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Articles avec #theis (samuel) tag

Anatomie d'une chute

Publié le par Rosalie210

Justine Triet (2023)

Anatomie d'une chute

"Anatomie d'une chute", la Palme d'or 2023 est sans doute un tournant dans la filmographie de Justine TRIET et on mesure le chemin parcouru depuis "La Bataille de Solferino" (2013). Dans son premier film, les engueulades du couple étaient hystériques et répétitives, le spectateur arrivant rapidement à saturation. La conflictualité au sein du couple est également au coeur de "Anatomie d'une chute" mais son orchestration est autrement mieux maîtrisée. Dans la première scène du film, qui précède son décès, le mari, planqué dans les combles est invisible mais parvient à court-circuiter l'échange entre sa femme et l'étudiante venue l'interroger en mettant la musique à fond. On ne peut pas mieux exprimer le besoin d'exister de cet époux qui pense avoir raté sa vie et en incombe l'échec à son épouse qui a réussi là où il a échoué en devenant une écrivaine à succès. L'autre moment de confrontation est un enregistrement effectué par le mari à l'insu de sa femme la veille de sa mort. C'est un long échange qui monte progressivement en tension jusqu'à l'explosion finale. Véritable radiographie du couple, cet échange révèle que les rôles sont inversés (c'était déjà le cas dans "La Bataille de Solférino") ce que Samuel (Samuel THEIS) ne supporte pas. Face à ses reproches, Sandra (Sandra HULLER) assume tout et refuse de reconnaître en lui une victime. Chacun avance ses arguments sans que le spectateur ne puisse trancher définitivement en faveur de l'un ou de l'autre, chacun ayant sa légitimité. Le fait que la femme possède autant de pouvoir sinon plus que l'homme créé un malaise chez ce dernier qui est très bien retranscrit. Ce que j'ai trouvé également particulièrement remarquable dans "Anatomie d'une chute" est la multiplicité des points de vue qui s'expriment, par-delà les questions de "male" et "female" gaze: celui des médias, celui des experts, celui des médecins, celui des avocats etc. aucun n'étant capable d'établir la vérité. Mention particulière à l'avocat de Sandra joué par Swann ARLAUD, un ancien (?) amoureux qui rappelle celui joué par Gregory PECK dans "Le Proces Paradine" (1947) (Alfred HITCHCOCK est convoqué à plus d'un titre de même que Otto PREMINGER). Quant à l'avocat général, il semble être animé par le fantôme de Samuel, symbolisant le patriarcat accusateur.  Dans un tel contexte où la réalité se dérobe, Daniel le jeune fils mal-voyant du couple qui m'a rappelé l'enfant de "Une separation" (2010) est appelé à trancher, pour son avenir et (symboliquement) pour celui de la société. "Quand on ne peut pas connaître la vérité, il ne nous reste plus qu'à faire un choix". Autant Sandra est opaque, autant Daniel est sensible, humanisant le film de même que son chien guide Snoop qui a reçu une Palm Dog bien méritée tant on tremble pour lui à un moment clé du film!

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Petite Nature

Publié le par Rosalie210

Samuel Theis (2022)

Petite Nature

J'avais bien aimé l'aspect improvisé de "Party Girl" (2013), le précédent film de Samuel THEIS (qu'il n'avait cependant pas réalisé tout seul), la véracité des acteurs et actrices non-professionnels (dont sa mère dans le rôle principal, le rôle étant inspiré de sa vie), leur ancrage dans un territoire (l'Alsace-Moselle) et enfin le primat donné sur les élans de la vie à toute forme de jugement (sans que le réalisateur n'édulcore pour autant le poids d'avoir une mère "pas comme les autres"). "Petite Nature" qui possède les mêmes caractéristiques prolonge d'une certaine manière "Party Girl" sauf que cette fois, le personnage central n'est plus la mère (bien qu'elle occupe une place non négligeable) mais son fils de 10 ans, Johnny, lui aussi "pas comme les autres" (il est assez clair que Samuel Theis s'y raconte à demi-mot). "Petite Nature" est l'histoire d'une séparation qui se fait déchirement: pour pouvoir grandir et trouver sa place dans le monde, Johnny doit quitter sa mère et trahir son milieu social d'origine avec lequel il est totalement désaccordé. Sa rencontre avec un maître d'école menant une vie bourgeoise et cultivée (Antoine REINARTZ) va être l'élément déclencheur de son émancipation. On pense à "En finir avec Eddy Bellegueule" de Edouard Louis qui possède certains traits similaires (le milieu social prolétaire d'origine, le caractère efféminé du protagoniste, l'éveil au désir homosexuel) sauf que Johnny est beaucoup plus jeune, que son attirance pour son mentor s'exprime de façon plus maladroite bien que relevant plus de l'adolescence que de l'enfance* et que sa famille ne le rejette pas. Bien au contraire et de façon assez paradoxale, elle s'appuie sur lui en raison de sa précocité et ce rôle qu'il est trop jeune pour endosser l'écrase tout en faisant réfléchir le spectateur. En effet alors que Johnny grandit dans un milieu de macho surjouant la virilité, les hommes y fuient systématiquement leurs responsabilités puisque la mère élève seule ses trois enfants que l'on devine de trois pères différents, les seuls hommes adultes présents dans la maison étant des amants de passage. Le frère aîné, Dylan suit le même modèle individualiste "courant d'air" si bien que la mère doit assumer le rôle paternel (elle travaille et se comporte de façon quelque peu "caillera de cité") alors que Johnny assure le rôle maternel auprès de sa petite soeur dont il semble être le seul à s'occuper. On comprend d'autant mieux sa fascination pour le maître qui représente à la fois un père de substitution et l'attirance pour l'inconnu (un très beau plan le montre avec le haut de son visage noyé dans l'ombre superposé sur une image projetée sur un mur du centre Pompidou de Metz). Les acteurs sont remarquables, surtout les non-professionnels. Le jeune Aliocha Reinert crève l'écran par son charisme et son jeu habité.

* On peut se demander d'ailleurs s'il n'aurait pas été plus judicieux d'attendre 3 ans de plus pour que Aliocha Reinert soit adolescent afin que les émois que le réalisateur revit à travers lui correspondent à son âge dans le film (aucun enfant de CM2 n'a des comportements aussi sexualisés en dehors de ceux qui ont été abusés).

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