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Articles avec #drame tag

Les Herbes sèches (Kuru Otlar Üstüne)

Publié le par Rosalie210

Nuri Bilge Ceylan (2023)

Les Herbes sèches (Kuru Otlar Üstüne)

J'ai beaucoup entendu parler de Nuri Bilge CEYLAN et de ses films monumentaux de plus de trois heures mais je n'en avais jamais vu. Je suis donc très contente d'avoir choisi d'inaugurer le visionnage de sa filmographie par son dernier film car ce cinéma-là s'apprécie particulièrement en salles. Nuri Bilge CEYLAN est un photographe et cela se voit. Plusieurs passages (bref) du film sont d'ailleurs constitués par une succession de photographies reliant une ou plusieurs personnes et les paysages qui les entourent. Car loin d'Istanbul où rêve d'être muté Samet, le professeur d'arts plastiques et personnage principal du film, "Les Herbes sèches" se déroule dans un village kurde d'Anatolie où la vie est rude. Il neige durant les 3/4 du film, les intérieurs sont sombres, pas toujours dotés d'un chauffage moderne et on découvre sur la fin qu'il n'y a que deux saisons, hiver (glacial) et été (brûlant). Samet donc se morfond depuis quatre ans dans ce village isolé et n'a guère de quoi satisfaire ses aspirations. Il est donc frustré, aigri, condescendant vis à vis du lieu où il vit, qualifié de "trou à rats", sans illusions mais comme la plupart des êtres humains, il est aussi un être contradictoire qui va tout de même chercher la beauté dans l'univers âpre où il est contraint d'exercer: les photographies sont un exemple de cette beauté qu'il parvient à arracher à la rudesse de l'existence. Le problème est qu'il veut en faire de même avec l'amour ce qui rend son comportement odieux. Favorisant certaines de ses élèves à qui il accorde des faveurs et des cadeaux, il entre en possession d'une lettre que l'on devine être une lettre d'amour de la part de l'une d'entre elles (mais pas forcément adressée à lui, de quoi de rendre jaloux). La relation déjà trouble entre lui et cette collégienne nommée Sevim prend une sale tournure: elle l'accuse (à tort) d'attouchements, il lui ment pour garder la lettre, la harcèle pour se venger de ses accusations et lui met la pression pour la faire avouer à qui elle l'adressait. Cette tentative d'emprise fondée sur la manipulation, on la retrouve avec son colocataire, Kenan prof et frustré comme lui et donc potentiel rival auprès d'une de leurs collègues d'une ville voisine, Nuray (Merve DIZDAR, prix d'interprétation à Cannes) qui comme la jeune Sevim possède un talent pour le dessin. Après dans un premier temps avoir dédaigné la jeune femme sous prétexte de ne pas vouloir s'enterrer dans la région, il est piqué au vif devant l'intérêt qu'elle manifeste à Kenan et ne recule devant aucune bassesse pour obtenir ses faveurs. Sauf que Nuray n'est pas une adolescente vulnérable comme Sevim mais une activiste kurde qui comme les vieux briscards traîne une jambe de bois et donc capable de le percer à jour et de lui tenir tête ainsi qu'à Kenan pour conserver sa liberté.

Nuri Bilge CEYLAN parvient à susciter l'intérêt autour d'une vision peu plaisante de la nature humaine mais dépeinte dans toute sa complexité. L'aspiration de Samet à l'élévation représente ce qu'il y a de meilleur en l'être humain mais sa manière vile d'agir relève de l'autodestruction. D'où "les herbes sèches" du titre auxquelles il se compare. Il y a de la philosophie dans cette oeuvre superbe mais amère.

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L'Homme qui rétrécit (The Incredible Shrinking Man)

Publié le par Rosalie210

Jack Arnold (1957)

L'Homme qui rétrécit (The Incredible Shrinking Man)

Les deux romans de science-fiction de Richard MATHESON que j'ai lu sont restés gravés en moi tant il excelle à mettre en scène les plus grandes peurs de l'humanité (la solitude, la mort, la perte) mais également à les relativiser, donnant à ses livres une dimension philosophique. Dans "Je suis une légende" comme dans "L'homme qui rétrécit", le personnage commence par lutter pour survivre dans un monde hostile avant de basculer dans une attitude d'acceptation face à son propre anéantissement. Le contexte était également propice à ce genre de réflexions avec la guerre froide, la course aux armes de destruction massive, les pollutions chimiques des secteurs agricoles et industriels le tout masqué par l'idéologie du progrès et de la modernité des Trente Glorieuses.

Le film est très fidèle au livre et pour cause, c'est Richard MATHESON qui a écrit le scénario. Mais il faut également saluer le travail de Jack ARNOLD pour donner vie au cauchemar du rétrécissement sans fin du héros. Comme dans le livre, celui-ci se fait par étapes, comment autant d'épreuves le faisant passer d'être intégré socialement à phénomène de foire brutalement renvoyé aux marges du monde avant d'en être totalement exclu. Dans cette dernière phase, le personnage est comme Robinson sur son île, un être seul, primitif, devant lutter contre les éléments les plus banals devenus infranchissables (des caisses, l'escalier) ou mortels (le chat, l'araignée). Les effets spéciaux, bluffants pour l'époque, sont essentiels à la réussite du film. Ils jouent beaucoup sur l'illusionnisme, les rapports de taille et d'échelle entre personnages et environnement ainsi que divers trucages comme les transparences. Grâce à tout ce travail et à l'interprétation habitée de Grant WILLIAMS, on s'identifie à ce personnage victime de son environnement, à son impuissance et à l'énergie du désespoir qu'il met à survivre.

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Eté violent (Estate violenta)

Publié le par Rosalie210

Valerio Zurlini (1959)

Eté violent (Estate violenta)

Un très beau film, beaucoup plus beau que ce à quoi je m'attendais. "Eté violent" est le deuxième film de Valerio ZURLINI et se divise assez nettement en deux parties. Dans la première, on assiste à la "La Dolce vita / La Douceur de vivre" (1960) d'une jeunesse dorée et oisive en pleine seconde guerre mondiale. Celle-ci s'invite cependant lorsqu'elle interrompt brutalement les distractions des uns et des autres au gré des alertes aériennes et des bombardements de 1943. C'est justement lorsqu'un avion de chasse allemand survole en rase-motte la plage de Riccione au bord de l'Adriatique où cette jeunesse farniente qu'une petite fille terrorisée tombe dans les bras de Carlo (Jean-Louis TRINTIGNANT dans son premier rôle transalpin), fils d'un dignitaire fasciste et qui grâce à l'appui de son père a échappé à l'enrôlement. Roberta la mère, beauté mélancolique d'une trentaine d'années (Eleonora ROSSI DRAGO) intervient aussitôt et c'est le coup de foudre entre elle et Carlo. Dans un premier temps, le film s'attarde sur les obstacles à leur idylle, tant du côté de Carlo avec la jalousie d'une de ses amies que du côté de Roberta qui est veuve de guerre mais vit avec sa mère psychorigide qui souhaite qu'elle reste fidèle au souvenir de son mari décédé (choisi par son père et qu'elle n'aimait pas). Obstacles qui ne font qu'attiser un désir dont la croissance est parfaitement orchestrée par la mise en scène jouant sur les gestes et les regards avec notamment une soirée en clair-obscur mémorable sur une chanson "Temptation" on ne peut plus appropriée. Puis le film bascule dans une dimension beaucoup plus intimiste et dramatique dans laquelle Roberta assume son désir, s'émancipe du jugement des autres (comme le montre la scène sur la plage où elle refuse de se cacher) et s'affirme par rapport à sa famille qui l'a toujours dirigée. De son côté, Carlo est expulsé de sa cage dorée suite au renversement de Mussolini et se fait rattraper par l'armée en voulant rester près de Roberta. Celle-ci s'avère en effet impuissante à le protéger comme le faisait son père, la scène très forte de bombardement final à la gare où l'on tremble pour leur vie en témoigne. La relation avec cette femme plus âgée que lui dans un contexte historique troublé permet donc paradoxalement à Carlo de sortir de son cocon et de devenir adulte. Valerio ZURLINI entremêle de façon remarquable grande et petite histoire, chacune se nourrissant de l'autre. Toute l'ironie résidant dans le fait que si c'est la grande histoire qui les pousse l'un vers l'autre et leur permet de cesser de subir leur destin, c'est elle aussi qui les sépare définitivement.

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Fermer les yeux (Cerrar los ojos)

Publié le par Rosalie210

Victor Erice (2023)

Fermer les yeux (Cerrar los ojos)

"Fermer les yeux" est un film magnifique du trop rare Victor ERICE qui pour l'occasion retrouve Ana TORRENT qu'il avait révélé enfant dans "L'Esprit de la ruche" (1973) avant que son visage n'imprime la rétine du cinéma mondial trois ans plus tard dans "Cria cuervos" (1976).

De cinéma, il en est beaucoup question dans "Fermer les yeux" qui s'ouvre sur un film dans le film, "Le regard de l'adieu" dont le grain et le format n'est pas sans rappeler "L'Esprit de la ruche". On apprend assez vite que "Le regard de l'adieu", datant du début des années 90 est resté inachevé en raison de la disparition mystérieuse de l'acteur principal, Julio Arenas au cours du tournage. Vingt-deux ans plus tard (une ellipse temporelle qui se réfère à celle de trente ans durant laquelle Victor ERICE n'a pas tourné de long-métrage), le réalisateur du film, Miguel Garay, retraité, est contacté par une émission de télévision du style "Enquête exclusive" qui souhaite revenir sur la disparition de Julio Arenas. Celui-ci refait alors surface mais son âme elle semble s'être définitivement envolée. A moins que la magie du cinéma ne puisse lui faire retrouver la mémoire, ce à quoi va s'employer Miguel qui va remuer le passé et rouvrir bobines et cinéma jouant à la "Belle au bois dormant" pour projeter à Julio les extraits du film dans lequel il joua autrefois. "Fermer les yeux" est un acte de croyance envers le pouvoir du cinéma à faire revenir les morts à la vie et à restaurer les liens et de ce point de vue, la comparaison avec "Paris, Texas" (1984) m'a sauté au yeux. Seul le type de film diffère: un documentaire en super 8 dans "Paris, Texas", des séquences d'un film de fiction inachevé dans "Fermer les yeux" mais ce que l'on voit à l'image sont des retrouvailles par la médiation d'un tiers. Le frère dans le film de Wenders était le réalisateur du film et c'est lui qui réunissait le père et le fils et Miguel Garay en fait de même avec la fille de Julio. La mémoire du cinéma est également auditive, Julio semblant renaître en partageant une même chanson avec Garay qui semble être son double (un homme seul, vieillissant, fatigué, père avorté, vivant hors du temps en marge du monde). Le film tourné par Garay s'en fait le miroir, père et fille partageant également la même chanson. Et nous spectateurs ne sommes pas oubliés, le film est constellé de références cinématographiques, internes ou externes au cinéma de Victor ERICE. Ana TORRENT, cinquante ans après "L'Esprit de la ruche" (1973) revient lui faire écho de même que le film inachevé de Garay fait écho à celui que Victor Erice n'a pu réaliser "La Promesa de Shanghai". Wim WENDERS est omniprésent et pas seulement au travers de "Paris, Texas (1984)", les origines du cinéma sont évoquées avec "L'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat" (1896) et l'une des plus puissantes citations provient encore d'une chanson "My rifle, my pony and me" chantée par Garay et ses voisins de campement qui par-delà "Rio Bravo" (1959) a valeur de signe de ralliement pour les cinéphiles du monde entier souhaitant communier dans la vaste église du cinéma.

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La Ciociara

Publié le par Rosalie210

Vittorio De Sica (1960)

La Ciociara

"La Ciociara" est un film puissant qui hante longtemps après l'avoir vu. Vittorio DE SICA a réussi à combiner dans un même film l'adaptation d'un roman (celui de Moravia au titre éponyme), un terreau néoréaliste d'où il est issu et qui nourrit sa chronique paysanne et des influences américaines mélodramatiques portées par Sophia LOREN qui avait passé plusieurs années à Hollywood mais qui renoue avec ses origines italiennes. Si dans "La Ciociara" elle magnétise l'écran et laisse peu de place aux autres personnages, son interprétation bouleverse et renforce la puissance globale du film. C'est avec "Une journee particuliere" (1977) son interprétation la plus forte, comparable à celle de Romy SCHNEIDER dans "Le Vieux fusil" (1975). Mais le propos de "La Ciociara" est plus complexe et plus subtil tant au niveau de l'histoire individuelle qu'à l'échelle collective. Sophia LOREN interprète le rôle de Cesira, une jeune veuve de caractère vivant à Rome qui décide de retourner dans son village natal pour mettre sa fille Rosetta à l'abri des horreurs de la guerre. Or le titre à lui seul souligne que la campagne offre une sécurité illusoire: la Ciociara désigne une région rurale d'Italie qui a été le théâtre de crimes de guerre en 1944 de la part des soldats, notamment marocains, du corps expéditionnaire français en Italie commandés par le général Juin qui remontaient vers Rome à la suite de la bataille du Mont-Cassino. C'est donc vers l'horreur que s'acheminent les deux femmes. Les signaux de danger ne manquent pas (l'attaque de l'avion, le comportement lubrique des miliciens). Néanmoins la vie en communauté apporte une sécurité précaire. Aussi l'erreur la plus tragique de Cesira est de se séparer du groupe pour rentrer à Rome alors que la guerre n'est pas terminée et que les alliés considèrent l'Italie comme un territoire conquis. La terrible agression dont elle et Rosetta sont victimes dans l'Eglise outre son caractère symbolique introduit une rupture dans la dernière demi-heure de film qui souligne que le temps de l'insouciance et de l'innocence est révolu. Cesira perd son assurance (à tous les sens du terme) en perdant sa fille qui s'est coupée d'elle et part à la dérive. La relation mère/fille au coeur du film laisse peu de place aux personnages masculins même si Michele (Jean-Paul BELMONDO) dont Rosetta est amoureuse mais qui lui préfère Cesira introduit la première faille dans la relation mère/fille.

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Anatomie d'une chute

Publié le par Rosalie210

Justine Triet (2023)

Anatomie d'une chute

"Anatomie d'une chute", la Palme d'or 2023 est sans doute un tournant dans la filmographie de Justine TRIET et on mesure le chemin parcouru depuis "La Bataille de Solferino" (2013). Dans son premier film, les engueulades du couple étaient hystériques et répétitives, le spectateur arrivant rapidement à saturation. La conflictualité au sein du couple est également au coeur de "Anatomie d'une chute" mais son orchestration est autrement mieux maîtrisée. Dans la première scène du film, qui précède son décès, le mari, planqué dans les combles est invisible mais parvient à court-circuiter l'échange entre sa femme et l'étudiante venue l'interroger en mettant la musique à fond. On ne peut pas mieux exprimer le besoin d'exister de cet époux qui pense avoir raté sa vie et en incombe l'échec à son épouse qui a réussi là où il a échoué en devenant une écrivaine à succès. L'autre moment de confrontation est un enregistrement effectué par le mari à l'insu de sa femme la veille de sa mort. C'est un long échange qui monte progressivement en tension jusqu'à l'explosion finale. Véritable radiographie du couple, cet échange révèle que les rôles sont inversés (c'était déjà le cas dans "La Bataille de Solférino") ce que Samuel (Samuel THEIS) ne supporte pas. Face à ses reproches, Sandra (Sandra HULLER) assume tout et refuse de reconnaître en lui une victime. Chacun avance ses arguments sans que le spectateur ne puisse trancher définitivement en faveur de l'un ou de l'autre, chacun ayant sa légitimité. Le fait que la femme possède autant de pouvoir sinon plus que l'homme créé un malaise chez ce dernier qui est très bien retranscrit. Ce que j'ai trouvé également particulièrement remarquable dans "Anatomie d'une chute" est la multiplicité des points de vue qui s'expriment, par-delà les questions de "male" et "female" gaze: celui des médias, celui des experts, celui des médecins, celui des avocats etc. aucun n'étant capable d'établir la vérité. Mention particulière à l'avocat de Sandra joué par Swann ARLAUD, un ancien (?) amoureux qui rappelle celui joué par Gregory PECK dans "Le Proces Paradine" (1947) (Alfred HITCHCOCK est convoqué à plus d'un titre de même que Otto PREMINGER). Quant à l'avocat général, il semble être animé par le fantôme de Samuel, symbolisant le patriarcat accusateur.  Dans un tel contexte où la réalité se dérobe, Daniel le jeune fils mal-voyant du couple qui m'a rappelé l'enfant de "Une separation" (2010) est appelé à trancher, pour son avenir et (symboliquement) pour celui de la société. "Quand on ne peut pas connaître la vérité, il ne nous reste plus qu'à faire un choix". Autant Sandra est opaque, autant Daniel est sensible, humanisant le film de même que son chien guide Snoop qui a reçu une Palm Dog bien méritée tant on tremble pour lui à un moment clé du film!

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Que le spectacle commence (All That Jazz)

Publié le par Rosalie210

Bob Fosse (1979)

Que le spectacle commence (All That Jazz)

"All that jazz" est l'avant-dernier film de Bob FOSSE qui a obtenu la palme d'or à Cannes en 1980. Il m'a fait penser à une version musicale, flamboyante et sombre de "Le Testament d'Orphee" (1959) de Jean COCTEAU. D'autres le comparent à "Huit et demi" (1963) de Federico FELLINI. Parce que Joe Gideon (Roy SCHEIDER), c'est Bob FOSSEqui sent venir sa fin prochaine et décide de faire un dernier tour de piste avant de tirer sa révérence. Alors dans "All that jazz" ("Tout ce tralala"), il y a du très bon, du surprenant mais aussi de l'agaçant. Le très bon, c'est l'élaboration d'un spectacle "sexe, drogue and rock and roll" fait pour choquer les producteurs conservateurs et qui atteint parfaitement son objectif. Quelques chorégraphies plus intimistes avec la compagne, l'ex-femme et la fille de Gideon fonctionnent aussi très bien. Le surprenant est la juxtaposition d'Eros et de Thanatos. Evoquer en musiques et en images à l'aide d'un montage percutant et d'une musique entraînante la vie à cent à l'heure, l'opération chirurgicale et la mort est inhabituel: d'un côté les corps nus, chauds, vibrants de désir de l'autre la viande saignante et froide. Enfin pour ce qui est de l'agaçant, le bilan d'une vie tourne parfois trop à l'exercice de style narcissique où le "moi moi moi" supplante le chorégraphe de talent. Il faut dire que Gideon est un être excessif, travailleur acharné mais aussi jouisseur et coq de basse-cour, trônant en majesté au milieu de ses danseuses, des coups d'un soir pour la plupart au milieu desquelles se détachent son ex-femme, sa maîtresse et sa fille. L'exercice d'introspection penche ainsi vers l'autocélébration complaisante (même la mort prend la forme d'une jeune et jolie femme: Jessica LANGE) et si Bob FOSSE peut se le permettre étant donné son talent, cela coupe l'émotion.

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La Chambre des officiers

Publié le par Rosalie210

François Dupeyron (2001)

La Chambre des officiers

"La Chambre des officiers" est un film nécessaire mais inégal. Nécessaire par son sujet, la lente et difficile reconstruction d'une gueule cassée de la première guerre mondiale. Blessé dès les premières heures du conflit, Adrien (Eric CARAVACA) passe les années qui suivent enfermé dans la chambre des officiers de l'hôpital militaire du Val-de-Grâce, d'abord seul, puis en compagnie d'autres officiers mutilés au visage. Un éclat d'obus ayant emporté une partie de sa mâchoire, il doit subir le long calvaire physique et psychologique du survivant qui se demande s'il ne vaut pas mieux mourir que de vivre défiguré à vie. Le film rappelle que la chirurgie réparatrice est née et s'est améliorée avec les gueules cassées mais n'a pu totalement effacer leurs terribles cicatrices. Si Adrien retrouve goût à vie et ses facultés (la parole notamment) grâce au dévouement du personnel médical et à la solidarité nouée avec ses camarades d'infortune, la réinsertion s'avère délicate.

Adaptation d'un roman de Marc Dugain qui voulait rendre hommage à son grand-père, le film est empreint de délicatesse et d'humanité, notamment avec le personnage de l'infirmière joué par Sabine AZEMA. La fin qui montre comment Adrien utilise l'humour pour se faire accepter est bienvenue. Mais le film est également lent, parfois lourd et peu heureux dans ses choix esthétiques (l'emploi répétitif de la musique et pas fan du filtre jaune utilisé par le chef opérateur, Tetsuo NAGATA).

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Prick Up Your Ears (Prick Up)

Publié le par Rosalie210

Stephen Frears (1987)

Prick Up Your Ears (Prick Up)

Merci Maggie. Sans la politique antisociale et homophobe de Margaret Thatcher, il n'y aurait pas eu de renouveau du cinéma anglais dans les années 80, porté par des cinéastes engagés comme Ken LOACH, Mike LEIGH ou Stephen FREARS. Bien que n'étant pas lui-même gay, ses premiers films pour le cinéma revêtent les atours engagés et transgressifs des débuts de Pedro ALMODOVAR ou du cinéma de Rainer Werner FASSBINDER. "Prick Up your ears", son deuxième film après "My Beautiful Laundrette" (1985) a des faux airs de "Querelle" (1982) (l'allusion au phallus dressé n'est pas dans l'affiche mais dans le jeu de mots du titre). Sexe et mort unissent étroitement un duo totalement improbable par ailleurs, celui formé par l'insolent et sensuel dramaturge Joe Orton (Gary OLDMAN) et son amant soumis et jaloux Kenneth Halliwell (Alfred MOLINA) qui s'est donné la mort après l'avoir assassiné. Construit sur un flashback à partir de la découverte de leurs corps par la police, le film prend l'allure d'une enquête, celle du biographe d'Orton John Lar (Wallace SHAWN) assisté de son épouse pour reconstituer la vie de Orton à l'aide du journal intime que lui a confié son agent, Peggy (Vanessa REDGRAVE).

Issu du prolétariat avec lequel il a rompu les amarres de par sa sexualité considérée comme déviante en Angleterre au début des années soixante (le film fait allusion à "La Victime" (1961) premier film à avoir abordé frontalement la question de l'homosexualité au Royaume-Uni), Joe Orton se lance dans une carrière d'acteur avant d'opter pour l'écriture sur les conseils de Kenneth rencontré à l'Académie royale d'art dramatique de Londres. Les pièces de Joe, comme son journal intime que Kenneth prétend ne pas lire en cachette ont pour fonction d'exciter sa jalousie comme si Joe avait besoin du regard de Kenneth pour jouir pleinement de ses frasques. Exhibitionnisme et voyeurisme sont au coeur de leur histoire, de leur sexualité et sont une mise en abyme du théâtre qu'ils pratiquent et du film lui-même. Sexe et mort deviennent entre leurs mains des mises en scène de théâtre où l'on s'invente des rôles, où l'on prend la pose. Joe Orton en Christ offrant son corps à la "passion" dans une pissotière juste après avoir reçu la statuette de son prix préfigure le moment où il se fait tuer, Kenneth regrettant de ne pas avoir utilisé l'objet pour en finir avec lui et s'adressant face caméra au spectateur-témoin. L'aspect outrancier, grotesque de cette mort qui rappelle l'os de jambon de "Qu'est-ce que j'ai fait pour meriter ca ?" (1984) transforme la tragédie en grosse farce. Alors que Joe qui attire la lumière et est fou de son corps opprime Kenneth (y compris en se refusant à lui), ce dernier, complexé et aigri trouve ainsi le moyen cynique de s'offrir une revanche et de passer à la postérité aux côtés de son amant.

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Le Voleur de bicyclette (Ladri di biciclette)

Publié le par Rosalie210

Vittorio De Sica (1948)

Le Voleur de bicyclette (Ladri di biciclette)

"Le voleur de Bicyclette" est un film illustre de l'histoire du cinéma qui a inspiré par la suite nombre de réalisateurs. Chef-d'oeuvre du néoréalisme italien ayant contribué à son existence au même titre que "Rome, ville ouverte" (1944), il s'agit d'un drame de la précarité, traité avec une simplicité et une justesse qui explique pour beaucoup la réussite du film. Autant par nécessité financière que par choix artistique et politique, le cinéma italien de l'après-guerre connaît une refondation sur les ruines de celui qui s'était fourvoyé dans la propagande fasciste. Il recherche la plus grande proximité possible avec les sujets qu'il filme, pris dans la réalité âpre d'un pays défait et miné par la crise économique et sociale. Ainsi Vittorio DE SICA, ancien acteur passé à la réalisation dans l'après-guerre tourne son film avec peu de moyens, un scénario réduit à l'extrême et sans effets visuels, en version muette (il sera ensuite post synchronisé), en extérieur et en décors naturels, avec des acteurs non-professionnels et dans les lieux les plus déshérités de Rome ce qui confère à son long-métrage un caractère proche du documentaire et lui donne une grande valeur historique comme chez Roberto ROSSELLINI. De plus, le drame social de De Sica est d'une grande justesse dans sa description des rapports humains. D'un côté, la pauvreté et la précarité qui touchent une large partie de la population italienne réduite au chômage et à l'indigence ont annihilé les liens de solidarité, transformant la société en jungle où chacun essaye de s'en sortir au détriment des autres. Le périple d'Antonio à la recherche de sa bicyclette volée sur laquelle repose son seul espoir de s'en sortir lui fait traverser des destins aussi infortunés que le sien voire pire et la fin souligne combien la frontière est fragile entre pauvreté et délinquance (en VO le titre est au pluriel). Quant aux structures d'aide, elles sont impuissantes (la police), indifférentes (le syndicat), illusoires (la voyante) ou intéressées (l'Eglise). De l'autre, "Le voleur de bicyclette" est un grand film humaniste qui observe les pauvres essayer de survivre avec compassion, sans les juger. Surtout à travers le regard de Bruno, le fils d'Antonio, témoin sensible des malheurs de son père, "Le voleur de bicyclette" a des airs de "Le Gosse" (1921) de Charles CHAPLIN avec un final qui s'y réfère directement. La relation père-fils est en effet aussi importante que le contexte social dans lequel ils évoluent. Le film repose sur un équilibre miraculeux entre le témoignage documentaire et la dimension intimiste et émotionnelle, l'un empêchant l'autre de verser dans le mélodrame ou à l'inverse dans le documentaire stérile froidement distancié.

"Le voleur de Bicyclette" marque les débuts de Sergio LEONE au cinéma. Engagé comme assistant, il joue également un petit rôle (celui d'un séminariste) et son futur cinéma doit beaucoup à celui de Vittorio DE SICA.

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