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Articles avec #film de guerre tag

Partir, revenir

Publié le par Rosalie210

Claude Lelouch (1985)

Partir, revenir

"Une histoire romanesque pour piano, orchestre et caméra", tel se présente "Partir, revenir", le 27eme film de Claude LELOUCH qui entrecroise littérature, musique et cinéma. L'histoire du film qui traite de la persécution des juifs sous l'occupation en France, thème récurrent (et autobiographique) de la filmographie de Claude LELOUCH est traitée selon un double filtre: celui de la mémoire et celui de l'écrit. Le récit est en effet fondé sur les souvenirs de l'unique rescapée d'une famille juive déportée, Salomé Lerner (Monique LANGE, elle-même romancière) qui présente son livre dans l'émission Apostrophes en 1985 avec Bernard PIVOT et Bernard-Henri LEVY dans leurs propres rôles. Pour entrer dans sa tête et montrer ses mots en images, Claude LELOUCH utilise deux procédés. Tout d'abord le plan-séquence en caméra subjective où une voiture dévale à toute vitesse une route déserte sous la pluie avec des tournants brusques et des montées et descentes en montagnes russes. Une belle métaphore de la vie accidentée et tumultueuse de Salomé. Puis un concert d'Erik BERCHOT lui aussi dans son propre rôle interprétant un concerto de Rachmaninov dirigé par Michel LEGRAND (qui a ajouté un mouvement supplémentaire). Salomé Lerner assiste au concert et croit reconnaître en Erik BERCHOT la réincarnation de son frère disparu, Salomon (évidemment interprété par le même acteur) qui était lui aussi pianiste. L'éternel retour "lelouchien" est présent tout au long du film par des valses tourbillonnantes incarnant les jours heureux mais également les germes de l'horreur à venir (comme dans "Les Miserables" (1995) qui reprend aussi le thème de la traque des juifs et de la trahison de leurs protecteurs) mais également par une sorte de roue de la fortune qui tourne mal, à l'image du château de conte de fées dans lequel la famille Lerner s'est réfugié. Si le point de départ de la fuite de la famille Lerner a une motivation parfaitement mesquine (se débarrasser de voisins bruyants), ce sont ensuite les passions tristes qui vont enclencher l'engrenage fatal, lequel se retourne ensuite comme un boomerang sur celui ou celle qui l'a provoqué. L'ombre du film de Henri-Georges CLOUZOT, "Le Corbeau" (1943) plane alors que la fracture dans la vie de Salomé s'incarne dans la transformation impressionnante de celle qui l'interprète jeune, Evelyne BOUIX, revenue des enfers tel le fantôme d'Hamlet pour demander des comptes à son ancienne concierge et à ses anciens logeurs. L'occasion pour Annie GIRARDOT de briller encore dans un rôle intense sous les yeux de Francoise FABIAN et d'hommes quelque peu dépassés (Jean-Louis TRINTIGNANT et Michel PICCOLI) alors que Richard ANCONINA joue lui les funambules d'un casting étincelant.

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Une vie cachée (A Hidden Life)

Publié le par Rosalie210

Terrence Malick (2019)

Une vie cachée (A Hidden Life)

Alors que je n'ai pas toujours été convaincue par le positionnement surplombant et le ton grandiloquent des films de Terrence MALICK (je pense particulièrement à "Les Moissons du ciel" (1978) et à "The Tree of Life") (2010) ainsi que par ses choix d'acteurs (je ne suis pas du tout sensible à Richard GERE et à Brad PITT), "Une vie cachée" m'a bouleversée. C'est bien simple, avec ce film, Terrence MALICK atteint l'équilibre parfait entre le ciel et la terre. La signature si reconnaissable du réalisateur atteint des sommets avec une photographie époustouflante de beauté et un paysage édénique, celui du village de St Radegund situé près de Salzbourg dans les Alpes autrichiennes (et non loin de Linz, le lieu de naissance de Hitler). L'ode à la nature passe aussi par l'utilisation du grand-angle et les voix intérieures. Mais les questionnements existentiels s'y ancrent dans les faits historiques et dans les comportements humains, les plus nobles comme les plus vils. Ils s'incarnent au travers du "chemin de croix" emprunté par Franz et son épouse qui à rebours de leur communauté, refusent de signer le pacte avec le diable (c'est à dire de se soumettre à Hitler) et en payent le prix. Lui par fidélité à sa foi, elle par amour pour lui. J'ai pensé très fort à la phrase de Viktor Frankl (lui aussi autrichien) "Tout peut être enlevé à l’homme sauf une chose : la dernière des libertés humaines – le choix de son attitude face à un ensemble de circonstances – pour décider de son propre chemin." C'est en ce sens qu'il faut comprendre les propos de Franz lorsqu'il dit et répète qu'il est un homme libre, alors même que Terrence MALICK montre toutes les formes de pressions, d'humiliations et de violences qu'il subit, d'abord dans son village, puis en prison*. Ses interlocuteurs se heurtent tous à sa foi inébranlable qui lui interdit toute compromission avec "l'Antéchrist". Son parcours singulier, fruit d'un choix singulier fait par contraste tomber tous les faux-semblants, particulièrement ceux qui sont liés à la religion. En effet, Terrence MALICK montre d'un côté des autorités religieuses s'accommodant (à l'image de toutes les autres formes d'autorité) du totalitarisme et un troupeau prêt à suivre aveuglément n'importe quel berger, par conformisme, par endoctrinement (la patrie ayant remplacé Dieu) mais aussi par peur. Il montre également la haine des villageois envers le mouton noir, celui qui ne suit que sa conviction intime, haine qui touche particulièrement la femme de Franz après l'arrestation de son mari et s'étend jusqu'à leurs enfants, ostracisés par ceux des autres familles. De l'autre, il montre en quoi l'indépendance d'esprit et une vie intérieure riche élève celui qui les possède au dessus des bas instincts, rendant son esprit incorruptible. Voir les chefs nazis qui se croient tout-puissants et leurs complices représentant les institutions incapables de faire plier un simple petit fermier a quelque chose de profondément satisfaisant. J'ai pensé à Sophie Scholl qui manifestait la même résistance inébranlable.
Le coup de grâce est asséné à la fin du film par l'extraordinaire confrontation entre August DIEHL et Bruno GANZ qui a joué tour à tour l'ange et le diable (et a eu le temps de passer chez Terrence MALICK avant de trépasser) et par une allusion flagrante à l'un des plus célèbres films anti-nazis, "Le Testament du Docteur Mabuse" (1932) de Fritz LANG.

* Comme dans la novlangue de George Orwell, le sens du mot liberté s'est restreint dans le III° Reich à la simple liberté physique d'aller et de venir, occultant le sens figuré du mot.

Au vu du nombre de gens qu'elle a pu toucher, j'ajoute exceptionnellement la présentation du film que j'ai faite sur Facebook:

Je viens de voir un film magnifique sur Arte (disponible pendant encore 3 jours): "Une vie cachée" de Terrence Malick. A part "Le nouveau monde" et "La ligne rouge" (deux films qui ont en commun avec "Une vie cachée" d'être basé sur des faits historiques), je n'avais pas été jusqu'ici très sensible à son cinéma. Comme ses autres films, "Une vie cachée" est d'une très grande beauté esthétique et rempli de questions existentielles. Mais comme il s'ancre dans les faits historiques, il témoigne également de ce qu'il y a de plus noble mais aussi de plus vil en chaque homme. Témoigne est le mot qui convient puisque le film raconte l'histoire d'un martyr du christianisme sous le III° Reich. Pas exactement un objecteur de conscience car ce n'est pas le combat que Franz refuse, c'est de devoir faire allégeance à Hitler. Malick montre l'échec de toutes les tentatives pour faire plier Franz qui ne dévie pas d'un pouce de sa trajectoire, laquelle rappelle celle de Sophie Scholl. Il montre la vilénie humaine sous les traits des autorités toujours prêtes à courber l'échine (par calcul mais aussi par peur), mais aussi sous celle des meutes humaines, ces hommes et ces femmes qui tournent le dos à leur conscience individuelle pour se fondre dans la masse et hurler avec les loups. L'hommage à Fritz Lang est aussi transparent que le rideau de "Le Testament du docteur Mabuse" qui apparaît à la fin du film est opaque. Bref tout dans "Une vie cachée" m'a fait penser à une phrase que j'aime particulièrement, "Tout peut être enlevé à l’homme sauf une chose : la dernière des libertés humaines – le choix de son attitude face à un ensemble de circonstances – pour décider de son propre chemin." (Viktor Frankl)

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Bon voyage

Publié le par Rosalie210

Jean-Paul Rappeneau (2003)

Bon voyage

J'ai trouvé le film absolument virtuose sur le plan de la mise en scène. Tel un chef d'orchestre, Jean-Paul RAPPENEAU mène tout son petit monde sur un rythme allegro-presto et pourtant, tout s'y écoule de façon parfaitement limpide, jusqu'au plus petit rôle. Parce qu'il ne faut pas sous-estimer la difficulté que représente le fait de maintenir ce rythme trépidant tout au long du film tout en restant lisible. Si on regarde plus en détail, on s'aperçoit que le scénario est bien structuré avec plusieurs sous-intrigues impliquant un ou plusieurs personnages qui reviennent en leitmotiv tout au long du film: les gangsters, les espions, les scientifiques, les politiciens etc. Car oui, "Bon voyage" ressemble à une partition de musique avec sa soliste star (Isabelle ADJANI qui n'a pas l'âge du rôle certes mais qui en a l'aura et qui joue la fausse ingénue manipulatrice avec brio), ses duettistes (Gregori DERANGERE et Yvan ATTAL, Virginie LEDOYEN et Jean-Marc STEHLE), ses triangles amoureux (Gregori DERANGERE, Isabelle ADJANI et Gerard DEPARDIEU, Gregori DERANGERE, Yvan ATTAL et Virginie LEDOYEN ) sans parler de la petite musique distillée par le moindre petit rôle incarné par des acteurs de caractère (Michel VUILLERMOZ, Edith SCOB) avec en arrière-plan, le choeur d'une reconstitution historique sachant rendre à merveille le chaos de l'exode de l'élite française à Bordeaux en mai-juin 1940. Chapeau!

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Un Secret

Publié le par Rosalie210

Claude Miller (2007)

Un Secret

Même si "Un Secret" est l'adaptation du livre autobiographique de Philippe Grimbert, il porte la signature de Claude MILLER. Le personnage principal de l'histoire, enfant et adolescent chétif est hanté par le fantôme d'un grand frère solaire, fort, athlétique, le double en miniature du père et de la mère. Un père obsédé par le sport, désireux d'effacer les traces de sa judéité en le faisant baptiser et en francisant leur nom mais qui échoue à sculpter le corps de son fils, refusant de l'accepter tel qu'il est comme le montrent les scènes du miroir opaque et piqueté dans lequel François se regarde. Face au climat pesant dans sa famille où règnent les non-dits, il se réfugie chez la bienveillante Louise (Julie DEPARDIEU) qui rappelle tant Léone dans "L'Effrontee" (1985), laquelle est, cela ne s'invente pas, kinésithérapeute. C'est Louise qui finit d'ailleurs par lui révéler le secret, que dans son inconscient, il avait bien entendu deviné. On remarque alors que bien avant la guerre, la famille de François se divisait déjà en deux camps: celui de Maxime (Patrick BRUEL) et de Tania (Cecile de FRANCE), tous deux sportifs, faisant tout leur possible pour dissimuler leur véritable identité, Tania ayant en prime l'apparence de la parfaite athlète aryenne, blonde aux yeux bleus, sculpturale et championne de natation. De l'autre, celui de Hannah sa première femme (Ludivine SAGNIER) et de ses parents, fiers au contraire d'exhiber leur judéité et qui disparaissent dans le gouffre de l'histoire, emportant avec eux l'enfant fantasmé par Maxime. François, l'enfant réel agit comme un "retour du refoulé", l'identité maudite resurgissant brusquement à la surface. Les films de Claude MILLER sont remplis de métaphores aquatiques et l'identité secrète fait penser à son premier film "La Meilleure facon de marcher" (1976). Même si j'ai trouvé "Un Secret" inégal (le triangle amoureux est dépeint d'une manière assez convenue et le choix du noir et blanc pour le présent, assez arbitraire), c'est à l'image d'autres films de Claude MILLER une oeuvre sensible et délicate sur l'enfance et d'ailleurs devenu adulte, on découvre que François (alias Philippe Grimbert) s'occupe d'enfants autistes qu'il tente d'aider à sortir de leur propre enfermement.

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Les carnets de Siegfried (Benediction)

Publié le par Rosalie210

Terence Davies (2024)

Les carnets de Siegfried (Benediction)

"Les Carnets de Siegfried" est le dernier film de Terence DAVIES, décédé en octobre 2023. Comme Roman POLANSKI dans "Le Pianiste" (2002), il s'abrite derrière l'histoire d'un autre artiste pour mieux parler de lui. Cet autre c'est Siegfried Sassoon (Jack LOWDEN), un poète britannique inconnu chez nous mais en porte à faux avec la société de son temps sur au moins deux plans: la première guerre mondiale qui le priva d'êtres chers et qui fit de lui un pacifiste prêt à mourir pour sa cause et une homosexualité torturée. Ce n'est pas par hasard que la rétrospective que lui consacre le Centre Pompidou s'intitule "Le temps retrouvé". Car dans le film, les ellipses temporelles sont légion et se manifestent de multiples façons, du montage d'images d'archives pour les souvenirs de la première guerre au morphing pour le vieillissement des personnages: celui de Siegfried qui s'accompagne d'un travelling circulaire est particulièrement saisissant. Ainsi selon les méandres du récit fondé sur l'association d'idées et les réminiscences, on retourne en arrière ou bien on franchit plusieurs décennies pour atterrir dans des séquences conçues comme autant de tableaux. Par ailleurs la musique est indissociable des films de Terence DAVIES et constitue, de même que la poésie, un puissant moyen d'expression des êtres opprimés et traumatisés auxquels il s'identifie. Comme dans son magnifique "Distant Voices" (1988), ceux-ci créent de la beauté pour faire rempart à la violence qui leur est faite. Enfin "Les Carnets de Siegfried" se caractérisent par l'utilisation d'une ironie qui fait mouche et qui elle aussi fait partie des ressources salvatrices que possédait ce grand réalisateur, aussi discret qu'élégant.

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La Zone d'intérêt (The Zone of Interest)

Publié le par Rosalie210

Jonathan Glazer (2024)

La Zone d'intérêt (The Zone of Interest)

"La zone d'intérêt" est une véritable expérience de cinéma et son grand prix à Cannes est tout à fait mérité. Comme dans "L'Empire des lumières" de René Magritte, deux mondes coexistent sans quasiment jamais se croiser. Celui du camp d'Auschwitz qui reste presque totalement hors-champ et celui du domaine de la famille du commandant du camp, Rudolf Höss dans lequel se déroule la majeure partie du film. Comme souvent en pareil cas, de hauts murs dérobent à la vue ce qui se joue de l'autre côté. Pourtant, jamais le spectateur ne perd de vue qu'il est enfermé dans une sorte de cage dorée jouxtant un complexe concentrationnaire. Les trois premières minutes déjà nous plongent dans une obscurité quasi totale que l'on peut interpréter de multiples manières: la cécité de ceux qui vivent juste à côté dans une totale indifférence ou bien les dernières images de ceux qui vont mourir, plongés dans d'insondables ténèbres. Par la suite et comme dans "Parasite" (2019) qui évoquait la contamination des riches par les pauvres dont ils voulaient se préserver sous prétexte d'hygiénisme, la réalité de l'extermination ne cesse de s'infiltrer dans le paradis artificiel des Höss. Par les bruits qui ne peuvent être étouffés par les murs (le travail sur la bande-son est remarquable), par les odeurs de chairs brûlées, par les cendres emportées par le vent ou fertilisant la terre, par les fragments d'ossements que l'on retrouve jusqu'au beau milieu de la nature idyllique, par le rougeoiement des flammes qui donnent à la nuit des allures d'enfer sur terre dans un contraste saisissant avec les pelouses bien taillées, les fleurs éclatantes et la piscine de la maison des Höss. Le film devient alors une étude de caractères, ceux de la famille Höss face à ce monde schizophrénique. Rudolf (Christian FRIEDEL), à l'image d'Eichmann et de tant d'autres hauts dignitaires nazis est un fonctionnaire zélé, un gestionnaire méticuleux qui raisonne en termes d'efficacité technique ou logistique sans jamais s'interroger sur la nature de ses actes. Les seuls moments où l'être humain se manifeste en lui sont ceux où il tente de protéger ses enfants d'une confrontation trop directe avec la mort et la fin où cette espèce de mécanique se met à vomir comme si ses entrailles agissaient indépendamment de lui. Mais en terme de monstruosité, Hedwig (Sandra HULLER) le bat à plate coutures. Elle est en effet tellement aliénée que l'environnement toxique dans lequel elle élève ses enfants lui apparaît comme un paradis et la matérialisation de sa réussite sociale qu'elle ne veut quitter à aucun prix. Chaque fois qu'un grain de sable vient gripper son "bonheur" comme lorsque sa mère finit par s'enfuir, épouvantée par ce qu'elle perçoit malgré l'écran de fumée dressé entre la maison et le camp, elle a une réaction éloquente, effaçant les traces en les brûlant et menaçant de mort sa domesticité (que l'on devine être de pauvres prisonnières polonaises). "La zone d'intérêt" est un film franchement inconfortable et claustrophobique dont la portée dépasse l'époque qu'il dépeint. On pense en effet à d'autres murs, ceux que dressent les pays riches contre les pays pauvres, les quartiers riches contre les quartiers pauvres pour les occulter, s'en protéger et les refouler.

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La Vie de château

Publié le par Rosalie210

Jean-Paul Rappeneau (1966)

La Vie de château

C'est avec un grand plaisir que j'ai découvert le premier film de Jean-Paul RAPPENEAU qui a bénéficié d'une remarquable conjugaison de talents (Alain CAVALIER et Claude SAUTET au scénario, Michel LEGRAND à la musique, Pierre LHOMME à la photographie sans parler du casting trois étoiles) sans que pour autant il se noie dedans. En effet on retrouve dans cette pétillante comédie le sens du rythme et du mouvement du réalisateur de "Cyrano de Bergerac" (1990). "La vie de château" transpose dans un contexte franco-français la comédie hollywoodienne sophistiquée à la Ernst LUBITSCH (on pense à "To Be or Not to Be" (1942) forcément, vu le thème) et la screwball comédie à la Howard HAWKS. Outre son rythme trépidant, "La vie de château" est une comédie du remariage tout à fait dans la lignée de celles analysées dans le livre de Stanley Cavell. Une comédie dans laquelle un homme plutôt pantouflard joué par Philippe NOIRET va devoir sortir de sa réserve (au propre et au figuré) pour reconquérir sa femme (Catherine DENEUVE) qui s'ennuie et qui est convoitée à la fois par un héros de la résistance et par un officier allemand. Le film est en effet précurseur en osant traiter la seconde guerre mondiale - sujet encore sensible au milieu des années 60 - sur le ton de la comédie, près d'un an avant "La Grande vadrouille" (1966)*. Bien aidé par des seconds rôles truculents (Pierre BRASSEUR dans le rôle du beau-père fermier et Mary MARQUET dans celui de la mère châtelaine sont irrésistibles), le film raconte la métamorphose d'un planqué en héros au moment crucial du débarquement anglo-américain du 6 juin 1944. Un rôle qui en préfigure un autre pour Philippe NOIRET mais sur un mode tragique: celui de Julien Dandieu dans "Le Vieux fusil" (1975). Quant à Catherine DENEUVE, s'il peut paraître étonnant de la voir jouer dans un registre convenant mieux a priori à sa soeur, Francoise DORLEAC (qui avait été d'abord pressentie), elle a pu mettre en avant une élégance naturelle et un débit mitraillette n'ayant rien à envier à une Rosalind RUSSELL. Le générique de début, montage de photos du visage ou de parties du visage de l'actrice par Walerian BOROWCZYK l'élève déjà au rang de mythe alors qu'elle n'en était qu'au début de sa carrière.

* Les deux films sont sortis la même année mais "La vie de château" en janvier et "La grande vadrouille" en décembre.

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L'Echine du diable (El Espinazo del diablo)

Publié le par Rosalie210

Guillermo del Toro (2001)

L'Echine du diable (El Espinazo del diablo)

J'avais lu que pour "Le Labyrinthe de Pan" (2006), Guillermo DEL TORO s'était inspiré de "L'Esprit de la ruche" (1973). Mais cette influence comme celle de "La Nuit du chasseur" (1955) est tout aussi évidente dans "L'échine du diable", son troisième film réalisé cinq ans auparavant. Du film de Victor ERICE comme de celui de Charles LAUGHTON émerge le thème de l'enfance face au mal, lequel prend une double forme. Celui de la guerre d'Espagne avec l'image de l'obus fichée en plein coeur de la cour de l'orphelinat où est emmené Carlos. Mais aussi celui du monstre phallique séducteur, cupide et sanguinaire qui terrorise les enfants avant de révéler l'étendue de sa folie meurtrière et de tout détruire autour de lui. S'y ajoute une atmosphère oppressante lié au fait que le film se déroule dans le huis-clos d'un orphelinat qui en dépit des propos rassurants de sa directrice Carmen (Marisa PAREDES) ressemble à une prison d'où il s'avère impossible de s'échapper. La porte ouvre sur une route hostile et déserte sur des dizaines de kilomètres, le ciel est envahi d'avions fascistes et nazis et le sous-sol semble contenir des fantômes. Un plus précisément, celui d'un petit garçon qui détient un sombre secret et semble résider au fond d'un bassin (des images qui préfigurent "La Forme de l'eau") (2017). S'y on ajoute les foetus qui baignent dans l'alcool, l'atmosphère est plus qu'anxiogène. Néanmoins ce n'est pas d'elle que vient la menace mais bien du réel. Aussi comme dans ses autres films, face à la violence du monde qu'ils se prennent de plein fouet, les enfants apprennent à apprivoiser leurs peurs et à s'entraider. Ainsi Carlos qui est au départ un peu le souffre-douleur va par son courage, sa générosité et sa curiosité d'esprit finir par fédérer les autres membres du groupe autour de lui contre la véritable source de leurs tourments. Par ailleurs si les adultes bienveillants sont défaillants (Carmen souffre d'une infirmité, Casarès est impuissant et Conchita comme Carmen se sont laissé abuser par Jacinto qui possède tous les traits des terrifiants mâles alpha développés dans les films ultérieurs de Guillermo DEL TORO), ils ne sont pas tout à fait absents. Les lingots cachés par Carmen s'avèreront être des alliés inattendus. De même, l'esprit de Casarès veille sur les enfants survivants.

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Le Bagarreur du Kentucky (The Fighting Kentuckian)

Publié le par Rosalie210

George Waggner (1949)

Le Bagarreur du Kentucky (The Fighting Kentuckian)

Au bout de quelques minutes de visionnage du film, j'ai eu l'impression de me retrouver dans un sympathique nanar. Rien n'est vraiment crédible dans le scénario qui est mal ficelé. John WAYNE déguisé en Davy Crockett s'invite tranquillement dans la calèche d'une belle jeune femme qu'il séduit d'un claquement de doigts pendant que son fiancé officiel tourne le dos. Ladite jeune femme s'avérant être une sérieuse candidate au rôle de la meilleure potiche de l'année 1949. Là-dessus débarque le faire-valoir de Davy Crockett qui n'est autre que Oliver HARDY lui aussi déguisé en trappeur dont les gags sont si laborieux qu'on ne rit presque jamais. Leur régiment disparaît et réapparaît à volonté selon les besoins du scénario et on ajoute plein de protagonistes, hommes et femmes qui n'ont pas assez de développement à l'écran pour que leur rôle ait de la consistance. Je conçois qu'en 1949, le public américain qui sortait de la guerre ne faisait pas le difficile et avait besoin de légèreté mais force est de constater que le film a mal vieilli. Il faut attendre la dernière demi-heure pour qu'enfin il y ait un peu d'action lorsqu'une bataille rangée oppose d'anciens généraux de Napoléon venus s'installer avec leur famille en Alabama après la défaite de Waterloo (fait historique authentique) aux notables véreux qui essayent de s'emparer de leurs terres dont le meneur n'est autre que le fiancé officiel de la jeune femme séduite par John WAYNE un peu plus tôt. C'est l'occasion d'entendre en fond sonore résonner la Marseillaise mais on a du mal à voir ce que le régiment de trappeurs du Kentucky et les frenchies ont en commun. L'argument des beaux yeux (et épaules) de Fleurette (Vera RALSTON) est à l'image du film, un peu léger. Tout à fait dispensable et même parfois disons-le, ridicule.

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Eté violent (Estate violenta)

Publié le par Rosalie210

Valerio Zurlini (1959)

Eté violent (Estate violenta)

Un très beau film, beaucoup plus beau que ce à quoi je m'attendais. "Eté violent" est le deuxième film de Valerio ZURLINI et se divise assez nettement en deux parties. Dans la première, on assiste à la "La Dolce vita / La Douceur de vivre" (1960) d'une jeunesse dorée et oisive en pleine seconde guerre mondiale. Celle-ci s'invite cependant lorsqu'elle interrompt brutalement les distractions des uns et des autres au gré des alertes aériennes et des bombardements de 1943. C'est justement lorsqu'un avion de chasse allemand survole en rase-motte la plage de Riccione au bord de l'Adriatique où cette jeunesse farniente qu'une petite fille terrorisée tombe dans les bras de Carlo (Jean-Louis TRINTIGNANT dans son premier rôle transalpin), fils d'un dignitaire fasciste et qui grâce à l'appui de son père a échappé à l'enrôlement. Roberta la mère, beauté mélancolique d'une trentaine d'années (Eleonora ROSSI DRAGO) intervient aussitôt et c'est le coup de foudre entre elle et Carlo. Dans un premier temps, le film s'attarde sur les obstacles à leur idylle, tant du côté de Carlo avec la jalousie d'une de ses amies que du côté de Roberta qui est veuve de guerre mais vit avec sa mère psychorigide qui souhaite qu'elle reste fidèle au souvenir de son mari décédé (choisi par son père et qu'elle n'aimait pas). Obstacles qui ne font qu'attiser un désir dont la croissance est parfaitement orchestrée par la mise en scène jouant sur les gestes et les regards avec notamment une soirée en clair-obscur mémorable sur une chanson "Temptation" on ne peut plus appropriée. Puis le film bascule dans une dimension beaucoup plus intimiste et dramatique dans laquelle Roberta assume son désir, s'émancipe du jugement des autres (comme le montre la scène sur la plage où elle refuse de se cacher) et s'affirme par rapport à sa famille qui l'a toujours dirigée. De son côté, Carlo est expulsé de sa cage dorée suite au renversement de Mussolini et se fait rattraper par l'armée en voulant rester près de Roberta. Celle-ci s'avère en effet impuissante à le protéger comme le faisait son père, la scène très forte de bombardement final à la gare où l'on tremble pour leur vie en témoigne. La relation avec cette femme plus âgée que lui dans un contexte historique troublé permet donc paradoxalement à Carlo de sortir de son cocon et de devenir adulte. Valerio ZURLINI entremêle de façon remarquable grande et petite histoire, chacune se nourrissant de l'autre. Toute l'ironie résidant dans le fait que si c'est la grande histoire qui les pousse l'un vers l'autre et leur permet de cesser de subir leur destin, c'est elle aussi qui les sépare définitivement.

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