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Les Innocents (The Innocents)

Publié le par Rosalie210

Jack Clayton (1961)

Les Innocents (The Innocents)

Fantômes et fantasmes. Puritanisme et débauche. Sexualité (réprimée) et mort. Noir et blanc. Fleurs et reptiles. Statues et insectes. Images et sons. Enfants et adultes. Ces couples ne fonctionnent pas dans l'opposition mais selon le principe des vases communicants dans le film néo-gothique de Jack CLAYTON qui constitue l'adaptation la plus brillante du roman de Henry James, "Le Tour d'écrou" en parvenant à traduire cinématographiquement son ambiance oppressante et ses zones d'ombre. La réalisation, fondée sur la suggestion, le trouble, distille un malaise croissant alors que selon la dynamique de la contamination qui est à l'oeuvre durant tout le film, les "innocents" le paraissent de moins en moins. Ainsi le comportement de Miss Giddens (Deborah KERR, surdouée de l'interprétation des "vierges folles") face aux visions démoniaques qui l'assaillent se dérègle de plus en plus au point de devenir suspect. Cette vieille fille de pasteur encore désirable (et désirante à son corps défendant) mais corsetée, à l'image de la société victorienne devient un danger pour les enfants qu'elle est chargé de protéger. Enfants auprès desquels on pense qu'elle se réfugie comme un rempart contre sa peur du monde adulte mais manque de chance: ces enfants-là ont été corrompus. Sous le vernis policé de leur éducation aristocratique rôdent des pulsions de sexe et de mort inquiétantes qui se "matérialisent" sous la forme de spectres hantant les recoins du manoir, ceux de la gouvernante et du valet qui étaient chargés de les "éduquer" mais qui forniquaient dans tous les coins tout en se détruisant*. A cet endroit précis réside la principale zone d'ombre du livre et du film mais sa nature ne fait aucun doute. Le comportement séducteur de Miles (Martin STEPHENS), sa franchise déroutante qui révèle que le monde adulte n'a aucun secret pour lui et ses paroles en décalage complet avec son apparence de petit garçon de dix ans suscite un trouble croissant chez Miss Giddens dont le comportement se dérègle de plus en plus (tics nerveux, visage qui se couvre de sueur, vision troublée etc.) La religion s'avère impuissante à contenir ses pulsions. Le couple pervers la hante. Si consciemment elle veut sauver les enfants en les exorcisant, nul doute qu'inconsciemment elle veut prendre la place de Miss Jessel, l'ancienne gouvernante en chassant Flora à travers laquelle elle semble encore vivre pour mieux se retrouver seule avec Peter Quint le valet qui parle à travers la bouche de Miles. La dernière scène, magistrale, à la fois mortifère et orgasmique, se clôt sur un summum de malaise et d'ambiguïté.

* Je n'ai pu m'empêcher de penser à "The Servant" (1962) de Joseph LOSEY qui date de la même époque, histoire d'une subversion sociale et sexuelle dans laquelle le valet finit par posséder le maître à tous les sens du terme. Flora et Miles sont filmés comme des menaces dans "Les Innocents" notamment par le jeu de la contre-plongée, qu'ils le soient réellement ou seulement dans l'imagination de Miss Giddens.

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Les Chemins de la Haute Ville (Room at the Top)

Publié le par Rosalie210

Jack Clayton (1958)

Les Chemins de la Haute Ville (Room at the Top)

Le triomphe récent de "Parasite" (2019) a mis en lumière une dichotomie socio-spatiale entre les quartiers huppés situés sur les hauteurs et les bas-fonds prolétaires qui réactive celle que l'on trouvait déjà chez Akira KUROSAWA dans "Entre le ciel et l'enfer" (1963). Cette opposition de classe très géographiquement marquée se retrouve en Angleterre. Comme son titre l'indique "Les Chemins de la Haute Ville" (1958) est fondé sur un schéma assez similaire, celui d'un jeune homme pauvre mais ambitieux qui cherche à séduire la fille d'une famille fortunée pour grimper les échelons de la société. Il a servi de base au scénario de "Match point" (2005). En effet, comme dans le film de Woody ALLEN les ambitions de Joe sont contrariées par ses sentiments. Parallèlement à la cour assidue qu'il fait à la jeune Susan qu'il n'aime pas mais dont il a besoin pour se réaliser socialement il entame une liaison avec une femme plus âgée que lui et malheureuse dans son mariage. Certains pensent que le puritanisme anglais explique le choix d'une actrice française, Simone SIGNORET pour interpréter un rôle jugé sulfureux. Sauf que sa composition est bouleversante et échappe à tous les clichés (Simone SIGNORET a reçu un Oscar mérité pour ce rôle). Alice est une femme blessée et en manque d'amour mais elle a aussi une forte présence, une grande franchise et est d'une étonnante modernité. Il faut voir comment elle remet en place Joe qui lui fait une scène parce qu'elle a posé nue pour un peintre dans sa jeunesse ce à quoi elle rétorque que son corps est à elle.

Cependant Laurence HARVEY compose un Joe qui échappe au manichéisme. Sa motivation principale qui nous est signifiée dès le plan initial (un gros plan sur ses chaussettes élimées qu'il cache dans des chaussures impeccables) cache un profond sentiment de honte né dans les ruines de la guerre et une détestation de soi masochiste et autodestructrice. Sa conquête de Susan est ponctuée d'humiliations qui alimentent sa rage de parvenu alors qu'il renonce à l'amour vrai qu'il ressent pour Alice, un amour qui n'entre pas dans la norme et qui ne peut donc le servir. Reste alors la culpabilité et le sentiment amer d'avoir gâché sa vie. La réussite matérielle de Joe l'enfonce encore plus dans la haine de soi et l'une des dernières scènes dans laquelle il se laisse tabasser et traîner dans la boue sans réagir est extrêmement significative.

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