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Articles avec #del toro (guillermo) tag

L'Echine du diable (El Espinazo del diablo)

Publié le par Rosalie210

Guillermo del Toro (2001)

L'Echine du diable (El Espinazo del diablo)

J'avais lu que pour "Le Labyrinthe de Pan" (2006), Guillermo DEL TORO s'était inspiré de "L'Esprit de la ruche" (1973). Mais cette influence comme celle de "La Nuit du chasseur" (1955) est tout aussi évidente dans "L'échine du diable", son troisième film réalisé cinq ans auparavant. Du film de Victor ERICE comme de celui de Charles LAUGHTON émerge le thème de l'enfance face au mal, lequel prend une double forme. Celui de la guerre d'Espagne avec l'image de l'obus fichée en plein coeur de la cour de l'orphelinat où est emmené Carlos. Mais aussi celui du monstre phallique séducteur, cupide et sanguinaire qui terrorise les enfants avant de révéler l'étendue de sa folie meurtrière et de tout détruire autour de lui. S'y ajoute une atmosphère oppressante lié au fait que le film se déroule dans le huis-clos d'un orphelinat qui en dépit des propos rassurants de sa directrice Carmen (Marisa PAREDES) ressemble à une prison d'où il s'avère impossible de s'échapper. La porte ouvre sur une route hostile et déserte sur des dizaines de kilomètres, le ciel est envahi d'avions fascistes et nazis et le sous-sol semble contenir des fantômes. Un plus précisément, celui d'un petit garçon qui détient un sombre secret et semble résider au fond d'un bassin (des images qui préfigurent "La Forme de l'eau") (2017). S'y on ajoute les foetus qui baignent dans l'alcool, l'atmosphère est plus qu'anxiogène. Néanmoins ce n'est pas d'elle que vient la menace mais bien du réel. Aussi comme dans ses autres films, face à la violence du monde qu'ils se prennent de plein fouet, les enfants apprennent à apprivoiser leurs peurs et à s'entraider. Ainsi Carlos qui est au départ un peu le souffre-douleur va par son courage, sa générosité et sa curiosité d'esprit finir par fédérer les autres membres du groupe autour de lui contre la véritable source de leurs tourments. Par ailleurs si les adultes bienveillants sont défaillants (Carmen souffre d'une infirmité, Casarès est impuissant et Conchita comme Carmen se sont laissé abuser par Jacinto qui possède tous les traits des terrifiants mâles alpha développés dans les films ultérieurs de Guillermo DEL TORO), ils ne sont pas tout à fait absents. Les lingots cachés par Carmen s'avèreront être des alliés inattendus. De même, l'esprit de Casarès veille sur les enfants survivants.

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Le Labyrinthe de Pan (El Laberinto del Fauno)

Publié le par Rosalie210

Guillermo del Toro (2006)

Le Labyrinthe de Pan (El Laberinto del Fauno)

"Le labyrinthe de Pan" (traduction infidèle à l'original qui est "Le labyrinthe du faune") est un film hybride. Et comme beaucoup de films hybrides, il a pu susciter à sa sortie de l'incompréhension et du rejet, d'autant qu'il n'a pas été "vendu" pour ce qu'il était réellement: un conte de fée horrifique ou un film d'horreur onirique. Bien que très différent par sa forme du "Brazil" de Terry Gilliam, il partage sur le fond un même principe fondamental, celui de l'échappée imaginaire au coeur d'une réalité terrifiante, les deux univers entretenant des rapports de plus en plus étroits au fur et à mesure de la progression du film.

"Le labyrinthe de Pan" est aussi un grand film sur le choix. Il rappelle que même dans les situations les plus terribles (comme le contexte de terreur franquiste du film), c'est ce que l'être humain conserve de plus précieux. L'héroïne Ofelia est pourtant de par son âge et son genre dans une situation de dépendance et de vulnérabilité absolue. Et pourtant c'est elle qui incarne les bons choix (et au final la figure sacrificielle du sauveur) face à sa mère qui incarne les mauvais choix. Celle-ci renonce en effet à son indépendance d'adulte en échange d'une illusoire protection auprès de celui qui lui paraît être le plus fort (il y a de quoi méditer, même aujourd'hui à ce sujet). De ce fait non seulement elle régresse en redevenant une petite fille impuissante et dépendante (comme le symbolise le fauteuil roulant) mais elle nous montre toute l'étendue de sa soumission face à un mari misogyne qui la rabaisse (encore le symbole du fauteuil roulant), la tient à distance et est prêt à la sacrifier pour accéder à l'immortalité (à travers le fils qu'elle lui donnera et qui sera son miroir comme lui est le miroir de son propre père: bel exemple de narcissisme qui nie l'altérité.)

Logiquement, la dualité et le conflit sont le moteur du film (homme contre femme, enfant contre adulte, rêve contre réalité, choix contre renoncement fataliste, bleu contre orange). Si on reste sur l'exemple développé un peu plus haut, Carmen, la mère veut que sa fille se soumette à l'ordre franquiste auquel elle s'est elle-même soumise. Mais Ofelia résiste avec toutes les forces de son esprit. Son premier contact avec le capitaine Vidal consiste à serrer ses livres contre elle comme un bouclier et à lui tendre la main gauche, une déclaration de guerre (la main gauche est associée au diable). Les trois épreuves qu'elle affronte sont le reflet de cette résistance. La première qui rappelle fortement "Alice au pays des merveilles" mais aussi "Mon voisin Totoro" la voit affronter et triompher d'un énorme crapaud (son beau-père) qui stérilise un arbre creux (symbole utérin du féminin) dont elle sort couverte de boue. Ainsi elle échappe au dîner où sa mère voulait qu'elle paraisse en petite fille modèle pour plaire à son beau-père. La deuxième épreuve la met aux prises d'un ogre attablé devant un festin et dont le comportement sanguinaire évoque le tableau de Saturne dévorant ses enfants peint par Goya. L'allusion à Vidal est transparente puisqu'il détient sous clé un énorme stock de vivres qu'il utilise comme arme de guerre. Ofelia va jusqu'à le provoquer en touchant au festin et en refusant de se plier au temps qu'il veut lui imposer (Vidal se prend en effet pour le maître des horloges). Plutôt que de sortir par la porte qu'il contrôle à l'aide d'un sablier, elle trace sa propre porte à la craie, une belle manifestation de libre-arbitre devant laquelle il est désemparé (incapable d'empathie, Vidal ne comprend aucun autre choix que les siens). La troisième épreuve, la plus cruciale consiste au prix de son sacrifice à arracher son petit frère des griffes du monstre pour briser le cercle vicieux de la reproduction du même.

Pour conclure, le capitaine Vidal (joué de façon magistrale par Sergi Lopez) est certes le monstre de l'histoire mais Guillermo del Toro pointe tout autant du doigt ceux et celles qui nourrissent la bête tout en se défaussant de leur responsabilité d'adulte. C'est d'ailleurs pourquoi Ofelia finit par se choisir une mère de substitution dans la résistance, la gouvernante Mercedes.

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La Forme de l'Eau (The Shape of Water)

Publié le par Rosalie210

Guillermo del Toro (2017)

La Forme de l'Eau (The Shape of Water)

"La Forme de l'Eau" mérite sa réputation par sa richesse narrative et formelle nourrie de multiples références sans que pour autant le film n'y perde en originalité et en personnalité. La filiation avec "Le Labyrinthe de Pan", l'œuvre phare de Guillermo Del Toro est très forte. Le fantastique et l'atmosphère onirique de conte servent dans les deux cas à protéger une innocente de la brutalité de la guerre et de ses suites (espagnole dans "Le Labyrinthe de Pan", froide dans "La Forme de l'Eau"). Celle-ci est incarnée à chaque fois par un ogre terrifiant, incarnation la plus brutale du mâle alpha tueur et tortionnaire. Dans les deux cas aussi, l'eau enveloppe et protège comme à l'intérieur d'un ventre maternel (de manière littérale dans "La Forme de l'Eau", symbolique dans "Le Labyrinthe de Pan" où l'héroïne s'appelle Ofelia) alors que le corps des ogres est mutilé (les doigts putrescents de Strickland équivalent à la joue entaillée de Vidal avec l'élément liquide en plus). Ces différents niveaux de réalité sont représentés spatialement de façon verticale (surface/monde souterrain dans "Le Labyrinthe de Pan", premier étage où flottent en apesanteur Elisa et son voisin/cinéma au rez-de-chaussée qui nourrit l'imaginaire/laboratoire bunkerisé qui contient les forces obscures qui nourrissent l'imaginaire en surface).

"La Forme de l'Eau" bien que se situant dans les années 50-60 au temps de la guerre froide nous parle d'une guerre bien actuelle. Guillermo Del Toro est d'origine mexicaine et son film est traversé par la barda. Il s'offre la jouissance (et nous la offre) de la revanche des opprimés sur l'oppresseur. D'un côté les minorités ethniques latinos et noire, les handicapés, les homosexuels, les femmes et même un espion soviétique déserteur réunis sous la bannière du dieu "freak" homme-poisson. De l'autre le mâle wasp, incarnation aux USA du blanc dominateur qui affirme que dieu est humain et a un visage proche du sien. Celui qui tue, torture, harcèle, humilie mais qui incarne en surface l'american way of life bien propre sur lui avec sa maison, sa femme, ses enfants et sa Cadillac. C'est par l'objet de sa puissance phallique et destructrice qu'il nous est présenté, la première rencontre avec Elisa se fait dans les toilettes lorsqu'il pose son gourdin-taser sur le lavabo (principe masculin contre principe féminin). Sa bouche carnassière concassant des bonbons est aussi un leitmotiv marquant. C'est aussi toute sa faiblesse qui nous est montrée lorsqu'il s'avère incapable de concevoir qu'il s'est fait rouler dans la farine par ces femmes de ménage qu'il méprise. Son incapacité à sonder le mystère et la grandeur de l'autre lui est fatal.

Jean-Pierre Jeunet a récemment accusé Guillermo Del Toro d'avoir copié des séquences entières de "Délicatessen" dans "La Forme de l'Eau". Les ressemblances sautent en effet aux yeux. Le visuel de "La Forme de l'Eau" en tons bleu-vert-jaune comme à l'intérieur d'un aquarium et l'esthétique rétro rappellent "Délicatessen", du moins chez Elisa et son voisin. La scène où leurs pieds dansent en rythme avec la TV alors qu'ils sont assis sur le canapé existe à l'identique dans "Délicatessen" de même que celle de l'inondation de la salle de bain pour se créer une bulle d'amour avec l'âtre aimé face à l'hostilité du monde extérieur. Mais outre qu'il devrait être flatté d'être une source d'inspiration, lui-même n'est pas parti de rien comme le disait un article du magazine Utopia consacré à "Délicatessen" et daté de 1991 "C'est tout pompé sur l'immense Brazil! Mais c'est bien pompé, ça c'est sûr!". Guillermo Del Toro était d'ailleurs le premier à rappeler tout ce que lui et Jeunet devaient à Terry Gilliam, l'initiateur de cette esthétique rétro-futuriste et de ce ton à la fois romantique, onirique et joyeusement désespéré.

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