je ne rate jamais l'occasion de regarder un Laurel et Hardy quand Arte en propose, souvent au moment des fêtes de noël. Disons-le tout net, "Laurel et Hardy conscrits" est surtout une curiosité. Un film pas drôle car pâtissant d'une réalisation très plate là où le burlesque pour fonctionner a besoin de rythme, un scénario famélique, des gags répétitifs et éculés qui tombent souvent à plat eux aussi. Les une heure et des poussières que dure le film semblent bien longuettes. Pourtant celui-ci n'est pas complètement dénué d'intérêt. Si question comique, on est aux fraises, le thème récurrent de la séparation et de la mort du duo intrigue et finit par jeter un voile de mélancolie sur l'ensemble. Dès le début de l'histoire, Hardy veut se marier ce qui sous-entend de quitter son ami. Apprenant que la jeune fille est déjà prise, il veut se suicider. Par la suite, les deux amis sont condamnés à mort et lors de leur évasion rocambolesque, ont un accident d'avion qui s'avère fatal à Hardy. Laurel se retrouve alors lors d'un plan saisissant seul avec son baluchon, vagabond solitaire comme celui de Charles CHAPLIN. Même si une pirouette finale surréaliste remet le film sur les rails du cartoon plutôt que du réalisme, cet hommage n'est certainement pas fortuit. Car plus tôt dans le récit, Laurel rend un autre hommage à un acteur burlesque qui se métamorphosait en artiste lyrique et mélancolique à l'intérieur de ses films: Harpo MARX, transformant son lit en harpe et reprenant à l'identique ses gestes lorsqu'il en jouait. Enfin comment interpréter la petite phrase que Hardy prononce au début du film et qui était prononcée par Greta GARBO dans "Grand hotel" (1931): "I want to be alone"?
"Têtes de pioche" commence dans les tranchées comme "Charlot soldat" (1918). Il se poursuit comme "Onoda, 10 000 nuits dans la jungle" (2021) puisque 20 ans après en 1938 Stan LAUREL n'a toujours pas compris que la guerre était terminée est est resté à son poste dans la tranchée prêt à tirer sur tout ce qui bouge. Puis avec les retrouvailles des deux buddies, il évolue vers un réjouissant jeu de massacre burlesque mené sur un rythme de plus en plus effréné dans lequel Stan LAUREL met sans dessus dessous la vie bourgeoise de Oliver HARDY. Les tacles (souvent au sens propre) s'enchaînent contre la vie conjugale et ses faux-semblants, le chef de famille autoritaire et son gosse insupportable, les signes extérieurs de richesse, la technologie etc. Oliver Hardy met finalement moins en péril son couple avec sa jolie voisine (Patricia ELLIS) qui en se cachant à la manière de Chérubin dans "Le Mariage de Figaro" découvre les infidélités de son mari qu'en ramenant Stan LAUREL chez lui. Le tandem comique a compilé des gags et des sketches qui avaient fait leurs preuves antérieurement: le résultat pour qui aime le burlesque est réjouissant.
Stan LAUREL eut une carrière artistique avant son duo avec Oliver HARDY, d'abord sur les planches (notamment en tant que doublure de Charles CHAPLIN) puis au cinéma dès 1917. "Un homme courageux" est l'un des 16 courts-métrages le mettant en vedette entre 1923 et 1925. Il avait à cette époque signé un contrat de 12 films pour le producteur Joe ROCK et travaillait également pour les studios de Hal Roach. "West of hot dog", réalisé par Percy PEMBROKE (une production Joe ROCK) transpose son personnage décalé et lunaire dans l'univers du western où il n'est évidemment pas à sa place. D'ailleurs pour bien marquer sa différence avec les brutes patibulaires qui le malmènent, il ajoute à son air ahuri une énorme paire de lorgnons. Le film, d'une durée de deux bobines enchaîne des gags allant du plus simple (les mains en l'air qui font tomber le pantalon) aux plus sophistiqués (la partie de cache-cache dans la maison qui transforme Laurel en héros alors que les bandits meurent les uns après les autres suite à une série de hasard et coïncidences parfaitement orchestrés). Entre les deux, une scène spectaculaire, celle de la lecture du testament où les brutes ne cessent de passer le pauvre Laurel par la fenêtre, le faisant tomber de plusieurs étages mais celui-ci revient aussitôt par la porte presque comme si de rien n'était. Une sacré prouesse!
"The Lucky Dog" n'est pas à proprement parler le premier "Laurel et Hardy" de l'histoire mais c'est le premier film dans lequel ils partagent quelques scènes à l'écran. La véritable naissance du tandem comique a lieu en effet en 1927. A cette date, les deux comparses ont déjà une importante carrière solo derrière eux commencée durant la décennie précédente dont il ne reste que quelques fragments récemment restaurés et édités en coffret. On estime par exemple que Oliver HARDY a tourné dans deux cent films quand il rejoint le casting de "Le Veinard". Il est alors plutôt cantonné aux seconds rôles et c'est encore le cas ici où il joue un voleur à l'apparence patibulaire mais en réalité plutôt pleutre qui prend l'apparence d'un comte suisse alors que Stan LAUREL qui joue un jeune dandy désargenté est le héros de l'histoire. Outre la hiérarchie entre premier et second rôle, le personnage d'Oliver Hardy est mis sur le même plan que l'amoureux éconduit joué par Jack Lloyd: les deux personnages s'associent en effet par intérêt pour faire tomber à l'eau les plans matrimoniaux du personnage joué par Stan Laurel. Dans le film, le véritable partenaire de Laurel est son chien bâtard qui s'est incrusté dans un concours canin non sans y mettre au passage le chaos, a séduit le chien de la jeune femme dont Laurel est amoureux et par la même occasion sa maîtresse et c'est encore lui qui met en déroute les deux fâcheux. Enfin, sur le plan vestimentaire, ni Laurel, ni Hardy n'ont encore revêtu l'accoutrement gémellaire qui à l'image de Charles CHAPLIN ou de Buster KEATON rendront leur silhouette reconnaissables dans le monde entier. Le film est donc surtout une curiosité d'intérêt historique.
Ce film est une curiosité puisque d'une part on y trouve Oliver Hardy dans un rôle secondaire mais sans son comparse à l'écran, Stan Laurel qui est présent derrière la caméra mais pas devant. De l'autre, le comique burlesque se concentre sur Clyde Cook qui joue un cuisinier très chaplinesque. Certains gags comme celui de l'aliment explosif rappellent "Charlot mitron" ("Dough and Dynamite") réalisé en 1914 pour la Keystone et d'autres "La Ruée vers l'or" (la maison qui penche dans le vide qui devient ici le train qui penche dans le vide). Il faut dire qu'avant de former son duo légendaire avec Oliver Hardy au cinéma, Stan Laurel comme la plupart des grands burlesques de cette époque avait débuté sur les planches en 1908, dans la même troupe que Charles Chaplin (celle de Fred Karno) et s'était retrouvé à jouer entre autres sa doublure.
Comme "Detained" que j'ai récemment chroniqué et plus d'une trentaine d'autres courts-métrages antérieurs à la formation du duo qui ont été miraculeusement retrouvés (sur des centaines perdus), on peut visionner "Wandering Papas" sur un double DVD édité par les éditions Lobster judicieusement intitulé "Laurel OU Hardy, avant le duo".
Detained est l'un des 12 films de deux bobines (environ 20 minutes) que Stan LAUREL a tourné pour le producteur Joe ROCK en 1924 et 1925. A cette époque, Stan Laurel ne forme pas encore officiellement de duo comique avec Oliver HARDY bien qu'il ait déjà tourné une fois avec lui. Les courts-métrages tournés pour Joe Rock font donc partie de la partie solo de sa carrière, de loin la moins connue.
Detained est un court-métrage burlesque qui comme son titre l'indique se déroule pour l'essentiel en prison. Laurel y joue un innocent qui subvertit le monde carcéral par son comportement totalement hors-sol. Il tourne particulièrement en dérision les armes et la peine de mort soit deux piliers de l'arsenal répressif des USA. Les gags autour de la chaise électrique et de la corde se rapprochent du cartoon avec notamment des trucages transformant son corps qui devient élastique (et ce près d'un siècle avant "One Piece" ^^). Le début et la fin ont un petit côté absurde et anarchisant avec un honnête citoyen transformé en bagnard par la grâce d'un changement de costume ("L"habit fait le moine") qui devient à la fin délinquant malgré lui mais grâce à la bonne fortune (une trappe bienvenue) il échappe miraculeusement aux poursuites.
Il y a deux films quasi indépendants dans "Bons pour le service" aussi éloignés l'un de l'autre que peuvent l'être les deux lieux de l'action (l'Ecosse et l'Inde). D'une part une intrigue amoureuse contrariée sans intérêt et mal interprétée, de l'autre les facéties burlesques de l'un des duo comiques le plus célèbre de l'histoire du cinéma, celui formé par Stan LAUREL et Oliver HARDY. Heureusement leur présence à l'écran occupe les deux tiers du film (contrairement à ce qui était prévu dans un premier montage) et entre en contradiction avec la bluette qu'ils sont sensés servir. La MGM n'est que le distributeur du film mais on ne peut s'empêcher de penser à ceux que tournent au même moment pour le studio les Marx Brothers où ils doivent systématiquement secourir un couple de jeunes premiers fadasses en détresse. Dans "Bons pour le service", la juxtaposition des deux univers ne manque pas de sel. Ainsi pendant que le jeune premier (pauvre mais valeureux) court après sa belle dont les méchants tuteurs convoitent le fabuleux héritage, Stan LAUREL et Oliver HARDY jouent deux détenus évadés qui ne reçoivent de ce même héritage qu'une cornemuse et une boîte à tabac (l'héritage est ce qui est censé lier les deux histoires, Laurel étant affilié au défunt). Ils réinventent la vie domestique dans une hilarante parodie où ils occupent la même chambre et le même lit, font un repas en détournant les objets de leur fonction habituelle avant de tout détruire. La suite lorsqu'ils sont incorporés à l'armée malgré eux ne fait que confirmer qu'ils subvertissent tout ce qu'ils touchent. Oliver HARDY qui a perdu son pantalon brûlé par Stan LAUREL et se promène en chemise de nuit espère récupérer sa virilité avec l'uniforme mais se retrouve vêtu d'un kilt alors qu'avec Stan LAUREL, le pas de l'oie se transforme en danse avant qu'un essaim d'abeilles ne produise l'effet d'un chien dans un jeu de quilles. La scène du "mirage" vaut également le détour. Au final, on a le sentiment paradoxal que ce sont les deux comiques au physique hors-norme qui ont la grâce (d'autant que Stan LAUREL fait preuve à plusieurs reprises de son extrême agilité) alors que les acteurs plus conformes aux standards de jeunesse, de minceur et de beauté ressemblent à des planches à pain.
Fra Diavolo, c'est d'abord le surnom d'un personnage qui a réellement existé, le brigand napolitain Michele Pezza, chef d'une troupe de bandits qu'il entraîna dans une guérilla contre les armées napoléoniennes avant qu'il ne soit capturé, jugé et pendu en 1806. Il inspira à Daniel-François-Esprit Auber un opéra-comique (que l'on peut définir comme un métissage entre le théâtre parlé et l'opéra chanté, mélange de burlesque et de romanesque), "Fra Diavolo ou l'hôtellerie de Terracine" qui fut représenté pour la première fois en 1830. Pour coller au style léger et élégant de cet opéra-comique, Michele Pezza fut dépouillé de son aspect sanguinaire et devint un galant bandit de grand chemin.
Le film de Hal ROACH et Charles ROGERS est une adaptation cinématographique fidèle à l'esprit de l'opéra-comique d'Auber. Les films musicaux étaient alors à la mode et il s'agissait également pour Hal ROACH et son studio de se servir du film pour imposer définitivement le duo comique formé par Stan LAUREL et Oliver HARDY dans un long-métrage parlant (avec le succès que l'on sait). Pourtant, s'il se regarde sans déplaisir, ce film fonctionne assez mal comme un tout. Il y a en effet deux parties distinctes et qui sont mal raccordées entre elles. La partie "opératique" plus proche par la légèreté de son argument de l'opérette est dirigée par Hal ROACH et s'avère assez inégale. Thelma TODD est irrésistible comme d'habitude et forme un couple amusant avec la moustache de son potentiel cornard de mari joué par James FINLAYSON. Dennis KING dans le rôle de Fra Diavolo s'il est un bon chanteur est en revanche un piètre acteur dont la prestation est assez risible. La partie burlesque du film officiellement dirigée par Charles ROGERS mais en réalité plus vraisemblablement par Stan LAUREL est celle qui met en scène les gags du duo Stanlio et Ollio, officiellement prisonniers-domestiques-rivaux de Fra Diavolo mais en réalité tellement en roue libre qu'ils forment un ensemble à part même s'ils ne dynamitent pas le récit principal pour autant (on est pas chez les Marx Brothers!) La complicité et la complémentarité des deux comparses fonctionne à plein régime avec quelques trouvailles hilarantes (le chiffon rouge, la fuite dans le tonneau, la cuite, les jeux de mains et de doigt de Stan LAUREL).
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.