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Articles avec #nolan (christopher) tag

Oppenheimer

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2023)

Oppenheimer

"Oppenheimer" est l'adaptation du livre de Kai Bird et Martin J. Sherwin "Robert Oppenheimer: Triomphe et tragédie d'un génie". En VO, le titre compare Oppenheimer au mythe de Prométhée ce qui est repris dans le film dès la citation qui accompagne les premières images. Ce qui est intéressant dans ce mythe, c'est la versatilité de son interprétation au fil du temps lié au fait que dans la réalité comme dans le mythe (qui est justement une manière d'expliquer le monde), le bien et le mal sont indissociables. Vu d'abord comme un héros positif associé aux progrès de la civilisation occidentale, Prométhée est aujourd'hui associé aux dangers de la "science sans conscience" et Robert Oppenheimer illustre bien cette double facette du Titan: le savant qui vole le feu/l'arme ultime de destruction massive aux Dieux afin de donner un avantage décisif à son camp qu'il pense être celui du bien pour voir ensuite sa création lui échapper, devenir le bouc-émissaire d'une Amérique en pleine paranoïa anti-communiste et être torturé par sa conscience face aux terribles conséquences de l'usage de cette arme entre les mains des grandes puissances.

"Oppenheimer" repose donc sur un matériau solide et une excellente interprétation, Cillian Murphy en tête qui est un habitué des films de Christopher Nolan mais accède enfin à un grand rôle. Son Oppenheimer particulièrement complexe est à la fois proche d'Einstein par son approche scientifique et radicalement opposé à lui sur tout le reste. Aussi les rencontres entre les deux hommes, le vieux sage retiré du monde et le carriériste hanté par les conséquences de son pacte faustien et notamment le final, superbe, en dit très peu et en suggère beaucoup. Des scènes de cette puissance, il y en a d'autres comme l'essai nucléaire qui précède le largage des bombes sur le japon ou la conférence durant laquelle Oppenheimer prend conscience de l'horreur qu'il a rendu possible. Dans les deux cas le décalage entre l'image et le son amplifie la sensation d'apocalypse. Le parallèle entre la basse vengeance de Lewis Strauss, le président de la commission à l'énergie atomique des USA (AEC) sur Oppenheimer puis la revanche des scientifiques au Sénat sur celui-ci vaut aussi son pesant d'or d'autant que si Strauss (Robert Downey Junior) est un personnage simple (un aigri bouffi d'ego), la façon dont Oppenheimer utilise ses démêlés extra-judiciaires pour échapper à sa culpabilité en se posant en victime du maccarthysme est troublante.

Hélas avant cela, il faut subir ce qui s'apparente à une interminable purge de paroles creuses émises par des personnages qui le sont tout autant. Les détracteurs de "Oppenheimer" ont raison au moins sur un point. Le film est "trop": trop long, trop bavard, trop rempli d'effets de style et de personnages secondaires inutiles (tous ces scientifiques au nom et au visage interchangeable auraient pu être réduits de moitié, on aurait pu se passer des scènes de sexe avec l'amante communiste etc). Mais un film plus épuré, plus posé, moins grandiloquent aurait sans doute été moins grand public, aurait moins fait le buzz et Christopher Nolan n'aurait pas pu y greffer ses marottes formalistes. Dommage, il n'en aurait été que plus fort.

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Dunkerque (Dunkirk)

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2017)

Dunkerque (Dunkirk)

Immersif et abstrait, le "Dunkerque" de Christopher NOLAN m'a fait penser à "Inception" (2009) avec son montage alterné sur trois temporalités différentes. Une évacuation sur la jetée qui dure une semaine, un bateau de plaisance qui se porte au secours des naufragés sur une journée et un pilote d'avion qui tente de couvrir les opérations sur une heure. Le résultat qui fait penser à un jeu vidéo est cependant brouillon et répétitif. Le scénario est rachitique et les personnages interchangeables, une impression renforcée par le minimalisme des images: ciel, plage, mer presque vides où apparaissent parfois quelques points ou lignes de points. Ennemi invisible, allié français presque inexistant, plage immaculée et ville de Dunkerque anachronique et intacte déréalisent et décontextualisent complètement la guerre. C'est d'ailleurs le but affiché par Christopher NOLAN qui a préféré faire un film de survie. Mieux vaut en effet ne pas être claustrophobe tant les scènes où les soldats sont pris au piège d'une carcasse de bateau ou d'avion qui coule sont nombreuses. On a bien du mal à croire que 300 mille des 400 mille soldats britanniques ont pu être sauvés dans ces conditions tant Christopher Nolan insiste sur les torpillages de bateaux, les mitraillages sur la plage et la sensation d'oppression qui en résulte, renforcée par la musique lancinante de Hans ZIMMER. C'est à peu près la seule sensation qui émerge de ce film qui paradoxalement s'avère étouffant en filmant pourtant des espaces épurés et infinis.

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Insomnia

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2002)

Insomnia

Je n'ai pas vu le film original dont "Insomnia" est le remake, en revanche, même si l'intrigue est délocalisée en Alaska, j'ai reconnu l'ambiance des polars scandinaves tels que la saga "Millenium" (2010) ou "Les Enquêtes de l inspecteur Wallander" (2008). Cela tient à la place centrale occupée par une nature oppressante, des intrigues et des personnages malsains, le poids du silence enfin. Et puis j'ai eu l'occasion de faire l'expérience du soleil de minuit et mon organisme n'a pas supporté cette perte de repères, me tenant éveillée durant 72h d'affilée. Bien entendu dans le film, il faut lire l'insomnie qui torture l'inspecteur Will Dormer comme une métaphore de sa conscience intranquille. Le personnage de vieux flic désabusé excellement joué par Al PACINO aspire à un repos qui se dérobe à lui. D'où une conduite à risque (au sens propre!) par laquelle il aspire au sommeil éternel qui le laissera enfin en paix. Si le troisième film de Christopher NOLAN est plus simple dans sa construction que le précédent "Memento" (2000), le fait est qu'ils sont reliés par la mémoire. Mais alors que dans "Memento" il s'agit de raviver (ou d'inventer c'est selon) des souvenirs pour alimenter une mémoire qui s'efface plus vite que son ombre, dans "Insomnia", il s'agit au contraire de parvenir à oublier un passé trop lourd qui s'invite dès le générique de début sous la forme de flashs récurrents montrant un tissu s'imbibant de sang. Will Dormer est en effet poursuivi par une culpabilité aussi tenace que la tache de sang qui refuse de partir. Elle s'invite sous de multiples formes durant le film et brouille les repères entre l'innocent et le coupable, la vérité et le mensonge, le jour et la nuit, le rêve et la réalité (autre thème majeur de la filmographie de Christopher NOLAN). Son antagoniste, l'écrivain Walter Finch (Robin WILLIAMS dont ce n'est pas le seul rôle à contre-emploi, il joue de manière assez semblable dans un film un peu ultérieur "Final cut") (2005) n'est peut-être qu'un avatar de lui-même tout comme l'adolescente assassinée possède un double avec lequel il joue un jeu dangereux (quoique moins poussé que dans la version originale d'après ce que j'ai lu). L'aspect introspectif de "Insomnia" est ce qui en fait un film personnel et non un thriller lambda, une sorte de "voyage au bout de la nuit" lors d'un jour sans fin dans une ville du bout du monde appelée Nightmute (elle existe réellement et comment ne pas faire le rapprochement avec Nuit et brouillard: secret et disparition).

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Memento

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2000)

Memento

La mémoire qui flanche est le support de belles expériences cinématographiques. "Memento" ("Souviens-toi" en latin), deuxième long-métrage de Christopher Nolan est le film qui l'a révélé et qui contient en germe toutes ses oeuvres futures: distorsion du temps, structure cyclique et fragmentée façon puzzle, effacement de la frontière entre le réel et l'imaginaire, le vrai et le faux. Le début contient même un passage de rembobinage qui fait beaucoup penser au principe de "Tenet" lorsque la balle sort du crâne pour retourner dans le chargeur. Cependant, "Memento" tout en étant un thriller énigmatique fait surtout partager au spectateur la perception du monde du héros, Leonard Shelby (Guy Pearce) qui à la suite d'un traumatisme crânien causé par une agression souffre de troubles de la mémoire immédiate. Autrement dit, ses souvenirs postérieurs à l'agression dont il a été victime s'effacent à peine quelques minutes après qu'ils aient été vécus au présent comme le montre le générique qui utilise la métaphore de la photographie qui disparaît à peine imprimée sur la pellicule (et qui peut d'ailleurs faire penser à la durée d'exposition très brève d'un post sur les réseaux sociaux). Pourtant, Leonard n'est pas un homme sans passé puisqu'il se souvient (ou croit se souvenir) de tout ce qui s'est passé avant son agression. Et il n'est pas complètement perdu puisqu'il s'est donné une mission extrêmement simple: se venger de l'agresseur qui a tué sa femme et l'a handicapé à vie. Pour être sûr de ne pas perdre de vue son but et les faits saillants de son enquête, il les a fait tatouer à même la peau. Un moyen bien connu de se donner une identité quand celle-ci est incertaine. Et pour avoir un minimum de repères dans le présent, Shelby prend des polaroïds de sa voiture ainsi que des lieux et des gens qu'il fréquente (principalement "Teddy" et "Natalie" alias Joe Pantoliano et Carrie-Anne Moss tous deux également acteurs à la même époque dans "Matrix" qui présente certaines similitudes avec "Memento") et les annote. Néanmoins ces traces très fragmentaires s'avèrent de plus en plus sujettes à caution au fur et à mesure que le spectateur remonte le temps. Car le grand principe de "Memento"  est son montage à l'envers, chaque scène en couleur étant suivie de celle qui la précède immédiatement dans le temps. Un raccord sur quelques images identiques permet de faire le lien entre les scènes pour le spectateur. Entre chaque scène en couleur fonctionnant sur le principe d'une chronologie inversée, Christopher Nolan a inséré d'autres scènes, en noir et blanc cette fois, plus courtes et surtout qui défilent, elles, dans le sens de la marche du temps. Cette narration non linéaire est compensée par l'unité de lieu et d'action. Elle permet au spectateur de reconstituer le puzzle à la place du héros à la mémoire défaillante pour découvrir non seulement comment il est manipulé par les autres qui profitent de son handicap pour servir leurs intérêts mais aussi comment il se manipule lui-même pour répéter en boucle la mission qu'il s'est fixée, "rebootée" à peine terminée de façon à ne jamais plus pouvoir en sortir (un peu comme dans "Un jour sans fin" de Harold Ramis mais dans le registre du drame et non de la comédie). En cela, il préfigure les héros d'"Inception" et de "Interstellar" tellement pris dans la toile de leurs mondes parallèles qu'ils ont bien du mal ensuite à atterrir et à retrouver le sens des réalités.

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Tenet

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2019)

Tenet

J'ai longtemps hésité avant de me décider à regarder "Tenet", j'avais eu de mauvais échos mais l'envie de me faire ma propre idée du film l'a emporté. Hélas, je n'ai pas été emballée et j'ai même fini par ne plus du tout m'intéresser à ce qui se passait à l'écran. Il m'a fait penser à une version ratée de "Inception" (2009). Dans les deux cas il s'agit de films basés sur un concept de distorsion du temps dont le déploiement permet de montrer des scènes d'action spectaculaires se déroulant à un rythme soutenu avec un effet labyrinthique donné par un montage complexe. Mais "Inception" était charpenté par une véritable histoire avec des enjeux à hauteur d'homme et le casting était de haut niveau. "Tenet" repose lui sur un scénario simpliste et archi-rebattu: sauver le monde de l'apocalypse et son casting est franchement médiocre (même si pour l'anecdote, c'est amusant de retrouver une partie des acteurs de "Harry Potter et la coupe de feu" (2005) quinze ans plus tard, Clémence POÉSY et Robert PATTINSON). Le "héros" tout comme "le méchant" (rien que ces mentions soulignent là aussi le manque d'ambition quant à la caractérisation des personnages) manque cruellement de consistance, il n'est que le rouage d'une machine qui semble être la seule raison d'être du film. Sauf que plus celui-ci avance, plus il devient confus à force de vouloir faire cohabiter dans un même plan deux temporalités antagonistes (un temps présent s'écoulant à l'endroit et un temps présent s'écoulant à l'envers). Confus et répétitif de surcroît puisque la deuxième partie du film revient sur les scènes déjà vues, partiellement remontées à l'envers. Pour humaniser un peu son film, Christopher NOLAN a ajouté l'histoire de la femme du méchant, Kat (Elizabeth DEBICKI) qui cherche à sauver son fils, Max de l'apocalypse programmé par son père. Cette intrigue souligne l'incohérence foncière du personnage de Andrei Sator (Kenneth BRANAGH) condamné par un cancer lié à ce qui s'apparente aux conséquences de la catastrophe de Tchernobyl et qui a de ce fait sombré dans le nihilisme mais qui a quand même fait un enfant. Il me semble que lorsqu'on veut détruire l'humanité en anéantissant le temps, on ne se perpétue pas. Le "paradoxe du grand-père" évoqué dans le film consistant à se détruire soi-même en détruisant le passé ne trouve d'ailleurs pas davantage de réponse satisfaisante. Sinon que Sator est russe et que pour nombre de blockbusters américains ratés*, être russe est une explication en soi. Comme le disait Sting dans les années 80 à propos de la menace nucléaire liée à la guerre froide "J'espère que les russes aiment aussi leurs enfants". Visiblement Christopher NOLAN nous a pondu un film avec les fantasmes américains de cette époque -les années 80- vis à vis des soviétiques "relooké" en film des années 2010. C'est ce qui s'appelle un retour en arrière. Mais pas au bon sens du terme.

* Ce n'est pas la première fois que je remarque qu'un film de Christopher NOLAN véhicule des idées conservatrices voire réactionnaires. Ca m'avait déjà frappé dans "Batman - The Dark Knight Rises" (2012).

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Batman- The Dark Knight Rises (The Dark Knight Rises)

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2012)

Batman- The Dark Knight Rises (The Dark Knight Rises)

Après un premier volet inégal mais offrant des propositions intéressantes et un second volet abouti qui a fait date, Christopher Nolan se vautre complètement sur ce troisième et dernier volet qui doit de ne pas avoir été jeté aux poubelles de l'histoire uniquement à la qualité de ses deux prédécesseurs. Il n'y a plus en effet aucune ambition, tant esthétique que narrative dans ce blockbuster académique qu'il a sans doute réalisé pour remplir un cahier des charges. La panne d'inspiration est manifeste de même que le manque d'implication. Tout ce qui faisait l'originalité et l'intérêt des films précédents disparaît au profit d'un déluge de scènes d'action vues 100 fois ailleurs. De même que la nuit et l'invisibilité se sont dissipées au profit de plans fixes et poseurs tournés en plein jour, le scénario est décalqué sur celui de 80% des superproductions US dans lesquelles l'Amérique joue à se faire peur pour mieux réaffirmer ses valeurs conservatrices. On a donc le sempiternel héritier qui veut terminer l'œuvre de son méchant de père (Ra's Al Ghul of course, le Joker, trop dérangeant n'est même pas évoqué) à savoir détruire Gotham City. Pendant ce temps Bruce Wayne qui est en petite forme boude dans son manoir (on le comprend au vu du scénario) mais humilié par le méchant à deux balles, il relève la tête et endosse le rôle de super-héros (rôle qu'il refusait jusque là) pour jouer les sauveurs, christique tant qu'on y est. Délivré du fardeau du costume de Batman (car seule l'enveloppe explose avec la bombe nucléaire), il pourra alors couler des jours heureux auprès de Catwoman sous l'œil rassuré d'Alfred qui a lui aussi terminé sa mission de père de substitution (c'est le seul personnage qui s'en tire à peu près honorablement dans ce naufrage, toujours impeccablement joué par Michael Caine). Au passage, on a droit à un petit cours d'édification civique dans lequel on apprend aux masses à se méfier des dangereux révolutionnaires communistes assoiffés de scalps de riches et de figures d'autorité qui deviennent alors de pauvres victimes. Quant au casting qui recycle le catalogue de "Inception" (2009) il a également laissé sa marque, peu glorieuse, à savoir la palme de la mort la plus ridicule (et la plus parodiée) du cinéma contemporain décernée à Marion Cotillard qui s'est pris les pieds dans l'interprétation d'un personnage dont l'écriture est particulièrement grotesque.

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Batman-The Dark Knight, le Chevalier Noir (The Dark Knight)

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2008)

Batman-The Dark Knight, le Chevalier Noir (The Dark Knight)

"The Dark Knight" pousse beaucoup plus loin les bonnes idées du premier volet en se débarrassant de la majeure partie des scories qui le plombaient. Tant et si bien que le super-héros Batman (Christian Bale) confine à l'abstraction, façon de dire subtilement qu'il s'agit d'une illusion (celle du "sauveur", marotte du cinéma américain attaché aux vigilante movies et autres justiciers hors la loi adeptes de l'autodéfense hérités du western). La dissolution du mythe Batman, définitivement fondu dans le décor ("dark knight" résonne comme "dark night") permet de donner une place prépondérante à des personnages bien plus denses, donnant au film une dimension de film noir tragique et post-apocalyptique dans laquelle plane l'ombre du 11 septembre. D'un côté, Harvey Dent (Aaron Eckart) surnommé le "chevalier blanc" parce qu'il veut nettoyer Gotham de sa pègre en s'appuyant sur la légalité et un discours intransigeant. Bien entendu cette figure de cire moraliste se dégonflera au premier assaut* et finira par tomber le masque (jusqu'à l'os pourrait-on dire) pour révéler sa propre monstruosité cachée. De l'autre, le Joker, surnommé le "maître du chaos" en raison de son nihilisme et de son anarchisme fou furieux. "Why so serious?" en effet quand plus rien n'a de sens et que l'état physique et mental est dégradé au point de considérer la société et ses valeurs comme une vaste blague dont il faut s'amuser avant de tout faire sauter. Alors qu'il y a encore un peu trop (par moments) de blabla inconsistant, Heath Ledger donne du poids à chaque mot qu'il prononce, rendant glaçant, terrifiant son personnage de clown psychopathe à l'intelligence supérieure avec son corps désarticulé et son maquillage baveux et défait. Ayant toujours un coup d'avance, s'infiltrant partout et manipulant tout le monde, le Joker apparaît comme l'ombre de Batman, la projection dévoyée de son désir de toute-puissance. Entre ces deux entités monstrueuses, Jim Gordon le flic intègre et modeste joué par Gary Oldman tente de sauver comme il le peut l'humanité de Gotham à défaut de sa démocratie, la première étant rudement mise à l'épreuve (la scène des Ferries) et la seconde gangrenée de toutes parts.

* L'insignifiance de sa petite amie Rachel (Maggie Gyllenhaal, aussi transparente que Katie Holmes dans le premier volet), sacrifiée par Batman et Gordon au nom de l'espoir qu'il représente pour sauver Gotham donne encore davantage cette impression d'ensemble vide envahi par la haine et le désespoir.

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Batman begins

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2005)

Batman begins

Alors que l'on ne parle plus que du rôle de sauveur du cinéma en salles gravement affecté par la pandémie du Covid-19 que doit jouer le dernier opus de Christopher Nolan, "Tenet" (2020), j'ai eu envie de revoir sa trilogie Batman. Autant le dire tout de suite, j'ai beaucoup de mal avec l'univers des super-héros de comics tant sur la forme que sur le fond au point de confondre encore récemment ceux de DC et ceux de Marvel (mais je me suis fait reprendre par un puriste lors d'une exposition des oeuvres de Nathan Sawaya qui leur était consacrée et depuis j'arrive à les distinguer). Evidemment quand le film est réflexif comme "Incassable" (2000) ou "Les Indestructibles" (2004), ça passe mieux. J'avais le souvenir de m'être ennuyée devant "Batman Begins" et fort heureusement, je l'ai davantage apprécié au deuxième visionnage. J'aime tout particulièrement trois choses: le soin apporté aux décors de Gotham City, très fortement inspirés du "Blade Runner" (1982) de Ridley Scott. Le caractère théâtral du personnage de Batman, véritable fantôme d'un grandiose opéra urbain que la mise en scène rend aussi insaisissable que l'éther. Et enfin l'humanité qui se dégage de ses pères de substitution, Alfred le majordome (Michael Caine), le sergent puis lieutenant Gordon (Gary Oldman) et enfin Lucius Fox (Moirgan Freeman) qui travaille dans l'entreprise Wayne. Cela permet de supporter un scénario très "premier degré" c'est à dire sans zones d'ombre où les motivations de Bruce Wayne (Christian Bale) sont assez grossièrement surlignées à la manière de nombreux biopics. Vous saurez tout sur ses traumas d'enfance d'autant que "ça" explique le personnage qui paradoxalement ne possède plus une seule zone d'ombre alors que le charisme repose sur le mystère (mais le mystère dérange). Quant à la séquence initiatique en Asie, elle fait terriblement cliché d'autant que la présence de Liam Neeson me fait aussitôt penser à son personnage conventionnel de mentor dans la deuxième (ou première selon le critère retenu) trilogie Star Wars. Alors certes, Ducard est double mais qu'est ce qu'on s'en balance! (Tout comme la simpliste dualité du héros en fait). Rien à voir avec le vilain inoubliable du deuxième volet incarné par Heath Ledger.

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Inception

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2010)

Inception

"Non, rien de rien, non, je ne regrette rien. Ni le bien, qu'on m'a fait, ni le mal, tout ça m'est bien égal"*. Si les personnages d'"Inception" étaient semblables à la chanson qu'ils utilisent pour leur indiquer qu'il est bientôt  l'heure de se réveiller parmi les différentes strates de rêves dans lesquels ils sont plongés, il n'y aurait pas "d'Inception". Il n'y aurait pas de coffre à secrets, de phrase malentendue ou mal interprétée, d'acte manqué ou funeste revenant hanter son protagoniste. Il n'y aurait pas de question non résolue telle que "suis-je responsable de la mort de ma femme?", "Pourquoi n'ai-je pas pris le temps de regarder le visage de mes enfants avant de partir?" ou "suis-je un raté aux yeux de mon père?". Ainsi "Inception" derrière ses allures de labyrinthe du casse de l'esprit est aussi une gigantesque thérapie visant à offrir à des personnages tourmentés le repos de l'âme. Peu importe au fond de distinguer le vrai du faux comme le montre la réponse que Cobb implante dans l'esprit de Fisher (qui est d'ailleurs peut-être la vérité, qui sait! Ce qui compte au fond, c'est qu'elle le libère) et la fin volontairement ouverte où l'on se demande si Cobb (Leonardo DiCAPRIO) est véritablement revenu dans la réalité ou s'il ne rêve pas encore. Comme dans "Interstellar" (2014), des personnages qui se sont arrachés de la pesanteur terrestre et des êtres qu'ils y aimaient se perdent dans une autre dimension et ont toutes les peines du monde à revenir au point de ne pas y parvenir comme le montre le personnage de Mal (Marion COTILLARD).

En plus de ces questionnements philosophiques et psychologiques, "Inception" est un grand film de structures virtuoses qui met un peu de temps à démarrer car il lui faut le temps d'exposer son dispositif complexe. Mais quand il se déploie dans toute sa splendeur il en met plein la vue avec ses différents rêves emboîtés aux temporalités différentes mais qui interagissent les uns avec les autres. Ainsi en est-il de la chute du van au ralenti qui provoque les scènes d'apesanteur surréalistes de l'hôtel et les scènes de réveil successif, strate après strate. Les références utilisées par Christopher NOLAN sont nombreuses. Il s'est beaucoup inspiré pour le scénario et certaines scènes de "Paprika" (2006) de Satoshi KON et d'ailleurs le début du film est un clin d'œil au Japon avec notamment un décor dérivé de celui du château Nijo à Kyoto. Mais sur le plan formel, le réalisateur auquel on pense le plus en dehors du "Blade Runner" (1982) de Ridley SCOTT (film également sous influence japonaise et très "architecturé") c'est Stanley KUBRICK, un architecte de l'image explorant l'espace dans "2001, l'odyssée de l'espace" (1968) et flirtant avec le cauchemar paranormal dans "Shining" (1980) (le choix du couloir d'un hôtel comme décor majeur pour le film n'est pas dû au hasard). Evidemment la saga "Matrix" (1998) ne peut pas être occultée à cause notamment de la similitude des va et vient permanents entre monde réel où les personnages sont réveillés et mondes virtuels où pendant qu'ils dorment, on retrouve leur image dans une autre dimension entre rêve et jeu vidéo. "Inception" comme "Matrix" sont des films-métaphores de l'art cinématographique lui-même puisque pendant que notre corps repose dans un fauteuil, notre esprit s'affranchit des contingences du réel pour aller à l'autre bout du monde, sous l'eau ou dans l'espace, dix siècles plus tôt ou mille ans plus tard (sans parler du fait qu'il peut aussi reconfigurer la personnalité physiquement et psychiquement par l'identification aux héros de l'histoire). Des œuvres littéraires ont également influé sur le film, notamment celle de Borges (elle imprègne toute l'œuvre de Christopher NOLAN) et "Alice au pays des merveilles".

*Evidemment, que ce soit intentionnel ou pas, on ne peut s'empêcher de penser aussi à "La Môme" (2007) qui a ouvert les portes d'Hollywood à Marion COTILLARD, protagoniste importante du film de Christopher NOLAN.

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Interstellar

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2014)

Interstellar

Interstellar qui s'inscrit clairement dans la lignée de 2001 l'Odyssée de l'espace tout en recyclant les obsessions géométriques de Christopher Nolan réussit à instruire tout en réenchantant l'exploration spatiale. Le film s'appuie sur les travaux de l'astrophysicien Kip Thorne et s'avère visionnaire sur les dernières découvertes concernant la théorie de la relativité. J'ai récemment assisté à une conférence de vulgarisation sur le sujet au Palais de la découverte et pour illustrer le phénomène des trous noirs (dont on vient de prouver l'existence grâce à des appareils capables de capter les ondes gravitationnelles qu'ils émettent), il y avait une photo de Gargantua, celui que l'on voit dans Interstellar (trou noir qui illustre également nombre de revues spécialisées).

D'autre part le film rappelle qu'il n'y a pas que la lumière et les ondes gravitationnelles qui sont capables de franchir le vide intersidéral, il y a aussi l'amour. Le lien très fort qui unit Cooper et sa fille Murphy par-delà l'espace et le temps est ce qui sauve au final l'humanité. Et la puissance de cet amour filial est un nouvel hommage au génial théoricien de la relativité, Albert Einstein. Ce dernier avait en effet écrit à sa fille une lettre qui disait en substance:
"Il y a une force extrêmement puissante pour qui jusqu’à présent, la science n’a pas trouvé une explication officielle. C’est une force qui comprend et régit toutes les autres et est même derrière tout phénomène qu’elle opère dans l’univers et qui a été identifié par nos soins. Cette force universelle est l’Amour.
Lorsque les scientifiques étaient à la recherche d’une théorie unifiée de l’univers, ils ont oublié la plus invisible et la plus puissante des forces: L’Amour est Lumière, parce qu’il éclaire celui qui s’y donne et la reçoit. L’Amour est gravité, car elle rend certaines personnes attirées par l’autre. L’Amour est la puissance, car elle démultiplie la meilleure chose que nous ayons et permet que l’humanité ne s’éteigne pas dans son égoïsme aveugle. L’Amour révèle et se révèle. Par l’Amour, meurt et vit. L’Amour est Dieu, et Dieu est Amour".

Les allusions religieuses d'Interstellar (vaisseau arche de noé, héros nouveaux Adam et Eve pouvant vivre plusieurs centaines d'années, puissance de l'amour) sont donc profondément fidèles à la vision d'Einstein et rappellent que la science sans humanité n'a pas de sens. Les critiques français qui dénoncent la dimension religieuse des films de SF américains sont donc complètement à côté de la plaque (c'est d'ailleurs sans doute pour cela que nous sommes incapables de réaliser un film de ce genre).

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