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Articles avec #fantastique tag

Les Escargots

Publié le par Rosalie210

René Laloux (1965)

Les Escargots

"Les Escargots" est le premier vrai dessin animé de René Laloux. Il se contentait de superviser "Les dents du singe" conçu et exécuté par des malades mentaux et "Les Temps morts" était surtout un mélange d'images documentaires et de dessins fixes.

Par bien des aspects, "Les Escargots" est le précurseur de "La planète sauvage", son premier long-métrage. C'est d'ailleurs le succès public et critique du premier, couronné de plusieurs prix, qui a rendu le second possible. "Les Escargots" est aussi sa deuxième collaboration avec Roland Topor, une collaboration qui se poursuivra avec "La planète sauvage", d'où la parenté de ces deux oeuvres.

On trouve ainsi dans "Les Escargots" le même renversement d'échelles que dans "La planète sauvage." Face aux escargots géants et carnivores tout droit sortis du cinéma fantastique des années 50, l'homme est réduit à l'état d'insecte obligé de fuir le redoutable prédateur pour ne pas se faire gober. On retrouve également le même contexte, celui de la guerre froide qui inspire des scénarios catastrophes plus apocalyptiques les uns que les autres. Les Escargots ne détruisent pas que les hommes mais également leur civilisation. Enfin la chute donne un ton philosophique à l'ensemble car visiblement la leçon n'a pas été retenue et l'homme est prêt à recommencer les mêmes erreurs.

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Minuit à Paris (Midnight in Paris)

Publié le par Rosalie210

Woody Allen (2011)

Minuit à Paris (Midnight in Paris)

Quand viendra l'heure du bilan (en tournant un film par an avec la régularité d'un métronome, il repousse toujours l'échéance mais il ne pourra pas le faire éternellement), il sera intéressant d'étudier les variations dans les génériques des films de Woody Allen. Ceux-ci sont connus pour leur identité immuable: lettres blanches sur fond noir, police Windsor depuis "Manhattan", casting dans l'ordre alphabétique (et non par ordre d'importance), fond musical classique ou jazz etc. Cependant, si le film le rend nécessaire, Woody Allen n'hésite pas à y insérer des images. On se souvient de la scène d'ouverture de "Harry dans tous ses états" répétée 4 fois en alternance avec le déroulement du générique. "Minuit à Paris" propose de commencer par une série de plans-clichés touristiques de la capitale au soleil et sous la pluie, de jour et de nuit. Le générique n'intervient qu'après alors que l'on entend le premier dialogue mettant en évidence la faille au sein du couple Gil (Owen Wilson) et Inez (Rachel McAdams). Le premier qui est écrivain trouve à Paris une aura particulière et aime marcher dans ses rues sous la pluie et pas la seconde dont les œillères californiennes l'empêchent d'apprécier le charme de la situation. La mésentente manifeste au sein de ce couple désaccordé permet à Woody Allen de creuser deux sillons.

Le premier, le volet diurne est satirique et très drôle. Il caricature Inez et ses parents, de riches américains républicains tendance Tea-Party (on dirait aujourd'hui pro-Trump) ignares, vulgaires et imbus d'eux-mêmes. Mais le summum de la fausse monnaie est atteint avec le personnage de Paul, un (pseudo)-intellectuel pédant qui pérore sans cesse et croit tout savoir mieux que tout le monde. Inez pour qui seules comptent les apparences n'a d'yeux que pour lui mais Allen s'amuse plus d'une fois à le mettre en boîte pour notre plus grande joie.

L'autre volet, nocturne fait la part belle à l'onirisme et à la poésie. Insatisfait par la médiocrité de sa vie présente avec Inez et ses futurs beaux-parents, Gil s'évade dans le passé artistique de la ville-lumière. Un voyage rendu possible par la magie du cinéma, thème allénien par excellence. Tous les soirs à minuit, un carrosse (ou plutôt une vieille Peugeot) l'emmène dans un monde de fantasmagories où il rencontre un club d'artistes internationaux parmi les plus brillants des années 20 de Picasso à Dali en passant par Fitzgerald et Hemingway. Il se sent revivre auprès d'eux mais Allen n'oublie pas de signaler au spectateur que cet échappatoire n'est qu'une illusion. Adriana, la muse et maîtresse de ces artistes (jouée par Marion Cotillard) rêve en effet de vivre au temps de la Belle Epoque. Lorsque Gil et elle y parviennent, ils rencontrent au autre club d'artistes (Toulouse-Lautrec, Gauguin, Degas...) qui eux rêvent de retourner au temps de la Renaissance. La mise en abyme montre qu'il s'agit d'une fuite en arrière. Reste pour Gil à explorer une troisième option: rompre avec Inez et vivre un autre présent, plus en conformité avec sa vraie personnalité.

Et on fermera les yeux sur le casting français outrageusement pistonné pour jouer dans le film, Carla Bruni et Léa Seydoux en tête.

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Alice

Publié le par Rosalie210

Woody Allen (1990)

Alice

L'héroïne du film s'appelle Alice et sa sœur s'appelle Dorothy. Quelle entrée en matière! Il n'est pas difficile de comprendre que l'on va se promener dans ce film quelque part entre le pays des merveilles et le pays d'Oz. Pas au sens littéral du terme mais les herbes magiques du docteur Yang permettent à Alice une surprenante (et parfois jubilatoire) traversée du miroir.

Cette bourgeoise BCBG insatisfaite en dépit de son train de vie fastueux (montré avec force détails satiriques qui préfigurent "Match Point") voit son corps se révolter sous la forme d'un mal de dos chronique et de rêves d'adultère. Elle ose alors pousser la porte du bouge mal famé où officie l'omniscient docteur et c'est le début d'une aventure que seul le cinéma rend possible (d'où l'absence de Woody Allen à l'écran: c'est lui le docteur Yang! Et "Alice" préfigure de nombreux films où la magie joue un rôle important "Le Sortilège du Scorpion de Jade", "Scoop", "Magic in the Moonlight" etc.)

Qui n'a jamais rêvé de voir ses inhibitions tomber pour pouvoir réaliser ses désirs? Se rendre invisible pour savoir ce que l'on dit de soi ou surprendre son mari en flagrant délit d'infidélité? Revivre des moments heureux du passé avec les gens que l'on a aimé? S'envoler au-dessus de la ville avec le fantôme de son premier mari? Rencontrer sa muse pour réaliser ses aspirations artistiques? Mia Farrow s'en donne à cœur joie dans plusieurs registres, passant de la catho coincée à la nymphomane en un clin d'œil, le tout avec cette sensibilité qui donnent aux films de Woody Allen de cette époque leur aura particulière. 

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Mary Poppins

Publié le par Rosalie210

Robert Stevenson (1964)

Mary Poppins

Mary Poppins, c'est le film perché de Disney. Toutes les œuvres dans lesquelles il s'est impliqué le sont, mais celle-ci l'est autant au sens littéral qu'au sens figuré. Mary vit dans les nuages, les voisins des Banks ont reconstitué un navire de guerre sur le toit et s'y croient tellement qu'ils tirent régulièrement au canon. L'oncle Albert en pleine crise de fou rire invite Mary, Bert et les enfants à prendre le thé au niveau du plafond (une allusion à la fête de non-anniversaire de "Alice au pays des merveilles"). Ces derniers se promènent sur les toits, Mary joue les derviches tourneur au-dessus des cheminées pendant que Bert et ses copains font un ballet acrobatique aérien. Et cette folie est contagieuse. La banque (allégorie de l'enfer) essaye bien de s'en prémunir en chassant l'employeur de Mary mais c'est l'inverse qui se produit: M. Banks est à son tour touché par le grain de folie qui s'est répandu dans sa maison, le doyen s'envole au plafond pour y mourir de rire et ses associés jouent au cerf-volant avec les enfants.

Bien entendu cet énorme délire est habilement enveloppé dans un enrobage de convenances. A l'image de Mary d'ailleurs qui commence toujours par s'offusquer quand on lui demande de pratiquer la magie avant d'en remettre une couche (de cirage noir après être passée par la cheminée). Mais quand on la compare aux autres nounous, il n'est pas difficile de voir en quoi elle est anticonformiste. Jeune, jolie, les yeux pétillants, des éléments de fantaisie dans sa tenue qui font très "hippie chic" (les fleurs sur son chapeau, son écharpe tricotée, son parapluie qui parle et lui sert aussi d'engin volant) et de la magie dans son sac sans fond (qui a vraisemblablement inspiré celui d'Hermione dans le tome 7 de Harry Potter), elle a tout pour venir secouer le train-train du foyer Banks. Lequel n'est pas très joyeux. Le père est affairé et coincé, la mère est égocentrique et distraite, aucun n'est disponible pour s'occuper des enfants.

Comme tous les Disney de la grande époque, le film est novateur ici par sa technique mélangeant les prises de vues réelles et le dessin animé pour les séquences dans le monde enchanté. L'auteure des livres, Pamela L. Travers refusait ce mélange (comme le raconte le film "Dans l'ombre de Mary" sorti en 2013) mais Disney sut habilement l'amadouer. Robert Zemeckis a rendu un hommage direct à la séquence des pingouins dans "Qui veut la peau de Roger Rabbit" qui s'inscrit dans cette filiation technique. Et puis il y a Julie Andrews, comédienne, chanteuse et danseuse accomplie qui illumine de tout son charme le film. Un film qui lui permit de prendre une belle revanche car jugée pas assez connue elle avait été écartée de l'adaptation cinématographique de "My Fair Lady" qu'elle interprétait pourtant au théâtre.

Enfin ce film permet de voir Jane Darwell (Ma Joad des "Raisins de la colère" de John Ford) dans son dernier rôle, celui de l'émouvante dame aux oiseaux.

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Harry dans tous ses états (Deconstructing Harry)

Publié le par Rosalie210

Woody Allen (1997)

Harry dans tous ses états (Deconstructing Harry)

C'est l'un des films les plus déconstruits de Woody Allen, le titre en VO s'intitule d'ailleurs "Deconstructing Harry" (en référence également au courant philosophique du déconstructionnisme qui traque les significations sous-jacentes des textes, à l'insu de leur propre auteur). Le montage est haché avec des jump-cuts très fréquents. Le générique donne le ton. Sur fond noir comme tous les Allen mais entrecoupé d'une séquence (Judy Davis sortant furieuse d'un taxi) qui se répète 4 fois! La narration éclatée est elliptique et digressive et on navigue sans arrêt entre deux niveaux de fiction: celle du personnage principal, Harry et celle des personnages et histoires qu'il réinvente à partir de sa vie. Parfois il s'agit d'un copier-collé des événements vécus (on les voit donc deux fois avec des acteurs différents). Parfois il s'agit de la traduction de ses fantasmes qui les font évoluer vers le fantastique (l'apparition de la grande faucheuse comme dans le "Septième sceau" de Bergman, la séquence en enfer.) Tout cela étant aussi une mise en abyme de la personnalité du réalisateur (qui joue Harry, évidemment): son rapport à la création, aux femmes, au judaïsme, à la mort. La narration déstructurée et le personnage en panne se rapprochent de "8 1/2" de Fellini mais avec un fil directeur sorti tout droit des "Fraises sauvages" d'Ingmar Bergman (le voyage pour recevoir un hommage).

En dépit de ses qualités, le film, trop nihiliste et trop sec ne fait pas partie de mes préférés de Woody Allen. On a l'impression que la sophistication du récit lui sert surtout à déverser sa détestation du genre humain. Toutes les femmes y sont hystériques, déloyales ou vénales. Lui-même se dépeint sous les contours d'un personnage médiocre qui ne sait pas ce qu'il veut et sème la pagaille sur son passage. C'est d'ailleurs pour faire le point qu'Harry tente de transformer sa vie en création. Sauf qu'il a du mal à y parvenir comme le montre son personnage-acteur "flou" (joué par Robin Williams). Lui-même étant un personnage de fiction, il devient flou à son tour jusqu'à ce que la pute au grand coeur (bonjour les clichés) ne le ramène sur terre.

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Dracula (Bram Stoker's Dracula)

Publié le par Rosalie210

Francis Ford Coppola (1992)

Dracula (Bram Stoker's Dracula)


Un film est inséparable du contexte dans lequel il a été réalisé. L'adaptation du "Dracula" de Bram Stoker par Francis Ford Coppola, aussi déroutante que fascinante a la force d'une évidence. Se déroulant en 1897, date de la sortie du livre, elle lui est extrêmement fidèle narrativement tout en exacerbant la dimension romantique et sexuelle du mythe vampirique. Le sexe et la mort y sont d'autant plus inextricablement liés que l'époque s'y prête. Les maladies vénériennes du XIX° couvrent l'angoisse de l'épidémie de sida qui fait rage au début des années 1990 lorsque sort le film. D'où l'importance donnée aux maladies du sang, à la contamination et aux plans anachroniques montrant des globules.

Mais le film n'a rien de clinique, bien au contraire, il se singularise par sa mise en scène digne d'un opéra baroque, surchargée d'effets somptueux parfois à la limite du kitsch. Nombre d'entre eux proviennent du cinéma muet auquel Coppola rend un hommage appuyé au détour d'une scène qui montre la projection des vues Lumière. Mais c'est surtout à l'expressionnisme qu'il se réfère. L'ombre démesurée du comte qui se meut de façon autonome rappelle le film de Murnau, de même que le plan menaçant du navire qui contient le mal dans ses flancs, prêt à se répandre. Les ornements et superpositions rappellent quant à eux la mise en scène de Peter Greenaway ainsi que les costumes extravagants.

Toute cette flamboyance est mise au service du thème de la passion qui est centrale dans le film. La scène inaugurale en ombres chinoises montre le chevalier Vlad tournant le dos à la passion religieuse et guerrière des chrétiens trucidant les Ottomans et se damnant par amour pour son épouse Elisabetha qui en se suicidant a été excommuniée. La passion amoureuse a fait de lui un vampire condamné à aspirer l'énergie vitale des vivants pour l'éternité. C'est pourquoi seule une réincarnation de son épouse défunte peut briser la malédiction en l'aidant à mourir en paix. Et à la différence de Murnau (où elle se sacrifie) et de Stoker (où elle est agressée), Mina tombe passionnément amoureuse de Dracula et réciproquement. C'est cette dimension qui m'a particulièrement marquée. Ce n'est pas pour rien que l'on dit de quelqu'un qui tombe amoureux qu'il est "mordu". En effet quel contraste entre la fiancée prude de Jonathan Harker (dont la fadeur est liée également à l'interprétation peu expressive de Keanu Reeves) et l'amante enflammée et luxurieuse de Dracula, semblable à ses maîtresses vampires. Winona Ryder nous offre là l'un de ses plus beaux rôles. Il en est de même pour Gary Oldman, lui aussi tout en dualités et métamorphoses. Vieux papy cynique et desséché, singe en rut, rats, ombre et vapeur, toutes ces apparences soulignent son inhumanité. Mais en retrouvant son amour perdu, il devient un jeune dandy au charme envoûtant dont la délicatesse et la mélancolie touchent au coeur.

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La Forme de l'Eau (The Shape of Water)

Publié le par Rosalie210

Guillermo del Toro (2017)

La Forme de l'Eau (The Shape of Water)

"La Forme de l'Eau" mérite sa réputation par sa richesse narrative et formelle nourrie de multiples références sans que pour autant le film n'y perde en originalité et en personnalité. La filiation avec "Le Labyrinthe de Pan", l'œuvre phare de Guillermo Del Toro est très forte. Le fantastique et l'atmosphère onirique de conte servent dans les deux cas à protéger une innocente de la brutalité de la guerre et de ses suites (espagnole dans "Le Labyrinthe de Pan", froide dans "La Forme de l'Eau"). Celle-ci est incarnée à chaque fois par un ogre terrifiant, incarnation la plus brutale du mâle alpha tueur et tortionnaire. Dans les deux cas aussi, l'eau enveloppe et protège comme à l'intérieur d'un ventre maternel (de manière littérale dans "La Forme de l'Eau", symbolique dans "Le Labyrinthe de Pan" où l'héroïne s'appelle Ofelia) alors que le corps des ogres est mutilé (les doigts putrescents de Strickland équivalent à la joue entaillée de Vidal avec l'élément liquide en plus). Ces différents niveaux de réalité sont représentés spatialement de façon verticale (surface/monde souterrain dans "Le Labyrinthe de Pan", premier étage où flottent en apesanteur Elisa et son voisin/cinéma au rez-de-chaussée qui nourrit l'imaginaire/laboratoire bunkerisé qui contient les forces obscures qui nourrissent l'imaginaire en surface).

"La Forme de l'Eau" bien que se situant dans les années 50-60 au temps de la guerre froide nous parle d'une guerre bien actuelle. Guillermo Del Toro est d'origine mexicaine et son film est traversé par la barda. Il s'offre la jouissance (et nous la offre) de la revanche des opprimés sur l'oppresseur. D'un côté les minorités ethniques latinos et noire, les handicapés, les homosexuels, les femmes et même un espion soviétique déserteur réunis sous la bannière du dieu "freak" homme-poisson. De l'autre le mâle wasp, incarnation aux USA du blanc dominateur qui affirme que dieu est humain et a un visage proche du sien. Celui qui tue, torture, harcèle, humilie mais qui incarne en surface l'american way of life bien propre sur lui avec sa maison, sa femme, ses enfants et sa Cadillac. C'est par l'objet de sa puissance phallique et destructrice qu'il nous est présenté, la première rencontre avec Elisa se fait dans les toilettes lorsqu'il pose son gourdin-taser sur le lavabo (principe masculin contre principe féminin). Sa bouche carnassière concassant des bonbons est aussi un leitmotiv marquant. C'est aussi toute sa faiblesse qui nous est montrée lorsqu'il s'avère incapable de concevoir qu'il s'est fait rouler dans la farine par ces femmes de ménage qu'il méprise. Son incapacité à sonder le mystère et la grandeur de l'autre lui est fatal.

Jean-Pierre Jeunet a récemment accusé Guillermo Del Toro d'avoir copié des séquences entières de "Délicatessen" dans "La Forme de l'Eau". Les ressemblances sautent en effet aux yeux. Le visuel de "La Forme de l'Eau" en tons bleu-vert-jaune comme à l'intérieur d'un aquarium et l'esthétique rétro rappellent "Délicatessen", du moins chez Elisa et son voisin. La scène où leurs pieds dansent en rythme avec la TV alors qu'ils sont assis sur le canapé existe à l'identique dans "Délicatessen" de même que celle de l'inondation de la salle de bain pour se créer une bulle d'amour avec l'âtre aimé face à l'hostilité du monde extérieur. Mais outre qu'il devrait être flatté d'être une source d'inspiration, lui-même n'est pas parti de rien comme le disait un article du magazine Utopia consacré à "Délicatessen" et daté de 1991 "C'est tout pompé sur l'immense Brazil! Mais c'est bien pompé, ça c'est sûr!". Guillermo Del Toro était d'ailleurs le premier à rappeler tout ce que lui et Jeunet devaient à Terry Gilliam, l'initiateur de cette esthétique rétro-futuriste et de ce ton à la fois romantique, onirique et joyeusement désespéré.

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Nosferatu le vampire (Nosferatu, eine Symphonie des Grauens)

Publié le par Rosalie210

Friedrich Wilhelm Murnau (1922)

Nosferatu le vampire (Nosferatu, eine Symphonie des Grauens)

Toute vie commence dans le sang qui accompagne la naissance et lorsque la mort est violente, elle se termine aussi dans le sang. Le sang symbolise à la fois la vie et la mort, le bien et le mal, la pureté et la souillure, le sacrement et le crime, il réunit dans une union étrange tous les contraires. Le sang est comme la couleur rouge, ambivalent : rouge clair, il est la vie, la force, le jour, l’action, la libération, rouge sombre, il prend le visage de la mort, du mystère, de la nuit, de la passion et de l’oppression.

Le plus puissant des mythes lié au sang est celui du vampire. Son origine remonte à la nuit des temps mais ses caractéristiques modernes ont été fixées par le livre de Bram Stoker, "Dracula" paru en 1897. Celui-ci ajoute en effet à toutes les ambivalences liées au sang celle de l'espèce, thème alors central dans la (pseudo)science du XIX°. Dracula est en effet mi-bête assoiffée de globules rouges, mi-aristocrate au "sang bleu". Et le film de Murnau, jalon essentiel de l'histoire du cinéma en est l'une des illustrations les plus fidèles même si pour une question de droits les noms et les lieux ont été changés. Quoique dans la version française en noir et blanc, les noms et lieux d'origine ont été depuis rétablis (sauf que l'épouse de Jonathan s'appelle Nina et non Mina).

La version de Murnau de 1922 n'est pas la première de l'histoire du cinéma mais c'est la plus ancienne qui a été conservée. Elle a tellement marqué les esprits que "Nosferatu" est devenu aussi célèbre que "Dracula" et a eu droit à un remake spécifique par Werner Herzog en 1979. Ce mot désigne en ancien slave "celui qui apporte la peste" (le terme de vampire serait lui apparu au XVIII° en Serbie et signifie chauve-souris, d'où l'équivalence fréquente avec cet animal). Car le vampire de par son pouvoir de contamination est celui qui propage la maladie, surtout lorsque celle-ci empoisonnait le sang (la peste bubonique débouchait sur une septicémie dans la plupart des cas). C'est ce qui conduira à la réactivation du mythe au temps du sida avec le "Dracula" de Francis Ford Coppola, très proche de Stoker et de Murnau. Et ce d'autant mieux que le vampire symbolise aussi bien la mort que le désir sexuel, la morsure étant un déplacement de l'acte sexuel lorsque celui-ci ne peut être montré directement. Chez Murnau qui était homosexuel, ce thème est sous-jacent mais bien présent étant donné que son vampire se repaît surtout de sang frais masculin (notamment celui des marins).

En distordant la réalité par un jeu d'ombres et de lumière, des accélérations et des ralentis quasi hypnotiques, des images positives et négatives, des filtres jaunes et bleus (dans la version allemande), Murnau nous immerge dans ce festival d'ambivalences. Son film appartient au courant expressionniste et exprime le surnaturel mais il a aussi quelque chose de naturaliste. Il est claustrophobique lorsqu'il nous enferme dans le manoir du comte ou sur le bateau (convoyeur bien connu de la peste). Et en même temps, il s'ouvre sur des horizons plus large et même dans une dimension cosmique. Les règnes animaux et végétaux ressentent l'approche du mal et le reproduisent. Le comte symbolise les ténèbres mais il est tué par la lumière symbolisée par Nina-Ellen, l'épouse de Jonathan-Hutter qui se sacrifie pour établir l'équilibre du monde menacé par les forces obscures. Murnau comme le reste de la société allemande a été traumatisé par l'hémorragie de sang jeune et vigoureux provoquée par la première guerre mondiale alors qu'une nouvelle peste se profilait, le parti nazi ayant été fondé en 1920 soit deux ans avant la sortie du film.

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Mary et la fleur de la sorcière (Meari to majo no hana)

Publié le par Rosalie210

Hiromasa Yonebayashi (2017)

Mary et la fleur de la sorcière (Meari to majo no hana)

Pour quelqu'un qui n'a jamais vu un film des studios Ghibli ce film enchantera. Les autres tout en appréciant ses qualités techniques lui trouveront un goût de réchauffé et resteront sur leur faim devant un scénario brouillon qui ouvre plusieurs pistes sans les approfondir. Il est dommage que le premier film des studios Ponoc ("aube d'un nouveau jour") fondé par des anciens des studios Ghibli se démarque si peu des œuvres de la maison-mère. "Mary et la fleur de la sorcière" ressemble en effet à un pot-pourri des films de Miyazaki (certains diront que c'est un hommage et d'autres un pastiche). On retrouve en effet dans le film la sorcière, le balai et le chat noir de "Kiki la petite sorcière", les graines magiques et la forêt de "Mon voisin Totoro", la cité et les robots du "Château dans le ciel", la sorcière du "Voyage de Chihiro" et du "Château ambulant", les préoccupations humanistes et écologistes de "Nausicaa de la vallée du vent" etc. On pense également lors de la scène du miroir au précédent film de Hiromasa Yonebayashi réalisé dans le cadre des studios Ghibli, "Souvenirs de Marnie" qui était toutefois plus original et plus sensible. Enfin, l'exploration de l'école de magie Endor fait penser à Poudlard, l'école des sorciers de "Harry Potter" et ce bien que le film soit inspiré d'un livre (non traduit en français) de Mary Stewart "The Little Broomstick".

L'aspect le plus intéressant du film réside dans son questionnement relatif à la biotechnologie et à la bioéthique. Les dirigeants d'Endor effectuent des expériences sur le vivant, aboutissant à des métamorphoses plus monstrueuses les unes que les autres. La magie-technologie mal utilisée et qui échappe au contrôle de ses instigateurs n'est pas une nouveauté et une fois de plus, la destruction du laboratoire fait penser à celle de la cité du "Château dans le ciel". Mais lorsque Mary aide les animaux à s'échapper après leur avoir rendu leur forme initiale, on pense à l'arche de Noé et aussi aux "Yeux sans visage" de George Franju où l'héroïne (dont le père effectuait lui aussi des "expériences") libérait des animaux en cage. Une direction qui est à peine esquissée mais qui pourrait donner une véritable structure et une personnalité aux futurs films de ce studio qui en manque cruellement.

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Cro Man (Early Man)

Publié le par Rosalie210

Nick Park (2018)

Cro Man (Early Man)

Tout d'abord un film des studios britanniques Aardman est un gage de qualité. Dans le domaine de l'animation en volume, ce sont des maîtres. Les mouvements en stop motion sont réalisés à la main avec beaucoup de précision. Les figurines sont également artisanales avec une armature en fil métallique recouvert d'une pâte à modeler spéciale plus résistante. Le résultat est parfaitement maîtrisé et dégage beaucoup de charme.

De plus leurs films, comme ceux des studios Pixar possèdent plusieurs niveaux de lecture. Les enfants peuvent apprécier cette histoire certes classique de David contre Goliath mais pleine d'inventivité et d'humour (souvent absurde comme le canard géant carnivore, la mésange vocale, les insectes à mandibules rasoir ou les chenilles à crampon) et de tendres portraits (celui du lapin est irrésistible). Les adultes eux peuvent être sensibles (ou non, les critiques sont partagés mais personnellement, j'adhère) au sous-texte de critique sociale. Ainsi les premières images de "Cro Man" font penser à celles de la période préhistorique de "2001 l'odyssée de l'espace" et les dernières à "Shaolin soccer". La fusion de l'homme de cro-magnon et du ballon rond produit un effacement de l'espace-temps exactement comme dans le film de Kubrick où le plan de l'os était prolongé par celui d'un satellite spatial. Et le sens est évidemment le même. Kubrick et Nick Park se moquent du comportement de "primate" des grandes puissances que ce soit au travers de la conquête spatiale ou de l'univers du foot. Ainsi dans "Cro-Man", la civilisation de l'âge du bronze, convaincue de sa supériorité s'empare de la vallée de celle de l'age de pierre et en chasse ses habitants ou tente de les réduire en servitude. Mais elle est minée de l'intérieur par la corruption et la cupidité (Lord Noz est un nouvel Harpagon amoureux de son coffre-fort), l'individualisme (les membres de l'équipe jouent "perso") et l'exclusion (les femmes sont bannies du jeu). Trois défauts qui se retournent contre eux lorsque l'équipe de l'âge de pierre présente son équipe mixte (il y a des femmes mais aussi un sanglier faisant office d'animal domestique, Crochon) et soudée.

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