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Articles avec #fantastique tag

La Chute de la maison Usher

Publié le par Rosalie210

Jean Epstein (1928)

La Chute de la maison Usher

Poème cinématographique inspiré de deux nouvelles de Edgard Allan Poe ("La chute de la maison Usher" et "Le Portrait ovale") regroupées dans ses "Nouvelles histoires extraordinaires" traduites par Charles Baudelaire, "La chute de la maison Usher" distille une atmosphère étrange et envoûtante qui m'a un peu fait penser à "La Belle et la Bête" (1945) de Jean COCTEAU. Le décor gothique du manoir et les nombreux ralentis y sont pour quelque chose. Le début quant à lui ressemble beaucoup à celui de "Nosferatu le vampire" (1922) avec son étranger qui cherche un moyen de transport pour se rendre dans un endroit visiblement maudit/hanté puisqu'il suscite l'effroi autour de lui. Mais le parallèle avec le film de Friedrich Wilhelm MURNAU ne s'arrête pas là car "La chute de la maison Usher" est une grande histoire de vampirisme qui peut faire penser aussi à "Le Portrait de Dorian Gray" (1944). Le couple Usher qui vit reclus dans un manoir incarne l'aristocratie moribonde. Le mari, Roderick qui est une sorte de mort-vivant halluciné s'acharne à perpétrer la tradition familiale qui consiste à peindre sa femme, laquelle épuise ses forces dans ces interminables séances de pose ou plutôt de transfusion de la vie vers la mort. Pourtant dans une sorte de renversement de situation celle-ci ne semble pas avoir le dernier mot puisque l'épouse prétendument défunte revient à la vie au milieu d'un déchaînement des forces de la nature pour sauver son mari et l'emporter loin de la maudite demeure qui s'écroule alors d'elle-même*.

Jean EPSTEIN créé une oeuvre éminemment atmosphérique et onirique grâce notamment à de nombreux effets visuels poétiques expérimentaux avant-gardiste (les ralentis donc qui sont incroyablement beaux mais aussi des surimpressions, des travellings et un montage qui fonctionne sur un système de rimes) et il s'écarte sensiblement de Poe quant au sens de l'histoire qu'il raconte. Bien que morbide dans sa tonalité, le film narre le miracle d'une résurrection en lien étroit avec les forces de la nature, lesquelles renversent les "châteaux de cartes" emprisonnant les hommes dans leurs griffes mortifères là où Poe au contraire narre la fin d'un monde rongé par l'endogamie voire l'inceste.

* Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à Rebecca (1939), son château gothique et son portrait maudit qui doivent périr pour que leurs occupants aient un avenir.

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Charlie et la Chocolaterie (Charlie and the Chocolate Factory)

Publié le par Rosalie210

Tim Burton (2005)

Charlie et la Chocolaterie (Charlie and the Chocolate Factory)

L'impression irréelle qui se dégage de cette adaptation de "Charlie et la chocolaterie" est lié au fait qu'elle mélange dans un même espace géographique des technologies, des styles d'habitation, des modes de vie et même des genres a priori très différents. Par exemple certains éléments relèvent du conte intemporel (la chaumière de guinguois, les magasins bonbonnières, les propriétés magiques des confiseries) mais d'autres s'inscrivent dans un contexte de société industrielle avec du travail à la chaîne omniprésent qu'il soit humain (le père de Charlie est OS sur une chaîne avant d'être remplacé par des robots), animal (les écureuils trieurs de noix) ou mécanisé (la musique de Danny ELFMAN possède d'ailleurs elle-même un caractère mécanique qui accompagne la chaîne de fabrication du chocolat). Enfin l'intérieur de la chocolaterie par endroits relève du laboratoire de recherche-développement à la blancheur clinique et high-tech en particulier la salle de télévision où la référence à "2001, l'odyssée de l'espace" (1968) et sa tablette-monolithe trouve tout son sens puisque dans le film on a parcouru sans même sans rendre compte une grande partie de l'histoire du "progrès humain".

Mais cette histoire de "progrès humain" est contredite par la satire de "l'enfant-roi" qui accompagne la quête de Willy Wonka pour trouver un héritier. Comme il s'en remet au hasard (ou à la chance c'est selon) avec le seul geste accompli par une main humaine dans le générique qui est de glisser dans cinq tablettes de chocolat un ticket d'or permettant de visiter sa chocolaterie (c'est à dire de le rencontrer), il se retrouve avec quatre véritables petits monstres, chacun d'entre eux incarnant ce que l'on pourrait appeler dans le langage industriel un "vice de forme", allégorie des pires travers de la société occidentale:
- Augustus Gloop, fils de boucher allemand est comme son nom l'indique un glouton obèse "affreux, sale et méchant" à la "M. Creosote" sauf que contrairement au sketch des Monty Python il n'éclate pas. Il ne devient pas non plus comme dans le roman de Roald Dahl fin comme une allumette, il s'est transformé en "bonhomme en chocolat" se dévorant lui-même ce qui est assez terrifiant mais juste dans le fond pour décrire la consommation à outrance.
- Veruca Salt est une petite fille de la haute bourgeoisie britannique tyrannique parce que pourrie-gâtée par son père propriétaire d'une usine de noix. Habituée à avoir tout ce qu'elle veut, son incapacité à supporter la frustration la destine à finir dans "les poubelles de l'histoire".
- Violette Beauregard est l'archétype de la "gagnante", une gamine américaine blonde platine vulgaire qui n'est motivée que par la compétition et les trophées. Elle est le miroir narcissique de sa mère à l'allure de poupée Barbie qui vit ses rêves de gloire par procuration. Qu'elle finisse gonflée comme un gros ballon est un reflet de son caractère mais ce qui traumatise le plus sa mère c'est que sa peau a viré au bleu et qu'elle ne pourra plus jamais lui ressembler.
- Enfin Mike Teavee est le geek blasé qui méprise la terre entière (et ses pauvres parents dépassés en premier) tellement il se sent supérieur. Il n'est pas grossier comme Augustus, tyrannique comme Veruca ou hypocrite comme Violette, il est franchement destructeur. Aussi il finira miniaturisé et "mis en boîte".

Si la visite de la chocolaterie a un côté Disneyland que l'on retrouve aussi dans "Dumbo" (2019) (la scène des rapides en bateau en particulier), les chansons chorégraphiées des oompa-loompa (tous interprétés par le même acteur) qui épinglent le comportement de chacun de ces quatre enfants sont des régals de parodie dissonante tant de stars et de groupes musicaux (Beatles, Queen, Michael Jackson, hard-rock) que de films ("Le Bal des sirènes" (1944), "Psychose" (1960), "Pulp Fiction" (1994) etc.)

Charlie, le cinquième enfant et Willy Wonka qui incarnent les deux extrêmes opposés vont pourtant se rencontrer parce qu'ils ont un point commun: ils ne rentrent pas dans la norme telle qu'elle est représentée par les quatre autres enfants. Charlie semble tout droit sortir des faubourgs misérables du Londres du XIX° décrit par Charles Dickens à ceci près que s'il est misérable sur le plan matériel, il est riche de l'amour de sa famille élargie avec laquelle il vit en harmonie. Willy Wonka en revanche est un créateur de génie et un industriel plein aux as mais sans famille. Dans la version de Tim BURTON où il est incarné par Johnny DEPP, ce dernier le décrit comme autiste, ce qui effectivement saute aux yeux. Dire qu'il vit dans sa bulle chocolatière est un euphémisme, il est également entouré d'une bulle transparente quand il sort (l'ascenseur) et même lorsqu'il finit par adopter Charlie puis sa famille, il les inclut dans sa bulle. Il n'est pas à l'aise dans les rapports humains, n'aime pas être touché, n'a pas une attitude socialement adaptée au point d'être obligé de lire des fiches pour savoir quoi dire à son audience et a un petit rire qui résonne à contretemps, quelque peu mécanique comme le reste de sa personne tirée à quatre épingles comme s'il était une sorte de pantin sorti de la vitrine (la scène où on le voit la première fois le présente exactement ainsi et le fait que les vrais pantins prennent feu et que cela le fasse rire suscite d'emblée un certain malaise). En revanche dans le domaine exclusif du chocolat, il est aussi expert que perfectionniste et la richesse de son univers intérieur contraste violemment avec l'aspect grisâtre du bâtiment extérieur.

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Les Trois lumières (Der Müde Tod)

Publié le par Rosalie210

Fritz Lang (1921)

Les Trois lumières (Der Müde Tod)

Si le cinéma (et toutes les productions visuelles) parlant (d'hier et d'aujourd'hui) s'inspire beaucoup plus qu'on ne le pense du cinéma muet, le cinéma muet s'est quant à lui beaucoup inspiré de la littérature classique ou folklorique. "Les Trois lumières", réalisé en 1921 par Fritz LANG puise ses origines dans les contes de Grimm et plus précisément deux d'entre eux: "Le joueur de flûte de Hamelin" pour le conseil municipal qui accueille par cupidité la Mort en son sein (elle lui cède un terrain contre une forte somme d'argent dans le film alors que dans le conte c'est le refus de payer le joueur de flûte qui entraîne la disparition de tous les enfants ce qui équivaut à un arrêt de mort) et "La Mort marraine", moins connu qui raconte l'histoire d'un homme qui après avoir tenté de déjouer la Mort se retrouve dans une grotte souterraine dans laquelle chaque vie est représentée par un cierge, la longueur du cierge indiquant la durée du temps qui reste à vivre. La Mort explique à l'homme effrayé par sa mort imminente qu'elle ne peut allumer une nouvelle vie qu'en échange d'une autre qui s'éteint. L'homme tente une fois de plus de gruger la Mort mais il est évidemment vaincu.

Fritz LANG approfondit la morale du conte avec une trame qui rappelle le mythe d'origine gréco-latine devenu transversal à tous les arts de la jeune fille et de la Mort. L'intrigue superpose en effet le caractère implacable de la Mort (elle n'est pas représentée en grande faucheuse mais elle frappe de manière tout aussi indistincte) et le déni humain face à elle, personnifié par une jeune fille qui refuse d'admettre la mort de son fiancé. Afin de lui prouver que l'amour ne peut avoir raison de la mort, il lui propose trois chances de le sauver (ce sont les trois lumières du titre): à Bagdad au IX° siècle, à Venise au XVII° et à la cour de l'empereur de Chine*. A chaque fois la jeune fille y occupe de hautes fonctions ou possède des pouvoirs magiques et pourtant elle ne parvient pas à déjouer la mort. Celle-ci lui propose alors comme dans le conte de Grimm d'échanger la vie de son fiancé contre une autre mais personne ne veut se sacrifier on s'en doute et la jeune fille ne peut pas commettre l'acte contre-nature qui consiste à tuer un nouveau-né pour rendre la vie à l'homme qu'elle aime. Comme elle refuse catégoriquement d'accepter la mort de son fiancé, elle choisit la seule option humaine qui lui reste: se suicider pour le rejoindre. Exactement le même choix que celui de Elisabeth dans "L'Amour à mort" (1984) de Alain RESNAIS. A méditer. Bien entendu, on pense également au film de Ingmar BERGMAN, "Le Septième sceau" (1957). On y pense d'autant plus en ce moment en méditant ces paroles extraites du film de Fritz Lang " Les gens n'imaginent pas à quel point ils sont proches de la mort. Ils se croient éternels alors qu'ils ne survivront même pas aux roses qu'ils ont cueilli".

* Visuellement, c'est l'épisode le plus impressionnant avec notamment des effets spéciaux remarquables pour l'époque jouant sur les échelles qui font penser notamment à l'armée de terre cuite de l'empereur Qin. Une autre idée visuellement marquante réside dans la représentation du domaine de la mort, intérieurement semblable au conte de Grimm (grotte et cierges) mais extérieurement semblable à un immense mur d'enceinte sans porte ni fenêtre (sauf pour les spectres et la jeune fille qui se met avec sa potion entre la vie et la mort).

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Le Cabinet des figures de cire (Das Wachsfigurenkabinett)

Publié le par Rosalie210

Paul Léni et Léo Birinsky (1924)

Le Cabinet des figures de cire (Das Wachsfigurenkabinett)

"Le cabinet des figures de cire" est un film expressionniste allemand qui se situe dans la mouvance du célèbre film de Robert WIENE, "Le Cabinet du docteur Caligari (1919). Selon les historiens du cinéma il en constitue même le point final. Et ils n'ont pas que la fête foraine, Werner KRAUSS, Conrad VEIDT* ou leur "cabinet" ^^ en commun. Ils ont aussi leurs décors incroyables aux perspectives faussées qui dans le film de Paul LENI et Leo BIRINSKY ont en plus l'avantage de la variété puisqu'il se compose de trois histoires se situant dans trois lieux différents: le Bagdad des mille et une nuits, la Russie d'Ivan le Terrible et le Londres de Jack l'Eventreur. Des contes et des légendes aux tonalités merveilleuses (dans le premier cas) ou fantastiques (dans le deuxième et troisième)** qui se prêtent bien à un traitement expressionniste***. Quant à la structure de l'intrigue, elle est empruntée à un autre film important de cette époque, "Les Trois lumières" (1921) de Fritz LANG. Pas seulement parce qu'il y a trois histoires mais parce que les personnages principaux s'y projettent. Nul doute que ces films ont été une source d'inspiration majeure pour Michel OCELOT dont le "Princes et Princesses" (1998) et les "Les Contes de la nuit 3D" (2011) reposent sur les mêmes principes. En mode (très) mineur, le principe des statues de cire qui prennent vie fait également penser à "La Nuit au musée" (2006) et ses suites.

* La troisième figure de cire du film étant interprétée par un autre acteur majeur de ce courant, Emil JANNINGS.

** Pour mémoire le merveilleux se déroule dans un univers où la magie est la norme alors que le fantastique voit surgir le surnaturel dans un monde réaliste, même si les trois personnages ont réellement existé.

*** Si la première histoire est bouffonne, elle repose beaucoup sur la sensualité de l'actrice qui rend fous les hommes autour d'elle. Et les autres reposent sur la folie du personnage principal qui entraîne ses victimes dans un véritable cauchemar éveillé.

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Mary Reilly

Publié le par Rosalie210

Stephen Frears (1996)

Mary Reilly

Dans les années 90, il était à la mode de revisiter les grands mythes fantastiques sous un angle romantique. C'est ainsi qu'après le "Dracula" (1992) de Francis Ford COPPOLA, Stephen FREARS a proposé une nouvelle version de "L'étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde" de Robert Louis Stevenson. En fait comme pour son chef d'oeuvre "Les Liaisons dangereuses" (1988), il a fait un pas de côté en adaptant non pas directement l'œuvre originale mais une variation écrite par Valérie Martin et qui a pour particularité d'adopter le point de vue de sa servante, Mary Reilly. Il a d'ailleurs repris une bonne partie de l'équipe des "Liaisons dangereuses" de Christopher HAMPTON pour le scénario à John MALKOVICH pour le rôle du docteur.

L'idée du film que certains trouvent trop retenu, trop en demi-teinte est justement de laisser entrevoir ou de passer par la métaphore en accord avec une époque et un lieu nimbé de brumes masquant des gouffres insondables. Ainsi Mary Reilly apparaît comme l'âme sœur du docteur Jekyll, la seule capable de le comprendre et de percer ses secrets, quitte à aller fouiller au fond des siens. Le décor sert admirablement le propos du film, Mary étant obligé à chaque fois qu'elle se rapproche de l'âme du docteur de passer par le labyrinthe complexe de son laboratoire, séparé du reste de la maison par une cour intérieure et qui symbolise la personnalité scindée de Jekyll/Hyde. Mary elle-même a selon ses propres dires une ombre en elle, celle que lui a laissé son père sadique et incestueux et qu'elle porte comme une croix (d'où son dos toujours un peu voûté et ses cicatrices). Derrière son apparence conforme aux attentes vis à vis des femmes de ce temps et de ce milieu (soumission, effacement, discrétion etc.) se cache une âme tourmentée, attirée comme un aimant par Hyde qu'elle désire autant que Jekyll se consume pour elle. Les pulsions sexuelles non satisfaites étant dévastatrices, pas étonnant qu'elles se transmuent en pulsions mortifères, Mary côtoyant sans arrêt l'abîme du sexe et de la mort et entrevoyant des scènes de carnage derrière les portes quand ce n'est pas une anguille évocatrice qui se tortille entre ses mains. Si le jeu de Julia ROBERTS est un peu terne, celui de John MALKOVICH est étonnant de sobriété même dans le rôle de Hyde qu'il rend au final très proche de son modèle initial.

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Jurassic Park

Publié le par Rosalie210

Steven Spielberg (1993)

Jurassic Park

Jurassic Park qui à sa sortie a fait sensation notamment en raison de ses effets spéciaux révolutionnaires (et qui conservent toute leur puissance de frappe près de trois décennies plus tard) est aussi l'œuvre d'un grand réalisateur. Soit ce qui manque aux blockbusters actuels, pilotés par des producteurs qui pour maximiser leurs profits recyclent à l'infini les recettes scénaristiques du passé (et Jurassic park qui n'en finit plus d'avoir des avatars sans intérêt ne fait pas exception à la règle) relookés par de la surenchère technologique indigeste.

Jurassic Park se démarque de ceux-ci sur de nombreux points:

- Un art de la mise en scène qui intègre intelligemment les effets spéciaux à des scènes d'action et de suspense qui de ce fait sont passées à la postérité. Deux exemples: la découverte progressive du T.Rex depuis l'intérieur de la voiture et la scène de la cuisine à la fin où l'utilisation de l'espace et des éléments du décor est tout simplement magistrale! De plus, soucieux de conférer le plus grand réalisme possible à ses dinosaures, Steven SPIELBERG a choisi d'intégrer les images de synthèse à des scènes de nuit ou de pluie et a fait étroitement collaborer (et pas seulement cohabiter) les techniques animatroniques et numériques. De ce point de vue "Jurassic park" est un film se situant dans une transition technologique tout à fait passionnante. Car le résultat est bluffant alors que pourtant les dinosaures ne sont présents qu'un quart d'heure à l'écran (9 minutes pour les animatroniques et 6 pour les effets numériques).

- Des acteurs avec une vraie présence campant des personnages bien construits à partir d'une intrigue bien ficelée adaptée du roman de Michael CRICHTON. Sam NEILL et Laura DERN incarnent Alan et Ellie, un couple de paléontologues de renom brusquement confrontés à des dinosaures vivants recréés par la science. Ils sont tous deux fascinés par le fait de pouvoir regarder et toucher les créatures qu'ils n'appréhendaient jusque là qu'à l'état de squelettes. Le mathématicien Ian Malcom (Jeff GOLDBLUM), spécialiste de la théorie du chaos est quant à lui conscient des dangers que l'expérience fait courir à l'humanité et au monde et fait preuve d'esprit critique ce qui énerve le milliardaire inconscient John Hammond (Richard ATTENBOROUGH) qui est à l'origine du projet et passe son temps à répéter qu'il a "dépensé sans compter". Même les enfants ne sont pas là pour faire joli mais ont un vrai rôle à jouer, en particulier le petit Tim (Joseph MAZZELLO) dont les pulsions voyeuristes sont souvent soulignées. Les péripéties que vivent les personnages révèlent soit leur médiocrité (informaticien véreux, avocat d'affaires veule, garde-chasse trop sûr de lui) , soit au contraire leurs qualités (Allan et Ellie se révèlent être des héros qui sauvent la situation et protègent les enfants).

- Les thématiques qui traversent le film sont particulièrement riches et pertinentes. On y trouve d'une part une énième critique de l'homme démiurge/apprenti-sorcier/prométhéen (que l'on peut renommer "hommo occidentalus" ^^) qui croit pouvoir jouer impunément avec les règles de la nature en cherchant à la reconfigurer pour son bon plaisir et à la contrôler alors que bien entendu, elle lui échappe comme l'avait prévu Ian Malcom. A cela s'ajoute une critique de la société du spectacle fondée sur la consommation et le voyeurisme et de la technologie censée remédier aux failles humaines. Le "Jurassic Park" de John Hammond est conçu comme une sorte de zoo géant disneylandisé sauf que la visite (trop) guidée fait un flop retentissant car le vivant ne se plie pas aux désirs mercantiles alimentés par la "pulsion scopique". Lorsque les portes s'ouvrent et que la promenade en voiture (téléguidée) commence il n'y a littéralement rien à voir et les grillages électrifiés s'avèreront très vite dérisoires pour endiguer une sauvagerie moins animale qu'humaine. Le personnage de Dennis Nedry (Wayne KNIGHT), le programmeur du système de gestion automatisé du parc et responsable de la catastrophe est très intéressant à étudier comme un exemple éloquent de l'irrationnalité humaine. Son corps déborde de partout, son bureau en vrac est une poubelle à ciel ouvert, il est accablé par les problèmes financiers (s'il les gère comme son bureau ou son régime alimentaire, on comprend pourquoi) et déborde d'anxiété. Bref c'est l'homme idéal pour commettre une grosse bêtise. Car en coupant l'alimentation électrique pour voler des embryons, il ouvre en même temps la cage des dinosaures et signe son arrêt de mort. D'ailleurs Steven SPIELBERG punit d'une façon ou d'autre autre tous ceux qui cherchent à tirer profit du parc, même le petit Tim se prend un bon coup de jus pour son plaisir un peu trop manifeste devant le spectacle du "gore en live".

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Le Monde perdu (The Lost World)

Publié le par Rosalie210

Irwin Allen (1960)

Le Monde perdu (The Lost World)

Cette seconde adaptation du roman de Sir Conan Doyle après celle, muette, de 1925 par Harry O. HOYT est un monument de kitsch. Le film de Irwin ALLEN apparaît daté avec ses effets spéciaux ridicules (par seulement liés à l'époque mais aussi à un budget réduit à cause du tournage concomitant de "Cléopâtre") (1963) et ses personnages mal joués et stéréotypés jusqu'au bout des ongles dont les costumes, coiffures et maquillages restent impeccables jusqu'au fin fond de la jungle. Difficile de décider si la palme du ridicule va au caniche à rubans roses de Jill (elle-même vêtue de rose) ou aux pauvres reptiles que l'on a affublés de cornes ou d'autres appendices factices afin de les faire passer pour les sauriens de la préhistoire. Ils sont d'ailleurs très peu présents dans le film, on comprend pourquoi. D'autre part sa vision manichéenne des "gentils" (les occidentaux) et des "méchants" (les indigènes et deux membres du groupe vils et cupides qui sont comme par hasard latino et qui sont purement et simplement éliminés) n'est certainement pas sauvée par le personnage d'une sauvageonne au brushing et au bronzage californiens et dont le costume rappelle celui de l'épouse de la famille Pierrafeu, la série de William HANNA et Joseph BARBERA. D'ailleurs le parallèle est d'autant plus pertinent que les deux oeuvres sont contemporaines avec une toile de fond préhistorique qui sert de prétexte à mettre en scène l'american way of life des années 1960. Lequel consiste entre autre dans le film pour Jill à se faire épouser par un Lord (diamonds are girl's best friends, tout en rose ^^) chasseur de fauves et explorateur face auquel le journaliste (un parvenu nommé Ed Malone) n'a aucune chance. Bref s'il y a un certain savoir faire dans la réalisation et la photographie, ce film parfaitement dispensable est une série B qui a mal vieilli et qui ne peut plaire aujourd'hui soit qu'à ceux qui cherchent de l'imagerie naïve et colorée, soit aux amateurs de comique involontaire.

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Pink Floyd: The Wall

Publié le par Rosalie210

Alan Parker (1982)

Pink Floyd: The Wall

Qui ne connaît l'hymne protestataire d'Another brick in the wall commençant par "we don't need no education, we don't need no thought control" et le clip en partie animé où l'on voit des élèves d'une école anglaise portant d'horribles masques tomber dans une machine à fabriquer de la chair à saucisse, le boucher n'étant autre que leur professeur? Ce n'est que l'un des moments phares du long-métrage musical de Alan PARKER, sorte de cauchemar sous acide mélangeant prises de vue réelles et animation et non-linéaire dans sa narration (mais cohérent tout de même) où une star du rock (prénommée Pink ^^ et jouée par Bob GELDOF mais inspirée en partie de la vie de Roger WATERS) traverse paradoxalement depuis la chambre d'hôtel où il s'est bunkérisé 40 ans d'histoire individuelle et collective. Tout y passe: première et seconde guerre mondiale, concerts rock transformés en grand-messe nazie avec Pink en SS puis pogroms dans les quartiers de Londres, guerre du Vietnam et ses manifestations étudiantes violemment réprimées par la police et métaphoriquement, guerre froide et son rideau de fer détruisant tout sur son passage (dans la séquence animée, les fleurs deviennent des barbelés, l'enfant devient un SS qui fracasse le crâne de son père et le patrimoine historique est détruit lorsqu'il se trouve dans la zone du mur ce qui s'avère être tristement prophétique, la chapelle de la réconciliation à Berlin ayant été détruite 3 ans après la sortie du film parce qu'elle gênait la visibilité au niveau de la frontière entre les deux murs). Une vision de l'histoire contemporaine sombre et torturée voire nihiliste qui correspond aux troubles mentaux de Pink, lequel oscille d'un état apathique à de brusques explosion de violence où il ravage tout sur son passage. Dans ses hallucinations, il redevient un bébé prostré en position fœtale voire une poupée de chiffons soumis à des adultes terrifiants: sa mère étouffante, son professeur tyrannique, sa femme infidèle (et les femmes en général) transformées en plantes carnivores, le juge qui l'écrase ou encore l'impresario qui coûte que coûte veut le faire monter sur scène. Ce trip aux frontières de la folie que l'on peut voir comme une peinture de la shizophrénie (d'un côté le dépressif solitaire vautré devant sa TV, de l'autre le meneur de foules) est aussi une parabole sur l'autisme. Pink subit des brimades depuis son enfance, est incompris, isolé et rejeté. Il finit par vivre coupé du monde, incapable de communiquer avec qui que ce soit et passe son temps immergé dans un bocal à poissons (ses créations puis quand cela tourne au carnage, la TV ou la piscine de son hôtel). Dans une scène ultra significative, on le voit trier et aligner avec soin les débris issu du saccage de sa chambre d'hôtel comme si il avait besoin de recomposer un monde qui lui appartienne après avoir détruit celui des autres. Les séquences nazies où les violences s'abattent sur les minorités peuvent être interprétées comme une auto-flagellation puisque Pink est différent (le premier groupe a avoir été exterminé par les nazis étaient d'ailleurs les handicapés) de même que la condamnation finale consistant à abattre le mur et à l'exposer aux yeux de tous.

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Jabberwocky

Publié le par Rosalie210

Terry Gilliam (1977)

Jabberwocky

J'ai rarement vu une restauration produire des effets aussi spectaculaires que dans "Jabberwocky", le premier long-métrage réalisé par Terry GILLIAM. En effet celui-ci en dépit d'un budget modeste a créé un magnifique univers visuel qui s'était terni avec le temps. En retrouvant son éclat, l'image révèle des paysages ruraux de chateaux-forts nimbés d'une somptueuse lumière. Les mêmes que ceux de "Monty Python sacré Graal" (1975), l'œil du peintre en prime. Cela n'empêche pas de reconnaître le style Gilliam, récurrent de film en film, celui des courtes focales et des contre-plongées qui écrasent les personnages sous l'architecture, bouchent la vue et déforment les perspectives et les traits jusqu'à la caricature. Le Moyen-Age dépeint par Gilliam est pictural et en même temps il s'en dégage une impression de réalisme comme dans le film antérieur des Monty Python. C'est lié à une intimité avec cette époque dans ce qu'elle a de plus "terre-à-terre" c'est à dire sa violence et sa saleté. Celles-ci deviennent d'ailleurs les supports d'un long gag où la tribune royale d'un tournoi est progressivement recouverte de sang et de morceaux de chair sans que les personnages ne s'en émeuvent (un type de gag non-sensique récurrent chez les Python*). Mais de la saleté au sens propre à la saleté au sens figuré il n'y a qu'un pas et la crasse ou la poussière qui recouvre les dirigeants qui utilisant leurs vassaux comme de la chair à canon n'a rien de gratuit. A travers le Moyen-Age, Terry GILLIAM critique en réalité le fonctionnement de la société britannique des années 70 touchée par la crise et le chômage et désormais rétive comme le reste de l'Europe à l'immigration de travail venue des pays pauvres. Quant au "monstre" (emprunté à un autre univers de l'absurde, celui de Lewis Carroll) qui terrorise la contrée, il est cyniquement instrumentalisé pour manipuler les masses puisque les habitants n'ont guère envie de s'aventurer à l'extérieur et apaisent leurs angoisses en… consommant. Il est presque dommage que Terry GILLIAM finisse par le montrer (d'autant que ce n'est pas une réussite, contrairement aux plans où la caméra adopte son point de vue et où il est donc invisible) car comme le magicien d'oz, il aurait pu tout aussi bien n'être qu'une illusion.

* Une partie d'entre eux participent au film en tant qu'acteurs. Michael Palin interprète le rôle principal et le regretté co-fondateur des Python Terry Jones y joue un petit rôle, celui du braconnier qui apparaît en introduction et est la première victime du monstre.

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Dracula

Publié le par Rosalie210

Tod Browning (1931)

Dracula

"Dracula" n'est pas le premier film consacré au célèbre vampire transylvanien créé par Bram Stoker puisqu'il y avait eu quelques années auparavant le chef d'œuvre muet de Friedrich Wilhelm MURNAU, "Nosferatu le vampire" (1922). Mais c'est le premier film officiel puisque Murnau n'avait pas acheté les droits du roman. Force est de constater que bien que mythique dans le genre, il n'a pas réussi à s'imposer au panthéon de la cinématographie mondiale au contraire du film de Murnau et de "Frankenstein" (1931) de James WHALE sorti quelques mois plus tard. C'est sans doute lié au fait que le film d'Universal est inégal. L'œuvre adaptée n'est en effet pas le roman de Bram Stoker mais la pièce de théâtre qui en a été tirée. Et cet aspect théâtral se fait un peu trop ressentir dans la deuxième partie du film qui se résume beaucoup à des conversations de salon au détriment du rythme et du langage visuel propre au cinéma. C'est d'autant plus dommage que l'ouverture du film était plus que prometteuse avec des décors grandioses, une photographie à tomber par terre (normal, c'est le grand chef opérateur allemand Karl FREUND qui officie à ce poste), une atmosphère bien glauque et une interprétation magnétique d'un Bela LUGOSI littéralement habité par son personnage (qu'il interprétait déjà au théâtre). Toutes les scènes où il apparaît, drapé dans sa grande cape noire avec son maintien aristocratique et son élocution lente et onctueuse et encore plus celles où il est filmé en gros plan avec son regard perçant, hypnotique magnifié par la photo de Freund fascinent aujourd'hui encore. Une fois possédé, Dwight FRYE dans le rôle de son visiteur Renfield fournit une prestation hallucinée également tout à fait remarquable. Enfin en dépit de la mise en scène trop sage de la partie londonienne, on ressent bien ce que cette histoire a de subversif sexuellement parlant. En effet il y a beaucoup de plans de Dracula pénétrant dans les chambres de jeunes femmes endormies sous sa forme de chauve-souris avant de les dévorer ^^ (du regard, les morsures restant suggérées). L'aspect morbide de la relation charnelle entre Mina (Helen CHANDLER) et Dracula est indissociable d'une aura romantique dont son fiancé officiel, John Harker (David MANNERS) est totalement dépourvu. D'ailleurs comment pourrait-il la protéger et de quoi puisqu'à lui, sa chambre est défendue.

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