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Articles avec #cinema muet tag

Just Pals

Publié le par Rosalie210

John Ford (1920)

Just Pals

"Just Pals" ("Juste des potes") est le premier film de John FORD réalisé pour les studios Fox après avoir travaillé plusieurs années durant pour Universal. Par sa durée mais surtout par sa thématique, il fait penser à "Le Gosse" (1921) réalisé un an plus tard par Charlie CHAPLIN. Une version champêtre du kid reposant sur l'amitié qui se noue entre Bim (Buck JONES), le "bon à rien" du village et Bill (Georgie STONE), un jeune vagabond orphelin qu'il adopte par hasard. John FORD créé deux personnages attachants dont il met en avant les qualités morales face à une communauté villageoise remplie de préjugés et dont certains individus à l'apparence respectable dissimulent une âme de crapule, essentiellement par l'argent. C'est le cas des "Thénardier locaux" qui veulent arracher Bill des mains de Bim parce qu'ils le confondent avec un enfant kidnappé et recherché contre une grosse récompense par son père fortuné. C'est aussi le cas du soupirant de la jolie institutrice du village (Helen FERGUSON) dont Bim est également amoureux mais qui n'hésite pas à la compromettre en la persuadant de lui remettre la caisse de l'école. Après la découverte du forfait et du corps de l'institutrice qui a tenté de se noyer, tous les soupçons se portent sur Bim qui est également surpris au beau milieu du hold-up de la banque et compromis par les malfaiteurs. La promptitude avec laquelle les villageois lui mettent la corde au cou révèle à quel point cet intrus les dérange. Mais Bill qui a retrouvé à l'école les enfants des lyncheurs de Bim n'a pas l'intention de les laisser faire. Toutes ces intrigues qui relèvent de la chronique villageoise, du western, du mélo, du film d'action et d'aventures et de la comédie sont traitées de façon aussi limpides que trépidantes et en plus, on ressent beaucoup de tendresse pour ces déclassés inassimilables mais à l'âme intacte. Un petit régal.

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By Indian Post

Publié le par Rosalie210

John Ford (1919)

By Indian Post

"By Indian Post" est l'un des plus anciens films de John FORD (sous le nom de Jack FORD) qui nous soit parvenu, bien qu'amputé de quelques minutes. On estime en effet que seuls trois de ses cinquante premiers films ont survécu (à ce jour). Un western de jeunesse de deux bobines plutôt réjouissant mêlant action et humour dans une veine burlesque alors en vogue dans le cinéma muet. Une histoire d'amour contrariée entre un cow-boy et la fille de son patron qui ne voit pas d'un bon oeil cette union, une vie en communauté, un indien qui s'improvise courrier du coeur (d'où le titre) en dévalisant le dortoir des cow-boys au passage, une course-poursuite dynamique, une arrestation musclée et une fin à la mise en scène virtuose et acrobatique jouant sur différentes hauteurs, portes et fenêtres. C'est léger mais la patte du maître est déjà présente sur plusieurs séquences (la course-poursuite très enlevée et le final, brillant) et c'est l'occasion de découvrir un cinéaste à ses tout débuts: une rareté.

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Je ne voudrais pas être un homme (Ich möchte kein Mann sein)

Publié le par Rosalie210

Ernst Lubitsch (1918)

Je ne voudrais pas être un homme (Ich möchte kein Mann sein)

"Je ne voudrais pas être un homme" est une comédie muette réalisée par Ernst LUBITSCH à la fin de la guerre. Beaucoup de ses premiers films réalisés en Allemagne ont été perdus. Et ceux qui ont été retrouvés sont globalement sous-estimés en raison de leur nature de divertissements aux effets faciles destinés à remonter le moral des allemands. Pourtant, je ne vois aucune rupture entre ce film et les comédies sophistiquées qu'il réalisera aux USA à partir des années 20. Bien au contraire, ce qui m'a frappé, ce sont les liens étroits avec la partie la plus connue de sa filmographie et celle de celui qui se considérait comme son héritier, Billy WILDER. L'héroïne, jouée par Ossi OSWALDA par son jeu truculent fait penser à Mary PICKFORD que Ernst LUBITSCH a dirigé à son arrivée aux USA. Sa quête d'émancipation et de rapports hommes-femmes égalitaires où circulerait librement le désir fait penser à "Sérénade à trois" (1933) d'autant qu'elle partage avec Miriam HOPKINS une extraordinaire vitalité et une spontanéité rafraîchissante. Enfin, le thème du travestissement recoupe d'autres films de Lubitsch sur le jeu des apparences ("To Be or Not to Be" (1942) par exemple) et contient une charge érotique que Billy WILDER a su utiliser dans plusieurs de ses films. Dans "Certains l'aiment chaud" (1959) évidemment mais aussi dans "Uniformes et jupon court" (1942) le travestissement permet de partager la même couchette alors que dans "La Garçonnière" (1960), Baxter se glisse dans un lit encore chaud des ébats de ses employeurs. Dans "Je ne voudrais pas être un homme", le tuteur de Ossi, un homme en apparence autoritaire, froid et rigide qui a été engagé pour la dresser se lâche complètement lors d'une soirée bien arrosée, se met à flirter avec Ossi travestie en homme qu'il ne reconnaît pas avant qu'un quiproquo ne fasse que chacun se retrouve dans le lit de l'autre. On pense évidemment à "Victor Victoria" (1982) qui reposait sur un quiproquo semblable d'autant qu'Ossi, même revêtue d'habits féminins boit, fume et joue au poker mais on est étonné par une telle liberté de ton dans un film de cette époque qui sous couvert de travestissement aborde frontalement l'homosexualité (les baisers d'Ossi et de son tuteur préfigure celui de Joséphine et Sugar dans "Certains l'aiment chaud") (1959) .

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Harold professeur de danse (Swing Your Partners)

Publié le par Rosalie210

Alfred J. Goulding (1918)

Harold professeur de danse (Swing Your Partners)

"Harold professeur de danses" ou "Lui professeur de danses" est l'un des nombreux courts-métrages burlesques (environ 160!) tourné par Harold LLOYD avec Snub POLLARD pour la plupart d'entre eux sous la direction de Alfred J. GOULDING pour la Rollin Film Company fondée par Hal ROACH. Si Harold Lloyd était surnommé "l'homme aux lunettes d'écailles", son partenaire n'avait pas encore de signe caractéristique lorsqu'il fut recruté par Hal Roach aux studios Essanay où il avait tourné quelques courts-métrages avec Charles CHAPLIN entre 1915 et 1916. Dès son arrivée à la Rollin Film, Snub Pollard eut l'idée de se faire une "kaiser moustache" mais par inadvertance, il se la colla à l'envers et garda cet attribut jusqu'à la fin de sa carrière.

Dans "Harold professeur de danses", les deux hommes sont des SDF pourchassés par la police à la suite d'un larcin. Leur route croise celui d'une danseuse vamp (Bebe DANIELS, la partenaire féminine habituelle du duo) qui est elle aussi pourchassée mais par des admirateurs. Telle un aimant, celle-ci attire les deux hommes dans un cours de danse où ils sont pris à tort pour les nouveaux professeurs ce qui donne lieu à la meilleure scène du film. Celle où ils font une démonstration de leurs talents, bien émoustillés par le gynécée qui s'ébat autour d'eux (ce qui explique sans doute leur costume préhistorique). On voit au passage la différence d'amplitude physique et d'abattage entre Snub Pollard qui se contente d'un périmètre étroit et Harold Lloyd qui occupe tout l'espace, danse, séduit, détrousse le directeur au passage après l'avoir aspergé de morceaux de banane et même échappe un temps à la poursuite en descendant le long d'un immeuble comme une préfiguration de "Monte là-dessus !" (1922).

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Entr'acte

Publié le par Rosalie210

René Clair (1924)

Entr'acte

"Entr'acte" est le deuxième film réalisé par René CLAIR mais le premier à avoir été diffusé dans le cadre du ballet "Relâche" écrit et décoré par Francis PICABIA sur une musique composée par Erik Satie pour la compagnie des Ballets suédois dirigée par Rolf de Maré et dont le chorégraphe était Jean Börlin. La première eut lieu en décembre 1924 au Théâtre des Champs-Elysées et le film de René Clair en faisait l'ouverture ainsi que comme son titre l'indique, l'entracte entre les deux actes du ballet.

Le film est à l'image du ballet, une "folie burlesque habitée par l'esprit dadaïste". Ballet est d'ailleurs un mot impropre tant l'état d'esprit de celui-ci était plus proche du happening potache (d'où le terme "instantanéisme" pour qualifier le courant auquel il appartenait à une époque où le monde du spectacle n'était pas aussi anglicisé). La compagnie avait d'ailleurs représenté en 1921 la pièce de Jean COCTEAU, "Les Mariés de la tour Eiffel" écrite pour eux. Quand on connaît la fascination que René Clair avait pour ce monument, on peut dire qu'il était prédestiné à travailler pour les Ballets suédois.

Entr'acte est un film indispensable pour comprendre l'oeuvre de René Clair, surtout à ses débuts, sa fascination pour le mouvement et la géométrie en particulier. Il s'agit d'un film surréaliste plein de trucages (ralentis, accélérés, surimpressions) qui établit des associations d'images n'ayant a priori aucun rapport entre elles sinon la géométrie (un échiquier et la place de la Concorde par exemple) ou un élément (de l'eau tombe sur ce même échiquier et un bateau en papier se met à naviguer sur les toits de Paris dans les plans suivants). Parfois on est même dans l'illustration de la phrase culte des surréalistes "beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie" avec l'exemple du corbillard traîné par un chameau de cirque ou de la danseuse barbue ou encore des allumettes et de la chevelure. Néanmoins si l'affiliation de ce film à l'avant-garde est indéniable (outre Picabia et Satie qui font des bonds au ralenti autour d'un canon, les joueurs d'échecs ne sont autre que Man RAY et Marcel Duchamp), on y trouve comme dans "Paris qui dort" (1925) un hommage appuyé au cinéma de Georges MÉLIÈS, l'un des maîtres de René Clair: une scène d'escamotage dans la plus pure tradition du théâtre Robert Houdin, des ballons d'hélium représentant des têtes qui gonflent et se dégonflent comme dans "L Homme à la tête de caoutchouc" (1901) ou encore un final qui fait allusion à "Les Affiches en goguette" (1906).

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Paris qui dort

Publié le par Rosalie210

René Clair  (1925)

Paris qui dort

"Paris qui dort" est le premier film réalisé par René CLAIR même s'il n'est sorti faute de distributeur qu'après la diffusion de "Entr acte" (1924) au Théâtre des Champs-Elysées. Les deux films sont de toutes façons aujourd'hui réunis sur un même DVD ce qui est logique car ils ont de profondes affinités. Par ailleurs, les copies originales de "Paris qui dort" (il y aurait eu deux versions du film circulant conjointement, l'une française et l'autre anglaise) ayant été perdues, le DVD propose deux restitutions différentes. La plus réussie selon moi est la plus récente, celle de 2018 réalisée par la fondation Jérôme Seydoux-Pathé à partir de la copie anglaise du film conservée au British Film Institute. Il s'agit d'une version teintée qui offre des images d'une précision incomparable par rapport à l'autre version (dans laquelle les monuments semblent réduits à des silhouettes prises à contre-jour) et surtout qui ajoute des plans inédits (dont je vais reparler) sur la fin insufflant une puissance fantastique, poétique et cinématographique au métrage bien moins présente dans l'autre version.

"Paris qui dort" comme "Entr'acte" témoigne des deux sources d'inspiration majeures du cinéaste à ses débuts: l'avant-garde expérimentale et surréaliste (dans la lignée d'un Jean EPSTEIN par exemple) et le cinéma primitif, celui de Georges MÉLIÈS en particulier, les deux courants ayant l'onirisme pour trait commun. Un oeil dans le rétroviseur et l'autre tourné vers l'avenir en quelque sorte (ce qui s'accorde bien avec son pseudonyme "clairvoyant", son véritable nom étant René Chomette). S'y ajoute dans "Paris qui dort" une fascination pour la tour Eiffel et sa dentelle de métal aux formes géométriques que l'on retrouve dans son court-métrage ultérieur "La Tour" (1928) (que l'on peut voir en bonus sur le DVD ou gratuitement sur la plateforme de streaming de la Cinémathèque HENRI).

"Paris qui dort" n'est pas un film parfait (il y a quelques longueurs au milieu du film en dépit de sa courte durée), néanmoins c'est un film incontournable pour tous les amoureux du cinéma. Le début et la fin (grâce aux plans rajoutés dans la restauration la plus récente) sont d'une immense poésie rétrofuturiste. On y voit le gardien de la tour Eiffel qui en descendant de son perchoir découvre que toute la ville a été mystérieusement pétrifiée à 3h25 du matin. Le sous-titre du film "Le Rayon diabolique" nous laisse deviner par quoi et de fait, ce fameux rayon s'actionne dans un dispositif qui fait penser à celui de "Metropolis" (1927), film rétrofuturiste qui lui est contemporain. On a donc une assez saisissante définition visuelle de ce qu'est le cinéma: un art du mouvement dans l'espace et le temps qui est aussi l'enfermement dans un cadre et la suspension du temps. Le cinéma fabrique de l'éternité en capturant l'instant comme le fait la photographie mais recréé l'illusion du mouvement naturel ce que dissipe René Clair en créant des arrêts sur image à volonté à l'intérieur de son film ou bien au contraire en accélérant leur défilement. Très loin de l'image méprisante que plus tard la nouvelle vague a donné de lui (le fameux "cinéma de papa" destiné aux "vieilles dames" pour reprendre des expressions de François TRUFFAUT), René CLAIR s'avère avoir été un esprit pionnier et un poète de l'image aux visions pas si éloignées de celles d'un Terry GILLIAM (l'influence du rétrofuturisme et de Georges MÉLIÈS est très forte dans leurs deux univers).

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La Terre a tremblé (The Shock)

Publié le par Rosalie210

Lambert Hillyer (1923)

La Terre a tremblé (The Shock)

"The Shock" ("La Terre a tremblé" en VF) est un mélodrame christique dans la plus pure tradition des évangiles. Plus exactement il s'agit d'une version contemporaine de la guérison à la piscine de Béthesda telle qu'elle est racontée dans l'Evangile selon Saint-Jean. "Lève-toi et marche!" aurait dit Jésus à un paralytique. Bien entendu, en échange du miracle, Jésus sauve/achète l'âme de l'infirme en lui faisant jurer de ne plus jamais pécher. La culture religieuse américaine fondée sur la Bible transpose cette histoire à l'époque du film, c'est à dire au début des années 20. Le péché est symbolisé par le quartier de Chinatown de San Francisco (celui-là même dans lequel sera tourné le film de Roman POLANSKI au titre éponyme), plus précisément par le "Mandarin café" tenu par une certaine "Queen Ann" (Christine MAYO, diabolique à souhait). Son homme de main est le fameux paralytique de la parabole des Evangiles. Et l'acteur prédisposé à ce type de rôles est bien évidemment Lon CHANEY qui avait déjà impressionné la pellicule avec le cul-de-jatte de "Satan" (1920) qui lui avait causé d'immenses souffrances (faute d'effets spéciaux, il jouait avec les membres inférieurs repliés ce qui les a traumatisés). Même si dans "The Shock", il a "seulement" un pied tordu et marche avec des béquilles ou est sur un fauteuil roulant, il est toujours d'une troublante crédibilité. Et il en va de même sur le plan psychologique. Car si l'on suit la parabole biblique, ses péchés sont rachetés en échange de sa guérison. Dans le film, Jésus s'incarne dans la figure d'une jeune fille pieuse, Gertrude (Virginia VALLI) dont il tombe amoureux. Cependant, non seulement la belle n'est pas libre mais elle est menacée par Queen Ann (qui a un vieux compte à régler avec son père) ce qui pousse logiquement Wilse (le personnage joué par Lon Chaney) jusqu'au sacrifice. En matière d'intensité émotionnelle se reflétant sur les expressions du visage, Lon Chaney "envoie du bois" mais il n'aurait pas pu soulever les montagnes s'il n'avait pas été aidé par un deus ex machina spectaculaire qui donne son titre au film en VF. Et comme entretemps Gertrude a goûté temporairement à la condition d'infirme et a découvert la lâcheté de son prétendant, disons qu'au final Wilse, transfiguré par sa rencontre avec le Christ rédempteur a toutes ses chances.

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Un homme courageux (West of hot dog)

Publié le par Rosalie210

Percy Pembroke (1924)

Un homme courageux (West of hot dog)

Stan LAUREL eut une carrière artistique avant son duo avec Oliver HARDY, d'abord sur les planches (notamment en tant que doublure de Charles CHAPLIN) puis au cinéma dès 1917. "Un homme courageux" est l'un des 16 courts-métrages le mettant en vedette entre 1923 et 1925. Il avait à cette époque signé un contrat de 12 films pour le producteur Joe ROCK et travaillait également pour les studios de Hal Roach. "West of hot dog", réalisé par Percy PEMBROKE (une production Joe ROCK) transpose son personnage décalé et lunaire dans l'univers du western où il n'est évidemment pas à sa place. D'ailleurs pour bien marquer sa différence avec les brutes patibulaires qui le malmènent, il ajoute à son air ahuri une énorme paire de lorgnons. Le film, d'une durée de deux bobines enchaîne des gags allant du plus simple (les mains en l'air qui font tomber le pantalon) aux plus sophistiqués (la partie de cache-cache dans la maison qui transforme Laurel en héros alors que les bandits meurent les uns après les autres suite à une série de hasard et coïncidences parfaitement orchestrés). Entre les deux, une scène spectaculaire, celle de la lecture du testament où les brutes ne cessent de passer le pauvre Laurel par la fenêtre, le faisant tomber de plusieurs étages mais celui-ci revient aussitôt par la porte presque comme si de rien n'était. Une sacré prouesse!

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C'est la vie (Downhill/When boys leave home)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1927)

C'est la vie (Downhill/When boys leave home)

"Downhill" ("La Descente" ou "La Pente" ou "C'est la vie" en VF), est un film muet de Alfred HITCHCOCK réalisé peu de temps après son premier film important "Les Cheveux d or / The Lodger" (1927). On y retrouve d'ailleurs Ivor NOVELLO dans le rôle principal qui est encore une fois magnétique même si à 34 ans, il n'avait plus vraiment l'âge d'incarner un étudiant. Bien que considéré comme mineur, c'est (encore une fois) un film a réévaluer dans l'oeuvre foisonnante de Alfred Hitchcock non seulement pour sa forme mais aussi pour le fond. Dès les premières images, on est frappé par la précision de la reconstitution des différentes couches sociales que va traverser Roddy dans sa descente aux enfers à commencer par un monde universitaire très anglais qui fait immédiatement penser à Poudlard. Comme dans "The Lodger", Hitchcock s'inspire de F.W. MURNAU pour économiser les intertitres et raconter au maximum par l'image ce qui confère à son oeuvre un caractère expressionniste affirmé. Il introduit des thèmes qui vont devenir des leitmotiv dans son oeuvre: celui d'une relation trouble entre deux étudiants (comme dans "La Corde") (1948), celui du fugitif (comme dans "Jeune et innocent") (1937) et bien sûr le plus important de tous, celui du faux coupable. Mais dans "Downhill", il ne s'agit pas d'un malentendu ou d'une erreur judiciaire mais d'une auto-punition. Dans ce qui apparaît à première vue être un pur mélodrame, Roddy endosse les fautes des autres et tombe toujours plus bas, littéralement. La question est alors, pourquoi tant de masochisme? La réponse est dans la structure de "Downhill" qui annonce toutes les figures géométriques obsessionnelles du réalisateur. Chaque épisode de la vie de Roddy se termine par la descente d'un escalier (ou ses variantes: escalator, ascenseur), illustrant les étapes de sa dégringolade dans l'échelle sociale. On retrouve également la figure du cercle puisqu'une fin inattendue et abrupte nous ramène au début, laissant le spectateur imaginer la suite (un nouveau départ après une éprouvante année initiatique?) Mais la figure la plus intéressante est celle du masque, de l'illusion et du miroir. En effet, chaque étape du parcours de Roddy reflète quelque chose de lui. Dans la première partie, il voit des enfants mendier et se moque d'eux sans se douter qu'il sera un jour à leur place: un exclu de la société. Dans la deuxième qui s'intitule "un monde d'illusions", un plan nous fait croire qu'il est devenu serveur avant qu'un changement de cadre nous révèle qu'il est en fait acteur. En effet dans cette partie, il se fourvoie en épousant une actrice qui ne lui cache même pas qu'elle veut lui piquer son fric et qu'elle a un amant (je soupçonne François TRUFFAUT de s'en être inspiré pour "La Sirène du Mississipi") (1969). Dans la troisième partie "illusions perdues", on le voit se faire payer pour danser avec des femmes plus ou moins âgées, évidemment il s'agit d'un cache-sexe pour évoquer la prostitution. Il se retrouve alors à raconter sa vie (et notamment l'imposture de son mariage) devant un personnage attentif qui s'avère être un travesti: une version cauchemardesque de lui-même? A chaque fois qu'il perd pied, il est question d'argent et de sexe. Issu d'un milieu très riche, il se laisse accuser à tort à la place de son ami au nom d'un "pacte de loyauté" et l'accusatrice ne cache pas qu'elle choisit de l'accuser lui parce qu'il est le plus riche des deux. Qu'expie-t-il exactement: le fait d'être riche ou bien celui d'être lié de trop près à cet ami? (Ou les deux). Dans la deuxième partie, il se laisse dépouiller de son héritage par une femme qui le trompe ouvertement comme s'il l'utilisait pour se payer une couverture. Et dans le monde de la prostitution où l'on paye pour coucher avec lui il découvre une fois les rideaux tirés qu'il est avec un autre homme. On voit donc bien que sous la couche mélodramatique, c'est un drame bien plus profond qui se joue sur fond de puritanisme religieux et de conventions sociales et qui rejoint bien évidemment les maîtres allemands qui ont tout appris à Hitchcock, à commencer par Murnau.

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Satan (The Penalty)

Publié le par Rosalie210

Wallace Worsley (1920)

Satan (The Penalty)

Il y a environ un an, j'ai trouvé par hasard dans une brocante un petit trésor: plusieurs DVD de la collection "Ciné-Club Hollywood" avec Lon CHANEY. Lon CHANEY a été la première grande star transformiste de l'histoire du cinéma. Surnommé "l'homme aux mille visages", il a particulièrement excellé dans les rôles d'exclus de la société souvent affublés d'un handicap ou d'une disgrâce physique: bossu dans "The Hunchback of Notre-Dame" (1922), défiguré dans "Le Fantôme de l'opéra" (1925) manchot dans "L Inconnu" (1927) et ici, cul-de-jatte mutilé à la suite d'une erreur médicale à la manière de celle du jeune héros de "Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte" de Thierry Jonquet. Devenu adulte, l'homme se comporte de façon schizophrène: génie du mal planifiant un plan machiavélique en sous-sol pour piller la ville de San Francisco (certains passages expressionnistes font penser au Docteur Mabuse) et brutal exploiteur de femmes d'un côté, pianiste et critique d'art sensible de l'autre qui se laisse sonder l'âme par ces mêmes femmes qu'il veut à d'autres moments écraser. Outre cette palette de jeu étendue qui suscite des sentiments variés chez le spectateur, on est estomaqué par la prouesse physique de l'acteur qui s'est littéralement plié en deux pour interpréter son rôle. Il souffrait le martyre mais jamais on ne s'en doute tant il se déplace avec aisance comme la petite Sirène qui dans le conte d'Andersen reçoit une paire de jambes la faisant évoluer avec grâce au prix d'une douleur immense. Seul bémol, la fin "morale" referme maladroitement un film qui sans atteindre les sommets de Tod BROWNING capture déjà avec talent le génie d'un acteur unique.

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