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Articles avec #fantastique tag

Faust, une légende allemande (Faust - Eine deutsche Volkssage)

Publié le par Rosalie210

Friedrich Wilhelm Murnau (1926)

Faust, une légende allemande (Faust - Eine deutsche Volkssage)

Tout est question de dualité dans ce film, l'un des plus célèbres de Murnau: bien et mal, archange et diable, salut et damnation, ciel et terre, bouffonnerie et terreur, amour sacré et amour profane, jeune et vieux, sainte et catin, ingénuité et cupidité, plaisirs et souffrances. Chacun des personnages principaux est double et que ce soit dans la première partie mystique ou dans la deuxième plus romantique, chaque action possède son miroir inversé ou déformé.

Par conséquent, l'expressionnisme par son jeu d'ombres et de lumières est une traduction parfaitement adéquate de cette dualité à l'œuvre dans tout le film. La lumière sculpte les images d'un film composé de tableaux vivants extraordinairement expressifs que ce soit dans les scènes de groupe ou dans les portraits. Murnau avait une formation en histoire de l'art et son film est pétri d'influences picturales telles que Rembrandt, Vermeer, Georges de la Tour ou encore Jérôme Bosch. Les effets de clair-obscur et de brumes, remarquables, servent un récit imprégné de surnaturel. Et de spiritualité.

"Faust" a beau être l'adaptation de la célèbre pièce de Goethe elle-même tirée d'un conte populaire germanique, il s'agit d'un film dans lequel Murnau injecte sa propre personnalité. Le calvaire de Marguerite clouée au pilori, rejetée de partout, accusée d'infanticide et brûlée sur le bûcher symbolise le sort de ceux qui aiment hors du carcan imposé par la société. Filmée tout au long de son martyre comme une madone, Marguerite connaît finalement l'assomption par l'amour et son sacrifice permet aussi le rachat de celui qu'elle aime. Néanmoins ni elle, ni Faust, ni leur enfant n'ont de place sur terre et restent à la porte de l'église alors que le ciel ouvre les bras à l'amour, sans limites ni jugement.

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Rebelle (Brave)

Publié le par Rosalie210

Mark Andrews et Brenda Chapman (2012)

Rebelle (Brave)

Visuellement c'est une splendeur, narrativement une escroquerie. D'ailleurs de nombreuses critiques disent qu'il s'agit d'un film Disney. C'est très révélateur. Car en réalité il s'agit d'un film des studios Pixar. Techniquement, du moins. On reconnaît en effet le perfectionnisme qui fait la supériorité du studio sur tous ses concurrents. Le rendu photo-réaliste des paysages écossais, de la musique, la qualité de l'animation (incroyable par exemple sur la crinière rousse de l'héroïne), la finesse des textures, lumières etc. tout est là pour nous enchanter.

Sauf qu'il manque l'essentiel: l'âme pixarienne, cette identité à nulle autre pareille qui fait de cette œuvre pour reprendre l'expression de Télérama "une vaste fresque sur l'impermanence du temps". Déjà tragiquement absente du mercantile "Cars 2", voilà que le studio récidive en nous livrant une intrigue de princesse Disney faussement rebelle, véritablement ringarde.

Mais il y a plus grave. L'intrigue du film n'est pas seulement superficielle, linéaire, convenue, elle est mensongère et manipulatrice. L'affaire Weinstein a révélé si besoin était que le patriarcat, le sexisme et la domination phallique n'ont pas disparu au Moyen-Age mais qu'ils sont toujours d'actualité. "Rebelle" le confirme. En surface Mérida est un garçon manqué qui refuse de se conformer au rôle d'épouse soumise que l'on attend d'elle. En réalité elle revient très vite au bercail lorsqu'elle est "punie" par un châtiment divin pour son "égoïsme" et son "orgueil". On croit rêver devant ces jugements de valeur et cette vieille morale moisie qui ne sont là que pour manipuler nos cervelles "Ouh Mérida, ce n'est pas bien, tu as fait exploser la sacro-sainte famille avec tes rêves d'émancipation, tu es responsable du chaos, de la mort et de la destruction de toute civilisation [hérétonormée et patriarcale] alors jette loin de toi cette épée phallique avec laquelle tu as déchiré le tissu familial et en bonne fille dévouée, prends ton fil et ton aiguille, recoud-nous tout ça et l'ordre [moral] triomphera." Manipulation doublée d'une escroquerie: le film fait croire que c'est la mère de Mérida qui opprime sa fille alors que les hommes sont tous de braves types inoffensifs. Autrement dit il nie l'oppression exercée par les hommes sur les femmes en prétendant que les femmes s'oppriment entre elles: hallucinant!! Comme le dit très bien un article qui soulève la question de l'antiféminisme du film "imagine-t-on un film où le racisme envers les noirs serait provoqué par les noirs eux-mêmes et où les blancs seraient de bonnes pâtes inoffensives?"

Ce film sous emprise Disney est donc un Pixar en toc et un tel ratage scénaristique après celui de "Cars 2" laissait craindre le pire. Heureusement celui-ci allait s'avérer momentané, les studios Disney s'apercevant que le fait d'étouffer la créativité des Pixar faisait aussi diminuer les recettes. Mais depuis cet épisode consternant, le studio n'est pas à l'abri des rechutes ("Le voyage d'Arlo").

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1001 pattes (A Bug's Life)

Publié le par Rosalie210

John Lasseter et Andrew Stanton (1998)

1001 pattes (A Bug's Life)

"1001 pattes" est le deuxième long-métrage des studios Pixar. Après le succès du premier "Toy Story", allaient-ils transformer l'essai? Oui, d'autant plus que l'équipe fourmillait (c'est le cas de le dire) d'idées, toutes réalisées depuis: mettre en scène les peurs enfantines ("Monstres & Cie"), un univers marin ("Le monde de Nemo"), un robot seul sur une terre dévastée (Wall-E) et donc un univers d'insectes inspiré de la fable de La Fontaine "La cigale et la fourmi".

Beaucoup moins connu que son prédécesseur, "1001 pattes" mérite d'être redécouvert, ne serait-ce que pour mesurer tout ce qui sépare les studios Pixar des autres:

- L'excellence technique. Les progrès sont visibles à l'œil nu entre "Toy Story" et "1001 pattes". Même si certains détails du paysage (les feuilles et le sol) font encore un peu toc, la texture des personnages est très travaillée, les mouvements de foule parfaitement rendus, l'intérieur de la fourmilière magnifique et les atmosphères variées (brume, orage) donnent lieu à des scènes spectaculaires aux limites du fantastique. Et ce d'autant plus que le jeu sur les échelles atteint un stade virtuose (des gouttes d'eau ou des fissures dans le sol deviennent des masses écrasantes ou des crevasses à hauteur de fourmi mais en format cinémascope!)

- Des personnages attachants et originaux. Pas les fourmis qui offrent un éventail de caractères très classiques mais les 7 samouraïs/mercenaires/clowns (ratés) du cirque qui sont plus décalés les uns que les autres. Heimlich, la chenille obèse à l'accent allemand et Marcel, la coccinelle mâle à l'apparence femelle et à l'instinct maternel (doublé de surcroît en VF par Patrick Poivey, la voix de Bruce Willis) sont mes préférés! A cette joyeuse troupe il faut rajouter les sauterelles dont le chef (le Borgne) est réussi dans le genre tyran cruel et le frère (Plouc!) d'une bêtise tordante.

- Une histoire non seulement efficace mais qui a du sens. Le plan que le Borgne expose aux sauterelles est un véritable petit traité sur "l'art d'exploiter son prochain". Il montre que leur domination est basée sur la méconnaissance que les fourmis ont de leur force. Si une d'entre elle en prend conscience et le communique aux autres, les sauterelles perdent leur source de richesse. Car ce sont les sauterelles qui exploitent les fourmis mais elles en sont dépendantes. Il faut donc les manipuler pour en tirer le maximum de bénéfice tout en veillant à ce qu'elles ne puissent pas s'unir et se rebeller. Par ailleurs la société des fourmis soumise et formatée met bien en valeur le non-conformiste rebelle (Tilt) qui va tordre le cou de la pensée unique et au final libérer sa colonie de l'exploitation dont elle fait l'objet.

- Des détails qui font la différence comme le bêtisier du générique de fin qui fait office de mise en abyme hilarante.

Il fallait bien tout cela pour triompher (aussi bien sur le plan critique que public) du concurrent Dreamworks dont le film sorti un mois avant "Fourmiz" présentait d'évidentes similitudes avec "1001 pattes". Mais en surface seulement tant l'état d'esprit des deux studios et de leurs leaders est à l'opposé l'un de l'autre (l'un fourmi rebelle et l'autre sauterelle opportuniste).

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Passages Nuageux (Partly Cloudy)

Publié le par Rosalie210

Peter Sohn (2009)

Passages Nuageux (Partly Cloudy)

Présenté en première partie de "Là-Haut" et aujourd'hui disponible dans les bonus du DVD, "Passages nuageux" en est le complément idéal. Il s'agit avant tout d'un hommage à "Dumbo", le film préféré de John Lasseter. On voit en effet tout comme dans le film de Disney des cigognes apporter des bébés à leurs propriétaires. Et comme dans "Dumbo" il y a un vilain petit canard. Sauf qu'il ne s'agit pas seulement du bébé, il s'agit aussi de celui qui le fabrique! Car la belle idée de Peter Sohn (réalisateur et scénariste) est de montrer d'où viennent les bébés: directement des nuages! Ceux-ci sont anthropomorphisés et confectionnent de leurs mains (et avec un peu de magie produite par la foudre) toutes sortes de bébés plus mignons les uns que les autres. Sauf dans le cas de Gus: lui ne fabrique que des monstres. Au grand dam de sa cigogne attitrée, Peck qui en subit les conséquences. Le duo Peck et Gus de par sa complicité et sa complémentarité rappelle d'autant plus Bob et Sully de "Monstres & Cie" que l'idée de la fabrique imaginaire est commune aux deux films. On peut également penser à une version aérienne du "Monde de Nemo" où le partenariat entre le poisson-clown et l'anémone de mer est remplacé par celui de la cigogne et du nuage.

Mêlant humour, poésie et émotion, "Passages nuageux" est un petit bijou. Un de plus dans la longue liste des réussites du studio et le meilleur antidote à la laideur (visuelle et morale) d'un "Baby Boss".

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La compagnie d'assurance permanente Crimson (The Crimson permanent assurance)

Publié le par Rosalie210

Terry Gilliam (1983)

La compagnie d'assurance permanente Crimson (The Crimson permanent assurance)

"La compagnie d'assurance permanente Crimson" a été réalisé au moment où Terry Gilliam écrivait "Brazil". Il s'agissait pour lui de tester une version miniature de sa "bombe filmique" prévue pour exploser en 1985. Le court-métrage devint le prologue du "Sens de la vie", dernier film des Monty Pythons sans vraiment s'y intégrer tant il jurait aussi bien par son esprit que par sa forme avec le reste du film. Même si la pirouette finale parfaitement absurde était bien dans le ton des Pythons.

On retrouve dans ce court-métrage tout ce qui fait le génie de "Brazil" en version condensée: le bouillonnement d'idées, les fulgurances visuelles, la haine de l'oppression bureaucratique, la nécessité de la révolte, l'ode au rêve et à la liberté de l'esprit humain. Sauf qu'ici, comédie oblige, les victimes l'emportent sur les bourreaux dans un festival aussi grotesque que jouissif où la métaphore navale joue à plein.

Seule la dimension cathartique du cinéma permet en effet à de vieux employés de bureau traités en galériens d'envoyer dans le décor les doigts dans le nez de jeunes loups de la finance en pleine possession de leurs moyens. Mieux encore, ils le font en retrouvant leur âme d'enfant. L'art du détournement d'objets atteint ici des sommets: les pales du ventilateur deviennent des sabres, les perroquets des portemanteaux des grappins, les piques-papiers et les tampons des poignards, les tables de bureaux des passerelles, les rangements deviennent des canons et le plus beau de tout, le bâtiment qui abrite l'assurance se transforme en bateau-pirate prêt à lever l'ancre pour partir à l'abordage de la haute finance internationale. Gilliam utilise des procédés qu'il reprendra à l'identique pour "Brazil" à savoir des maquettes et des trompe-l'oeil combinés avec des prises de vue qui en jettent.

On peut quand même déplorer que la seule femme dans ce mondes de vieux loups de mer aux prises avec des requins soit cantonnée au rôle de la théière sur pattes. Heureusement Gilliam se rattrapera avec "Brazil" et les films suivants en créant des personnages féminins d'une autre trempe. 

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Monstres & Cie (Monsters, Inc.)

Publié le par Rosalie210

Pete Docter (2001)

Monstres & Cie (Monsters, Inc.)

La peur du monstre nocturne caché dans le placard ou sous le lit est une terreur enfantine universelle dont se nourrit Monstropolis pour s'alimenter en énergie. Mais dans le monde coloré de Pixar, ce sont moins les enfants qui ont peur des monstres que les monstres qui ont peur des enfants! Un renversement de situation particulièrement amusant. Mais le film, absolument génial, est bien plus que ça. Il parle avec beaucoup de tendresse de l'apprivoisement mutuel d'une petite fille surnommée "Bouh" et de Sully, "Terreur d'élite" à la fourrure soyeuse (un régal pour les yeux et un prodige technique de la firme) qu'elle appelle "Minou". Leur lien quasi-filial bouleverse l'ordre établi. Sully s'affranchit du rôle que la société veut lui faire jouer alors que son inséparable comparse, Bob, le petit cyclope vert malin mais chétif trouve sa place en découvrant que l'énergie comique est 10 fois plus puissante que celle de la peur.

"Monstres et Cie" est sans doute le film le plus chaplinesque des studios Pixar. On pense au "Kid" évidemment d'autant que "Bouh" est un personnage de pantomime qui ne s'exprime que par onomatopées. Mais le film est également proche des "Temps modernes". L'usine à cris qui emploie Sully et Bob menace de broyer Bouh dans ses engrenages et tous trois se retrouvent pris à la fin dans un roller coaster qui n'est autre qu'un rail de chaîne de montage!

Et puis il y a le symbole omniprésent de la porte qui est profondément ambivalent. Elle représente l'interface entre le monde des chambres d'enfant et celui de l'usine des monstres, la peur de l'inconnu mais aussi la nécessité de protéger son intimité face aux intrusions indésirables. La scène des toilettes est d'autant plus significative que Bouh est une petite fille. Celles-ci ont plus de difficultés que les garçons à se protéger pour se soulager dans l'espace public ce qui explique qu'elles sont beaucoup plus sujettes qu'eux aux infections urinaires.

Le film (qui n'est que le quatrième long-métrage de la firme) est bourré de clins d'œil aux œuvres passées mais aussi à venir. Dans la chambre de Bouh, on distingue le ballon de "Luxo Jr.", Jessie de "Toy Story 2" mais aussi Nemo, le poisson-clown qui succèdera à Bob et Sulli. Lorsqu'ils passent à travers les portes, on reconnaît le Mont Fuji et la tour Eiffel, allusion à l'amour que l'équipe Pixar porte au Japon et à la France, les deux autres géants de l'animation mondiale. On pense également à l'univers de "Ratatouille". 

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Les Escargots

Publié le par Rosalie210

René Laloux (1965)

Les Escargots

"Les Escargots" est le premier vrai dessin animé de René Laloux. Il se contentait de superviser "Les dents du singe" conçu et exécuté par des malades mentaux et "Les Temps morts" était surtout un mélange d'images documentaires et de dessins fixes.

Par bien des aspects, "Les Escargots" est le précurseur de "La planète sauvage", son premier long-métrage. C'est d'ailleurs le succès public et critique du premier, couronné de plusieurs prix, qui a rendu le second possible. "Les Escargots" est aussi sa deuxième collaboration avec Roland Topor, une collaboration qui se poursuivra avec "La planète sauvage", d'où la parenté de ces deux oeuvres.

On trouve ainsi dans "Les Escargots" le même renversement d'échelles que dans "La planète sauvage." Face aux escargots géants et carnivores tout droit sortis du cinéma fantastique des années 50, l'homme est réduit à l'état d'insecte obligé de fuir le redoutable prédateur pour ne pas se faire gober. On retrouve également le même contexte, celui de la guerre froide qui inspire des scénarios catastrophes plus apocalyptiques les uns que les autres. Les Escargots ne détruisent pas que les hommes mais également leur civilisation. Enfin la chute donne un ton philosophique à l'ensemble car visiblement la leçon n'a pas été retenue et l'homme est prêt à recommencer les mêmes erreurs.

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Minuit à Paris (Midnight in Paris)

Publié le par Rosalie210

Woody Allen (2011)

Minuit à Paris (Midnight in Paris)

Quand viendra l'heure du bilan (en tournant un film par an avec la régularité d'un métronome, il repousse toujours l'échéance mais il ne pourra pas le faire éternellement), il sera intéressant d'étudier les variations dans les génériques des films de Woody Allen. Ceux-ci sont connus pour leur identité immuable: lettres blanches sur fond noir, police Windsor depuis "Manhattan", casting dans l'ordre alphabétique (et non par ordre d'importance), fond musical classique ou jazz etc. Cependant, si le film le rend nécessaire, Woody Allen n'hésite pas à y insérer des images. On se souvient de la scène d'ouverture de "Harry dans tous ses états" répétée 4 fois en alternance avec le déroulement du générique. "Minuit à Paris" propose de commencer par une série de plans-clichés touristiques de la capitale au soleil et sous la pluie, de jour et de nuit. Le générique n'intervient qu'après alors que l'on entend le premier dialogue mettant en évidence la faille au sein du couple Gil (Owen Wilson) et Inez (Rachel McAdams). Le premier qui est écrivain trouve à Paris une aura particulière et aime marcher dans ses rues sous la pluie et pas la seconde dont les œillères californiennes l'empêchent d'apprécier le charme de la situation. La mésentente manifeste au sein de ce couple désaccordé permet à Woody Allen de creuser deux sillons.

Le premier, le volet diurne est satirique et très drôle. Il caricature Inez et ses parents, de riches américains républicains tendance Tea-Party (on dirait aujourd'hui pro-Trump) ignares, vulgaires et imbus d'eux-mêmes. Mais le summum de la fausse monnaie est atteint avec le personnage de Paul, un (pseudo)-intellectuel pédant qui pérore sans cesse et croit tout savoir mieux que tout le monde. Inez pour qui seules comptent les apparences n'a d'yeux que pour lui mais Allen s'amuse plus d'une fois à le mettre en boîte pour notre plus grande joie.

L'autre volet, nocturne fait la part belle à l'onirisme et à la poésie. Insatisfait par la médiocrité de sa vie présente avec Inez et ses futurs beaux-parents, Gil s'évade dans le passé artistique de la ville-lumière. Un voyage rendu possible par la magie du cinéma, thème allénien par excellence. Tous les soirs à minuit, un carrosse (ou plutôt une vieille Peugeot) l'emmène dans un monde de fantasmagories où il rencontre un club d'artistes internationaux parmi les plus brillants des années 20 de Picasso à Dali en passant par Fitzgerald et Hemingway. Il se sent revivre auprès d'eux mais Allen n'oublie pas de signaler au spectateur que cet échappatoire n'est qu'une illusion. Adriana, la muse et maîtresse de ces artistes (jouée par Marion Cotillard) rêve en effet de vivre au temps de la Belle Epoque. Lorsque Gil et elle y parviennent, ils rencontrent au autre club d'artistes (Toulouse-Lautrec, Gauguin, Degas...) qui eux rêvent de retourner au temps de la Renaissance. La mise en abyme montre qu'il s'agit d'une fuite en arrière. Reste pour Gil à explorer une troisième option: rompre avec Inez et vivre un autre présent, plus en conformité avec sa vraie personnalité.

Et on fermera les yeux sur le casting français outrageusement pistonné pour jouer dans le film, Carla Bruni et Léa Seydoux en tête.

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Alice

Publié le par Rosalie210

Woody Allen (1990)

Alice

L'héroïne du film s'appelle Alice et sa sœur s'appelle Dorothy. Quelle entrée en matière! Il n'est pas difficile de comprendre que l'on va se promener dans ce film quelque part entre le pays des merveilles et le pays d'Oz. Pas au sens littéral du terme mais les herbes magiques du docteur Yang permettent à Alice une surprenante (et parfois jubilatoire) traversée du miroir.

Cette bourgeoise BCBG insatisfaite en dépit de son train de vie fastueux (montré avec force détails satiriques qui préfigurent "Match Point") voit son corps se révolter sous la forme d'un mal de dos chronique et de rêves d'adultère. Elle ose alors pousser la porte du bouge mal famé où officie l'omniscient docteur et c'est le début d'une aventure que seul le cinéma rend possible (d'où l'absence de Woody Allen à l'écran: c'est lui le docteur Yang! Et "Alice" préfigure de nombreux films où la magie joue un rôle important "Le Sortilège du Scorpion de Jade", "Scoop", "Magic in the Moonlight" etc.)

Qui n'a jamais rêvé de voir ses inhibitions tomber pour pouvoir réaliser ses désirs? Se rendre invisible pour savoir ce que l'on dit de soi ou surprendre son mari en flagrant délit d'infidélité? Revivre des moments heureux du passé avec les gens que l'on a aimé? S'envoler au-dessus de la ville avec le fantôme de son premier mari? Rencontrer sa muse pour réaliser ses aspirations artistiques? Mia Farrow s'en donne à cœur joie dans plusieurs registres, passant de la catho coincée à la nymphomane en un clin d'œil, le tout avec cette sensibilité qui donnent aux films de Woody Allen de cette époque leur aura particulière. 

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Mary Poppins

Publié le par Rosalie210

Robert Stevenson (1964)

Mary Poppins

Mary Poppins, c'est le film perché de Disney. Toutes les œuvres dans lesquelles il s'est impliqué le sont, mais celle-ci l'est autant au sens littéral qu'au sens figuré. Mary vit dans les nuages, les voisins des Banks ont reconstitué un navire de guerre sur le toit et s'y croient tellement qu'ils tirent régulièrement au canon. L'oncle Albert en pleine crise de fou rire invite Mary, Bert et les enfants à prendre le thé au niveau du plafond (une allusion à la fête de non-anniversaire de "Alice au pays des merveilles"). Ces derniers se promènent sur les toits, Mary joue les derviches tourneur au-dessus des cheminées pendant que Bert et ses copains font un ballet acrobatique aérien. Et cette folie est contagieuse. La banque (allégorie de l'enfer) essaye bien de s'en prémunir en chassant l'employeur de Mary mais c'est l'inverse qui se produit: M. Banks est à son tour touché par le grain de folie qui s'est répandu dans sa maison, le doyen s'envole au plafond pour y mourir de rire et ses associés jouent au cerf-volant avec les enfants.

Bien entendu cet énorme délire est habilement enveloppé dans un enrobage de convenances. A l'image de Mary d'ailleurs qui commence toujours par s'offusquer quand on lui demande de pratiquer la magie avant d'en remettre une couche (de cirage noir après être passée par la cheminée). Mais quand on la compare aux autres nounous, il n'est pas difficile de voir en quoi elle est anticonformiste. Jeune, jolie, les yeux pétillants, des éléments de fantaisie dans sa tenue qui font très "hippie chic" (les fleurs sur son chapeau, son écharpe tricotée, son parapluie qui parle et lui sert aussi d'engin volant) et de la magie dans son sac sans fond (qui a vraisemblablement inspiré celui d'Hermione dans le tome 7 de Harry Potter), elle a tout pour venir secouer le train-train du foyer Banks. Lequel n'est pas très joyeux. Le père est affairé et coincé, la mère est égocentrique et distraite, aucun n'est disponible pour s'occuper des enfants.

Comme tous les Disney de la grande époque, le film est novateur ici par sa technique mélangeant les prises de vues réelles et le dessin animé pour les séquences dans le monde enchanté. L'auteure des livres, Pamela L. Travers refusait ce mélange (comme le raconte le film "Dans l'ombre de Mary" sorti en 2013) mais Disney sut habilement l'amadouer. Robert Zemeckis a rendu un hommage direct à la séquence des pingouins dans "Qui veut la peau de Roger Rabbit" qui s'inscrit dans cette filiation technique. Et puis il y a Julie Andrews, comédienne, chanteuse et danseuse accomplie qui illumine de tout son charme le film. Un film qui lui permit de prendre une belle revanche car jugée pas assez connue elle avait été écartée de l'adaptation cinématographique de "My Fair Lady" qu'elle interprétait pourtant au théâtre.

Enfin ce film permet de voir Jane Darwell (Ma Joad des "Raisins de la colère" de John Ford) dans son dernier rôle, celui de l'émouvante dame aux oiseaux.

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