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Articles avec #fantastique tag

La Jeune fille de l'eau (Lady in the Water)

Publié le par Rosalie210

M. Night Shyamalan (2006)

La Jeune fille de l'eau (Lady in the Water)


"La jeune fille de l'eau" est une variation sur "Le Village" (2004). Les deux films dépeignent en effet une communauté vivant en circuit fermé comme pour se protéger de l'insoutenable cruauté du monde extérieur. La tragédie vécue par Cleveland, le concierge joué par Paul GIAMATTI est tout à fait comparable à celles des habitants du Village. Le décor de "La jeune fille de l'eau" est d'ailleurs encore plus explicite avec sa résidence formant une véritable muraille autour d'une esplanade de béton trouée en son milieu par une piscine plus ou moins circulaire. Des arroseurs automatiques en fonctionnement permanent entourent la résidence et servent de dérisoire délimitateur de frontière.

Il y a cependant une différence fondamentale avec "Le Village" (2004): alors que le premier film dépeignait une communauté soudée par une histoire fondatrice et un ensemble de croyances communes générées par les anciens, le second réinvente le mythe de la tour de Babel avec sa micro-société cosmopolite divisée en petites cellules qui ne communiquent pas entre elle. Le seul lien entre eux est Cleveland. Ce n'est pas par hasard s'il est un ancien médecin et que son identité fictionnelle est celle d'un guérisseur. C'est par lui que le fantastique s'introduit dans cet univers au travers de sa rencontre avec Narf, la nymphe aquatique dotée du don de divination (Bryce Dallas HOWARD), sorte d'ange tombé sur terre ou plutôt surgi des eaux pour réenchanter le monde. Cependant hors de son élément naturel, ses jours sont comptés et Cleveland va se mettre en quatre pour l'aider à rentrer chez elle. C'est cette association qui va tisser du lien entre tous ces gens disparates autour d'une histoire prenant la forme d'un jeu de rôles dont les tenants et les aboutissants se révèlent au fur et à mesure que le film avance, les objets les plus banals du quotidien recélant leur part de signes cachés. M. Night SHYAMALAN célèbre le pouvoir fédérateur de la fiction sans omettre ses prolongements politiques puisqu'il joue dans le film le rôle d'une sorte de prophète promis au martyre mais dont les écrits serviront de socle à la refondation de la civilisation. Ludique, fantastique, politique, ésotérique, poétique, biblique, sa fable revêt de multiples facettes. Le film, un peu maladroit n'est pas totalement abouti sur le plan scénaristique tant il ouvre de pistes sans les exploiter totalement mais si on adhère à ses postulats de départ (car si ce n'est pas le cas, il peut paraître juste naïf voire ridicule), il donne matière à réflexion.

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Bienvenue à Marwen (Welcome to Marwen)

Publié le par Rosalie210

Robert Zemeckis (2018)

Bienvenue à Marwen (Welcome to Marwen)

"Bienvenue à Marwen" est un film clé de la filmographie de Robert ZEMECKIS, une œuvre-somme qui réunit ses principaux thèmes et figures de style: l'animation et la performance capture renvoient à "Qui veut la peau de Roger Rabbit ?" (1988) et à la trilogie "Le Pôle Express" (2004), "La Légende de Beowulf" (2007) et "Le Drôle de Noël de Scrooge" (2009), le monologue d'un homme solitaire avec un/des objets (des poupées à son effigie et celle de son entourage) qu'il dote d'une anima renvoie à "Seul au monde" (2001), les mutilations subies par les corps "cartoonisés" renvoient à Roger Rabbit mais aussi à "La Mort vous va si bien" (1992) l'entrée dans l'intrigue par la spectaculaire chute d'un avion renvoie à "Seul au monde" (2001) et à "Flight" (2012), la figure de l'innocent/handicapé mental/enfant dans un corps d'adulte renvoie à "Forrest Gump" (1994) enfin celle de l'artisan inadapté qui dialogue avec le monde par le truchement de ses créations/créatures renvoie à Doc Brown de la trilogie "Retour vers le futur" (1985), "Retour vers le futur II" (1989) et "Retour vers le futur III (1990). Robert ZEMECKIS rend d'ailleurs un hommage appuyé à la trilogie avec l'apparition de la maquette miniature d'une DeLorean bricolée pour voyager dans le temps (et qui laisse brièvement les mêmes traces de son passage une fois disparue) et fait également un clin d'oeil à son précédent film "Alliés" (2016).

Au-delà de ces références immédiates, évidentes, il y en a d'autres, plus subtiles et plus douloureuses qui font de ce "Bienvenue à Marwen" (2018) pourtant tiré de l'histoire vraie d'une autre personne une œuvre à forte résonance autobiographique. L'exclusion et l'annihilation de la différence par le nazisme et le capitalisme n'a jamais été aussi clairement exprimée que dans ce film. Elle l'était déjà dans les autres, mais de manière plus subliminale que ce soit l'enfermement à l'asile psychiatrique de Doc Brown dans l'Amérique néo-trumpienne ("Retour vers le futur II") (1989) ou le génocide des toons par un toon niant ses origines dans "Qui veut la peau de Roger Rabbit ?" (1988). L'ombre de la seconde guerre mondiale, recréée à l'échelle d'un village miniature par Mark plane sur de nombreuses créations de Robert ZEMECKIS qui ainsi peut raconter en jouant ou plutôt en rejouant l'histoire des propres traumatismes familiaux, lui dont les origines paternelles se situent dans ce qui a été l'un des épicentres de la Shoah, la Lituanie. C'est ainsi par exemple que dans "Retour vers le futur III" (1990), Doc et Clara héritent d'une partie de l'autobiographie de Wernher von Braun, célèbre ingénieur allemand que sa fascination pour Jules Verne a poussé à créer des machines volantes capables d'aller dans l'espace. Sauf que contrairement aux héros de Robert ZEMECKIS qui préfèrent la marginalité à la compromission, il a vendu son âme d'abord aux nazis (en étant à l'origine des premiers missiles V2 sans parler de son rang de SS) puis après avoir émigré aux USA dans le cadre de l'opération Paperclip, en participant au programme Apollo au sein de la Nasa. Il a d'ailleurs inspiré le "Docteur Folamour" (1963) de Stanley KUBRICK. Dans "Forrest Gump" (1994) dont les racines se situent dans le sud profond, le péché paternel originel qu'expie son fils tout au long de sa vie est celui de "Naissance d'une Nation" (1915) qui est explicitement cité (D.W. GRIFFITH devait d'ailleurs apparaître dans une première mouture du scénario de "Retour vers le futur III") (1990).

Bien entendu, cette différence a quelque chose à voir avec le féminisme. Robert ZEMECKIS a pour caractéristique de pouvoir s'exprimer aussi bien à travers un héros qu'à travers une héroïne, elle aussi différente et décalée, elle aussi la tête dans les étoiles et luttant pour pouvoir créer dans un monde qui n'est pas fait pour elle. C'est l'autrice/écrivaine/auteure de "À la poursuite du Diamant vert" (1984) et l'astrophysicienne exploratrice de "Contact" (1997) qui est l'extension de Clara dans "Retour vers le futur III" (1990). Mark est la synthèse parfaite du héros et de l'héroïne de Robert ZEMECKIS, homme lunaire et vulnérable qui se fantasme en guerrier viril entouré de bombes sexuelles ultra puissantes mais dont le talon d'Achille ^^ le renvoie en réalité à une féminité qui l'interroge sur son identité et sa place dans le monde.

Si je connais si bien l'œuvre de Robert ZEMECKIS c'est parce que j'avais un projet de livre à son sujet qui avait pour but de démontrer à quel point il s'agit d'un grand cinéaste dont l'œuvre, sous-estimée, est loin d'avoir livré tous ses secrets. Mais les critiques de son dernier film montrent que c'est en train de changer. Tant mieux. C'est d'ailleurs l'échec de ce projet qui m'a conduit à écrire sur Notre Cinéma en 2016. C'est pourquoi j'ai parsemé les sites où j'écris d'allusions à "Retour vers le futur III" (1990) de la lune à mon ancien avatar, "Lady in Violet".

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Le Conte de la princesse Kaguya (Kaguya-hime no monogatari)

Publié le par Rosalie210

Isao Takahata (2013)

Le Conte de la princesse Kaguya  (Kaguya-hime no monogatari)

"Le conte de la princesse Kaguya" est le dernier film de Isao TAKAHATA qui a terminé sa carrière en apothéose avec ce qui est l'un de ses plus beaux films. Tiré du folklore japonais (plus exactement d'un conte du dixième siècle transmis oralement), l'histoire de la princesse née dans un bambou venue de la lune (comme notre Cyrano) a été adaptée sous de multiples formes (dont un ballet "Kaguyahime" représenté il y a une dizaine d'années à l'Opéra Bastille). Celle de Isao TAKAHATA se distingue d'abord par sa forme, éblouissante. Le film est une succession d'estampes animées plus ou moins détaillées. Si l'aquarelle domine le paysage, certaines scènes parmi les plus marquantes relèvent de l'art de l'esquisse. Tout cela au service d'un récit fort dont le caractère fantastique et onirique se combine avec une grande volonté de réalisme (visible notamment dans l'animation de Kaguya bébé). Bien que se déroulant dans le Japon médiéval, les thèmes abordés sont d'actualité que ce soit le statut de la femme et sa soif de liberté face au patriarcat ou l'opposition entre nature édenique, réceptacle d'une vie authentique faite de joies simples et culture urbaine rigide et castratrice. La scène de fuite éperdue de Kaguya hors de la ville et de la réalité rappelle sur un mode fantasmatique celle du premier épisode de "Heidi" (1974) (série sur laquelle Isao TAKAHATA et Hayao MIYAZAKI ont travaillé) où celle-ci se dépouillait de ses couches de vêtements superposés en arrivant dans les Alpes. On retrouve en effet dans ce film la touche Isao TAKAHATA, mélancolique et fataliste. Comme dans "Le Tombeau des lucioles" (1988) auquel on pense beaucoup, le sort de la princesse est scellé dès l'origine et ses explosions de bonheur au contact de la nature (et de l'homme qu'elle aime, un simple charbonnier qu'elle a côtoyé enfant avant d'être séparée de lui pour mener une vie de princesse qui ne lui apporte pas le bonheur) ont d'autant plus d'intensité que l'on connaît à l'avance son destin tragique.

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Le Déshabillage impossible

Publié le par Rosalie210

Georges Méliès (1900)

Le Déshabillage impossible

Court-métrage de Georges MÉLIÈS réalisé en 1900, "Le déshabillage impossible" se situe dans la lignée de "Escamotage d une Dame au Théâtre Robert-Houdin" (1896). Il s'agit d'un numéro d'illusionnisme utilisant le même trucage cinématographique consistant à arrêter la caméra puis à reprendre le tournage après avoir effectué un changement hors-champ, tout l'art consistant en la qualité du raccord qui doit donner l'illusion d'une continuité temporelle. Et ainsi de suite, les raccords se multipliant comme deux glaces se renvoyant leur reflet à l'infini.

Dans ce court-métrage, un homme (Georges MÉLIÈS lui-même) tente de se déshabiller pour aller se coucher mais d'autres vêtements repoussent sur lui aussitôt comme par magie, l'arrêt caméra lui permettant de revêtir entretemps de nouveaux habits. Encore lui faut-il reprendre exactement dans la même posture que celle du plan précédent pour que l'illusion fonctionne et c'est une technique de précision. La repousse des habits sur près de 2 minutes se prolonge peut-être un peu trop mais la chute (escamotage du lit) est bien trouvée.

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Le Mystère des Pingouins (Pengin Haiwei)

Publié le par Rosalie210

Hiroyasu Ishida (2019)

Le Mystère des Pingouins (Pengin Haiwei)

Excellent premier film d'un réalisateur (Hiroyasu Ishida) et d'un studio (Colorido) à suivre, "Le mystère des pingouins" confirme la très bonne santé du cinéma d'animation japonais. Je ne serais pas étonnée si ce film faisait l'objet d'un remake américain tant il m'a fait penser à "Inception" (2009) de Christopher NOLAN (lui-même largement inspiré par le film d'animation "Paprika" (2006) de Satoshi KON). Le réel et le fantastique s'y imbriquent de telle façon que l'on a du mal parfois à distinguer les différents niveaux de réalité (comme souvent dans le cinéma d'animation japonais). Le résultat est splendidement surréaliste avec des images à la Magritte (la sphère qui lévite dans la prairie, la pluie de pingouins sur la ville, l'inversion du haut et du bas etc.)

L'histoire recèle également son lot d'originalité et de mystère. La trame est hyper classique (les premiers émois de l'adolescence sur fond apocalyptique, le trio héros-héroïne-faire-valoir face au trio du méchant et de ses deux suiveurs) mais le traitement lui ne l'est pas. Car le héros n'a rien de stéréotypé. C'est un petit garçon de 10 ans, Aoyama, passionné par les sciences et qui veut devenir adulte le plus vite possible. Il a déjà programmé sa vie, note toutes ses observations dans un carnet, fait des expériences, travaille sans arrêt, est très imbu de lui-même. Bref, il serait imbuvable s'il n'y avait pas une très grosse part d'irrationnel dans son comportement lié à son attirance quelque peu sulfureuse pour son assistante dentaire, jeune mais adulte et surtout dotée d'une poitrine généreuse qui l'obsède (comme le montre cette scène si symbolique où il mange ce qu'il appelle lui-même un "gâteau-nichon"!). Ce thème de l'éveil du désir (incontrôlable par essence) perturbe ses plans et tout le film est basé sur la confrontation entre science et magie, rationnel et fantastique. Car la jeune femme est un alien, à tous les sens du terme et elle invite le héros -tout comme nous- à explorer de nouvelles voies (la métaphore dentaire peut être mise en parallèle avec celle de la sphère trou noir, les dents étant une porte d'entrée pour les corps étrangers).

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Big Fish

Publié le par Rosalie210

Tim Burton (2003)

Big Fish

"Big Fish" bien qu'un peu inégal est une belle réflexion sur la création et la transmission. Edward Bloom (Ewan McGREGOR jeune et Albert FINNEY âgé) est en quelque sorte un double du cinéaste. Il n'a jamais oublié l'enfant qui était en lui et les pouvoirs de l'imaginaire qui vont avec. Ses talents de conteur hors-pair lui ont permis de transformer les événements triviaux de sa vie en une formidable Odyssée fantastique. Il y a du Terry GILLIAM dans ce récit picaresque rempli de créatures légendaires du folklore universel (sorcière, sirène, loup-garou, géant etc.) avec une touche spécifiquement américaine (le southern gothic que je trouve particulièrement présent dans la ville de Spectre, joyeuse en apparence mais mortifère et claustrophobique en réalité avec sa guirlande de chaussures à l'entrée et son horizon bouché).

La problématique de l'histoire tourne autour de la transmission de ce passé réinventé au fils d'Edward, Will (Billy CRUDUP) qui n'a pas les mêmes besoins que son père. Lui a besoin de racines et de faits sur lesquels s'appuyer pour se construire et transmettre à son tour. La créativité de son père devient une pathologie familiale en ce sens que sa mythomanie empêche son fils de démêler le vrai du faux et de s'y retrouver. Son talent de conteur place par ailleurs son père au centre de l'attention, l'empêchant d'exister. C'est en suivant l'exemple de sa mère Sandra (Jessica LANGE, discrète mais présente et attentive) qu'il trouve le chemin aquatique lui permettant de renouer avec son père, découvrant l'origine bien réelle de ses sources d'inspiration et finissant par entrer dans son imaginaire sans s'y perdre pour l'aider à terminer son histoire en beauté. Car avec ou sans talent, personne ne raconte sa vie avec une absolue fidélité à la réalité, elle est recréée au fur et à mesure par le prisme de la perception puis celui de la mémoire. Le plan permettant de comprendre comment des jumelles sont devenues des siamoises par un simple changement de regard caméra est particulièrement génial. La limite entre réel et imaginaire est donc bien plus ténue que ce que l'on croit, et ce d'autant plus que cet imaginaire fait partie de la réalité de l'individu qui le produit. Là se trouve la source de l'art "bigger than life".

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Le Tableau

Publié le par Rosalie210

Jean-François Laguionie (2011)

Le Tableau

Ce film est un bijou de beauté et d'intelligence qui se situe dans la lignée de Paul Grimault, Jacques Prévert et Michel Ocelot. Il nous rappelle au passage que la France est le troisième pays du monde pour le cinéma d'animation après les USA et le Japon et que le trop méconnu Jean-François Laguionie est un maître en la matière. 

Comme son titre l'indique, le film est tout d'abord une réflexion sur la création au travers de l'art du cadre ou plutôt du cadre dans le cadre. L'écran de cinéma est redoublé par le cadre du tableau dans lequel se situe une partie de l'histoire. Mais ce tableau est animé et même si l'image de synthèse est en 2D, il y a des effets de relief et de profondeur de champ qui transforment la peinture en image de cinéma. Cette réflexion sur l'interaction entre les deux arts se prolonge lorsque les personnages échappés du tableau se rendent dans l'atelier du peintre qui n'est autre que le réalisateur du film, Jean-François Laguionie. Ils se retrouvent alors face à une scène de Genèse qui prend la forme de trois tableaux. Pas n'importe lesquels. Un autoportrait du peintre/réalisateur âgé, un grand nu féminin répondant au nom de Garance dans le style de Matisse et entre eux un Arlequin Picasso période bleue. Un homme, une femme, un enfant. Un peintre, sa muse et son œuvre. Mais avec l'envers du décor: les toiles semblent abandonnées, les personnages ne peuvent s'en échapper et les photos et dessins déchirés dans l'atelier suggère une rupture et/ou une panne d'inspiration. 

Mais "Le Tableau" a une autre signification tout aussi riche. A la fin du film, l'un des personnages, Lola l'exploratrice ^^, la pionnière qui a osé s'aventurer hors de son tableau puis passer de tableau en tableau et y entraîner les autres finit par rencontrer son créateur en chair et en os (ou plutôt 
sa représentation, Jean-François Laguionie jouant son propre rôle déguisé en peintre). Le film associe alors animation et prises de vues réelles. Celui-ci lui dit qu'il n'y a pas de barrières et qu'elle peut aller jusqu'à la mer (l'origine ^^). En effet il n'y a pas de barrières dans le film entre les arts, la réalité et la fiction, la créature et son créateur mais aussi entre les créatures elles-mêmes. Sinon celles que s'inventent les êtres bornés dans les sociétés hiérarchisées. "Le Tableau" dépeint une société à la "Metropolis" (1926) où la hiérarchie sociale s'établit selon le degré d'achèvement des personnages. Les maîtres sont les Toupins (les tous-peints), les parias les pafinis (pas entièrement colorés) et les esclaves sont les reufs (les esquisses). Génialement, le film montre l'envers du décor avec des possibilités d'émancipation, de découverte et d'inventivité des deux dernières catégories capables de se terminer eux-mêmes très supérieures aux premiers qui ont été prédéfinis jusqu'au moindre détail.

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Wonderland, le royaume sans pluie (Bāsudē Wandārando)

Publié le par Rosalie210

Wonderland, le royaume sans pluie (Bāsudē Wandārando)

Après "Le Voyage de Chihiro", voici la deuxième adaptation d'un roman de l'auteur pour la jeunesse Sachiko Kashiwaba (qu'il faudrait un jour songer à éditer en France!). Keiichi Hara s'adresse à un public nettement plus jeune que celui de ses précédentes réalisations (le terrible "Colorful" (2010) et le passionnant "Miss Hokusai") (2015) L'histoire est archétypale (le film est en partie une commande), de ce point de vue, on est sur un territoire bien balisé (le conte de fées, le roman initiatique). Cependant la richesse visuelle du film est remarquable avec une grande variété de mondes traversés (l'auteur définit son film comme un "road-movie dans un monde merveilleux") et une très belle utilisation de la couleur. Avec un peu plus d'audace, Keichii Hara aurait pu mieux tirer parti de ses personnages car il avait un carré d'as en main avec deux duos qui rappellent un peu ceux des comédies de Shakespeare du type "Beaucoup de bruit pour rien". Au premier plan, celui des héros on ne peut plus lisses et classiques (le prince et Akané, la déesse du vent vert), au second, celui des "comiques" qui pimentent le scénario avec l'alchimiste Hippocrate dont l'attitude guindée et "prétentieuse" est dézinguée par la tante d'Akané, Chii, personnage d'antiquaire haut en couleurs, avatar de la sorcière bonimenteuse, indélicate et "langue de vipère". Mais ces pistes, tout comme les personnages ne sont pas assez creusés pour permettre au long-métrage de se démarquer. Il en va de même du message écologique: le monde parallèle est censé l'être davantage que le nôtre parce qu'il en est resté à l'ère du charbon mais le charbon est l'énergie fossile qui pollue le plus, même si les mondes dépeints sont essentiellement ruraux.

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Orlando

Publié le par Rosalie210

Sally Potter (1992)

Orlando élisabéthain (1600), Orlando poète (1650), Orlando ambassadeur à Constantinople (1700), Lady Orlando mondaine (1750), Lady Orlando "Jane" (1850), Lady Orlando mère (1990)Orlando élisabéthain (1600), Orlando poète (1650), Orlando ambassadeur à Constantinople (1700), Lady Orlando mondaine (1750), Lady Orlando "Jane" (1850), Lady Orlando mère (1990)
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Orlando élisabéthain (1600), Orlando poète (1650), Orlando ambassadeur à Constantinople (1700), Lady Orlando mondaine (1750), Lady Orlando "Jane" (1850), Lady Orlando mère (1990)

"La même personne... Aucune différence! Juste un autre sexe" C'est dans une très symbolique psyché qu'Orlando contemple sa mue après une nouvelle semaine "d'hibernation". Un changement de peau, oui certainement mais en aucune façon un changement de personnalité. Plus l'histoire avance dans le temps (un temps qui n'a rien à voir avec la chronologie humaine puisque qu'il s'écoule près de 400 ans entre la Renaissance où débute le récit et la fin du XX° siècle où il s'achève), plus Orlando varie les expériences (divisées en chapitres d'une cinquantaine d'années chacun autour de la mort, l'amour, la poésie, la diplomatie, les mondanités, le sexe et la naissance) et progresse de façon à se rapprocher du centre de gravité de sa personnalité profonde en ignorant les frontières (sociales, sexuelles, temporelles). Par delà les mues de son identité transgenre, c'est aussi à une vision alternative de l'évolution de l'humanité que nous assistons, de la mort (les cadres-tableaux de la Renaissance en clair-obscur, les costumes-prisons, la nuit, la glace, les lois discriminatoires sur la transmission de la propriété en Angleterre durant le siècle victorien, la guerre) vers la vie (le paradis édénique de la nature ensoleillée frémissante, le visage extatique de Tilda Swinton accompagné de sa petite fille écoutant la voix de l'ange Jimmy Somerville en train d'interpréter le merveilleux "Coming"). Une vision tout à fait comparable à celle du musée historique d'Amsterdam qui se déploie sur sept siècles et où cohabitent deux histoires et deux parcours: l'officielle et "l'invisible", féministe et LGTB (signalée par de petites bornes arc-en-ciel sous les oeuvres). Les toilettes du musée ne sont d'ailleurs pas genrées (c'était alors une première dans un pays lui-même en pointe sur la question).

Orlando est effectivement ce film arc-en-ciel extrêmement réfléchi (sa genèse a pris presque une décennie) qui transpose délicatement l'expérience intime du livre de Virginia Woolf, personnalité à l'identité complexe et évolutive qui ne se reconnaissait pas dans la construction sociale binaire des genres. Orlando refuse d'ailleurs d'entrée le "he" de la voix-off narrative pour le "I" et le regard face caméra qui dit "essaye de m'assigner si tu l'oses". De fait dans "Orlando" si les repères de genre sont bouleversés, il le sont en parfaite adéquation avec l'histoire des arts. Le destin d'Orlando qui est au départ un adolescent d'allure androgyne se forge à l'époque élisabéthaine dont le théâtre (visible à travers un extrait d'une représentation de Othello) n'admettait aucune femme en son sein. Il est donc logique que dans la première période du film de Sally Potter, les rôles de femme en représentation y soient tenus par des hommes travestis, y compris celui de Elisabeth Iere (Quentin Crisp) qui fait de Orlando son favori et lui adjoint de traverser le temps sans vieillir, titre de propriété à l'appui, scellant ainsi sa première destinée. Les anges n'ont bien entendu pas de sexe, ni d'âge, et c'est en tant que tel qu'Orlando s'essaye à l'amour, la poésie puis à la diplomatie, sans succès, sa sensibilité réfractaire à la société patriarcale se heurtant à un monde dominé par des valeurs guerrières, corrompues, opportunistes etc. Sa transformation en femme la confronte à des entraves et des humiliations bien pires que celles qu'elle avait subi dans sa précédente identité. Au XVIII° les salons littéraires mondains étaient censés permettre aux femmes (de la haute société) de jouer un rôle culturel, social et politique mais elles devaient se confronter à un violent machisme (dont beaucoup d'aspects persistent de nos jours dans les cercles d'influence). Au XIX°, Orlando perd la propriété qu'elle avait acquise au XVI° parce qu'elle est reconnue définitivement femme et n'a pas d'héritier mâle. La rencontre entre Orlando et Shelmerdine (Billy Zane dans un réjouissant contre-emploi) se fait sur le modèle renversant ^^ de la scène du cheval de "Jane Eyre", le grand roman de Charlotte Brontë avec les bouleversements qui en résultent (dont la seule transposition pertinente se trouve dans la mini-série de 2006 réalisée par Susanna White, Toby Stephens alias Rochester jouant d'ailleurs Othello dans "Orlando"). Il est remarquable de constater à cet égard le respect de la représentation du corps féminin au naturel avec le maintien des poils axillaires (alors que dans l'art occidental, la pilosité féminine est taboue depuis l'antiquité et donc rarement représentée. Et quand elle l'est, elle fait scandale comme la "Olympia" de Edouard Manet). Enfin au XX° siècle, Sally Potter prolonge le roman de Virginia Woolf qui se terminait en 1928 (date de sa parution) jusqu'en 1992 (date de la sortie du film) pour évoquer comment Orlando survit à l'horreur de la guerre et enfante. Une petite fille, cela va s'en dire. Car l'avenir des hommes s'écrira au féminin n'en déplaise à certains ou il ne s'écrira pas du tout.

Orlando et Elisabeth Iere

Orlando et Elisabeth Iere

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Toy Story 4

Publié le par Rosalie210

Josh Cooley (2019)

Toy Story 4

La trilogie Toy Story, c'est l'ADN du studio Pixar, le cœur de son identité. Telle qu'elle était, elle me paraissait parfaite. Je ne voyais pas ce qu'un quatrième volet pouvait apporter de plus. Et pourtant, cette suite en forme d'épilogue conclut intelligemment la saga. Techniquement c'est superbe, l'introduction et le magasin d'antiquités sont de véritables bijoux. Il y a beaucoup de références comme toujours et de nouveaux personnages hilarants ou un peu inquiétants qui cherchent toujours à être adoptés par un enfant, quitte pour cela à élargir un peu plus leur horizon. La plupart des jouets historiques qui ont fait les beaux jours de la saga se sont effacés et sont devenus des jouets "sans histoire". Tous en fait sauf Woody dont la quête d'un nouveau sens à donner à son existence est au cœur de ce dernier volet. Il était le jouet star de Andy et il ne parvient pas à trouver sa place dans la chambre et dans le cœur de sa nouvelle propriétaire, Bonnie. Sans doute parce qu'il incarne un archétype trop masculin. Lorsque Bonnie veut jouer au western, elle épingle l'étoile de shérif sur la poitrine de Jessie. Autre trait de caractère de la petite fille, si on la prive de ses jouets, elle s'en fabrique un avec des matériaux de récupération qui ont bien du mal à accepter leur nouvelle affectation. Les problèmes d'identité de Fourchette sont le reflet de ceux de Woody. Celui-ci n'imagine pas un autre destin possible pour lui que d'appartenir à un enfant. Cette crise existentielle lui permet de retrouver un personnage en apparence très secondaire mais qui est en fait à la source de toute la saga: Bo Peep, la bergère. Dans les deux premiers Toy Story, Bo jouait un rôle décoratif mais également symbolique. Sa présence était un hommage au conte de Christian Andersen "La bergère et le ramoneur" qui est le premier auteur à avoir eu l'idée de donner une anima aux objets. C'est ce qui explique la relation privilégiée qu'ont toujours entretenu Bo l'inspiratrice et Woody, la créature qui en est directement issue. Logique qu'auprès d'elle, Woody trouve un modèle pour se réinventer. Car entretemps Bo a fait sa révolution copernicienne. Ne supportant plus le magasin d'antiquités, elle s'est détachée de son support, a pris son destin en main et est devenue autonome: une vraie camionneuse à la Charlize Théron (qui l'aurait cru!) Les jouets Pixar luttent contre la muséification (comme le montrait l'intrigue du deuxième volet). Et on n'oublie jamais que le fait de grandir s'accompagne de la perte car le bonheur pur n'existe pas. 

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