Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Drive

Publié le par Rosalie210

Nicolas Winding Refn (2011)

Drive

Il m'aura fallu 10 ans pour apprécier "Drive" à sa juste valeur. Parce que je l'avais vu au cinéma à sa sortie et que je ne l'avais pas plus aimé que ça. Je trouvais (entre autres) la musique envahissante, les scènes de violence gratuites (celle de l'ascenseur m'avait déconcerté) et les personnages, invraisemblables (et leurs motivations, incompréhensibles). Mais en le revoyant, j'ai eu le sentiment que le film nous plongeait dans un rêve éveillé et que c'est cela qui lui donnait sa cohérence. L'importance des ralentis, des variations de lumière, des travellings aériens ou au contraire au ras du sol, l'ambiance nocturne prédominante et la musique participent de cette ambiance onirique. Film immersif, hypnotique, "Drive" fait surgir du néant une sorte de héros charismatique, mutique, ambivalent (douceur/violence) et sans attaches qui accomplit une mission de justicier (protéger la veuve et l'orphelin, littéralement) avant de retourner dans sa nuit. Et ce type de héros, on le reconnaît. Il provient du western crépusculaire ("L'homme sans nom" de la trilogie du dollar, cow-boy solitaire sans identité) et du film noir. Je pense plus précisément au "Le Samouraï" (1967) de Jean-Pierre MELVILLE avec son tueur à gages froid, méthodique, hiératique, impassible et dépourvu de toute vie personnelle mais charismatique à mort car mutique, mystérieux et revêtu d'un costume qui en jette ("l'homme portemanteau"). L'énorme scorpion jaune qui orne le blouson du conducteur définit sa personnalité comme la veste en peau de serpent de Sailor dans "Sailor & Lula" (1990) elle-même inspirée du film "L Homme à la peau de serpent" (1961) dans lequel jouait Marlon BRANDO dont le magnétisme animal se rapproche de celui que dégage Ryan GOSLING. Je ne suis pas fan de cet acteur mais dans "Drive" force est de constater que le rôle lui colle vraiment à la peau (sans jeu de mots!).

Voir les commentaires

Carmen

Publié le par Rosalie210

Ernst Lubitsch (1918)

Carmen

Oeuvre de jeunesse de Ernst LUBITSCH tournée durant la période où il travaillait pour la UFA*, "Carmen" qui a bénéficié d'une belle restauration vaut surtout pour sa reconstitution soignée**, son rythme enlevé et l'interprétation de l'héroïne par la charismatique Pola NEGRI (actrice récurrente de Ernst LUBITSCH durant sa période allemande). Sa Carmen est particulièrement insolente et provocante. Les autres personnages sont en revanche bien falots, à commencer par le pathétique José (Harry LIEDTKE), espèce de chiffe molle (dans le film) qui reste complètement léthargique devant sa propre déchéance. On comprend que Carmen lui préfère le toréador Escamillo mais celui-ci n'est introduit que dans les dix dernières minutes du film ce qui est particulièrement décevant car le dénouement est bâclé. Quant à la réalisation, elle est professionnelle mais quelque peu impersonnelle. Elle ne porte pas encore la signature qui fera de Ernst LUBITSCH un des grands réalisateurs du cinéma mondial.

*Ernst LUBITSCH a réalisé une quarantaine de films en Allemagne entre 1915 et 1922 qui lui ont permis d'acquérir une certaine notoriété. "Carmen" y a d'ailleurs contribué (on voit d'ailleurs son visage au début du film en même temps que la présentation des acteurs principaux). Il a pu ensuite débuter sa carrière hollywoodienne à partir de 1923 avec le succès que l'on sait puisque ses films américains ont éclipsé le reste de sa filmographie.

** Le choix d'une oeuvre célèbre déjà plusieurs fois adaptée sur grand écran par des cinéastes américains et l'opulence des décors font comprendre que la UFA visait à l'époque à concurrencer les studios hollywoodiens avec des superproductions historiques (ou opératiques).

Voir les commentaires

Jenny

Publié le par Rosalie210

Marcel Carné (1936)

Jenny

"Jenny" est le premier long-métrage de Marcel CARNÉ. C'est aussi sa première collaboration avec Jacques PRÉVERT: un duo légendaire du cinéma français était né. Bien que moins connu que les films du tandem qui suivirent, "Jenny" est déjà rempli de qualités:

- Un panel de comédiens remarquables dont certains deviendront récurrents dans le cinéma de Marcel CARNÉ comme Robert LE VIGAN et surtout Jean-Louis BARRAULT dans l'un de ces rôles secondaires savoureux dont le film abonde. On reconnaît aussi dans le rôle principal, celui de Jenny Françoise ROSAY, l'épouse de Jacques FEYDER dont Marcel CARNÉ avait été l'assistant.

- Ub style original: l'intrigue principale est conventionnelle mais rehaussée par une galerie de personnages pittoresques. Par ailleurs ces personnages sont pour la plupart des marginaux et des solitaires dont certains cachent une partie de leur vie ou de leurs activités peu recommandables selon les conventions de l'époque* (ce qui fait penser à Marcel CARNÉ lui-même). Par conséquent le film a une tonalité mélancolique voire amère en dépit de sa fin heureuse. Cette hybridité ("réalisme poétique"; "fantastique social") se retrouve au niveau des lieux, en particulier dans les scènes d'extérieur. Par exemple une scène d'amour est paradoxalement filmée dans un décor d'usines et d'entrepôts autour du canal de l'Ourcq dans un petit matin blafard. L'envie d'évasion n'en est que plus grande, notamment pour Lucien (Albert PRÉJEAN) qui préfigure Raymond dans "Hôtel du Nord" (1938).

- Enfin les dialogues écrits par Jacques PRÉVERT qui font mouche et dont on retrouve des variantes dans des films ultérieurs. Par exemple lorsque Florence (Sylvia BATAILLE) dit à l'Albinos (Robert LE VIGAN) un client fortuné du club affamé de chair fraîche " Vous avez les poches pleines et le coeur vide, on ne peut pas tout avoir" on entend déjà Garance dire au Comte dans "Les Enfants du paradis" (1943) "Vous êtes riche et vous voudriez être aimé comme un pauvre. Et les pauvres on ne peut quand même pas tout leur prendre aux pauvres!"

* Jenny cache à sa fille Danièle (Lisette Lanvin) que son club est en réalité un tripot et une maison de passe. De même, Lucien cache à Danièle que la source de ses revenus n'est autre que Jenny dont il est le gigolo. Et Lucien ignore le lien de filiation entre les deux femmes.

Voir les commentaires

Dune

Publié le par Rosalie210

David Lynch (1983)

Dune

Je ne connaissais pas du tout "Dune", ni le roman, ni le film de David LYNCH. Mais l'énorme battage médiatique autour de la nouvelle version de Denis VILLENEUVE sortie tout récemment et le fait que plusieurs membres de mon entourage l'ont vu m'a rendu nécessaire le fait d'avoir une idée de ce que c'était. Mais entre David LYNCH et Denis VILLENEUVE, j'ai vite fait mon choix. Parce que même si on lit partout que "c'est son oeuvre la moins personnelle", je connais et apprécie assez le cinéma de David LYNCH pour être capable d'affirmer que ce film porte sa signature et que cela donne un résultat assez fascinant.

Je suis d'accord avec beaucoup de choses qui ont été dites à propos du film: qu'il était "malade", "bancal", "kitsch" et "elliptique". Je peux comprendre que les puristes du roman n'y retrouvent pas forcément leurs petits. David LYNCH lui-même n'a pas eu la totale maîtrise de son film puisque le montage lui a échappé afin que la durée totale du film ne dépasse pas 2h (2H10 exactement) format standard de l'époque alors qu'il aurait voulu une version de 3h30. Mais il n'est pas le premier cinéaste à la tête d'un mastodonte qui voit ses ambitions charcutées par la production (même s'il faut saluer le côté visionnaire du producteur Dino DE LAURENTIIS qui lui a confié le projet et a ensuite continué à le soutenir pour "Blue Velvet") (1985). En son temps Erich von STROHEIM a subi les mêmes déboires, ça n'a pas empêché ses chefs d'oeuvre mutilés de passer à la postérité. Tel quel, malgré ses passages explicatifs destinés à remplacer les parties manquantes, le film se suit très bien. Le prologue, très pédagogique permet de cerner d'emblées des enjeux qui ressemblent à une transposition SF de la guerre du pétrole (déjà au coeur des convoitises en 1965 au temps du roman). L'exploitation d'une "épice" poison qui permet d'acquérir de super pouvoirs mais qui ne se trouve que dans une planète désertique faisant l'objet de rivalités entre puissances, la population locale étant spoliée et obligée de vivre souterrainement en attendant le futur "messie" qui les délivrera du joug de leurs oppresseurs, cela ressemble beaucoup à la géopolitique du Moyen-Orient d'hier... et d'aujourd'hui. Sur cette intrigue qui a conservé toute son actualité (la guerre des ressources faisant plus rage que jamais) se greffe un mysticisme new-age qui aurait pu prêter à sourire au premier degré mais sur lequel David LYNCH a lâché ses monstres. Si bien que les rêves éveillés (et prophétiques) de Paul (Kyle MacLACHLAN), les fulgurances traversant l'esprit des personnages dont on écoute la voix intérieure, leurs mantras mêlés à la très belle et planante musique du groupe Toto et de Brian Eno se mélangent à des cauchemars de corps difformes et mutants. J'ai vu furtivement passer des images très organiques qui m'ont renvoyé à "Eraserhead" (1976 , "Elephant Man" (1980) ou encore à "Twin Peaks" (1992). Impossible de ne pas ressentir un profond dégoût devant les Harkonnen, clan dégénéré dominé par un baron au visage suintant et pustuleux particulièrement répugnant et aussi libidineux que Jabba the Hutt (à qui il m'a fait penser). Sauf que l'objet de son désir se porte sur le seul beau mec du clan, une sorte d'Alex Delarge au sourire sadique interprété par un STING se dévoilant en très petite tenue (au départ il ne devait même rien porter du tout mais la censure ne l'a pas permis). Si le clan rival des Atréides est en revanche tout ce qu'il y a de propre sur lui (d'ailleurs le baron crache sa bave de crapaud sur dame Jessica d'où mon association avec Jabba), certains plans ramènent à cet aspect fondamentalement organique du cinéma de Lynch. Je pense en particulier au plan récurrent de la naissance d'Alia, la petite soeur de Paul pas très éloigné des plans de foetus d'agneau de "Eraserhead" (1976) (bon appétit!) Et puis il y a l'émissaire de la guilde intergalactique, ces navigateurs qui grâce à l'épice peuvent "replier l'espace" c'est à dire voyager sans se déplacer. Pur amas d'organes dans un aquarium, celui-ci possède une bouche baveuse filmée en gros plan qui ressemble à un vagin. Si l'on ajoute à cela des décors grandioses rétro-futuristes steampunk (ce qui est la meilleure façon de bien vieillir) évoquant d'immenses cathédrales sacrées et profanes (les cathédrales industrielles du XIX° siècle) on obtient un résultat fascinant, réévalué par la suite et qui non seulement a gagné avec le temps son statut de film culte mais aussi a réintégré de plein droit son statut de film 100% lynchien.

Voir les commentaires

La Peau douce

Publié le par Rosalie210

François Truffaut (1964)

La Peau douce

"La Peau Douce" est un film qui est longtemps resté dans l'ombre de la filmographie de François TRUFFAUT alors que c'est l'un de ses plus réussis et l'un de ses plus personnels. Comme quoi on peut raconter l'histoire la plus banale du monde -un adultère bourgeois- en la rendant passionnante si l'on sait s'y prendre.

Sur deux points au moins "La Peau Douce" est un chef d'oeuvre. Sa mise en scène d'une précision chirurgicale d'abord qui transforme un drame bourgeois en thriller hitchcockien. Et ça commence quasiment dès le début avec la scène haletante dans laquelle Pierre (Jean DESAILLY) entame une course contre la montre pour prendre un avion pour Lisbonne. Quand on sait que sa future maîtresse, Nicole (Françoise DORLÉAC) l'attend à bord, c'est tout l'enjeu du film qui est contenu dans cette seule scène tournée pied au plancher. Des scènes de tension semblables, on en retrouve avec la grande séquence du séjour à Reims dans laquelle Pierre s'empêtre dans ses mensonges et ne parvient pas à concilier sa vie mondaine et sa vie secrète. Ou encore vers la fin, quand, sur les conseils d'une amie de son épouse, il tente de lui téléphoner pour lui avouer la vérité mais toute une mécanique bien huilée fait qu'il la rate de quelques secondes comme s'il y avait une sorte de "fatum" sur ses épaules.

Cependant, cet engrenage qui transforme un drame bourgeois en tragédie n'aurait pas été possible sans le caractère du personnage principal, artisan de son propre malheur. Pierre s'avère être la médiocrité même, incapable de prendre des décisions, incapable de communiquer franchement. Il dit oui à tout sans le penser ce qui le met dans des situations impossibles engendrant déception, frustrations et amertume. A force d'être incapable de gérer les situations, il finit par se comporter grossièrement avec l'un de ses collègues dont il n'arrive pas à se débarrasser, son épouse à qui il ne parle pas tout en laissant traîner des indices compromettants ou sa maîtresse dont il jouit sur l'instant avec une ardeur fétichiste (très beaux plans à l'appui) mais qui le reste du temps l'embarrasse. Tous deux qui ont une sensible différence d'âge ne vivent pas sur la même planète et n'ont en réalité rien à se dire. D'ailleurs Pierre appelle significativement Nicole "ma poupée", veut qu'elle porte des robes, des talons et des bas (et non des jeans) pour lui faire plaisir et n'éprouve qu'à une seule reprise le besoin de lui dire qu'il l'aime: quand il la pense loin de lui (c'est un écrivain après tout). Dès qu'il réalise sa méprise, il jette son télégramme à la poubelle. Tout cela finit par se payer cash et quand la parole ne peut pas sortir, on sait que le seul soulagement sera celui d'une explosion fatale.

 

Voir les commentaires

Drunk

Publié le par Rosalie210

Thomas Vinterberg (2020)

Drunk

Je n'avais plus regardé de film de Thomas VINTERBERG depuis son percutant "Festen" (1998). "Drunk" aborde lui aussi un sujet délicat et il le fait avec beaucoup d'humanité. Du début à la fin, tous les paradoxes de l'alcool sont explorés et c'est bien parce que les facettes lumineuses et sombres du produit ne sont jamais séparées que le film atteint cette puissance. De façon assez ironique, le lieu central du film est une école dans laquelle derrière une apparence respectable l'alcool coule à flots et sans entraves. Chez les élèves mais aussi chez leurs enseignants quadragénaires gagnés par le mal de vivre. L'un d'eux attire particulièrement le regard avec ses grands yeux tristes: c'est Martin (Mads MIKKELSEN) qui voit sa vie lui échapper: il est en difficulté dans son travail et sa famille l'ignore. Alors en dépit de ses réticences (liées peut-être à un passé déjà agité par la substance) il se laisse tenter avec trois de ses amis (dont Tommy joué par Thomas BO LARSEN déjà vu dans "Festen") (1998) par l'expérience consistant à vivre au quotidien avec de plus en plus d'alcool dans le sang. Et c'est le début de l'engrenage. L'alcool réenchante sa vie, anime ses cours, le rend créatif et alerte. Et il est rappelé combien les substances psychotropes ont pu jouer un rôle créatif (même s'il n'est pas mentionné au profit d'Hemingway, on pense à Rimbaud). Combien leur effet désinhibant peut être magique en stimulant les capacités, augmentant la confiance en soi, l'initiative et la prise de risques. Mais dans le même temps, l'addiction finit par produire ses effets ravageurs, détruisant la vie sociale, la vie intime, la vie tout court. La fin est particulièrement admirable, faisant se succéder une scène de deuil et une scène inoubliable de danse en apesanteur dans un lâcher prise total après la libération de la parole.

Voir les commentaires

Un Couteau dans le Coeur

Publié le par Rosalie210

Yann Gonzalez (2018)

Un Couteau dans le Coeur

Pure coïncidence: le jour même où je découvre enfin "Le Voyeur" (1960) de Michael POWELL, Arte propose en replay sur son site de streaming "Un couteau dans le coeur". Quel est le rapport? "Le Voyeur" (1960) est non seulement l'un des films matriciels du slasher (sous-genre du film d'horreur plutôt anglo-saxon dont s'est inspiré par exemple Brian DE PALMA pour certains de ses films) mais également du giallo, cousin italien du slasher mêlant horreur, polar et érotisme et dont les deux maîtres sont Dario ARGENTO et Mario BAVA. Tous deux sont d'ailleurs passés du statut de réalisateurs de cinéma de genre bis/exploitation/underground à la reconnaissance du statut d'auteur-créateur avec à la clé une consécration cinéphilique au plus haut niveau (exactement comme pour le slasher d'ailleurs, par exemple, j'ai découvert le cinéma de John CARPENTER en regardant des épisodes de Blow-up sur Arte et celui-ci est régulièrement cité aujourd'hui comme une référence ce qui n'était pas le cas à ses débuts). Les deux ex(?) sous-genres ne sont d'ailleurs pas étanches, Brian DE PALMA et Dario ARGENTO se disputant par exemple la paternité de certaines de leurs idées de mise en scène.

Ce préambule est nécessaire pour comprendre que "Un couteau dans le coeur" ne sort pas de nulle part mais est un hommage du réalisateur, Yann GONZALEZ au giallo tout comme Julia DUCOURNAU dans "Titane" (2020) rend un hommage appuyé au slasher. Et il est salutaire que le festival de Cannes soutienne les films de genre français, sous-développés par rapport à leurs homologues américains et italiens afin de sortir de la dualité drame social ou sentimental auteuriste/comédie commerciale dans lequel a tendance à s'enfermer le cinéma français (heureusement il y a de nombreuses exceptions!)

Néanmoins "Un couteau dans le coeur" est un film avant tout maniériste ("à la manière de") autrement dit un exercice de style qui a bien du mal à exister par lui-même. Il y a de bonnes idées de mise en scène (le film est "tenu" de ses premières à ses dernières images et ne manque pas de créativité), des éclairages particulièrement soignés avec une dichotomie ville nocturne glauque/forêt lumineuse et magique habilement exploitée. De plus chacun de ces univers est incarné par une actrice du même âge ayant eu des débuts au cinéma assez comparables: Vanessa PARADIS et Romane BOHRINGER (dont on apprécie la rencontre). En revanche le film pèche au moins sur deux points: sa direction d'acteur très approximative et des dialogues souvent affligeants. Résultat: les scènes de tournage des films porno gay ne sont pas assez déjantées en dépit d'un excellent Nicolas MAURY, les scènes de meurtre, pas assez effrayantes et les scènes New Age et sentimentales sombrent dans un ridicule achevé d'autant que certaines idées semblent à moitié assumées: quitte à parler de forêt enchantée et de métamorphose, autant aller jusqu'au bout! En bref, "Un couteau dans le coeur" si l'on en accepte les codes est un film qui ne manque pas d'intérêt mais qui reste clairement inabouti.

 

Voir les commentaires

Le Voyeur (Peeping Tom)

Publié le par Rosalie210

Michael Powell (1960)

Le Voyeur (Peeping Tom)

J'avais beaucoup, beaucoup entendu parler de ce film et pourtant je ne l'avais jamais vu. C'est maintenant chose faite et j'ai tout de suite pensé après l'avoir vu que, bien qu'étant contemporain de "Psychose" (1960), il était le chaînon manquant entre le cinéma de Alfred HITCHCOCK et celui de Brian DE PALMA pour qui il est d'ailleurs une référence (tout comme pour d'autres réalisateurs de cette génération, Martin SCORSESE par exemple qui est un grand admirateur du cinéma de Michael POWELL). Alfred HITCHCOCK est un grand réalisateur de la pulsion scopique qui est un des ressorts majeurs du cinéma (en ce sens beaucoup de ses films sont aussi des méta-films comme "Fenêtre sur cour") (1954) et l'oeil en gros plan qui ouvre "Le Voyeur" fait aussitôt penser à celui de "Vertigo" (1958). Cependant, "Le Voyeur" préfigure non seulement le cinéma de Brian DE PALMA par son côté trash exacerbé par l'utilisation de la caméra subjective* mais aussi les oeuvres les plus tardives de ce même Alfred HITCHCOCK comme "Frenzy" (1972) dans lequel les meurtres de femmes sont filmés crûment et où l'on retrouve la même actrice, Anna MASSEY. Pourtant rien ne laissait prévoir que Michael POWELL, réalisateur de films raffinés avec son compère Emeric PRESSBURGER allait se lancer sur le terrain des futurs "slashers" et autres "snuff movies". Ni que l'époux de Romy SCHNEIDER dans la série des Sissi, Carl BOEHM allait tenir le rôle du tueur à la caméra (rôle que l'on aurait bien vu interprété par Dirk BOGARDE mais celui-ci avait décliné l'offre). Ceci étant, Carl BOEHM est parfait car après tout il joue le rôle d'un fils à papa (lequel lorsqu'il apparaît dans les images d'enfance de Mark est joué par Michael POWELL, la mise en abyme tourne à plein régime) avec une apparence de gendre idéal, sauf qu'à la différence des Sissi il est mentalement dérangé, ayant été lui-même objet du voyeurisme malsain de son père. On pourrait parler de dédoublement de personnalité, tout comme son appartement et le film lui-même. Il y a un côté "Blue Velvet" (1985) dans "Le Voyeur". D'un côté le tournage d'un film de studio tout ce qu'il y a de plus classique, un salon cosy, un jeune homme de bonne famille avec un certain standing social. De l'autre, le laboratoire caché, sombre, saturé de couleurs violentes dans laquelle ce même jeune homme développe et projette les images interdites qu'il a filmées sur son propre appareil, celles que l'inconscient censure et qui l'obsèdent: le sexe et la violence*. Ce dédoublement n'est pas seulement une réflexion sur le cinéma, il est tout autant une peinture sociologique sur l'hypocrisie du puritanisme british. Ainsi la boutique dans laquelle Mark fait des extras en photographiant des filles dénudées se présente comme un magasin de journaux et les clients repartent avec le vrai objet de leur désir emballé dans une enveloppe où est ironiquement écrit qu'il s'agit de "livres éducatifs". Pas étonnant qu'à sa sortie, le film ait été rejeté: il était trop avant-gardiste, trop dérangeant... et totalement "visionnaire".

* L'ouverture de "Blow Out" (1981) ressemble à celle du film de Michael POWELL sauf qu'on ne voit pas la mire de l'appareil qui filme à l'intérieur des douches une scène avatar de "Psychose" (1960).

* La caméra au pied transformé en arme meurtrière étant un évident substitut phallique.

Voir les commentaires

Marché noir (Koshtargah)

Publié le par Rosalie210

Abbas Amini (2020)

Marché noir (Koshtargah)

"Marché noir" a reçu Le Prix du Jury lors du festival du Film Policier -Reims Polar pour sa 38ème édition, édition qui a également récompensé un autre polar iranien "La Loi de Téhéran" (2021) avec le Grand Prix.

"Marché noir" évoque l'économie parallèle qui s'est développée en Iran autour du trafic des devises, principalement des dollars américains. La première séquence du film est extrêmement prometteuse car le film commence directement par une scène de crime. La tension est là d'emblée avec la pression croissante de la famille des trois hommes disparus qui ne cesse de s'accroître sur les épaules du personnage principal. Il s'agit d'Amir, jeune homme au passé aussi chargé que ses tatouages qui est devenu l'homme de confiance du meurtrier, un patron véreux pour aider son père qui travaille comme gardien dans son abattoir. Abattoir qui comme on l'apprend très vite n'est qu'une couverture dissimulant un marché noir de transactions financières menacé par les descentes policières mais aussi par les règlements de comptes entre les trafiquants.

"Marché noir" est un polar efficace et bien structuré autour de son axe principal (le crime sera-t-il découvert? Amir finira-t-il par craquer?) Néanmoins il y a quelques grosses ficelles scénaristiques (on a du mal à croire à la naïveté du patron qui vient se jeter dans la gueule du loup et à celle d'Amir qui l'a attiré en pensant que la famille des défunts veut seulement lui parler). D'autre part, Amir est un personnage bien peu consistant. Il semble subir tout ce qui lui arrive, être ballotté au gré des événements, tiraillé entre son père avec lequel il a une relation conflictuelle (mais à peine ébauchée) et Asra, parente de l'un des défunts, tenace et perspicace (seul personnage féminin important du film qui d'ailleurs a le dernier mot mais qui méritait lui aussi d'être davantage creusé) sans avoir de volonté propre.

Voir les commentaires

More

Publié le par Rosalie210

Barbet Schroeder (1969)

More

"More" est le premier film de Barbet SCHROEDER, ce réalisateur franco-suisse multifacettes (acteur, réalisateur, producteur, scénariste, technicien, il sait tout faire!) très lié à ses débuts au cinéma de la nouvelle vague (il est notamment le co-fondateur avec Éric ROHMER de la société les Films du losange). Cependant, ce n'est pas du tout à ce courant cinématographique que "More" fait penser mais à un mélange de films de contre-culture "nouvel Hollywood" et aux premiers films de Wim WENDERS. "More" revêt en effet dans certaines de ses séquences (au début notamment) un caractère sociologique documentaire avant-gardiste sur les milieux hippies français. En même temps, un autre film se superpose au premier qui m'a fait beaucoup penser à "Faux mouvement" (1975) par sa déconstruction du bildungsroman avec le nazisme pour toile de fond. Stefan (Klaus GRÜNBERG), le personnage principal est un jeune homme qui part à l'aventure pour apprendre la vie. Rapidement, il se construit un paradis artificiel à Ibiza dans lequel il se retire comme dans une bulle avec Estelle (Mimsy FARMER), une jeune américaine dont il est tombé amoureux. Tous deux vivent leur rêve utopique de bonheur absolu sur une île presque déserte et encore préservée (en 1968) où il fait toujours beau, où la mer est toujours bleue, perchés dans une extase édénique permanente. Sauf que Barbet SCHROEDER nous montre l'envers du décor: une descente aux enfers au fur et à mesure que la dépendance de Stefan aux drogues dures s'accroît. Estelle, sorte de sirène qui attire les hommes au fond des eaux n'est elle-même qu'une marionnette dans cette histoire. Elle est en effet la créature de Wolf (Heinz ENGELMANN), sorte de Parrain local, baron de la drogue qui possède une partie du patrimoine immobilier de l'île. Et Wolf n'est autre qu'un ancien nazi réfugié dans l'Espagne franquiste, terre d'accueil bien connue des amis d'Hitler. Et c'est ainsi que soudain il se met à faire froid et la musique (signée des Pink Floyd) devient de plus en plus funèbre.

Voir les commentaires