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Articles avec #horreur tag

Frankenstein

Publié le par Rosalie210

Kenneth Branagh (1994)

Frankenstein

« J'ai imaginé toutes ces machines parce que j'étais possédé, comme tous les hommes de mon temps, par une volonté de puissance. J'ai voulu dompter le monde. Mais j'ai voulu aussi passionnément connaître et comprendre la nature humaine, savoir ce qu'il y avait à l'intérieur de nos corps. Pour cela, des nuits entières, j'ai disséqué des cadavres, bravant ainsi l'interdiction du Pape. Rien ne me rebutait. Tout, pour moi, était sujet d'étude (...) Ce que j'ai cherché finalement, à travers tous mes travaux, et plus particulièrement à travers ma peinture, ce que j'ai cherché toute ma vie, c'est à comprendre le mystère de la nature humaine. »

Voici ce qu'écrivait Léonard de Vinci dans ses Carnets, vers 1510. L'esprit de la Renaissance humaniste qui imprègne Victor Frankenstein est symbolisé dans le film de de Branagh par le célèbre dessin de Vinci représentant l'Homme de Vitruve, mesure de toute chose et centre du monde. Il est présent aussi à travers l'allusion à la création d'Adam de Michel-Ange lorsque l'électrisation d'Elizabeth et de Victor fait jaillir une étincelle au bout de leurs doigts qui se frôlent.

Cependant l'histoire se situe au siècle des Lumières et de cela également Branagh tire un brillant parti en situant la demeure familiale de Victor dans un château mozartien lumineux et coloré (on y pense d'autant plus qu'Henry Clerval le médecin ami de Victor est joué par Tom Hulce qui 10 ans auparavant incarna Amadeus pour Milos Forman). Seul l'escalier en spirale jette une ombre sur ce décor rationnel et solaire tant il rappelle la tour tordue des films de Whale.

L'ancrage très fort du film dans l'histoire occidentale de la science et des arts s'explique aussi par une analogie évidente. Victor créé la vie exactement comme Branagh réussit à l'insuffler dans les œuvres qu'il adapte: en canalisant les flux énergétiques du cosmos (dont l'être humain est un échantillon) pour qu'ils traversent et animent des corps inertes. Le cinéma de Branagh se caractérise par une énergie à réveiller les morts. Son deuxième film s'intitule "Dead again" mais il aurait pu s'appeler "Born again": Il a revivifié Shakespeare, ressuscité Mary Shelley et fait également sortir de la tombe James Whale. Il y a l'escalier directement transposé du film des années 30 dans le film des années 90. Il y a l'union dans la mort de la créature et de son créateur que Whale n'avait pas pu filmer à cause des studios (qui voulaient un happy end pour Frankenstein et son épouse et censuraient ainsi l'aspect homosexuel/incestueux de sa relation à la créature). Il y a aussi des allusions à la médecine traditionnelle chinoise: le film de Branagh fait référence à l'acupuncture alors que dans celui de Whale, la créature à peine née recherche l'énergie solaire en faisant des gestes avec ses mains très semblables à ceux du Qi-Gong.

Le seul bémol de ce film est lié au fait que le rôle de la créature est moins finement écrit que dans le film de Whale et que Boris Karloff est irremplaçable. 

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King Kong

Publié le par Rosalie210

John Guillermin (1976)

King Kong

"King Kong" est le premier remake du chef d'œuvre de 1933. Il a paradoxalement beaucoup plus mal vieilli que son prédécesseur. Il ne faut pas en chercher très loin les raisons. C'est un film commercial aux effets kitsch typique des années 70, monté par un producteur un peu mégalomane sur les bords, Dino de Laurentiis qui a fait appel pour le réaliser à un bon faiseur de films catastrophes, John Guillermin. Le genre ,qui avait connu un pic de popularité avec "Les Dents de la mer" sorti un an auparavant, allait se ringardiser dès l'année suivante avec la sortie du premier "Star Wars".

Le résultat, divertissant, se suit sans déplaisir mais tombe parfois dans le ridicule, que ce soit au niveau des trucages, bâclés, ou au niveau des personnages, stéréotypés. On est à des années-lumière de la poésie et de l'onirisme de l'original. Les dinosaures sont d'ailleurs passés par pertes et profits et le serpent géant, seul rescapé de l'île avec Kong est assez peu animé. C'est d'autant plus dommage que la photographie est belle, la musique de John Barry inspirée et les acteurs, charismatiques. Mais Jeff Bridges et Jessica Lange (dont c'était le premier rôle) ne peuvent donner la pleine mesure de leur talent car leurs rôles ont été mal écrits. Bridges joue le rôle d'un scientifique écologiste et humaniste donneur de leçons face au représentant d'une compagnie pétrolière tout aussi caricatural. Lange est quant à elle affectée au rôle de la ravissante idiote qui débite ânerie sur ânerie et dont la robe échancrée puis mouillée est destinée à émoustiller les adolescents de l'époque.

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Soudain l'été dernier (Suddenly, Last Summer)

Publié le par Rosalie210

Joseph L. Mankiewicz (1959)

Soudain l'été dernier (Suddenly, Last Summer)

"Soudain, l'été dernier" est une pièce en un acte de Tennessee Williams aux résonances autobiographiques: une mère castratrice, un fils poète à l'homosexualité cachée et honteuse, une sœur (cousine dans le film) fragile ayant subi une lobotomie. En résumé, des personnages incapables d'affronter la dure réalité et s'en protégeant par toutes sortes de mécanismes de défense.

La bonne idée de Mankiewicz est de bâtir son film sur le thème de la cure psychanalytique. En cinéaste traquant la vérité derrière les faux-semblants, il mène à travers son double, le Dr Cukrowicz (Montgomery Clift), une enquête qui couche après couche permet de la percer à jour. Plaçant ses personnages dans un huis-clos étouffant, il les fait évoluer dans une "forêt de symboles" (plantes et oiseaux carnivores, squelettes, fous, dieux, saints, martyrs...) Sauf que cette forêt-là est une jungle si épaisse qu'il faut une certaine patience pour en démêler les lianes. La parole libératrice occupe une place essentielle dans de longues scènes dialoguées ainsi que les réminiscences de la jeune Catherine Holly (jouée par Elisabeth Taylor) dont le traumatisme a été si profond qu'elle a tout oublié pour survivre. Quant à sa tante, Mrs Violet Venable (jouée par Katharine Hepburn), elle s'est réfugiée dans le déni et une posture mégalomane. Ses apparitions saisissantes dans l'ascenseur donnent l'impression qu'il s'agit d'une déesse qui descend des cieux alors qu'elle tente avec son argent de contrôler tout son entourage. Son obsession est de faire taire définitivement Catherine dont les paroles lui sont insupportables.

Mais quel est donc le terrible secret qui lie ces deux femmes? Il s'agit des circonstances exactes de la mort de Sébastien, cousin de l'une et fils de l'autre. Deux récits, deux visions d'un homme double. Une victime expiatoire dévorée par ses proies et un bourreau à la recherche de chair fraîche (la station balnéaire "Cabeza de lobo" signifie "Tête de loup"). Un être manipulé et manipulateur, cherchant à la fois à s'élever dans la sublimation et à se vautrer dans la fange. Sa fin digne d'une tragédie grecque a quelque chose de pasolinien alors que les deux femmes échangent leur place (l'une guérit, l'autre devient folle à son tour).

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L'homme invisible (The invisible Man)

Publié le par Rosalie210

James Whale (1933)

L'homme invisible (The invisible Man)

Il était logique que H.G. Wells et James Whale finissent par se rencontrer. Tous deux d'origine britannique, ils ont œuvré dans le domaine de la science-fiction dont ils ont contribué à façonner les contours. H.G. Wells est avec Jules Verne, le père du genre en littérature. Quant à Whale, il a transposé de façon si marquante l'œuvre de Mary Shelley au début du cinéma parlant que Frankenstein, créature et créateurs confondus, ont pour toujours le visage maquillé de Boris Karloff.

Mais Wells et Whale ont un autre point commun. S'ils se sont projetés dans des univers futuristes ou fantastiques, c'est qu'ils ne se sentaient pas en accord avec la société dans laquelle ils vivaient. Wells avait connu la pauvreté donc le mépris de classe et Whale le rejet en tant qu'homosexuel. Les œuvres de Wells comme "La machine à explorer le temps" ou "Une histoire des temps à venir" comportent beaucoup d'éléments de critique sociale alors que la différence et la marginalité sont au cœur du travail de Whale.

Qu'arrive-t-il lorsqu'un homme qui n'a subi que des humiliations reçoit un pouvoir (l'invisibilité) qui le rend omnipotent c'est à dire semblable à dieu? C'est le questionnement qui hante "L'homme invisible" tout comme une autre britannique ayant connu la pauvreté avant de devenir riche et célèbre: J.K Rowling. Dans la saga "Harry Potter" plusieurs anciens enfants maltraités deviennent de redoutables sorciers dotés d'immenses pouvoirs, dont celui de devenir invisible. Le scientifique n'étant qu'un avatar du sorcier, il est logique que les questions traitées par ces oeuvres soit si proches.

Il en est de même en ce qui concerne leurs réponses. Le pouvoir que s'attribue le docteur Jack Griffin le rend complètement fou. Il régresse jusqu'à éprouver une joie infantile et sauvage à se venger de la société par laquelle il s'est senti écrasé comme il le confie à la femme qu'il aime. Perdant tout sens éthique, il sombre dans le vol et le crime. Même si chez Rowling, la rédemption et le désintéressement existent, la quête du pouvoir absolu est une folie qui se paye cash. Il en est de même pour Jack Griffin que son mal ronge au point de finir par le détruire.

Dans tous les cas, la psychopathologie de l'individu mégalomane se révèle indissociable d'une société elle-même malade. Le mal invisible qui frappe à l'aveugle évoquait hier les "rouges" ou les "bruns", il évoque aujourd'hui "les fous de dieu" suscitant la terreur et la paranoïa et son cercle vicieux d'injustices susceptibles d'entraîner encore plus de violences.   

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La fiancée de Frankenstein (Bride of Frankenstein)

Publié le par Rosalie210

James Whale (1935)

La fiancée de Frankenstein (Bride of Frankenstein)

"La fiancée de Frankenstein" est souvent considéré comme supérieur à son prédécesseur que je trouve déjà magnétique. Reprenant exactement à l'endroit où se terminait le premier film, il en approfondit tous les thèmes et creuse les personnages. Il est également encore plus pictural, distillant une atmosphère à la fois expressionniste et gothique.

Le docteur Frankenstein n'est plus ce jeune écervelé enivré de sa volonté de toute-puissance. Il est hanté par la créature qu'il a créé à son image et qui a failli le tuer. La créature qui lui a révélé son vrai visage et qui sème la mort sur son passage. Néanmoins Frankenstein est toujours aussi vulnérable à la tentation ce qui l'amène à signer une sorte de pacte faustien avec le docteur Praetorius. Celui-ci est une figure méphistophélique qui incarne l'emprise et l'absence de conscience morale. A l'image du docteur Folamour, il rêve de créer une nouvelle race (supérieure?) sur laquelle il règnerait sans partage. Ses talents de mage noir ne font aucun doute lorsqu'il montre les homonculus qu'il a réussi à créer. Il manipule facilement Frankenstein en jouant à la fois sur son hubris et sur son amour pour sa femme qu'il fait enlever par la créature qui n'a toujours pas de nom. Cette vanité (soulignée par des crânes allégoriques) les mène tous deux dans le décor: la tour déviante du premier volet dont l'écroulement parachève la destruction de leur prétention à vouloir égaler dieu (ou la nature suivant les croyances). Frankenstein et son épouse auraient initialement dû périr avec leurs doubles tordus mais les studios en ont décidé autrement, rendant la fin incohérente.

La créature de Frankenstein justement continue sa quête d'identité commencée dans le premier film et si elle rencontre beaucoup d'hostilité et de violence, elle est également touchée par la "grâce divine", incarnée par un ermite aveugle qui joue l'"Ave Maria" sur son violon. Bouleversé par la beauté de la musique et l'amitié que lui offre le vieil homme qui ne voit pas son apparence, la créature apprend à parler, à exprimer ses sentiments et à goûter aux joies simples de la vie. Déjà poignant dans le premier volet, Boris Karloff, devenu entretemps une star (son nom est annoncé en gros titre avant celui de tous les autres alors que dans le générique du premier film il n'était même pas cité) incarne toute la souffrance de l'être différent condamné à porter la croix d'une solitude perpétuelle. Sa fameuse "fiancée", doublure maléfique elle aussi d'une figure créatrice (Mary Shelley elle-même puisque c'est la même actrice qui incarne l'auteure et la créature féminine) le repousse au profit de son créateur, précipitant leur fin tragique à tous deux. 

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Frankenstein

Publié le par Rosalie210

James Whale (1931)

Frankenstein

Le mythe du savant fou est aussi ancien que la civilisation occidentale elle-même puisqu'il remonte à Prométhée et que le titre du livre de Mary Shelley est justement "Frankenstein ou le Prométhée moderne". Incarnation du désir de toute-puissance, il veut construire une tour qui atteigne les cieux, il veut créer la vie et s'affranchir de la mort, en bref il veut s'approprier les prérogatives divines. Et ce sont les révolutions scientifiques et techniques (dont celle que représente le cinéma lui-même!) qui vont lui donner les moyens sinon de réaliser ses ambitions, du moins de s'en rapprocher. Avec à chaque fois, de terribles retours de bâton. A la punition divine de l'antiquité vont se substituer progressivement les catastrophes provoquées par la "science sans conscience". Même si la vision du scientifique dans les films dont s'est inspiré Whale (à commencer par le "Metropolis" de Fritz Lang) ressemble à s'y méprendre à celle du sorcier du moyen-âge avec ses étranges instruments et ses alambics fumants.

Le film de James Whale n'est ni la première adaptation cinématographique du roman de Mary Shelley (il y a eu au moins deux versions muettes sorties respectivement en 1910 et 1915) ni le premier film parlant avec des monstres (Dracula de Tod Browning est sorti quelques mois auparavant). Mais il a frappé l'imaginaire collectif parce qu'il a su aller à l'essentiel tant sur le plan esthétique que sur le plan narratif.

Un des aspects les plus fascinants du film est sa construction tout en verticalité tordue (à l'image de Fritz, l'assistant bossu de Frankenstein). Cela dit tout de l'état d'esprit du docteur. Celui-ci est souvent confondu avec sa créature et cela se justifie particulièrement ici tant il cumule les tares. A sa mégalomanie il faut ajouter l'inconscience et l'irresponsabilité. Il implante sur sa créature un cerveau qu'il sait appartenir à un criminel ("ce ne sont que des tissus morts") puis déçu du résultat, il l'abandonne à son sort comme un enfant capricieux abandonne son jouet cassé pour aller s'amuser ailleurs. Il ne se préoccupe même pas des dégâts que sa créature pourrait causer. A aucun moment il ne se remet en question.

Les catastrophes provoquées par ce scientifique dévoyé, ce sont les meurtres qui jalonnent le parcours du monstre lequel n'est que le reflet de celui qui l'a créé et qui forment autant de trouées mortifères dans le flux de la vie. La séquence la plus extraordinaire à cet égard est celle de la marche du père tenant sa fille morte dans les bras, figeant peu à peu les mouvements de liesse du mariage. En dépit de l'atavisme de son cerveau, son comportement meurtrier semble bien davantage lié à la violence qui lui est faite et à son manque d'éducation. Tel un enfant abandonné, il n'a aucun repère, aucune notion de bien et de mal. Et ce d'autant plus qu'il n'a connu que le rejet et la brutalité. Il agit de façon instinctive et innocente et se retrouve démuni, dépassé par son propre comportement comme lorsqu'il noie Maria en voulant jouer avec elle. Boris Karloff fait une composition extraordinaire en combinant l'horreur que l'apparence et les actes de son personnage inspirent et la compassion profonde que l'on ressent devant son humanité en souffrance. 

 

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King Kong

Publié le par Rosalie210

Merian Caldwell Cooper et Ernest Beaumont Schoedsack (1933)

King Kong

"King-Kong" est un film inégalable en dépit de ses nombreux remake et ce pour au moins trois raisons:

- C'est un film matrice de l'histoire du cinéma car pour la première fois, le septième art accouche d'un mythe 100% cinématographique. Il fusionne en réalité deux mythes plus anciens "Saint-Georges et le Dragon" et "La Belle et la Bête". Cependant il apporte une originalité propre à ces deux mythes. L'humanisation interne de la bête et le comportement prédateur des humains opère un renversement des valeurs de Bien et de Mal que l'on observe dans le premier mythe (dont l'aspect guerrier et triomphant est remis en cause) alors que la métamorphose de la bête ne le transforme pas en homme pour autant contrairement au second. La jeune fille n'éprouve rien d'autre que de la terreur à son égard, n'apprend rien de son "aventure" avec lui ce qui le condamne à une fin tragique.

- C'est le premier film parlant à effets spéciaux, l'équivalent du "Voyage dans la lune" de par sa parenté avec Méliès et son caractère iconique. La raison d'être n°1 des remake a d'ailleurs consisté à réactualiser la technologie du film. Mais "science sans conscience n'est que ruine de l'âme" et les effets numériques bourrins (c'est à dire l'abandon de la création entre les "mains" des seules machines ce qui est de plus en plus souvent le cas de nos jours) ne pourront jamais remplacer les techniques artisanales qui nécessitent d'office un investissement humain. Ce mélange de prises de vues réelles et d'animation en stop motion est réalisé par l'un des pères du genre Willis O' Brien dont le disciple Ray Harryhausen est considéré comme le pape des effets spéciaux traditionnels. Le résultat est un basculement dans un univers onirique et poétique unique qui fascine nombre de réalisateurs actuels (entre autre Peter Jackson, auteur d'un remake et Steven Spielberg dont le "Jurassic Parc" semble sortir tout droit de Skull Island).

- Enfin le contexte de la crise économique des années 30 joue un rôle important. C'est une crise de civilisation que dépeignent les auteurs du film. La jungle n'est pas celle que l'on croit et le sort réservé à King-Kong révèle une société terrifiante d'inhumanité où les arbres ont été remplacés par des colonnes de béton armé et les insectes par des avions mitrailleurs. La cupidité ronge les êtres aussi sûrement que leur racisme ou leur misogynie. L'appât du gain, le machisme et le colonialisme sont les racines pourries sur lesquelles prospère le vrai Mal(e).

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Shining (The Shining)

Publié le par Rosalie210

Stanley Kubrick (1980)

Shining (The Shining)

Je ne suis pas d'accord avec tous ceux qui pensent que Shining n'est pas un film effrayant. En 1980, il faut croire qu'il n'existait aucun filtrage des bandes-annonces en fonction du public ciblé. Car c'est juste avant la projection de "Blanche-Neige et les 7 nains" que j'ai eu tout à coup cette vision traumatique qui m'a poursuivie pendant des années: celle d'une pièce se remplissant de sang. J'ai gardé de cette expérience une répulsion pour les motifs et couleurs seventies (l'orange et le marron surtout) ainsi que pour les longs couloirs.

En dehors des grimaces outrancières de Nicholson (que l'on peut diversement apprécier mais qui sont caractéristiques du "masque kubrickien" que l'on retrouve dans "Orange mécanique" ou "Full Metal Jacket"), l'horreur n'est pas démonstrative, elle est plutôt tapie dans l'ombre ce qui crée un climat de tension troué de temps à autre par des images subliminales d'horreur pure. La comparaison de l'hôtel avec un cerveau malade s'impose d'autant plus que l'on passe l'essentiel du temps à en suivre les méandres labyrinthiques avec une répétition obsessionnelle (à l'image de la phrase unique que Jack écrit à longueur de journée sur sa machine).Le surgissement brusque de flots d'hémoglobine dans le dédale de couloirs et de pièces froidement géométriques peut s'interpréter de plusieurs façons. On peut y voir le triomphe des pulsions sur la rationnalité mais aussi l'expression d'un inconscient refoulé fait de crimes. L'hôtel Overlook est en effet un lieu maudit dès l'origine puisque le site a été volé aux indiens. Par conséquent il n'est guère étonnant que son gardien se mue en criminel autodestructeur. Enfin et paradoxalement, le sang représente aussi la vie. Jack s'est en quelque sorte enterré vivant avec sa femme et son fils dans le huis-clos de l'hôtel coupé du monde. Mais le petit Danny possède le shining, la lueur intérieure qui lui permet de briser son isolement en communiquant avec le passé, le futur et les autres êtres ayant le même don. Dont le chef cuisinier de l'hôtel, un "nègre" pour reprendre l'expression du précédent gardien, Grady que l'on devine profondément raciste. C'est pour empêcher l'intrus -l'altérité- de pénétrer son foyer (l'Amérique blanche) que Jack bascule dans la folie meurtrière tentant par tous les moyens d'empêcher sa femme et son fils de s'échapper. Peine perdue, il rejoindra les fantômes pour l'éternité mais seul.

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Répulsion (Repulsion)

Publié le par Rosalie210

Roman Polanski (1965)

Répulsion (Repulsion)

De la trilogie des appartements de Polanski (Répulsion, Rosemary's Baby et Le Locataire) c'est Répulsion que je préfère. Ce n'est ni un brouillon comme l'affirme son réalisateur (les créateurs ne sont pas toujours lucides sur leur propre œuvre) ni un film de genre horrifique. C'est un chef-d'oeuvre. Tout est réussi dans ce film: le choix de Catherine DENEUVE dont le pouvoir d'attraction n'est plus à démontrer et qui remarquablement dirigée fait une composition étonnante, la lumière en clair-obscur et les décors de plus en plus distordus, les trucages artisanaux qui font penser à Cocteau, la mise en scène (tant visuelle que sonore), le montage.

Le film offre deux points de vue. Externe et interne.

Le point de vue externe est celui des personnages qui gravitent autour de Carol. On peut y ajouter une partie des critiques du film. Aucun ne manifeste la moindre empathie vis à vis de Carol. Helen, la sœur antinomique de Carol est dans le déni (sa sœur est juste "trop sensible"), son amant, un macho grossier se rend compte qu'elle ne va pas bien mais la traite avec mépris ("elle devrait voir un docteur"), son "amoureux" la harcèle tout en n'utilisant avec elle qu'un registre badin stéréotypé qui sonne horriblement faux, ses collègues pensent qu'elle a juste besoin de se changer les idées etc. Quant aux critiques, ils posent un diagnostic de frigidité et de schizophrénie bien pratique pour éviter de creuser un peu la question et y découvrir des vérités qui dérangent.

Le point de vue interne est celui de Carol. Le film s'ouvre et se clôt sur un gros plan de son œil, comme une plongée dans les abysses de son être. On pense forcément au générique de Vertigo (bien qu'il y ait aussi des analogies avec Psychose et Pas de printemps pour Marnie du même réalisateur). Carol qui est belge apparaît comme un être désemparé dont la solitude et l'isolement dans une ville étrangère et hostile (Londres) sont sans cesse soulignés. Ce motif est récurrent dans toute l'œuvre de Polanski et fait écho à l'enfermement en soi-même que symbolise le huis-clos, ici sous la forme d'un appartement qui devient la métaphore de l'organisme de Carol. Celui-ci est en voie de désagrégation mentale (le symbole le plus éprouvant est le lapin en décomposition mais les fissures dans les murs et les légumes flétris ont la même signification). La cause de cette désagrégation est l'impossibilité de se protéger face aux intrusions extérieures. Quelles que soit les tentatives de Carol pour se bunkériser et se couper du monde l'appartement est sans cesse soit dans l'imaginaire halluciné de Carol soit dans la réalité, forcé, pénétré, agressé (la porte défoncée par Colin, le violeur qui entre dans la chambre en dépit des obstacles, le propriétaire qui s'invite, l'épouse de Michael qui insulte Carol au téléphone en la prenant pour sa sœur, les mains masculines qui sortent des murs). Les meurtres de Carol ne sont que des réactions défensives devant les agressions masculines. Sa folie est sa seule échappatoire. La photo d'enfance sur lequel se termine le film n'est pas là par hasard, elle montre que le traumatisme est ancien et a commencé dans le cadre familial. On y voit la sœur visiblement heureuse et choyée, intégrée dans la famille et Carol en retrait regardant déjà ailleurs.

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Elephant man

Publié le par Rosalie210

David Lynch (1980)

Elephant man

Pourquoi dès qu'un grand metteur en scène fait un film qui dépasse ses seules obsessions pour atteindre l'universel dit-on de son film qu'il est "académique"? J'ai lu ce qualificatif à propos du "Pianiste" de Polanski et d'"Éléphant Man" de Lynch. Et bien à mes yeux ce sont leurs chefs-d'œuvre et non "Rosemary's Baby" (et sa fin satanique qui sombre dans le ridicule) et "Mulholland Drive" (le film snob pour les snobs par excellence).

Éléphant Man plonge les racines de sa bouleversante humanité dans la baraque à Freaks de Tod Browning. il en extrait un être dont la monstruosité physique est à l'inverse de l'intelligence, du talent et de la noblesse morale. John Merrick (John Hurt, vulnérable et sensible) devient ainsi un miroir de vérité dans lequel chacun peut se voir vraiment tel qu'il est. Il y a ceux qui le considèrent comme une source de profit, un objet ou un animal, il y a ceux qui se laissant envahir par la peur et la haine de la différence veulent le lyncher (sans jeu de mots). A l'autre bout il y a les freaks plutôt solidaires (comme chez Browning) et une actrice qui à l'égale d'une chanteuse lyrique est à l'écoute de la voix intérieure des êtres. Entre les deux, il y à Treves le chirurgien de l'hôpital (formidablement interprété par Anthony Hopkins une décennie avant qu'il n'explose dans le rôle du psychopathe Hannibal Lecter.) Treves est accusé durant tout le film de jeter Merrick en pâture à ses camarades médecins et à la bonne société pour servir ses ambitions. Mais lorsqu'il pleure en voyant Merrick pour la première fois, lorsqu'il cherche à communiquer avec lui, puis lorsqu'il l'invite chez lui on devine que quelque chose d'intime se joue entre les deux hommes. Merrick qui a été pourtant abandonné à la naissance manifeste une tendre dévotion envers sa mère alors que l'on comprend à demi-mot que Treves et son épouse ont été abandonnés par leurs enfants et en souffrent. Comme le dit Hélène Nicolas, une autiste lourdement handicapée dans "Dernières nouvelles du cosmos" seul l'amour nous sépare du vide. John Merrick peut partir tranquille en ayant la certitude d'être aimé.

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