il entretient de façon obsessionnelle.
-Raymond Dufayel (Serge Merlin) reproduit le même tableau de Renoir depuis 20 ans.
-Nino (Matthieu Kassovitz) collectionne les photos d'identité ratées en fouillant sous les photomatons.
-Joseph (Dominique Pinon) qui passe ses journées au café à surveiller le comportement de ses ex-petites amies enregistre sur magnétophone des observations qu'il pense être des "preuves" de sa jalousie en mentionnant toujours l'heure et la minute précise (quand on évoque les obsessions autistiques de certains garçons asperger, on prend toujours l'exemple des horaires de train appris par cœur!).
-Georgette (Isabelle Nanty) est une hypocondriaque obsédée par ses maladies imaginaires.
-Amélie ramasse compulsivement des galets plats dont elle remplit ses poches pour ensuite faire des ricochets dans l'eau.

Enfin les problèmes de communication sont au coeur du film et les voies détournées pour y parvenir (les fameux "stratagèmes") un de ses principaux vecteurs poétiques et polémiques, les actions anti-Collignon (Urbain Cancelier) revêtant un aspect intrusif et harceleur peu louable (quoique ce soit aussi un moyen de le faire plonger dans la peau d'un handicapé, lui qui les méprise et les rabaisse à longueur de journée). Le téléphone par exemple est une hantise des autistes. Des téléphones dans "Amélie Poulain" il y en a plein mais ils sont détournés de leur usage habituel. Ils sonnent dans les cabines publiques, mais personne ne répond au bout du fil comme si l'interlocuteur était un fantôme (en fait il se cache et observe de loin l'effet de ses actions). Ou bien il répond brièvement et raccroche aussitôt comme s'il avait affronté une terrible épreuve. Celui d'Amélie est enfoui sous des coussins (parce qu'elle ne s'en sert jamais). Il y a aussi la hantise du contact physique. Le père d'Amélie ne la touche jamais, sauf lors des examens médicaux, Amélie met toute la distance des escaliers de Montmartre entre Nino et elle, ou bien une vitre, ou bien une porte, ou bien des affiches et photos plus ou moins savamment floutées. Lorsqu'enfin elle se laisse approcher, c'est sur le mode d'un lent apprivoisement. Sinon elle s'absente de nouveau (comme le montre la première scène de sexe du film où elle est visiblement ailleurs.) Raymond Dufayel et ses os de verre qui l'obligent à vivre en huis-clos dans un appartement molletonné est un écho d'une Amélie dont l'appartement est un cocon protégé de la lumière de l'extérieur par d'épais rideaux. La plupart des autistes, hypersensoriels, ne supportent pas les lumières vives et les bruits forts. Par contre de toutes petites sensations apparemment anodines (caresser une endive, plonger sa main dans le grain, écouter le son que produit la croûte d'une crème brûlée lorsqu'elle est cassée par la cuillère etc.) deviennent par la voie de l'amplification de grands plaisirs (ce qui rejoint l'hypertrophie du détail). Et le manège/l'attraction par son aspect circulaire est un grand moyen d'apaisement.

Voir les commentaires

Enfermés dehors

Publié le par Rosalie210

Albert Dupontel (2006)

Enfermés dehors

Comédie burlesque, plans et scènes cartoonesques, réalisation nerveuse en forme de trip hallucinogène, le tout oscillant entre réalité sociale et poésie urbaine, voilà le cocktail explosif concocté par Dupontel. A défaut d'être grand public, ce film brut de décoffrage explore plusieurs voies et offre de beaux moments.

L'hommage au burlesque muet est évident. Le héros est un SDF candide comme Chaplin mais son goût des cascades, notamment en hauteur le rapproche plutôt d'Harold Lloyd. Ces cascades prennent un caractère complètement déjanté qui fait penser aux cartoons, lesquels ne sont finalement qu'une extension du burlesque hors des limites physiques. Le héros s'en prend plein la figure et se relève presque sans une égratignure, certains gags prenant un caractère répétitif comme la dévastation de l'épicerie ou la collision avec le scooter. Enfin beaucoup de scènes drôles ou poétiques flirtent avec le surréalisme et l'absurde comme le commissariat improvisé dans le squat ou les petits spectacles de rue que Marie improvise pour sa fille séquestrée par ses grands-parents. Mais la plus belle idée provient des affiches publicitaires qui prennent vie sous substance psychotrope. Dupontel s'appuie sur la présence au casting de membres de deux troupes maniant cette forme d'humour, l'une française et l'autre britannique: les Deschiens (Yolande Moreau et Bruno Lochet) et les Monty Pythons (Terry Gilliam et Terry Jones).

Cet amalgame ne tourne pas à vide car il est trempé dans la rage. Celle de l'injustice sociale: le héros enfile un costume de policier et devient un justicier qui attaque les possédants pour venir en aide aux plus faibles. La rage du groupe Noir Désir également dont les morceaux ("En route pour la joie", "Seven minutes", "Oublié") innervent le film.   

Voir les commentaires

1 2 > >>