Exemple réussi de fusion entre deux cultures, "Le château de l'Araignée" est la transposition du "Macbeth" de Shakespeare dans le Japon du XVI° siècle dévoré par les guerres civiles et les félonies. Kurosawa construit une œuvre très fidèle à la pièce d'origine tout en étant profondément ancrée dans la culture de son pays.
La réussite du film repose sur un subtil équilibre entre des émotions et sentiments exacerbés jusqu'à la folie et un traitement ascétique inspiré des codes du théâtre no. Kurosawa procède en effet par soustraction et compression. La soustraction est en effet partout: les personnages et les lieux sont réduits au minimum, les décors sont épurés, le spectaculaire (batailles et assassinats) est évacué en hors-champ, les mouvements de caméras sont limités de même que les déplacements, les expressions et les gestes des personnages. Leurs visages sont figés de façon à ressembler aux masques portés par les acteurs du no. On notera particulièrement le contraste entre l'expression grimaçante de Washizu alias Macbeth (Toshirô MIFUNE) qui le fait ressembler à un démon et celle, hiératique et spectrale de son épouse Asaji alias Lady Macbeth (Isuzu YAMADA), son âme damnée. On remarquera aussi qu'ils oscillent entre une immobilité redoutable, celle de l'animal prêt à bondir par laquelle ils concentrent au maximum leur énergie et une agitation désordonnée qui symbolise l'égarement de leur cerveau envahi par la folie furieuse. Un égarement également symbolisé par la brume omniprésente dans lesquelle ils se débattent comme dans une toile d'araignée, celle de la forêt qui entoure le château et lui donne son nom.
Le formidable papy conteur du film joué par le non moins formidable Peter FALK est un peu le double de Rob REINER. Il s'adresse à nous spectateurs qui sommes dans la position de l'enfant malade: blasés, sceptiques mais (secrètement) en attente. En attente de quoi? Du récit capable de réenchanter un quotidien morose. Dans les années 80 déjà les petits garçons se détournent des livres jugés ringards pour les jeux vidéos (ironiquement, 31 ans après, le film n'a pas vieilli mais on ne peut pas en dire autant du jeu). Avec son air débonnaire et son œil qui frise papy Falk et derrière lui Rob REINER ont l'air de nous dire "Vous ne croyez plus aux contes de fées ni à la magie du cinéma? Chiche que je peux vous scotcher en un clin d'œil et vous allez même en redemander!"
"Princess Bride" contrairement à ses imitateurs qui se la racontent est un acte de foi envers le pouvoir de la narration (qu'elle soit littéraire ou cinématographique), de l'imaginaire et de la transmission. S'il s'amuse avec les conventions et références du conte de fées et du cinéma de genre (un soupçon d'héroïc-fantasy par-ci, une pincée d'aventures par là, une cuillère de thriller avec une parodie hilarante des dents de la mer et une grosse louche de cape et d'épée avec le personnage du vengeur masqué mi Errol Flynn-mi Douglas Fairbanks joué par Cary ELWES) jamais Reiner ne tombe dans le cynisme ou le second degré poseur destiné à "faire intelligent". Son dispositif de mise à distance est ludique avant tout, mis en scène et joué de façon jubilatoire (y compris par cette pauvre Robin WRIGHT dont le non-jeu rend Bouton d'or encore plus cruche qu'elle ne devait être sur le papier) et parsemé de répliques qui ont fait date. D'où le plaisir intact que le film procure et qui l'a élevé avec les années au statut de film culte que l'on transmet de génération en génération et que l'on étudie en classe.
Avec "Le petit Lord Fauntleroy", "Princesse Sara: aventures d'une petite écolière anglaise" est le roman jeunesse le plus connu et le plus adapté de Frances Hodgson Burnett que ce soit au cinéma, au théâtre ou à la télévision avec les séries de la nippon animation par exemple ("Princesse, princesse, tu es bien jolie" chantait alors Christina d'Avena qui avec Claude Lombard interprétait la plupart des chansons des génériques des séries animées qui passaient alors sur la cinq en France dans les années 80).
La version muette réalisée par Marshall NEILAN en 1917 est la première adaptation répertoriée de "Princesse Sara". Elle est réputée pour être l'une des versions les plus fidèles au roman d'origine ce qui doit être largement nuancé. Le film ne dure qu'une heure et par conséquent, le scénario est très elliptique. Il s'appesantit lourdement sur les aspects les plus féériques de l'histoire et bâcle en revanche tout ce qui relève du réalisme social et encore plus ce qui relève de la psychologie. Si bien que l'imagination débordante de Sara qui lui sert de rempart contre la mort de sa mère d'abord puis contre celle de son père puis contre la misère et la maltraitance dont elle fait l'objet est privée largement de son sens. On a même droit à une digression totalement hors-sujet: le récit que Sara fait à ses camarades de "Ali Baba et les quarante voleurs" prend une place démesurée dans le film et n'a aucun intérêt. Il aurait mieux valu "Blanche-Neige" qui aurait au moins reflété sa relation avec la directrice du pensionnat, Mrs Minchin (Katherine Griffith), une marâtre profondément jalouse de Sarah. Le personnage de Sara, interprété par Mary PICKFORD, spécialiste des rôles enfantins (elle interprètera le petit Lord quatre ans plus tard) est en grande partie dénaturé. De par les malheurs qui s'abattent sur elle, Sara est une enfant très mature et très clairvoyante dans le roman. Dans le film c'est surtout une gamine gâtée et capricieuse. Et la fin digne d'un conte de fée où Becky (Zasu PITTS) devient l'égale de Sara fait sourire. Dans le roman, elle sort de la misère mais certainement pas de la servitude puisqu'elle entre au service de Sara. La hiérarchie sociale reste infranchissable (comme chez la comtesse de Ségur où les mésalliances sont inconcevables comme dans "Pauvre Blaise").
En dépit de tous ces défauts, le film reste intéressant à voir pour ses belles idées de mise en scène: l'animation des poupées dans l'imaginaire de Sara, le travail sur le clair-obscur et la profondeur de champ lors du récit de Sara où le conte est éclairé en arrière-plan et ses camarades et elle en ombres chinoises en avant-plan ou encore les astuces de cadrage pour faire paraître Mary PICKFORD beaucoup plus petite qu'elle n'est (il y a plusieurs plans où on comprend qu'elle est à genoux mais elle est filmée à hauteur des cuisses pour que l'on y voit que du feu!)
Il a fallu 14 ans à Brad Bird pour donner une suite aux "Indestructibles" mais ça valait le coup d'attendre. Le n°2 est au moins aussi bon que le 1 voire peut-être encore meilleur, techniquement aussi bien que scénaristiquement. L'idée géniale qui rythme formidablement toute l'histoire consiste à alterner scènes d'action jouissives et comédie familiale en jouant sur plusieurs niveaux de lecture et en intervertissant les schémas sexués traditionnels. C'est Madame (Elastigirl) qui porte la culotte et assure les cascades pendant que Monsieur gère le foyer. Comparé à la crise d'adolescence de Violet, aux problèmes de maths de Flèche et au bouquet de super-pouvoirs incontrôlables du petit dernier Jack-Jack drôle et craquant (c'est LA star du film), le boulot de super-héros paraît très facile!
Comme dans le 1, on ne se divertit en effet pas idiot. Sous le vernis sixties c'est la société contemporaine qui est mise en scène. Outre le féminisme, la société du spectacle et la manipulation médiatique sont des thèmes majeurs. Winston le magnat de la com propriétaire de Devtech explique aux Indestructible comment utiliser les images pour faire changer la loi qui les maintient dans la clandestinité. Il propose de substituer à la version officielle des politiciens (qui utilisent les images de catastrophe pour faire des super-héros leurs boucs-émissaires) des images en caméra embarquée de type télé-réalité pour faire la promotion des super-héros et ainsi leur permettre de reconquérir l'opinion publique. Mais ces images sont parasitées par l'"hypnotiseur", un terroriste-hacker qui tient les super-héros pour responsables de l'infantilisation de la société. Il peut les manipuler à distance à l'aide de lunettes connectées tout en hypnotisant également les téléspectateurs avec des flashs stroboscopiques. L'addiction aux écrans nuit gravement à la santé (et à l'indépendance d'esprit)!
"Le labyrinthe de Pan" (traduction infidèle à l'original qui est "Le labyrinthe du faune") est un film hybride. Et comme beaucoup de films hybrides, il a pu susciter à sa sortie de l'incompréhension et du rejet, d'autant qu'il n'a pas été "vendu" pour ce qu'il était réellement: un conte de fée horrifique ou un film d'horreur onirique. Bien que très différent par sa forme du "Brazil" de Terry Gilliam, il partage sur le fond un même principe fondamental, celui de l'échappée imaginaire au coeur d'une réalité terrifiante, les deux univers entretenant des rapports de plus en plus étroits au fur et à mesure de la progression du film.
"Le labyrinthe de Pan" est aussi un grand film sur le choix. Il rappelle que même dans les situations les plus terribles (comme le contexte de terreur franquiste du film), c'est ce que l'être humain conserve de plus précieux. L'héroïne Ofelia est pourtant de par son âge et son genre dans une situation de dépendance et de vulnérabilité absolue. Et pourtant c'est elle qui incarne les bons choix (et au final la figure sacrificielle du sauveur) face à sa mère qui incarne les mauvais choix. Celle-ci renonce en effet à son indépendance d'adulte en échange d'une illusoire protection auprès de celui qui lui paraît être le plus fort (il y a de quoi méditer, même aujourd'hui à ce sujet). De ce fait non seulement elle régresse en redevenant une petite fille impuissante et dépendante (comme le symbolise le fauteuil roulant) mais elle nous montre toute l'étendue de sa soumission face à un mari misogyne qui la rabaisse (encore le symbole du fauteuil roulant), la tient à distance et est prêt à la sacrifier pour accéder à l'immortalité (à travers le fils qu'elle lui donnera et qui sera son miroir comme lui est le miroir de son propre père: bel exemple de narcissisme qui nie l'altérité.)
Logiquement, la dualité et le conflit sont le moteur du film (homme contre femme, enfant contre adulte, rêve contre réalité, choix contre renoncement fataliste, bleu contre orange). Si on reste sur l'exemple développé un peu plus haut, Carmen, la mère veut que sa fille se soumette à l'ordre franquiste auquel elle s'est elle-même soumise. Mais Ofelia résiste avec toutes les forces de son esprit. Son premier contact avec le capitaine Vidal consiste à serrer ses livres contre elle comme un bouclier et à lui tendre la main gauche, une déclaration de guerre (la main gauche est associée au diable). Les trois épreuves qu'elle affronte sont le reflet de cette résistance. La première qui rappelle fortement "Alice au pays des merveilles" mais aussi "Mon voisin Totoro" la voit affronter et triompher d'un énorme crapaud (son beau-père) qui stérilise un arbre creux (symbole utérin du féminin) dont elle sort couverte de boue. Ainsi elle échappe au dîner où sa mère voulait qu'elle paraisse en petite fille modèle pour plaire à son beau-père. La deuxième épreuve la met aux prises d'un ogre attablé devant un festin et dont le comportement sanguinaire évoque le tableau de Saturne dévorant ses enfants peint par Goya. L'allusion à Vidal est transparente puisqu'il détient sous clé un énorme stock de vivres qu'il utilise comme arme de guerre. Ofelia va jusqu'à le provoquer en touchant au festin et en refusant de se plier au temps qu'il veut lui imposer (Vidal se prend en effet pour le maître des horloges). Plutôt que de sortir par la porte qu'il contrôle à l'aide d'un sablier, elle trace sa propre porte à la craie, une belle manifestation de libre-arbitre devant laquelle il est désemparé (incapable d'empathie, Vidal ne comprend aucun autre choix que les siens). La troisième épreuve, la plus cruciale consiste au prix de son sacrifice à arracher son petit frère des griffes du monstre pour briser le cercle vicieux de la reproduction du même.
Pour conclure, le capitaine Vidal (joué de façon magistrale par Sergi Lopez) est certes le monstre de l'histoire mais Guillermo del Toro pointe tout autant du doigt ceux et celles qui nourrissent la bête tout en se défaussant de leur responsabilité d'adulte. C'est d'ailleurs pourquoi Ofelia finit par se choisir une mère de substitution dans la résistance, la gouvernante Mercedes.
Comme Wim Wenders, Werner Herzog appartient à la génération du nouveau cinéma allemand des années 70. Comme ce dernier, il est hanté par la nécessité de combler l'immense vide laissé par la génération des parents. Comme il est impossible de partir de zéro (comme l'a si bien démontré Rossellini), ces réalisateurs se tournent naturellement vers la dernière génération d'allemands ayant accouché de grands cinéastes, celle des grands-parents pour reconstruire leur filiation ou bien ils se tournent vers de nouvelles familles d'adoption (Wenders fait les deux, un pied en Europe, l'autre aux USA).
C'est exactement dans cette démarche que se situe "Nosferatu, fantôme de la nuit". C'est un pont jeté entre le cinéma allemand du passé et celui du présent destiné à retricoter les fils d'une histoire brisée par l'entreprise d'anéantissement que fut le nazisme. Herzog est en effet très fidèle à l'original de Murnau, au point de reproduire certains plans avec une exactitude maniaque tout en étant capable de construire une vision profondément personnelle de cette oeuvre. On est frappé par l'extrême passivité des personnages qui subissent les assauts du mal sans pouvoir le contrecarrer comme s'ils étaient écrasés par le poids de la fatalité. Herzog a d'ailleurs modifié la fin. Loin d'être une délivrance, elle devient par son caractère cyclique un éternel recommencement faisant de Nosferatu un être immortel. Pour son plus grand malheur d'ailleurs. Nosferatu ne cesse de dire en effet que ne pouvoir mourir est cruel car son immortalité le condamne à subir à jamais le pire des tourments: la solitude, l'absence d'amour (le vide béant laissé par les ravages du nazisme). Klaus Kinski, remarquablement dirigé donne une interprétation introvertie toute de douceur et de douleur enfouie. Il ne désire pas d'ailleurs que Lucy, la femme de Jonathan, il désire l'amour fusionnel qui unit ce couple si bien qu'il ne fait pas de différence entre l'un et l'autre et les désire tous les deux (les scènes du substitut sexuel qu'est la morsure sont filmées exactement de la même façon). Bruno Ganz et Isabelle Adjani sont d'ailleurs parfaitement assortis et tous deux d'un romantisme enfiévré aux limites de la folie (qui renvoie à des interprétations antérieures: "La Marquise d'O" pour Ganz, "L'Histoire d'Adèle H" pour Adjani). Ce casting remarquable est complété par Roland Topor dans le rôle de Renfield qui s'intègre très bien dans un film qui se situe aux confins du surréalisme.
Herzog adapte brillamment l'expressionnisme à la couleur et au son. Visuellement, le film, tourné en décors réels, est profondément pictural. Tantôt on est chez Brueghel (l'orgie de la ville détruite par la peste), tantôt chez les romantiques allemands comme Caspar David Friedrich. Les visages eux-mêmes ont un caractère iconique. L'atmosphère est brumeuse, fantomatique et elle contraste avec les passions exacerbées qui s'emparent des personnages. Et la musique de Popol Vuh et de Wagner joue un grand rôle dans la construction de cette atmosphère, compensant largement ce que le film peut perdre d'onirisme visuel par rapport à l'œuvre de Murnau.
Au final, Herzog nous livre une vision poétique et romantique extrêmement forte et personnelle qui parvient à se hisser au niveau de l'original. Mission accomplie.
Puisque le "Voyage d'Arlo" est fondé sur la réécriture de l'histoire de la terre, faisons-en de même pour le film. Il n'aurait pas fait partie des Pixar (heureusement peu nombreux à ce jour) passe partout aussitôt vus, aussitôt oubliés s'il avait tenu toutes les promesses de son pitch initial consistant à dévier la fameuse comète à l'origine de la fin des dinosaures, à leur faire inventer l'agriculture, l'élevage et le langage tandis l’homme aurait été rabaissé au rang d'animal de compagnie dépourvu de langage audible. Avec un point de départ aussi stimulant, il y avait de quoi sortir des sentiers battus.
Seulement voilà, c'est l'inverse qui s'est passé. Les personnages ont été grossièrement définis (tant sur le plan plastique que psychologique) et l'intrigue s'avère conventionnelle au possible, usant de grosses ficelles vues et revues notamment chez Disney: perte d’un être cher, apprentissage de la vie et ses épreuves, personnage principal qui ressemble au départ à une petite chose chétive et peureuse qu’un voyage initiatique fera devenir un homme avant de retrouver les siens, personnages secondaires sans aucun intérêt. La sainte famille est glorifiée et après un temps de cohabitation entre homme et saurien, chacun rentre chez soi et les vaches seront bien gardées. On regrette d'autant plus les Pixar osant les turbulences familiales: la crise d'ado de Riley dans "Vice Versa" sorti la même année, la crise du couple des "Indestructibles" ou les renoncements de celui de "Là-Haut" ou encore Marin, le papa veuf hyper angoissé qui doit apprendre à lâcher son fils dans "Le monde de Nemo". Tout dans ce film (dont la production fut compliqué) respire la paresse et la panne d'inspiration.
Reste la majesté des paysages reconstitués de manière époustouflante, variations de lumière incluse et un divertissement premier degré sympathique pour les plus petits mais qui ne les accompagnera pas au delà de 6 ans.
Un proverbe chinois dit que "L'important n'est pas le but, mais le chemin". C'est exactement la philosophie du deuxième film de Satoski Kon. Mieux vaut être bien accroché: en une heure et vingt-trois minutes, on parcours 40 ans de la vie d'une grande actrice japonaise, retravaillées par sa mémoire. 40 ans d'une course folle à travers les années, les films, les rêves, les genres du cinéma et de quelques uns de ses plus grands réalisateurs. Le tout ne forme qu'une seule et même expérience, l'expérience totale d'une vie d'être humain. Le film par sa construction en scènes emboîtées les unes dans les autres fait penser aux poupées russes ou aux miroirs qui se réfléchissent à l'infini.
Néanmoins ces scènes ne sont que des variations de la même histoire. Une histoire extrêmement simple, celle du désir humain voué à n'être jamais satisfait mais constituant l'aiguillon indispensable pour avancer et créer. Le film devient ainsi une réflexion sur la destinée. La vocation d'actrice de Chiyoko Fujiwara naît le jour où son chemin croise furtivement celui d'un jeune peintre traqué par le pouvoir autoritaire du Japon nationaliste des années 30. Elle passera les trente années suivante à le rechercher, traversant de multiples périls (la guerre, la répression totalitaire, les tremblements de terre), endossant de multiples rôles (princesse, geisha, cosmonaute, infirmière, maîtresse d'école etc.) et genres (mélodrame, science-fiction, film de sabre à la Kurosawa, film de guerre, film de monstres type Godzilla) sans jamais parvenir à le rejoindre.
Son désir croise sans cesse par ailleurs celui du réalisateur venu faire un documentaire sur elle, Genya Tachibana ce qui approfondit encore la mise en abyme entre vie réelle, cinéma et fantasmes. Lui aussi apparaît quasiment dans toutes les scènes du film, la plupart du temps flanqué de son caméraman. Parfois simple observateur du récit de la vieille actrice, il occupe la plupart du temps le rôle du chevalier blanc venant au secours de sa belle. Plus jeune, il a travaillé dans les mêmes studios qu'elle et l'a réellement protégé. Son désir pour elle qui perdure à travers le temps est tout aussi inaccessible que celui qu'elle porte au peintre dont on ne verra jamais le visage.
Les studios Pixar étaient dans le creux de la vague lorsqu'ils ont sorti "Monstres Academy" en 2013. Je ne serai toutefois pas aussi sévère que le site du magazine "Première" qui le classe en dernier avec le commentaire suivant: "Pas le moins bon Pixar, non. Le pire. Avec la pire histoire (une origin story pourrie), les pires gags et la pire mise en scène. Produit comme un Dreamworks médiocre. La vraie daube du studio. Si l’erreur est humaine elle est aussi Pixar".
Pixar n'est quand même pas Dreamworks. Techniquement, le film est bluffant comme tous ceux du studio. les personnages de Bob et Sulli bénéficient d'un tel capital sympathie qu'on est content de les retrouver. De plus l'intrigue, divertissante, se suit sans déplaisir.
Il n'en reste pas moins qu'on attend autre chose de Pixar qu'une préquelle inutile et infantile de l'un de leurs chefs-d'oeuvre "Monstres et Compagnie". Le scénario est superficiel et sans originalité (3 épreuves à passer pour prouver que l'on est digne d'être une terreur d'élite) avec une morale convenue du genre "quand on veut, on peut" ou "si on est tous ensemble, on peut arriver à dépasser nos limites". De plus le folklore des campus américains n'intéresse guère hors des frontières. Il y a dans ce film, comme dans "Rebelle", "Le voyage d'Arlo" ou "Cars 2" un renoncement aux différents niveaux de lecture qui font d'ordinaire la richesse des oeuvres du studio, une tentation de la facilité scénaristique un peu mercantile qui aurait pu lui faire perdre son identité mais la suite a montré qu'il lui restait des ressources pour réagir.
Adaptation d'une nouvelle tirée du recueil de contes "Train de nuit dans la voie lactée" de Kenji Miyazawa, "Goshu le violoncelliste" est le quatrième film d'Isao Takahata, huit ans avant le "Tombeau des lucioles" et six ans avant de fonder les studios Ghibli. Il s'agit d'un récit d'apprentissage ou plutôt de réapprentissage. Violoncelliste au sein d'un orchestre municipal, Goshu subit les foudres du chef d'orchestre à cause de la médiocrité de son jeu, maladroit et sans âme. Retranché dans sa cabane au fond des bois, il répète sans relâche la sixième symphonie de Beethoven sous les yeux menaçants du portrait de l'artiste. C'est alors qu'il reçoit la visite d'esprits de la forêt sous la forme de petits animaux qui lui indiquent comment il doit jouer. Au début, il leur tourne le dos, se moque d'eux voire les rudoie. Puis dans un second temps, il s'ouvre à eux, et s'éveille à lui-même devenant en une nuit un prodige de la musique.
Si "Goshu le violoncelliste" est peu connu en France, sa sortie ayant été confidentielle c'est qu'une partie du sens de ce conte animiste semble échapper aux occidentaux. Et ce en dépit du pont jeté entre les cultures puisque la musique prédominante est celle de Beethoven (la culture européenne est très appréciée au Japon). La version française (la seule actuellement disponible en DVD) gomme la spiritualité liée à la mythologie japonaise. Par exemple le tanuki est traduit par "blaireau" et le chat tricolore porte-bonheur est doté d'une voix mâle alors que ce type de chat est presque toujours une femelle. Comme le coucou oriental, ces animaux sont des yokai c'est à dire des esprits de la forêt. Chacun apporte une leçon à Goshu: la patience, la rigueur, l'empathie, l'envie de communiquer. Les paysages eux-mêmes semblent vivants et expriment les émotions du personnage principal. Alors certes il n'y a pas d'action dans Goshu et le graphisme date du début des années 80 mais cette œuvre assez magique mérite d'être mieux comprise et réévaluée.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.