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Articles avec #horreur tag

Mary Reilly

Publié le par Rosalie210

Stephen Frears (1996)

Mary Reilly

Dans les années 90, il était à la mode de revisiter les grands mythes fantastiques sous un angle romantique. C'est ainsi qu'après le "Dracula" (1992) de Francis Ford COPPOLA, Stephen FREARS a proposé une nouvelle version de "L'étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde" de Robert Louis Stevenson. En fait comme pour son chef d'oeuvre "Les Liaisons dangereuses" (1988), il a fait un pas de côté en adaptant non pas directement l'œuvre originale mais une variation écrite par Valérie Martin et qui a pour particularité d'adopter le point de vue de sa servante, Mary Reilly. Il a d'ailleurs repris une bonne partie de l'équipe des "Liaisons dangereuses" de Christopher HAMPTON pour le scénario à John MALKOVICH pour le rôle du docteur.

L'idée du film que certains trouvent trop retenu, trop en demi-teinte est justement de laisser entrevoir ou de passer par la métaphore en accord avec une époque et un lieu nimbé de brumes masquant des gouffres insondables. Ainsi Mary Reilly apparaît comme l'âme sœur du docteur Jekyll, la seule capable de le comprendre et de percer ses secrets, quitte à aller fouiller au fond des siens. Le décor sert admirablement le propos du film, Mary étant obligé à chaque fois qu'elle se rapproche de l'âme du docteur de passer par le labyrinthe complexe de son laboratoire, séparé du reste de la maison par une cour intérieure et qui symbolise la personnalité scindée de Jekyll/Hyde. Mary elle-même a selon ses propres dires une ombre en elle, celle que lui a laissé son père sadique et incestueux et qu'elle porte comme une croix (d'où son dos toujours un peu voûté et ses cicatrices). Derrière son apparence conforme aux attentes vis à vis des femmes de ce temps et de ce milieu (soumission, effacement, discrétion etc.) se cache une âme tourmentée, attirée comme un aimant par Hyde qu'elle désire autant que Jekyll se consume pour elle. Les pulsions sexuelles non satisfaites étant dévastatrices, pas étonnant qu'elles se transmuent en pulsions mortifères, Mary côtoyant sans arrêt l'abîme du sexe et de la mort et entrevoyant des scènes de carnage derrière les portes quand ce n'est pas une anguille évocatrice qui se tortille entre ses mains. Si le jeu de Julia ROBERTS est un peu terne, celui de John MALKOVICH est étonnant de sobriété même dans le rôle de Hyde qu'il rend au final très proche de son modèle initial.

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Cube

Publié le par Rosalie210

Vincenzo Natali (1997)

Cube

"Cube" n'est pas devenu culte par hasard, c'est une claque cinématographique. Réalisé avec trois bouts de ficelles, ce film-cerveau canadien claustrophobique et paranoïaque génial se situe entre "Alien, le huitième passager" (1979) (dont il reprend le générique avec les lettres qui apparaissent progressivement), les grands géomètres du cinéma comme Stanley KUBRICK ou Christopher NOLAN et Kafka pour l'absurdité de la situation dans laquelle sont plongés les personnages, prisonniers* sans raison apparente d'un dédale spatio-temporel en forme de Rubik's Cube géant dont ils doivent comprendre les lois pour trouver la sortie sous peine de mourir. "Cube" a quelque chose d'une parabole sur la condition humaine. Chaque personnage porte en effet en lui une partie de la clé de l'énigme du fonctionnement du cube car doté de compétences particulières** mais seule leur collaboration peut leur permettre de la résoudre en totalité. Or "Cube" analyse les effets délétères de l'enfermement comme dans les films de Roman POLANSKI ou dans les jeux de télé réalité: la promiscuité, la peur, la faim, la soif, la fatigue, le désespoir mettent à rude épreuve les personnages jusqu'à révéler les pires aspects de la nature humaine. Ce sont moins les pièges mécaniques du Cube qui tuent, aussi horribles soient-ils que la sauvagerie humaine. Un homme d'ailleurs livré à lui-même car si les personnages se posent beaucoup de questions métaphysiques dans le film (qui a créé le Cube et dans quel but ce qui se rapporte à nos questions sur l'origine de la création de l'univers), les réponses sont claires: il n'y a pas de "Grand architecte" autrement dit pas de Dieu ni même de "Big Brother" totalitaire derrière le Cube. Chacun est ainsi renvoyé à lui-même et à ses représentations, le Cube pouvant s'apparenter à une projection de l'univers mental de chacun aussi bien qu'à une métaphore de la vie sur terre. La rationalité de Leaven peut par exemple déjouer mathématiquement les pièges mortels que renferme le Cube mais pas celui que représente Quentin, flic à l'allure de leader qui s'avère être un psychopathe tueur en série car son comportement échappe à toute logique quantifiable. L'architecte parvient à trouver la sortie mais perd l'envie d'en franchir le seuil devant la perspective de "la bêtise humaine" sans limite qui se trouve derrière.

* Leurs tenues et leurs noms se réfèrent d'ailleurs à des pénitenciers: Quentin, le policier a été baptisé d'après la prison d'état San Quentin à Marin County en Californie, Holloway la femme médecin porte le nom de la prison de Holloway à Londres, Kazan l'autiste se réfère à la prison de Kazan en Russie, Rennes, l'expert en évasion provient de la prison de Rennes en France, Alderson, le premier tué porte le nom de l'Alderson Federal Prison Camp à Alderson, dans l'Etat de Virginie et enfin Leaven, l'étudiante en mathématiques et Worth, l'architecte se partagent le nom du pénitencier de Leavenworth à Leavenworth, Kansas.

** Notamment Worth, l'architecte de la coque du Cube, Leaven qui déchiffre le langage mathématique et Kazan qui selon le cliché le plus répandu concernant les asperger est capable d'effectuer des calculs mentaux complexes. C'est un cliché car il y a beaucoup d'asperger qui n'ont pas de don particulier et pour lesquels les mathématiques sont un véritable cauchemar.

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L'Invasion des profanateurs de sépulture (Invasion of the body snatchers)

Publié le par Rosalie210

Don Siegel (1956)

L'Invasion des profanateurs de sépulture (Invasion of the body snatchers)

"L'invasion des profanateurs de sépulture" (traduction erronée du titre original "L'invasion des voleurs de corps") est l'un de ces films-matrice culte que j'ai découvert par le biais de ce qu'on appelle l'intertextualité au cinéma. En l'occurrence une scène entière de "Retour vers le futur" (1985) qui reprend celle, très célèbre, de l'autoroute. Et si je cite le film de Robert ZEMECKIS c'est parce qu'il a bien compris le sens de celui de Don SIEGEL. La scène en question se déroule au moment où Marty découvre Hill Valley en 1955. Or Hill Valley, comme Santa Mira est une petite ville américaine californienne typique de l'American way of life. Un panneau publicitaire à elle seule. Reste à savoir ce qui se cache derrière. Car ce qui rapproche aussi les deux micro-sociétés, c'est leur repli sur elles-mêmes comme s'il existait une barrière invisible qui les séparaient du reste du monde et comme s'il fallait s'en défendre (si elle devient visible alors on parle de gated community). Pas étonnant que ces communautés à la façade trop lisse pour être vraie soient hautement paranoïaques et si vulnérables à la psychose collective. La figure de l'alien, forcément hostile camoufle la peur encore plus profonde de l'ennemi de l'intérieur, celui qui sans faire de bruit prend possession de vous et vous prive de votre identité. Sauf que ceux qui ont le plus peur d'en être privés sont ceux qui n'en ont pas, ceux qui sont des coquilles vides malléables au lavage de cerveau. Lequel tournait dans les années 50 autour d'une peur primale des rouges et de tous ceux susceptibles d'être "contaminés" par les idées communistes, prétexte à une vaste épuration de la société américaine de ses "indésirables". Car dans son autobiographie, Don SIEGEL est très clair là-dessus. Ce qui menace les habitants de Santa Mira n'est pas le communisme mais l'embrigadement, symbolisé par la production de copies conformes aux originaux, sauf qu'il s'agit d'objets manufacturés et non plus d'êtres humains capables de ressentir et de penser par eux-mêmes. De vrais pantins obéissant aux ordres d'une autorité supérieure (ce n'est pas par hasard qu'il y a tant de flics dans le film). Bref les "cosses de l'espace" désignent en réalité une maladie bien américaine (et bien humaine): la peur panique de la différence, une émotion hautement manipulable. Car derrière son adhésion aux codes du genre de SF de série B, le film de Don SIEGEL est une oeuvre politique très clairvoyante sur la société américaine*.

* Me viennent à l'esprit des films comme "Blue Velvet" (1986) de David LYNCH, "Invasion Los Angeles" (1988) de John CARPENTER, "Edward aux mains d argent" (1990) de Tim BURTON "The Truman Show" (1998) de Peter WEIR qui chacun à leur manière décrivent la face cachée, monstrueuse et dictatoriale de l'Amérique puritaine.

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Dracula

Publié le par Rosalie210

Tod Browning (1931)

Dracula

"Dracula" n'est pas le premier film consacré au célèbre vampire transylvanien créé par Bram Stoker puisqu'il y avait eu quelques années auparavant le chef d'œuvre muet de Friedrich Wilhelm MURNAU, "Nosferatu le vampire" (1922). Mais c'est le premier film officiel puisque Murnau n'avait pas acheté les droits du roman. Force est de constater que bien que mythique dans le genre, il n'a pas réussi à s'imposer au panthéon de la cinématographie mondiale au contraire du film de Murnau et de "Frankenstein" (1931) de James WHALE sorti quelques mois plus tard. C'est sans doute lié au fait que le film d'Universal est inégal. L'œuvre adaptée n'est en effet pas le roman de Bram Stoker mais la pièce de théâtre qui en a été tirée. Et cet aspect théâtral se fait un peu trop ressentir dans la deuxième partie du film qui se résume beaucoup à des conversations de salon au détriment du rythme et du langage visuel propre au cinéma. C'est d'autant plus dommage que l'ouverture du film était plus que prometteuse avec des décors grandioses, une photographie à tomber par terre (normal, c'est le grand chef opérateur allemand Karl FREUND qui officie à ce poste), une atmosphère bien glauque et une interprétation magnétique d'un Bela LUGOSI littéralement habité par son personnage (qu'il interprétait déjà au théâtre). Toutes les scènes où il apparaît, drapé dans sa grande cape noire avec son maintien aristocratique et son élocution lente et onctueuse et encore plus celles où il est filmé en gros plan avec son regard perçant, hypnotique magnifié par la photo de Freund fascinent aujourd'hui encore. Une fois possédé, Dwight FRYE dans le rôle de son visiteur Renfield fournit une prestation hallucinée également tout à fait remarquable. Enfin en dépit de la mise en scène trop sage de la partie londonienne, on ressent bien ce que cette histoire a de subversif sexuellement parlant. En effet il y a beaucoup de plans de Dracula pénétrant dans les chambres de jeunes femmes endormies sous sa forme de chauve-souris avant de les dévorer ^^ (du regard, les morsures restant suggérées). L'aspect morbide de la relation charnelle entre Mina (Helen CHANDLER) et Dracula est indissociable d'une aura romantique dont son fiancé officiel, John Harker (David MANNERS) est totalement dépourvu. D'ailleurs comment pourrait-il la protéger et de quoi puisqu'à lui, sa chambre est défendue.

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Le Silence des agneaux (The Silence of the Lambs)

Publié le par Rosalie210

Jonathan Demme (1991)

Le Silence des agneaux (The Silence of the Lambs)

"Le silence des agneaux" n'est pas seulement le thriller psychanalytique et horrifique qui a renouvelé le genre dans les années 90 comme l'avait fait en son temps "Psychose" (1960). C'est un film très fort qui sort des sentiers battus et bénéficie d'un scénario*, d'une mise en scène et d'une interprétation hors-pair. La comparaison avec Alfred HITCHCOCK s'impose tant la mise en scène est précise et rigoureuse, nous faisant comprendre les intentions des protagonistes à travers les mouvements de caméra sur des objets-clés tels qu'un stylo, instrument d'une scène d'évasion spectaculaire et sanglante ou un papillon symbole de la métamorphose corporelle du criminel. En même temps cette mise en scène use d'un art consommé du trompe l'œil en nous égarant jusqu'au bout sur des fausses pistes.

"Le silence des agneaux" dépeint l'envers de l'Amérique hygiéniste, puritaine et bien-pensante. Tout y est glauque, poisseux, oppressant. A l'image du puit dans lequel le tueur enferme ses victimes, on a l'impression de plonger dans une fosse à purin d'autant que les perspectives sont bouchées (dans une suprême ironie, on voit un dessin représentant la ville de Florence, temple de l'art de la Renaissance fondé sur la ligne de fuite apposé contre un mur de cachot).

Mais si ce film a marqué autant les esprits, c'est surtout pour le face à face fascinant parce qu'ambivalent entre Clarice Sterling, la jeune agent du FBI jouée par Jodie FOSTER et le psychopathe cannibale Hannibal Lecter qui a été pour Anthony HOPKINS le rôle de la consécration internationale. Ces deux êtres semblent en effet liés malgré la vitre qui les sépare et les rôles sociaux qui les opposent. Tous deux sont paradoxaux et hors-normes. Clarice est farouche, déterminée et en même temps très vulnérable. Son statut de femme-flic indépendante cache un passé traumatique que Lecter, ancien psychiatre détecte tout de suite. D'autre part en se comportant de façon asexuée, elle se heurte à beaucoup d'agressivité de la part du monde d'hommes qui l'entoure. Certains l'infantilisent, d'autres la traite avec condescendance ou bien cherchent à assouvir leurs pulsions sexuelles. La mise en scène suggère, particulièrement à la fin dans la scène inoubliable où elle affronte le tueur dans le noir qu'elle est une proie (l'agneau) face au(x) loup(s) et qu'elle rejoue son passé. La victime qu'elle vient sauver est symboliquement une sorte de double d'elle-même. Hannibal Lecter qui est supérieurement intelligent est quant à lui un mélange détonant de suprême raffinement et de suprême bestialité. Avec ses yeux qui ne cillent jamais, il semble aspirer l'âme autant que la chair, sa nature de vampire ne faisant aucun doute (d'autant que ses sens sont particulièrement aiguisés). En même temps et paradoxalement, il se donne pour mission de guider Clarice dans sa quête (extérieure et intérieure) et de la venger des prédateurs qui l'entourent. Il n'est finalement guère surprenant que ce soit lui qui lui inspire au final le plus de respect (et réciproquement).

* Adapté du livre éponyme de Thomas Harris qui forme la deuxième partie d'une tétralogie consacrée à Hannibal Lecter. Les trois autres segments, "Hannibal" (2000), "Dragon Rouge (2002)" et "Hannibal Lecter : les origines du mal" (2006) ont été depuis adaptés au cinéma mais sans le génie qui caractérise le film de Jonathan DEMME.

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Les Chasses du comte Zaroff (The Most Dangerous Game)

Publié le par Rosalie210

Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel (1932)

Les Chasses du comte Zaroff (The Most Dangerous Game)

Voilà un film méconnu en réalité très connu puisqu'il a été repris, en tout ou en partie dans de multiples autres œuvres, entre remakes et source d'inspiration pour des classiques comme "Les Yeux sans visage" (1960) et "Délivrance" (1971) jusqu'aux jeux vidéos contemporains. Pour ma part, j'en ai découvert la trame toute petite sans le savoir avec le vingtième épisode de la série "Ulysse 31", "Le Magicien noir" (la série de Jean CHALOPIN et de Nina WOLMARK reprend énormément d'éléments de films de SF et fantastiques, de "Alien" et "2001" pour Shyrka à "L'invasion des profanateurs de sépulture" qui est la base du scénario du "Marais des doubles" en plus d'être une formidable réinterprétation SF de l'œuvre d'Homère).

"Les chasses du comte Zaroff" est l'œuvre jumelle de "King Kong" (1932) à ceci près que Merian C. COOPER se contente d'en être le producteur préférant se concentrer sur le tournage de "King Kong" (1932) que Ernest B. SCHOEDSACK rejoindra, une fois "Les chasses du comte Zaroff" terminé. C'est pourquoi les deux films partagent non seulement les mêmes décors, le même compositeur, une partie de l'équipe technique et de la distribution mais ils ont aussi la même philosophie, d'une actualité brûlante. Cet aristocrate russe dégénéré (pour ne pas dire psychopathe) qui pour tromper son ennui n'a pas trouvé mieux que de de piéger et de pourchasser ses congénères n'est pas seulement l'incarnation du fait que l'homme peut être un loup pour l'homme. Il illustre "l'inconsistance de la civilisation [occidentale]". Alors que "les animaux qui tuent pour assurer leur subsistance sont appelés sauvages" (ce que Isabelle Filiozat appelle l'agressivité biophile, au service de la vie), "l'homme qui tue pour le sport est qualifié de civilisé" (ce que la même auteure qualifie de destructivité qui est à l'origine des guerres et aujourd'hui du désastre écologique nourrissant les appétits des prédateurs de la finance et de leurs obligés politiques et médiatiques). Et Bob le chasseur de renchérir en précisant que "ce monde est divisé en deux catégories: les chasseurs et les chassés. Par chance je suis un chasseur, et rien ne pourra changer cela". Et pourtant, le simple fait de refuser de chasser le gibier préféré du comte Zaroff qui incarne cette "morale" jusque dans ses prolongements les plus extrêmes suffira à faire basculer Bob du côté des chassés dans une lutte pour la vie tout à fait annonciatrice de l'idéologie nazie (le film date de 1932 soit peu de temps avant l'arrivée de Hitler au pouvoir). Si le film est si marquant, c'est aussi qu'il frappe l'inconscient collectif avec des images (la jungle, les marais, le brouillard) qui ont la puissance d'un conte tel que "Barbe-Bleue" dont la découverte de la "chambre secrète" équivaut à un arrêt de mort ou "Le petit Poucet", sa forêt profonde et son ogre terrifiant (et tellement d'actualité avec ce français d'origine russe coupable d'innombrables crimes pédophiles sur plus de 40 années).

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Alien: Résurrection (Alien 4)

Publié le par Rosalie210

Jean-Pierre Jeunet (1997)

Alien: Résurrection (Alien 4)

Alors que "La Cité des enfants perdus" (1994) en dépit de sa sophistication visuelle ne m'a jamais pleinement convaincue, "Alien : Résurrection" (1997) qui reprend une partie de la même équipe (le réalisateur Jean-Pierre JEUNET, le directeur de la photographie Darius KHONDJI, les acteurs Dominique PINON et Ron PERLMAN) a réussi à se greffer habilement sur l'univers créé en 1979 par Ridley SCOTT et ensuite réinterprété par James CAMERON et David FINCHER. Il y a quelque chose de la plasticité du mythe dans cette quatrième relecture qui divise davantage que les trois premières mais qui ne manque pas non plus d'intérêt. Le rire se substitue à l'angoisse, le film ayant un côté franchement grotesque (notamment dans le gore) aussi propre à l'univers de Jeunet que "l'effet bocal" de sa splendide photographie mais la réflexion se situe dans la parfaite continuité des autres volets. Jean-Pierre JEUNET joue comme Ridley SCOTT sur la frontière entre l'humain et le non-humain avec ses savants fous fascinés par leur monstrueux reflet, leurs cobayes/chair à canon et les créatures prométhéennes qui sont issues de leurs expériences. Mais Jean-Pierre JEUNET ajoute une dimension d'hybridation qui n'existait pas dans les autres films réalisés par des américains. La culture anglo-saxonne rétive au métissage et au contraire réceptive au manichéisme se fait sentir dans les trois premiers films où l'alien est pensé comme une projection de la partie sombre de l'être humain, transformée en un "autre" nuisible qu'il faut expulser de soi et détruire quitte à se détruire avec. Dans le Jeunet, le personnage de Ripley (Sigourney WEAVER) a été ressuscité par des manipulations génétiques à partir de prélèvements effectués sur le lieu de sa mort qui ont abouti au mélange de son ADN avec celui de la reine alien qu'elle portait dans son ventre. Conséquence, le sang de Ripley est devenu acide, sa force est décuplée, son corps surgit d'une chrysalide et sa psyché est en étroite connexion avec celle des aliens alors que la reine alien devenue vivipare accouche d'un être hybride humain-alien*. Certes celui-ci est détruit tout comme la reine mais les deux seuls éléments féminins survivants du film, Ripley et Call, sa "nouvelle fille adoptive" (Winona RYDER) qui incarnent l'avenir de l'humanité ne sont humains ni l'un ni l'autre.

* "Parasite" de Hitoshi Iwaaki joue exactement sur le même principe avec l'histoire d'un extra-terrestre qui ayant échoué à prendre le contrôle d'un cerveau humain, se substitue à sa main et devient ainsi une partie de lui au point que leurs deux "personnalités" finissent par se mélanger.

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Alien 3 (Alien³)

Publié le par Rosalie210

David Fincher (1992)

Alien 3 (Alien³)

Le chapitre millénariste et nihiliste de la saga Alien a le mérite de proposer quelque chose de différent des deux premiers volets même s'il se situe soigneusement dans leur continuité: les premières images reprennent celles de la fin du film de James CAMERON, la logique du sacrifice d'un groupe au profit d'intérêts militaires et géopolitiques est respectée ainsi que le climat claustrophobique du premier volet et c'est Pete POSTLETHWAITE qui reprend le cultissime "kitty, kitty" que Harry Dean STANTON prononçait dans le film de Ridley SCOTT. De plus le film file la métaphore de l'Alien comme une projection du "monstre qui est en nous" bien plus explicitement que ne le faisaient les deux premiers films. En se situant dans une prison composée de dangereux psychopathes mais aussi en faisant de Ripley (Sigourney WEAVER, de plus en plus androgyne) un être maudit. Maudit parce que condamné à errer sans fin dans l'espace, maudit parce que condamné à voir ses compagnons de route périr et elle seule survivre, maudit parce qu'ayant trop côtoyé l'Alien pour rester extérieure à lui, maudit parce que destiné à perpétuer son espèce. De ce point de vue David FINCHER est aux antipodes de James CAMERON. Alors que ce dernier dans le chaos ambiant s'évertuait à préserver l'humanité de ses personnages et à recréer un cocon familial (bref à rassurer, à redonner des repères), David FINCHER détruit tout le dispositif (au grand dam de Cameron d'ailleurs) pour faire au contraire de Ripley la mère du monstre, la "mauvaise" mère, celle-ci étant obligée de disparaître avec lui pour s'en débarrasser. Le même pessimisme est à l'œuvre d'ailleurs en ce qui concerne les robots androïdes. Alors que James CAMERON avait donné beaucoup d'humanité à Bishop, tendant à faire penser que son créateur était un homme de bien, David FINCHER en fait au contraire l'un des dirigeants qui souhaite s'emparer de l'alien pour en faire "l'arme ultime". Cette confrontation de points de vue est donc tout à fait intéressante car elle complète la réflexion de la saga sur l'altérité féminine vue comme un potentiel danger (ce n'est pas un hasard si de film en film Ripley se masculinise toujours plus) et surtout la maternité qui est un processus qui échappe encore largement au contrôle humain et qui est de ce fait le lieu de tous les fantasmes. Il n'en reste pas moins que la mise en scène est parfois redondante (la traque, fuite, capture du monstre ressemble à un jeu vidéo qui n'en finit pas), la photographie chromatique finchienne est très glauque et il faut supporter son goût pour l'organique (insectes et vers sur les cadavres, autopsie filmée de façon à voir l'intérieur du corps etc.). Si la mue de l'alien, né d'un animal et ayant pris son apparence est intéressante, les effets spéciaux apparaissent aujourd'hui un peu grossiers, l'incrustation de la créature dans l'image est notamment par trop visible.

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Aliens, le retour (Aliens)

Publié le par Rosalie210

James Cameron (1986)

Aliens, le retour (Aliens)

"Aliens, le retour" est une suite réussie de "Alien, le huitième passager" (1979). James CAMERON qui était alors au début de sa carrière établit des éléments de continuité avec le chef d'oeuvre de Ridley SCOTT tout en développant son style propre. Si l'on retrouve donc une grande quantité d'éléments faisant écho au premier film (personnages, objets, plans, éléments de mise en scène dont une dernière demi-heure de climax particulièrement prenante se terminant par l'explosion non d'un vaisseau mais d'une planète et l'expulsion de l'alien caché du vaisseau de secours), on a affaire ici à une version XXL spectaculaire remplie d'action et d'effets spéciaux qui fait plus penser à un film de guerre SF du type "Starship Troopers" (1997) qu'au huis-clos anxiogène intimiste du premier volet. Mais James CAMERON a un véritable talent pour jouer sur les échelles. Il ne perd jamais de vue son personnage principal et lui donne même une ampleur qu'il n'avait pas chez Ridley SCOTT. Avec James CAMERON, Ripley (Sigourney WEAVER) devient l'un de ces personnages féminins particulièrement forts qu'il affectionne. Et si le titre du film de Cameron est au pluriel (car de même que les protagonistes humains, le nombre d'aliens à combattre est démultiplié), Ripley se retrouve à livrer un duel avec la reine-mère des aliens et l'un des enjeux du film se focalise sur la maternité (il y a quelque chose de "L'origine du monde" jusque dans le titre). L'exploration de l'espace dans le premier film cède ici la place à sa colonisation avec le même cynisme des dirigeants consistant à envoyer au casse-pipe les citoyens ordinaires pour s'emparer de terres et de spécimens extra-terrestres afin on l'imagine de les transformer en machines de guerre à leur service. C'est contre cette monstruosité que s'insurge Ripley qui défend toujours l'humain contre les intérêts géopolitiques ou militaires. Dans le premier film, elle affrontait Ash, le robot androïde scientifique programmé par la compagnie pour ramener l'alien. Dans le deuxième, elle affronte son avatar, Burke (qui bien que fait de chair et de sang est bien moins humain que le robot androïde les accompagnant, Bishop. Cameron souligne à plusieurs reprises que les robots sont à l'image des humains qui les créent). C'est pourquoi le combat de Ripley contre la reine-mère alien peut se lire à plusieurs niveaux. Au premier degré, il s'agit de sauver Newt, la seule survivante de la colonie que Ripley adopte comme une fille de substitution (sa fille biologique étant décédée sans descendance au cours des 57 ans que Ripley a passé à dériver dans l'espace en hyper-sommeil entre le premier et le deuxième film). Au second, ce combat a pour enjeu l'avenir de l'humanité car si en tant que femme et mère, Ripley n'agit pas, sa destruction est programmée. Une vision des années 80 toujours aussi pertinente de nos jours.

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Alien, le huitième passager (Alien)

Publié le par Rosalie210

Ridley Scott (1979)

Alien, le huitième passager (Alien)
Alien, le huitième passager (Alien)


"Alien, le huitième passager" fait partie de ces films mythiques que j'ai vu sur le tard un peu à reculons tant mes nerfs supportent mal le genre horrifique. Mais il s'agit d'un grand film, à la mise en scène admirable de maîtrise (notamment par sa gestion du suspense dans la plupart des scènes, suscitant une montée progressive de l'angoisse) et à la thématique extrêmement riche. De ce fait, bien que réalisé en 1979, il a conservé intacte toute sa force de frappe.

Le premier long-métrage de Ridley SCOTT s'intitulait "Les Duellistes" (1977). Il s'agissait déjà d'une lutte pour la survie entre un "sage" et un "fou" en milieu hostile, tellement hostile d'ailleurs que le décor semblait déjà absorber les personnages, les fondre en lui. Pas étonnant qu'à l'opposé de l'intérieur du vaisseau de "2001, l'odyssée de l'espace" (1968) froid, net et clinique, celui du Nostromo soit sale, sombre, nébuleux et obstrué, comme l'intérieur d'un corps vivant. C'est Ridley SCOTT qui l'a rendu ainsi pour accentuer la sensation d'oppression et de claustrophobie caractéristique du film qu'il souligne également par de nombreux surcadrages notamment lorsqu'il filme les sas qui se referment comme les mâchoires d'un monstre sur les personnages. Car ce qui est au cœur "d'Alien", ce qui est aboli par ce dispositif, c'est la limite claire et nette entre l'humain et l'inhumain, la chair et l'acier, le "nous" et le "eux". Il y a bien sûr la nature même des animatroniques qui font leur apparition à la fin des années 70 et qui sont des robots recouverts de latex permettant de donner aux monstres une dimension charnelle et sensuelle, voire même humanoïde (ce qui préfigure la thématique principale de "Blade Runner") (1982). Il y a les peintures d'êtres biomécaniques du plasticien Hans Ruedi Giger qui a conçu le vaisseau alien du film et avec d'autres, l'alien lui-même, être sans visage, sans regard et donc sans âme à la forme hybride et mutante entre insecte, parasite et animal, entre amas de chairs molles et mâchoire d'acier. Il y a enfin le goût de Ridley SCOTT pour les univers brumeux qui estompent les contours et surtout son obsession de l'écoulement liquide qui s'infiltre partout. Dans "Alien", plus le film avance et plus on nage dans une ambiance moite et visqueuse (comme dans l'intérieur d'un corps humain, encore une fois). Les mâchoires de l'Alien sont en acier mais pleines de filaments de bave. Au fur et à mesure que l'étau se resserre, les corps se recouvrent de sueur. L'affrontement entre Ash (Ian HOLM) le fou et Ripley (Sigourney WEAVER) la sage est aussi un affrontement d'humeurs: le visage du premier se recouvre d'une substance blanchâtre épaisse qui trahit sa nature inhumaine alors que le sang sort de la narine de la seconde qui est 100% humaine. Le liquide semblable à de l'acide que contiennent les pinces de la créature (sous sa forme de "facehugger") est capable de percer toutes les coques du vaisseau et bien entendu elle s'avère également capable sous cette forme non seulement de se greffer sur le visage humain en le privant de son identité mais aussi de le pénétrer et de le féconder ce qui est à la racine du dégoût ou de la peur qu'inspirent certains invertébrés, les araignées et nombre d'insectes à la plupart des êtres humains. Ce sont en effet les nombreuses pattes et tentacules qui inquiètent de par leur capacité invasive. A l'inverse, le vaisseau est filmé comme un amas de boyaux qui digère les membres de son équipage un par un à la façon des "Dix petits nègres" de Agatha Christie (bien qu'ils ne soient que sept parmi lesquels on reconnaît aussi John HURT dans le rôle de Kane et Harry Dean STANTON dans celui de Brett). "Alien", influencé par le cinéma du nouvel Hollywood est de ce fait indissociable de son contexte, celui d'une Amérique traumatisée par la guerre du Vietnam qui lui a fait perdre son innocence en lui faisant réaliser que le mal n'était pas à l'extérieur d'elle mais en elle. Car "Alien" est aussi un film engagé, un film politique. Comme dans les "Les Sentiers de la gloire" (1957), le film met en scène (en hors champ) des décideurs cyniques face à des exécutants (cols blancs et cols bleus) qui ne savent pas qu'ils sont destinés à servir de chair à canon (du moins jusqu'à ce que Ripley le découvre). Comme pour "Blade Runner" (1982), Ridley SCOTT avait imaginé une fin radicalement pessimiste qu'il a dû "adoucir" mais qui a eu le mérite de proposer une alternative crédible à l'apocalypse: faire émerger une grande héroïne de SF, véritable icône féministe comme alternative à la civilisation techniciste machiste et faire accéder à la célébrité son interprète dont c'était le premier rôle majeur.

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