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Le Comte de Monte-Cristo

Publié le par Rosalie210

Denys de la Patellière (1979)

Le Comte de Monte-Cristo

"Le Comte de Monte-Cristo" a été très souvent adapté depuis les origines du cinéma. Hélas, peu de ces adaptations sont des réussites. Même si je trouve la version muette de Henri FESCOURT satisfaisante, elle n'échappe pas au défaut récurrent des adaptations du roman de Alexandre Dumas: celui des coupes sombres dans l'intrigue. De ce point de vue, la mini-série de Denys de LA PATELLIERE réalisée à la fin des années 70 s'avère être le format idéal. L'ampleur de l'oeuvre d'origine se prête beaucoup mieux à six épisodes de 1h (remontés par la suite en 4 épisodes de 1h30) qu'en deux parties de 2h. On appelait encore ce type d'oeuvre audiovisuelle "feuilleton" en référence à la publication des romans du XIX° siècle en épisodes dans les journaux, ce qui avait été le cas de "Le Comte de Monte-Cristo". Elle restitue donc le roman dans sa quasi-intégralité et avec beaucoup de fidélité, même si de nombreux dialogues sont écourtés et que quelques personnages sont expédiés trop rapidement comme la très androgyne Eugénie Danglars et sa relation avec Louise d'Armilly. Mais développer ces questions était sans doute prématuré en 1979 sur une chaîne de télévision à une heure de grande écoute. Ceci étant, je fais la fine bouche étant donné que dans la plupart des adaptations françaises du roman, les Danglars n'existent pas du tout.

L'autre aspect qui fait de cette adaptation un incontournable pour les fans du roman de Dumas, c'est son aspect sépulcral. Plusieurs adaptations traitent le roman de Dumas avec légèreté sous prétexte qu'il s'agit d'une oeuvre populaire, certaines le tirant même vers le film de cape et d'épée ce qui est un contresens. La version de Denys de LA PATELLIERE est au contraire très sombre. Jacques WEBER prend son personnage au sérieux et réussit une composition très proche de celle qu'avait imaginé Alexandre Dumas. Son personnage est au sens propre un revenant qui semble avoir laissé à jamais une partie de lui-même au château d'If. Son visage émacié à la pâleur spectrale annonce la mort partout où il passe. Et ce même s'il parvient à la perfection à se mouler dans le jeu social de la restauration monarchique, empruntant diverses identités (que cette version restitue toutes: le Comte de Monte-Cristo, l'abbé Busoni, Lord Wilmore et Sinbad le marin, chacun d'eux parodiant les statuts sociaux que ses bourreaux parvenus se sont attribués). Comme tous les grands traumatisés, son Edmond Dantès dissimule sous l'impassibilité totale de son personnage de vengeur impitoyable une souffrance déchirante. Si comme dans les autres versions, on assiste à la déchéance de ses bourreaux qui se sont élevés au mieux malhonnêtement, au pire criminellement, l'ampleur de l'adaptation montre également les rouages de l'oppression sociale au sein de la famille bourgeoise, comparée à une prison ou un tombeau, notamment pour les filles réduites au rôle de marchandises vendues au plus offrant par le patriarcat tout-puissant quand elles ne sont pas éliminées pour de sordides questions d'héritage. C'est aussi cet ordre des choses que le Comte de Monte-Cristo remet en cause. Enfin cette vision sombre se maintient jusqu'au bout. Les actes du Comte, inspirés par une vision manichéenne du monde finissent par se retourner contre lui, menaçant d'engloutir le peu d'humanité qui lui reste.

En dépit de son âge et de défauts propres aux réalisations pour la télévision (une photographie pauvre et qui a mal vieilli) ainsi que quelques interprétations insignifiantes, cette version, illuminée par la musique de Nino Rota reste l'une des meilleures et ce n'est pas un hasard si le fils de Denys de LA PATELLIERE, Alexandre de la PATELLIERE prépare à son tour une nouvelle version du roman avec Pierre NINEY dans le rôle principal.

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Past lives - nos vies d'avant (Past lives)

Publié le par Rosalie210

Celine Song (2023)

Past lives - nos vies d'avant (Past lives)

Beau film méditatif au croisement des cultures américaine et coréenne qui porte un regard doux-amer sur le déracinement et l'identité plurielle. La première scène a une valeur programmatique puisque l'héroïne, Nora est assise entre deux hommes dont on découvre par la suite qu'il s'agit de son ami d'enfance coréen et de son mari américain. Tiraillée entre ces deux pôles, elle ne peut pleinement en satisfaire aucun. Son mari Arthur lui avoue qu'il souffre qu'une partie d'elle, celle des racines, lui soit inaccessible. Mais son ami d'enfance Hae Sung est nostalgique d'une petite fille coréenne nommée Na Young qui n'existe plus mais dont il ne parvient pas à faire le deuil. La réalisatrice, Celine SONG dont c'est le premier film que l'on devine largement autobiographique montre avec sensibilité comment l'espace et le temps créent un fossé impossible à combler avec son pays d'origine et en même temps comment celui-ci reste une partie fondamentale de soi. Une scène l'illustre parfaitement lorsque Hae Sung et Na Young se séparent enfants et prennent des chemins divergents. Il ne pourront jamais plus se rejoindre et en même temps resteront liés à jamais par leur passé commun. La notion d'Inyeon qui est au coeur du film montre que chaque personne est la somme de ses rencontres, passées et futures. Une notion à mettre en relation avec les croyances bouddhistes autour de l'idée de réincarnation et de destin: les rencontres sont perçues comme des reconnaissances et donc si dans cette vie-ci, le lien ne peut s'épanouir, il a pu en être autrement dans une autre vie, passée ou future, comme la roue du temps qui s'oppose à la vision linéaire des occidentaux. Ainsi le manège qui tourne à l'arrière-plan des retrouvailles entre Nora et Hae Sung est-il bien autre chose qu'un simple décor, un éventail de possibles non seulement à explorer mais qui l'ont sans doute déjà été. Vu ainsi, le choix de Nora d'élargir son horizon prend un tout autre sens.

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Le Comte de Monte-Cristo: 1ere époque - la trahison

Publié le par Rosalie210

Robert Vernay (1953)

Le Comte de Monte-Cristo: 1ere époque - la trahison

 

La première adaptation en couleurs du roman de Alexandre Dumas "Le Comte de Monte-Cristo" est de nouveau visible après une restauration qui a permis de lui rendre son éclat, même si elle n'est pas parfaite. Pour information, Robert VERNAY avait déjà réalisé une adaptation du roman dix ans auparavant mais en noir et blanc avec Pierre RICHARD WILLM dans le rôle-titre. Dans la version en couleurs, c'est Jean MARAIS qui interprète Edmond Dantès. Les deux versions possèdent la même structure de deux parties de 1h30 chacune.

La version Vernay-Marais est agréable à suivre. Bien écrite, elle ne manque pas de spiritualité dans sa première partie. Les changements politiques sont racontés avec une certaine ironie, soulignée dans les dialogues par les réparties de Villefort mettant en lumière ses retournements de veste. Ses fiançailles donnent également lieu à une description très juste de ses futurs beaux-parents, le marquis et la marquise de Saint-Méran qui incarnent la nostalgie de l'Ancien Régime. Hélas, le réalisateur ne se sert pas ensuite de cette idée pour montrer comment ceux-ci et le monde révolu qu'ils incarnent sont anéantis dans la deuxième partie. D'autre part, comme dans la version de Henri FESCOURT que j'aime beaucoup, l'aspect théâtre social de l'intrigue est bien restituée. Un parallèle est ainsi établi entre la déchéance de Morcerf à la chambre des pairs et celle de Villefort lors du procès de Andrea Cavalcanti. De même, les retrouvailles entre Dantès et Mercédès ont lieu lors d'un bal masqué. Et comme dans le roman la bonne fortune ne sourit guère à Caderousse, le raté de l'histoire, un esprit faible qui prend systématiquement les mauvaises décisions.

Néanmoins cette adaptation possède également d'importants défauts. Comme la plupart d'entre elles, elle simplifie trop le roman au point de faire passer à la trappe le personnage de Danglars qui est pourtant non seulement le cerveau du complot contre Edmond Dantès mais l'arriviste du monde de la finance qui complète celui de la magistrature qu'incarne Villefort et celui de l'armée qu'incarne Morcerf durant la période de la Restauration et de la monarchie de Juillet propice aux anoblis et aux enrichis peu regardants sur les moyens de leur ascension sociale. Autre gros problème, le personnage de Dantès est dénaturé. Il n'a plus rien de tourmenté, ni de mystérieux. Il semble identique du début à la fin, alors que Edmond Dantès est décrit au départ comme un jeune homme simple et naïf que les épreuves transforment en vengeur manipulateur et mégalomane. Ce manque de profondeur est particulièrement flagrant dans sa relation avec Mercédès. Ils se retrouvent comme s'ils s'étaient quittés deux heures auparavant, Monte-Cristo tentant de convaincre Mercédès de s'enfuir avec lui comme si elle n'était pas mariée et n'avait pas de fils, comme si elle le fait qu'elle ne l'avait pas attendu n'avait aucune importance. Ce qui rend le passage où il se prépare au duel avec Albert incompréhensible. Mais ce n'est qu'une incohérence parmi d'autres dans cette adaptation sympathique mais bien trop légère.

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Le Comte de Monte-Cristo: 2ème époque - la vengeance

Publié le par Rosalie210

Robert Vernay (1954)

Le Comte de Monte-Cristo: 2ème époque - la vengeance

 

La première adaptation en couleurs du roman de Alexandre Dumas "Le Comte de Monte-Cristo" est de nouveau visible après une restauration qui a permis de lui rendre son éclat, même si elle n'est pas parfaite. Pour information, Robert VERNAY avait déjà réalisé une adaptation du roman dix ans auparavant mais en noir et blanc avec Pierre RICHARD WILLM dans le rôle-titre. Dans la version en couleurs, c'est Jean MARAIS qui interprète Edmond Dantès. Les deux versions possèdent la même structure de deux parties de 1h30 chacune.

La version Vernay-Marais est agréable à suivre. Bien écrite, elle ne manque pas de spiritualité dans sa première partie. Les changements politiques sont racontés avec une certaine ironie, soulignée dans les dialogues par les réparties de Villefort mettant en lumière ses retournements de veste. Ses fiançailles donnent également lieu à une description très juste de ses futurs beaux-parents, le marquis et la marquise de Saint-Méran qui incarnent la nostalgie de l'Ancien Régime. Hélas, le réalisateur ne se sert pas ensuite de cette idée pour montrer comment ceux-ci et le monde révolu qu'ils incarnent sont anéantis dans la deuxième partie. D'autre part, comme dans la version de Henri FESCOURT que j'aime beaucoup, l'aspect théâtre social de l'intrigue est bien restituée. Un parallèle est ainsi établi entre la déchéance de Morcerf à la chambre des pairs et celle de Villefort lors du procès de Andrea Cavalcanti. De même, les retrouvailles entre Dantès et Mercédès ont lieu lors d'un bal masqué. Et comme dans le roman la bonne fortune ne sourit guère à Caderousse, le raté de l'histoire, un esprit faible qui prend systématiquement les mauvaises décisions.

Néanmoins cette adaptation possède également d'importants défauts. Comme la plupart d'entre elles, elle simplifie trop le roman au point de faire passer à la trappe le personnage de Danglars qui est pourtant non seulement le cerveau du complot contre Edmond Dantès mais l'arriviste du monde de la finance qui complète celui de la magistrature qu'incarne Villefort et celui de l'armée qu'incarne Morcerf durant la période de la Restauration et de la monarchie de Juillet propice aux anoblis et aux enrichis peu regardants sur les moyens de leur ascension sociale. Autre gros problème, le personnage de Dantès est dénaturé. Il n'a plus rien de tourmenté, ni de mystérieux. Il semble identique du début à la fin, alors que Edmond Dantès est décrit au départ comme un jeune homme simple et naïf que les épreuves transforment en vengeur manipulateur et mégalomane. Ce manque de profondeur est particulièrement flagrant dans sa relation avec Mercédès. Ils se retrouvent comme s'ils s'étaient quittés deux heures auparavant, Monte-Cristo tentant de convaincre Mercédès de s'enfuir avec lui comme si elle n'était pas mariée et n'avait pas de fils, comme si elle le fait qu'elle ne l'avait pas attendu n'avait aucune importance. Ce qui rend le passage où il se prépare au duel avec Albert incompréhensible. Mais ce n'est qu'une incohérence parmi d'autres dans cette adaptation sympathique mais bien trop légère.

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La Malédiction d'Arkham (The Haunted Palace)

Publié le par Rosalie210

Roger Corman (1963)

La Malédiction d'Arkham (The Haunted Palace)

La Malédiction d'Arkham est la sixième des huit adaptations de Edgar Allan Poe par Roger CORMAN. En réalité, le film s'inspire de deux oeuvres. "The Haunted Palace", un poème de Poe qui donne son titre au film en VO et est cité rapidement à deux reprises. Mais surtout, "L'Affaire Charles Dexter Ward", un court roman (ou une longue nouvelle) de Lovecraft qui a guidé l'écriture du scénario et qui a inspiré le titre en français. Arkham est une ville imaginaire du Massachussets créée par Lovecraft et reliée au mythe de Cthulhu, des entités cosmiques monstrueuses cherchant à rétablir leur domination sur la terre. Un univers trop ésotérique pour une production souhaitant attirer un large panel de spectateurs. On a donc un film d'horreur gothique de série B ne déparant pas avec les autres films de la série dans lequel un châtelain est possédé par son ancêtre désireux de se venger des villageois qui l'ont brûlé à la fin du XVIII° siècle pour avoir pratiqué la magie noire. Une magie se rattachant toutefois à Lovecraft puisque l'obsession du mage consiste à créer une race hybride en jetant des mortelles en pâture à l'une des créatures extra-terrestres enfermé dans sa crypte. Tous deux sont joués par Vincent PRICE et de même, les villageois et leurs descendants sont interprétés par les mêmes acteurs. La fracture n'est donc pas temporelle mais géographique: d'un côté le château hanté et son cimetière dans la plus pure tradition gothique anglo-saxonne et de l'autre le village, davantage dans le style western propre à l'imaginaire américain. On se dit que Tim BURTON y a puisé sans doute une certaine inspiration pour "Edward aux mains d'argent" (1990) d'autant que Vincent PRICE y joue également le rôle d'un sorcier. Quant à la scène où des villageois difformes entourent les protagonistes, elle n'est pas sans rappeler "Thriller" avec la voix de ce même Vincent PRICE. Notons également que si la production reste à petit budget, elle bénéficie d'une esthétique plus soignée que d'ordinaire, c'est à dire moins carton-pâte ainsi que d'une musique prenante. Cela compense le caractère hybride et donc bancal du scénario.

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Annie du Klondike (Klondike Annie)

Publié le par Rosalie210

Raoul Walsh (1936)

Annie du Klondike (Klondike Annie)

Au cinéma tout est possible: faire passer Mae WEST pour une bonne soeur, c'est comme déguiser Ginger ROGERS en gamine de 12 ans ou Jack LEMMON et Tony CURTIS en femmes, et pourtant, ça marche. Bien que "Annie du Klondike" ne soit pas réalisé par Billy WILDER mais par Raoul WALSH, il a quelque chose de cet état d'esprit issu du music-hall dont Mae WEST était issue, d'autant que c'est elle qui a écrit la pièce de théâtre et l'a adaptée en scénario. Mae WEST, largement oubliée aujourd'hui a été une immense star mais a tourné dans assez peu de films. Véritable bête de scène à la verve gouailleuse et aux formes particulièrement généreuses (très loin des canons de beauté occidentaux actuels), Mae WEST a beaucoup joué au chat et à la souris avec la censure pour imposer ses dialogues remplis de sous-entendus sexuels et son tempérament de croqueuse d'hommes à l'esprit canaille. "Annie du Klondike" est un film dans lequel elle s'amuse avec son image, passant donc du statut de poule de luxe à celui d'évangéliste aux méthodes peu orthodoxes, véritable pied-de-nez à l'Amérique puritaine dont elle était on s'en doute la bête noire. Le film vaut essentiellement aujourd'hui pour la performance de l'actrice forte en gueule qui certes appartient au même monde que Jean GABIN ou Marlene DIETRICH (dont elle parodie le style dans les numéros chantés de ses films pour Josef von STERNBERG) mais qui comme cette dernière apparaît aussi comme une icône féministe moderne. Ainsi on savoure sa manière de damer le pion aux hommes en leur répondant du tac au tac, de jeter sur eux le même regard de désir qu'ils ont pour elle et on apprécie ses réparties, notamment celle qui semble parfaitement la résumer: "je préfère suivre mon instinct qu'être assujettie".

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L'Innocence (Kaibutsu)

Publié le par Rosalie210

Hirokazu Kore-Eda (2023)

L'Innocence (Kaibutsu)

Difficile de parler du dernier film de Hirokazu KORE-EDA sans dévoiler son intrigue en forme de puzzle. Jouant dans un premier temps sur différents points de vue plus biaisés les uns que les autres (la mère, persuadée que son fils Minato est maltraité par un professeur couvert par la hiérarchie, le professeur, persuadé que Minato est un harceleur), il finit par sortir de ce tunnel anxiogène pour épanouir son cinéma à l'air libre, dans ce qui constitue une sorte d'Eden lumineux reconstitué par deux enfants qui hors des cadres sociaux peuvent être eux-mêmes. Cette partie du film, de loin la plus belle fait penser à "Nobody Knows" (2003) qui montrait également comment des enfants marginalisés pouvaient voler des instants de magie en construisant un abri précaire les protégeant de la folie du monde. Les parties précédentes sont plus laborieuses. Le thriller n'est pas le genre de prédilection de Hirokazu KORE-EDA et on a du mal à raccrocher les wagons d'autant que l'intérêt des séquences est inégal. Le faible professeur qui se fait manger tout cru est davantage un instrument de l'intrigue qu'un personnage à part entière si bien que le dysfonctionnement du système scolaire a tendance à se cristalliser sur le personnage particulièrement retors de sa directrice. Néanmoins la critique sociale sous-jacente au film fait mouche. A travers ces deux enfants, Hirokazu KORE-EDA dénonce le conservatisme de la société japonaise, son patriarcat moisi, son incapacité à accepter la différence et ses institutions sclérosées sans parler de sa propension effrayante à la dissimulation et à la cruauté. Les scènes de confrontation entre la mère de Minato et le personnel de l'école sont surréalistes et glacent le sang! Néanmoins et en dépit de son prix du scénario à Cannes, je suis persuadée que plus de simplicité et de clarté dans la narration aurait amplifié l'émotion qui se dégage d'un film inutilement alambiqué.

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Les Trois Mousquetaires- Milady

Publié le par Rosalie210

Martin Bourboulon (2023)

Les Trois Mousquetaires- Milady

J'ai pris tout mon temps pour voir la suite des aventures de d'Artagnan par Martin BOURBOULON, anticipant le fait que la suite n'allait pas confirmer les promesses du premier volet. Je ne me suis pas trompée. Faire une suite qui fonctionne, ça ne s'improvise pas. Or c'est exactement l'impression que m'a donnée cette brouillonne et anémique deuxième partie. Exit la mise en scène combinant plusieurs arcs narratifs qui donnait du relief à la première partie. Exit également la qualité d'écriture. On se retrouve avec une intrigue pauvre et décousue qui finit par se résumer à une enfilade de scènes de bravoure: le siège de la Rochelle (transposé à Saint-Malo), le combat d'Artagnan/Milady dans les flammes etc. Tout cela est mené avec une facilité si déconcertante qu'elle enlève tout suspens: on s'infiltre dans la citadelle comme dans du beurre, d'Artagnan braque Richelieu puis s'en va comme si de rien n'était (ils sont passés où les gardes du cardinal?), il suffit à Milady de changer de vêtements pour quitter sa prison sans être inquiétée et à l'inverse, D'Artagnan et ses amis y entrent armés jusqu'aux dents comme dans un moulin (les gardes de Buckingham ne sont pas plus réactifs que ceux de Richelieu). Ce n'est pas le fait d'être invraisemblable qui est problématique mais la désinvolture avec laquelle toutes ces séquences, visiblement bâclées tant au niveau de la dramaturgie que de la chorégraphie sont traitées. Cela va de pair avec l'autre gros problème du film, la dénaturation des personnages créés par Alexandre Dumas. D'Artagnan qui court après Constance durant tout le film et s'offusque presque des avances de Milady (un comble par rapport au roman où c'est lui qui abuse d'elle par la ruse) est inintéressant, Portos et Aramis font de la figuration. Mais les deux personnages les plus transformés sont Athos et Milady. Contrairement à ce qui est annoncé dans le titre, l'intrigue ne repose pas sur Milady et pour cause. Celle-ci s'est tellement ramollie que le scénario revu et corrigé lui épargne de faire couler le sang. Au lieu de trucider Constance, elle la prend dans ses bras. Et comme si cela ne suffisait pas, elle devient même une mère. Mais où est donc passé le monstre assoiffé de vengeance de Dumas? Quant à Athos, il semble regretter ses agissements envers Milady ce qui est impensable chez un grand seigneur dont la ligne de conduite est dictée par le code d'honneur propre à son rang qui lui sert à rendre une justice expéditive. Le fait de leur inventer un fils n'explique pas à lui seul le ramollissement de Milady, après tout, l'enfant n'arrêtait nullement la vengeance de "La Mariée" dans "Kill Bill : Volume 2" (2004). On ne sait pas trop où ce scénario revu et corrigé pour le pire veut nous emmener, sinon vers une nouvelle suite totalement déconnectée des romans de Dumas. Pas sûre d'avoir envie de suivre cette voie-là. Je n'aime guère quand il y a tromperie sur la marchandise, encore moins quand après avoir soigné la première partie, on torche à ce point le travail. Ni Alexandre Dumas, ni les spectateurs ne méritent cela.

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Le Chat du Rabbin

Publié le par Rosalie210

Joann Sfar, Antoine Delesvaux (2010)

Le Chat du Rabbin

Vraiment très sympa, "Le Chat du rabbin". En dépit d'un scénario décousu qui a tendance à survoler nombre de personnages avant de se terminer en queue de poisson, la faute sans doute à la volonté de synthétiser les albums BD en 1h30, le charme opère. Cette fable philosophique qui se déroule dans l'Afrique coloniale de l'entre-deux-guerres évoque la coexistence religieuse des juifs et des musulmans, certains ouverts et tolérants et d'autres, beaucoup moins. Le rabbin et le cheik font partie des seconds et se lancent à l'aventure en quête d'une nouvelle Jérusalem en Ethiopie avec un attelage aussi hétéroclite qu'eux. Leur périple est l'occasion d'envoyer des piques bien senties sur l'interprétation des textes religieux. Le statut des images fait par exemple l'objet d'un passage bien ironique dans lequel le chef d'une tribu de musulmans fondamentalistes ne voit aucun inconvénient à se faire tirer le portrait tant que cela flatte son ego. Ses justifications alambiquées montrent que les dogmes sont à géométrie variable: ainsi dans sa bouche la peinture n'est plus de l'idolâtrie contrairement à la sculpture. Même traitement ironique du colonialisme à travers l'hilarant passage où nos amis rencontrent Tintin au Congo flanqué d'un accent belge à couper au couteau (c'est Francois DAMIENS qui le double) et qui les prend de haut. Comme dans toutes les fables il y a des animaux, ici un âne, un perroquet et surtout un chat qui parle et ne croit en rien. Les questions gênantes qu'il pose à son maître remettent en question les croyances religieuses alors que le racisme pseudo-scientifique se prend un gros coup de poing dans la figure et que la violence des pogroms est mise à distance par l'effet cartoon. Seule l'étrange séquence du cauchemar du chat où il voit la fille de son maître mourir et celui-ci sombrer vient véritablement rompre l'atmosphère plutôt bon enfant de l'ensemble mais elle ne trouve pas d'explication ultérieure dans le film, laissant le spectateur qui n'a pas lu les BD à ses conjectures.

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Miracle en Alabama (The Miracle Worker)

Publié le par Rosalie210

Arthur Penn (1962)

Miracle en Alabama (The Miracle Worker)

Amateurs d'histoires larmoyantes ou édifiantes, passez votre chemin. "Miracle en Alabama" est un film dur, âpre, éprouvant et qui dépasse de très loin son sujet initial. On sent que Arthur PENN a envie de renverser la table alors même que le Nouvel Hollywood dont il sera l'un des précurseurs reste à inventer: "Les gens qui m’intéressent sont ceux qui vivent en marge de la société, au-delà des lignes toutes tracées. Je fais en sorte que mes personnages soient vrais, c’est-à-dire souvent solitaires, rejetés, souffrants. C’est aussi de ma part une réaction contre les critères hollywoodiens selon lesquels tout le monde est beau, parfait, éclatant de santé." (Arthur PENN, 1983). "Miracle en Alabama" correspond trait pour trait à cette Amérique de l'autre côté du miroir que dépeint Arthur PENN dans ses films. Il s'agit de l'adaptation cinématographique de la pièce de théâtre éponyme de William Gibson dont Arthur PENN avait assuré la mise en scène sur les planches de Broadway avec déjà le duo Anne BANCROFT-Patty DUKE. Arthur PENN avait également réalisé un téléfilm en 1957, deux ans avant la création de la pièce de théâtre. C'est dire s'il connaissait son sujet, tiré de l'autobiographie de Helen Keller qui suite à une maladie infantile fut privée de la vue et de l'ouïe et rendue quasi muette.

Il y a deux oeuvres qui me sont immédiatement venues à l'esprit en regardant "Miracle en Alabama": "L'Enfant sauvage" (1969) de Francois TRUFFAUT et "Le Cri" de Edouard Munch (l'affiche, le générique de début, muet, dépouillé, bouleversant qui montre cette petite fille avancer les bras tendus dans le vide, tomber, se cogner, se relever, crier sans sortir de son). Tout au long du film, Arthur PENN joue sur deux tableaux. D'une part le corps à corps rugueux pour ne pas dire violent entre Helen et son éducatrice, Anne Sullivan, elle-même mal-voyante pour parvenir à sortir Helen des ténèbres et du silence qui l'isolent du monde. Et en même temps la transgression des normes et des valeurs de l'Amérique puritaine qui n'ont aucune prise sur le petit animal sauvage qu'est Helen sans parler de la nécessité de briser ces normes pour espérer la relier au monde qu'incarne Anne Sullivan. Celle-ci doit en effet se battre, au propre et au figuré pour se faire accepter et respecter par Helen mais aussi par sa famille qui la traite moins en éducatrice ou aidante proche qu'en domestique que le moindre faux pas met sur la sellette. Et pourtant Anne ne lâche rien, notamment vis à vis du père dont le degré d'aveuglement vis à vis de la défaite de la civilisation sudiste face au nord dans la guerre de Sécession renvoie aux handicaps de sa fille.

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