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Articles avec #cinema muet tag

L'arrivée d'un train en gare de La Ciotat

Publié le par Rosalie210

Auguste et Louis Lumière (1895)

L'arrivée d'un train en gare de La Ciotat

"L'arrivée d'un train en gare de la Ciotat" est l'un des films* les plus célèbres des frères Lumière au point de véhiculer sa propre légende selon laquelle les spectateurs auraient été effrayés par le train fonçant sur eux et auraient paniqués (selon d'autres versions, ils auraient simplement sursautés ^^)**. L'art de la composition photographique en mouvement est ici tellement éclatant qu'il génère involontairement les prémisses de la grammaire cinématographique dont s'empareront 15 ans plus tard les premiers grands cinéastes américains. Citons l'utilisation spectaculaire de la profondeur de champ qui fait une entrée fracassante dans l'histoire du cinéma par le choix d'un cadrage en diagonale avec un point de fuite vers la droite, mais aussi la succession de plans de plus en plus rapprochés liés au mouvement du train ainsi que l'utilisation du hors-champ puisque la locomotive finit par passer derrière la caméra (celle-ci restant fixe) sans parler des mouvements des voyageurs qui ne cessent d'entrer et de sortir du cadre tandis que les nuages de vapeur qui envahissent le cadre quelques instants renforcent l'effet réaliste. Comme le dit très justement un internaute sur Allociné " Bien qu'il ne dure que soixante secondes, ce film dure l'éternité, et oui car il y a là plus que la simple arrivée d'un train, il faut voir l’apparition d'un art. De notre art."

On peut également souligner l'intérêt documentaire du film qui nous montre l'un des symboles de la révolution industrielle incarnant la modernité et la vitesse alors que l'automobile et l'aviation n'en étaient encore qu'à leurs balbutiements.

* A cause de l'usure très rapide des négatifs de l'époque, le film existe en plusieurs versions.

** Selon les historiens du cinéma, le film ne fait pas partie des 10 qui furent projetés en décembre 1895, il l'aurait été le mois suivant donc en janvier 1896.

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La Sortie des usines Lumière à Lyon

Publié le par Rosalie210

Louis Lumière (1895)

La Sortie des usines Lumière à Lyon

Une invention est rarement le fruit du génie d'un seul homme mais plutôt le résultat d'une chaîne d'innovations, celui qui parvient à la rendre décisive passant à la postérité. La paternité du premier film de l'histoire du cinéma est le reflet de la rivalité entre Thomas EDISON et Louis LUMIÈRE, chacun revendiquant l'invention du cinéma. Les historiens s'accordent aujourd'hui à accorder la primauté de la réalisation de films à William Kennedy Laurie Dickson, l'ingénieur électricien de Thomas EDISON qui en a tourné 70 entre 1891 et 1895. "La sortie de l'usine Lumière à Lyon" n'est donc pas le premier film de l'histoire du cinéma mais le premier film Lumière de l'histoire du cinéma. En revanche ce sont bien les célèbres frères qui ont les premiers eu l'idée de projeter au public les films qu'ils avaient tournés en spectacle collectif grâce à leur cinématographe qui était à la fois une caméra, une tireuse et une visionneuse alors que les images tournées par Dickson à l'aide d'une caméra appelée kinétographe ne pouvaient être vues qu'individuellement dans un appareil appelé kinétoscope à travers un œilleton (un peu comme avec un microscope, un télescope ou une paire de jumelles).

"La sortie de l'usine Lumière à Lyon" (usine de plaques photographiques) est typique de l'art cinématographique tel que l'ont conçu les Lumière. De même que Georges MÉLIÈS a naturellement glissé du spectacle de magie vers les effets spéciaux, les Lumière sont passés de la photographie au documentaire. Un art documentaire composé de vues photographiques animées filmées en caméra fixe. Autrement dit l'art des Lumière passe par le choix du cadre et de l'angle de prise de vue ainsi bien sûr que de tous les éléments qui vont se déplacer à l'intérieur de ce cadre (sans parler de la lumière, cruciale pour impressionner suffisamment la pellicule). Car les Lumière sont aussi sans le savoir des "directeurs d'acteurs", en demandant à leurs ouvriers de se partir vers la droite ou vers la gauche une fois la porte franchie. Bien sûr tout cela restait embryonnaire et il ne faut pas oublier que les Lumière ne croyaient pas en la pérennisation de leur invention.

Un autre aspect intéressant de ce film c'est qu'il existe en trois versions (une quatrième a été tournée deux ans plus tard, en 1897). Ceux qui pensent que le "remake" est une invention des studios hollywoodiens ont tout faux ^^^. Néanmoins les raisons de ces multiples versions étaient très différentes d'aujourd'hui, elles étaient avant tout liées à des considérations techniques. Les trois versions se ressemblent beaucoup mais on peut s'amuser à relever les quelques différences, par exemple la version la plus complète où la porte se referme, celle qui ne comporte pas de voiture à cheval et surtout la première où les ouvriers sont en tenue de travail se distingue des deux autres "rejouées" par les costumes du dimanche qu'ils portent.

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Le passé ne meurt pas (Easy Virtue)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1928)

Le passé ne meurt pas (Easy Virtue)

"Easy virtue", film muet de Alfred HITCHCOCK un peu écourté et abimé par le temps introduit déjà tous ses thèmes de prédilection. Tiré d'une pièce de théâtre de Noël Coward ("Brève rencontre", adapté au cinéma par David LEAN est son œuvre la plus célèbre), il s'agit d'un film de procès. Même lorsque celui-ci semble prendre fin au bout de 20 minutes, il continue implicitement jusqu'au dénouement où il refait surface avec le même plan du juge qu'au début. La structure du film est en effet cyclique et sans issue. La "bonne" société patriarcale y juge une fausse coupable, à l'aune d'apparences accablantes: elle a osé poser pour un peintre qui la courtisait ouvertement et lui a légué sa fortune donc il est forcément son amant et il l'a débarrassé de son mari CQFD. Ce passé la poursuit (thème aussi récurrent chez Alfred HITCHCOCK que celui du faux coupable) jusque sur la Riviera où elle tente de refaire sa vie avec un nouveau prétendant. Mais celui-ci s'avère être un homme faible d'esprit vivant sous la coupe d'une génitrice abusive (combien de marâtres et de mère castratrices chez Alfred HITCHCOCK?) qui rejette l'intruse et finit par percer son secret avec un petit coup de pouce de la presse à scandales. Bref si le thème de la femme de petite vertu (ou jugée comme telle et de ce fait perdue de réputation) est complètement obsolète aujourd'hui, et l'histoire, pas exempte de longueurs en dépit de la brièveté du film, la mise en scène brillante de Alfred HITCHCOCK suffit à relever le niveau et l'actrice principale, Isabel JEANS (ex-épouse de Claude RAINS, le futur mari sous influence matriarcale dans "Les Enchaînés" ^^) (1945) est très émouvante, notamment dans sa réplique finale lorsqu'elle s'offre aux caméras à la sortie du tribunal et qu'elle leur dit "Shoot ! There is nothing left to kill !" ce qui a été traduit par "Allez-y, mitraillez-moi, je suis déjà morte!".

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Le Monde perdu (The Lost world)

Publié le par Rosalie210

Harry O. Hoyt (1925)

Le Monde perdu (The Lost world)

"Le Monde perdu" est l'œuvre matricielle d'où sont sortis des films de monstre tels que les "Jurassic park" (du côté des USA) et les "Godzilla" (du côté du Japon). Il préfigure également le premier chef- d'œuvre parlant du genre "King-Kong" qui reprend la même technique mélangeant prises de vue réelles et animation en stop motion pour les créatures fantastiques ou disparues. "Le Monde perdu" et "King Kong" sont les deux réussites les plus éclatantes de Willis O'Brien, l'inventeur et le metteur en scène de cette technique d'effets spéciaux*. En dépit de leur âge, les scènes mettant en scène les dinosaures restent impressionnantes (dommage qu'il y ait parmi eux un homme déguisé en singe qui ne fait quant à lui pas du tout illusion). Il y a même devant leur fuite éperdue devant l'éruption volcanique et l'incendie géant qui en résulte une étrange résonnance contemporaine.

Ceci étant si "King Kong" est davantage passé à la postérité que "Le Monde perdu" (sauf via des citations dans ses avatars contemporains) c'est à cause principalement de son scénario. Celui du "Monde perdu", adapté du livre éponyme de Sir Conan Doyle (le père de Sherlock Holmes) paru en 1912 relève du récit d'aventure divertissant à la Jules Verne ou H.G Wells** alors que celui de "King-Kong", bien que présentant des similitudes avec celui du "Monde perdu" (dont il s'est sans doute inspiré) est plus érotique, plus tragique et intègre une puissante dimension de critique politique et sociale. Bref il y a comme une différence de maturité ^^. Le contexte des deux films a sans doute une incidence dans leur tonalité. "Le Monde perdu" a été écrit à la Belle Epoque et réalisé durant les "roaring twenties" alors que "King Kong" date du début des années 30 alors que sévissait la grande crise. 

* Ici assisté de Marcel Delgado qui créa les modèles réduits de sauriens à l'aide d'une armature métallique recouverte de caoutchouc et de matière spongieuse afin de faire illusion à l'écran.

** Le dénouement du "Monde perdu" peut être considérée comme l'histoire de la genèse du monstre du Loch Ness.

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The Dinosaur and the missing link: a prehistoric tragedy

Publié le par Rosalie210

Willis O'Brien (1915)

The Dinosaur and the missing link: a prehistoric tragedy

"The Dinosaur and the missing link: a prehistoric tragedy" est le premier film réalisé par Willis O'Brien en 1915. Il combine ses deux passions: les dinosaures et l'animation en stop motion dont il est un pionnier. C'est en effet en manipulant des figurines en pâte à modeler qu'il fabriquait lui-même qu'il a eu une idée géniale. En s'inspirant des techniques utilisées pour animer les dessins il a l'idée d'enregistrer millimètre par millimètre tous les déplacements de ses figurines pour que le défilement des images créé l'illusion du mouvement. Après un essai concluant d'une durée de une minute montrant un combat entre un homme des cavernes et un dinosaure, il décide de créer un court-métrage d'animation avec cette technique, c'est "The Dinosaur and the missing link: a prehistoric tragedy" qui en dépit de son titre est comique et se situe quelque part entre les "Pierrafeu", la partie préhistorique de "Les Trois âges" (1923) et pour les anachronismes tels que "je vous offrirai bien le thé mais celui-ci n'a pas encore été inventé", "The Three Must-Get-There" (1922). Par la suite, Willis O'Brien a perfectionné cette technique dans le domaine des effets spéciaux pour le cinéma de science-fiction en prises de vues réelles qui offrait plus de débouchés que les films d'animation avec la consécration de "King Kong" (1932). Il faut d'ailleurs souligner que si ce court-métrage a été réalisé en 1915, il n'est sorti qu'en 1917 lorsque la compagnie Edison l'a acheté et l'a distribué.

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The Ghost of Slumber mountain

Publié le par Rosalie210

Willis O'Brien (1918)

The Ghost of Slumber mountain

Georges MÉLIÈS est le père des effets spéciaux. Willis O'Brien est le père des effets spéciaux des films de monstre. Il est en effet l'un des pionniers de la technique d'animation en stop motion qui l'a rendu célèbre avec la création et l'animation du bestiaire de "King Kong" (1932) (y compris son gorille géant). Il a également réalisé un long-métrage célèbre "Le Monde perdu" (1925) dans lequel il a donné libre cours à sa passion pour les dinosaures. C'est cette passion conjuguée à celle des effets spéciaux qui l'a amené à faire du cinéma. Son premier film en 1915, "The Dinosaur and the Missing Link: A Prehistoric Tragedy" était déjà consacré à ces animaux préhistoriques.

La postérité de Willis O'Brien est immense. Elle se divise en deux grandes catégories. D'une part les cinéastes qui réalisent des films d'animation en volume et se réclament de son héritage comme Tim BURTON ou Nick PARK et de l'autre, les réalisateurs de films fantastiques et de science-fiction qui se sont fortement inspirés de son élève Ray HARRYHAUSEN: George LUCAS, Steven SPIELBERG, James CAMERON etc. Tous ont intégré de la stop motion à un moment ou à un autre dans leurs films (le jeu d'échecs animé de Star Wars par exemple) mais la filiation la plus éclatante est celle de "Jurassic Park" (1993) qui par sa thématique, ses choix de mise en scène et de techniques d'effets spéciaux a rendu "Le Monde perdu" (1925) éternel. Le titre de la suite est d'ailleurs sans équivoque, "THE LOST WORLD: JURASSIC PARK" (1997).

"The Ghost of slumber mountain" durait à l'origine 40 minutes. Mais à la suite d'une querelle entre Willis O'Brien et le producteur Herbert M. Dawley (à qui certains attribuent même la paternité du court-métrage) il fut réduit à 18 minutes. Il vaut surtout pour les séquences où apparaissent les bébêtes préhistoriques dans le viseur d'un objet permettant de voyager dans le temps: un brontosaure paissant dans un sous-bois, un oiseau géant mangeant un petit serpent, un combat entre deux tricératops et enfin, le clou du film, un combat entre un tricératops et un tyrannosaure.

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L'homme à la tête de caoutchouc

Publié le par Rosalie210

Georges Méliès (1901)

L'homme à la tête de caoutchouc

Un des courts-métrages les plus fameux de Georges MÉLIÈS dans lequel celui-ci utilise plusieurs trucages maîtrisés à la perfection: fond noir, arrêt caméra, surimpression, jeu sur la perspective et le cadre dans le cadre pour créer l'illusion d'une tête coupée (la sienne) qui gonfle et se dégonfle comme un ballon actionné à l'aide d'un soufflet par un apothicaire (lui-même). Contrairement à ce que pensait l'historien du cinéma George Sadoul, ce n'est pas la caméra qui s'approche du sujet mais à l'inverse le sujet qui s'approche (ou s'éloigne) de la caméra à l'aide d'un chariot monté sur rails. Georges MÉLIÈS qui se plaçait du point de vue du spectateur de son théâtre Robert Houdin n'imaginait pas en effet qu'il pouvait bouger la caméra. Quant au gag final, il créé un effet de surprise, à la fois burlesque et terrifiant qui fait penser à un cartoon. Les corps vivants chez Georges MÉLIÈS subissent en effet toutes sortes de transformations impossibles dans la réalité mais abondamment utilisées dans le cinéma d'animation burlesque: aplatissement, démembrement, éclatement, dédoublement, lévitation, grossissement, rapetissement, disparition, réapparition etc.

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Le village du Péché (Baby ryazanskie)

Publié le par Rosalie210

Olga Preobrajenskaïa (1927)

Le village du Péché (Baby ryazanskie)

Dernier des films complets qui me restait à voir sur le coffret de 4 DVD de la collection Lobster consacré aux pionnières du cinéma sorti en 2018 (la même année que le documentaire américain "Be Natural, the untold story of Alice Guy-Blaché"), "Le village du Péché" est une merveille. Réalisé par la première cinéaste soviétique, Olga PREOBRAZHENSKAYA en 1927, le film est digne de ses contemporains les plus illustres qu'ils soient allemands ou américains. Avec un sens aigu de la composition du cadre et une expressivité stupéfiante, la réalisatrice nous livre un récit puissant qui se situe à la lisière du documentaire sur le mode de vie de la paysannerie russe des années 20 et de la fiction mélodramatique avec un regard résolument féministe. Les gros plans sur les visages dans les premières scènes suffisent à faire comprendre les enjeux du film au spectateur: rayonnement de Anna et d'Ivan qui tombent amoureux au premier regard ainsi que de ceux de l'autre couple du film, Wassilissa et Nicolas, air fuyant ou sournois de Vassili, le père tyrannique et concupiscent, mine acariâtre de sa deuxième femme, Loukeria qui méprise et jalouse sa bru. Ces visages en gros plan individualisent les protagonistes et leurs destins particuliers en les articulant admirablement aux scènes de la vie champêtre filmées avec beaucoup de dynamisme, transformant nombre de plans en de véritables tableaux vivants à la fois remplis de détails prosaïques sur la culture matérielle de ce microcosme paysan (scène de lessive, de moisson, de mariage, de fête religieuse) et d'une grande beauté esthétique. La grande guerre de 1914-1918 qui précipite le drame familial reste toujours hors-champ mais ses répercussions font particulièrement ressortir les effets délétères du patriarcat où le chef de famille veut diriger la vie de ses enfants et exercer son droit de cuissage sur sa belle-fille. Par un mécanisme toujours d'actualité, la victime devient coupable, rejetée même par son propre mari sans qu'elle ne trouve la force de se révolter. La seule note d'espoir provient de Wassilissa, sa belle-soeur qui en désobéissant à son père s'affranchit également des conventions morales du village dont elle subit pourtant quotidiennement le harcèlement. Mais le bouleversement lié à la guerre lui permet de trouver sa place auprès des enfants laissés orphelins et c'est elle qui recueille le bébé d'Anna.

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La Souriante Madame Beudet

Publié le par Rosalie210

Germaine Dulac (1922)

La Souriante Madame Beudet

Germaine DULAC s'avère inspirée lorsqu'il s'agit de traiter de la mésentente conjugale et de la condition féminine dans le système patriarcal. Madame Beudet est une déclinaison moderne de Madame Bovary, cette provinciale cultivée qui dépérit au milieu de l'étroitesse d'esprit des gens de son entourage et dans un mariage bourgeois avec le mesquin et brutal M. Beudet commerçant drapier de son état. Elle ne trouve de satisfaction que dans l'évasion toute relative que lui procurent les livres et la musique, quand son tyran de mari ne l'empêche pas de jouer du piano. Elle se venge donc en pensée de lui (une partie du film repose sur l'onirisme via des techniques cinématographiques telles que la surimpression) avant de commettre dans la réalité un geste potentiellement irréparable. Ce que filme Germaine DULAC va au-delà de la simple incommunicabilité. Cela relève de l'aversion presque épidermique. Quand M. Beudet mange sa soupe, le dégoût qu'il inspire à son épouse est palpable aux crispations de son visage et on sent presque l'air se raréfier quand il s'approche d'elle. C'est tout son art impressionniste qui s'exprime ici. Mais l'hostilité est réciproque car au visage fermé, atone de Mme Beudet (le titre est une antiphrase) répond le visage grimaçant de son mari dont la violence est à peine contenue. En effet le simulacre de suicide par lequel il tente de faire réagir son épouse (qui l'ignore) se transforme rapidement en tentative de meurtre. Auparavant, il avait passé sa rage sur une poupée à qui il avait arraché la tête. Cela en dit long, très long sur le degré de frustration, de refoulement (notamment sexuel) du personnage. Mais de façon très ironique, la tragédie se dérobe sous les pieds de la médiocrité petite-bourgeoise et le couple se voit condamner à cohabiter par habitude jusqu'à la fin de ses jours. L'arrière-plan façon théâtre de guignol m'a fait penser aux propos de Lacenaire dans "Les Enfants du Paradis" (1943):
"Lacenaire: je mets la dernière main à une chose tout à fait passionnante, et qui fera du bruit.
Édouard de Montray : Une tragédie, sans doute.
Lacenaire : Non, un vaudeville. Une farce. Ou une tragédie, pourquoi pas, si vous préférez. C’est pareil, tout cela. Aucune différence. Ou si peu de différence. Par exemple, quand un roi est trompé, c’est une tragédie, un drame de la fidélité. Ce n’est pas sa femme qui le trompe…
Frédéric : … non, c’est la fatalité.
Lacenaire : Oui, la fatalité. Mais s’il s’agit d’un pauvre diable comme vous et moi, monsieur de Montray – et, quand je dis moi, c’est une façon de parler – alors ce n’est plus une tragédie : c’est une bouffonnerie, une lamentable histoire de cornard."

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La Cigarette

Publié le par Rosalie210

Germaine Dulac (1919)

La Cigarette


"La Cigarette" est un drame bourgeois mâtiné d'une atmosphère presque fantastique. En effet la jalousie paranoïaque de Pierre (Gabriel SIGNORET), le mari égyptologue (d'âge mûr) vis à vis de sa jeune femme Denise (Andrée BRABANT) dont le comportement lui paraît frivole semble influencée par les ondes négatives d'une momie à l'histoire assez semblable sur laquelle il travaille et qu'il a fait placer près de son bureau. L'autre intérêt majeur du film est qu'il effectue un travail sur la notion de subjectivité. Toute la première partie dans laquelle nous n'avons accès qu'au point de vue de Pierre est accablante pour Denise qui semble chercher toutes les occasions de s'amuser loin de son mari et près d'un beau jeune homme (Jules RAUCOURT) qui la courtise. Mais plus le film avance, plus c'est le point de vue de Denise qui s'impose et qui accable son mari, incapable de communiquer avec elle tant il est emmuré en lui-même et dans son travail. Denise s'avère attentive et aimante (elle lui expose d'ailleurs les raisons de son amour pour lui à la fin du film) et finalement, c'est par le biais d'une cigarette potentiellement porteuse de mort que le courant parvient enfin à passer entre eux et à chasser la momie, symbolisant le fait que Pierre choisit finalement la vie plutôt que la mort. Ces digressions presque expérimentales par rapport au drame bourgeois traditionnel portent la marque de la réalisatrice, Germaine DULAC même si ses oeuvres plus radicales étaient encore à venir.

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