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Articles avec #film de guerre tag

Le Petit Soldat

Publié le par Rosalie210

Jean-Luc Godard (1963)

Le Petit Soldat

Second film de Jean-Luc GODARD après "À bout de souffle" (1959), le premier avec Anna KARINA, "Le Petit soldat" mit trois ans à sortir en raison de son sujet, la guerre d'Algérie qui lui valut d'être censuré par les autorités françaises. La plupart des réalisateurs de la Nouvelle Vague s'emparèrent en effet de la question algérienne qui était alors taboue en France mais de façon souvent discrète que ce soit Jacques DEMY dans "Les Parapluies de Cherbourg" (1964), Agnès VARDA dans "Cléo de 5 à 7" (1961), Jacques ROZIER dans "Adieu Philippine" (1963) ou encore Alain RESNAIS dans "Muriel ou le temps d un retour" (1962). Jean-Luc GODARD choisit une vision nettement plus frontale. Bien que le film se déroule en Europe, plus précisément à Genève, il évoque les réseaux tissés par les deux camps alors en lutte en Algérie et en métropole. D'un côté ceux du FLN pour lesquels travaille Veronica Dreyer (Anna KARINA), de l'autre, ceux de l'OAS dans lesquels est impliqué le reporter déserteur Bruno Forestier (Michel SUBOR) mais qui en double de Godard, s'en détourne pour les beaux yeux de Veronica. Cette ambiguïté lui vaut d'être mis à l'épreuve par son organisation qui lui ordonne de tuer un journaliste de radio-suisse. Un ordre dont l'exécution est différée tout au long du film jusqu'à une fin extrêmement abrupte dans laquelle tout se précipite. Du Godard typique dont les films débouchent souvent sur la mort après beaucoup de tours et de détours. Il en va de même avec les nombreuses allusions à la guerre façon collage qu'affectionne le cinéaste: messages radios, unes de journaux. Mais si le film a été censuré, je pense que c'est surtout en raison du fait qu'il aborde de façon très crue la question de la torture pratiquée par les deux camps. Celle que l'on voit au travers d'une longue et éprouvante séquence est infligée par le FLN à Bruno mais Veronica a droit à un traitement encore pire de la part de l'extrême-droite et la film est parsemé de détails horrifiques sur les sévices infligés aux uns et aux autres en écho à ceux qu'avaient subis les résistants pendant la seconde guerre mondiale.

Cependant, comme beaucoup de Godard, "Le Petit soldat" est un méta-film, célèbre notamment pour cette définition du cinéma-vérité, "la photographie c'est la vérité et le cinéma, c'est vingt-quatre fois la vérité par seconde". Cette phrase peut aussi bien s'appliquer aux répercussions de la guerre d'Algérie, filmées de façon documentaire (avec une référence assez claire au néoréalisme italien, "Rome, ville ouverte" (1945) en tête) qu'à l'étude du visage de la muse, Veronica/Anna KARINA alors au sommet de sa photo-cinégénie.

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Jojo Rabbit

Publié le par Rosalie210

Taika Waititi (2019)

Jojo Rabbit

"Jojo Rabbit" se présente comme une sorte de satire du nazisme vu à hauteur d'un enfant endoctriné puis désendoctriné au fur et à mesure que la réalité qui se présente à lui diffère du discours que le régime lui sert. Le ton est résolument celui d'une comédie voire d'une farce grotesque, on voit bien que Taika Waititi lorgne du côté de "La vie est belle" de Roberto Begnigni mais un tel sujet réclamait tout de même un peu plus de subtilité, surtout traité de cette façon. Plusieurs choses m'ont profondément gênée et m'ont empêché de croire à ce film:

- Le fait qu'il soit tourné en anglais alors qu'on parle de l'Allemagne nazie. Comment croire un instant à la reconstitution de ce régime sans la langue qui y est associée et la terreur qu'elle pouvait inspirer lorsqu'elle était aboyée par les fanatiques de la peste brune? 

- Le manque absolu de justesse des personnages et des situations. Tout paraît forcé, surjoué. Pour qu'une satire ait une quelconque portée, il faut autre chose que des nazis d'opérette tous plus ridicules (et ridiculisés) les uns que les autres donc inoffensifs quand ils ne sont pas des héros qui s'ignorent (sans parler que montrer que le "gentil nazi" est gay est so cliché, le réalisateur devrait revoir "Les Damnés" de Visconti pour mieux comprendre la relation entre nazisme et homoérotisme). Jojo a beau dire des horreurs, il ne peut même pas faire de mal à une mouche (ou plutôt à un lapin). Les propos de sa mère (totalement discordante avec son fils mais le problème que cela pose est évacué) disant ensuite qu'il est "un fanatique" m'ont fait pitié. On est à des années-lumière de "L'histoire des trois Adolf" de Osamu Tezuka dans lequel le passage aux jeunesses hitlériennes du héros se soldait par une scène d'initiation du même type mais qui celle-là marquait au fer rouge. Parlons-en d'ailleurs de ces jeunesses hitlériennes d'Epinal de "Jojo Rabbit". Le rapprochement avec les scouts est justifié car c'est effectivement le modèle qu'ont copié tous les régimes totalitaires. Le plagiat de "Moonrise Kingdom" de Wes Anderson en revanche m'a semblé complètement hors de propos. Wes Anderson a un univers bien à lui qui n'est pas récupérable. Quant à la scène d'inspection, elle est fondée sur un gag repris de Chaplin dans "Le Dictateur" (les saluts qui n'en finissent pas), réalisé en 1940, époque où il fallait un vrai courage pour dénoncer le nazisme alors qu'aujourd'hui cela consiste à enfoncer des portes ouvertes.

- Dans le même ordre d'idées, la fin semble faire un clin d'oeil à "Allemagne année 0" avec un paysage urbain en ruines et des enfants perdus sauf que la rue de Jojo elle reste toute pimpante et nickel tout comme sa maison d'ailleurs. Pas une égratignure! Et à peine le nez dehors, la première idée des enfants est de chanter "Heroes" de David Bowie (chute du mur oblige). C'est bien connu, les petits orphelins allemands en 1945 dans leurs villes en ruines ne manquaient de rien, ils chantaient et dansaient, tellement ils étaient heureux d'êtres libres. Il n'y avait pas du tout de nouvelles occupations ni une nouvelle guerre à venir...

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Pour l'exemple (King & Country)

Publié le par Rosalie210

Joseph Losey (1964)

Pour l'exemple (King & Country)

"Pour l'exemple" de Joseph LOSEY est systématiquement comparé au film de Stanley KUBRICK "Les Sentiers de la gloire (1957). Mais bien qu'abordant le même sujet (les soldats condamnés à mort et fusillés "pour l'exemple" par leur propre camp en 1917) il est dommage qu'il soit autant dans l'ombre de son illustre prédécesseur. Il est en effet bien différent. Plus froid, plus clinique avec ses nombreux passages d'arrêts sur image montrant des corps se dissolvant dans la boue, condamnés à l'anéantissement et à l'oubli. Et surtout, il est bien plus dur.

Dans le film de Stanley KUBRICK, le colonel Dax joué par Kirk DOUGLAS qui est l'avocat des soldats condamnés pour "lâcheté devant l'ennemi" ne parvient pas à sauver leur tête mais il s'en tire avec les honneurs en gardant toute son intégrité. Un réflexe très américain. Rien de tel avec le capitaine Hargreaves qui se fait l'avocat du soldat Hamp (Tom COURTENAY) accusé de désertion.

Certes, sa plaidoirie est tout aussi humaniste que celle du colonel Dax. Elle est tout aussi vouée à l'échec dans cette logique impitoyable de la guerre dans laquelle les hommes doivent tenir coûte que coûte, aucune défaillance n'étant tolérée mais tous les coups étant permis sous un vernis parfaitement légal. Légalité s'accompagnant d'ailleurs du mensonge d'Etat lorsque la missive parvenant à la famille indique que le soldat Hamp est mort au combat.

Mais en plus du verdict impitoyable, Joseph LOSEY démonte tous les mythes propagandistes autour des "héros" de guerre et autres concepts de "guerre propre". Non la guerre n'est jamais propre et l'ensemble du film nous le rappelle. Au sens propre puisque les hommes végètent du début à la fin sous une pluie battante dans la boue au milieu des rats, des cadavres et de leur propre merde (le pauvre Hamp est ravagé par la dysenterie) mais également au figuré. Il n'y a ni héros, ni méchant sur le front mais des hommes embarqués sur le même bateau qui sont là avant tout pour obéir aux ordres de supérieurs bien planqués qui consistent à assassiner leurs ennemis mais aussi parfois leurs propres camarades. Le capitaine Hargreaves ne fait pas exception à la règle. Il faut dire que celui-ci est joué -je devrais dire habité!- par l'expert en zones d'ombres et autres ambivalences humaines qu'est Dirk BOGARDE*. Son jeu exceptionnellement riche et nuancé superpose deux couches de sens qui rendent son personnage inoubliable. Hargreaves est un homme de devoir. Il s'avère donc aussi qualifié pour effectuer une plaidoirie vibrante d'humanisme en faveur du déserteur que pour l'achever. Mais il n'est pas uniquement un être de représentation ou un pantin exceptionnellement doué. Tout indique par son regard, par le ton de sa voix un être intérieurement tourmenté, tiraillé entre une éducation psychorigide et sa conscience qui vient de temps à autre le hanter. On peut aussi penser qu'à un moment donné, il a cru que son éloquence allait le tirer de cet enfer et que son réveil lorsqu'il apparaît avec les mains noires de boue -des mains sales- n'en est que plus douloureux.

* Co-scénariste et lui-même ancien soldat de l'armée britannique durant la seconde guerre mondiale.

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Hope and glory: la guerre à sept ans (Hope and glory)

Publié le par Rosalie210

John Boorman (1987)

Hope and glory: la guerre à sept ans (Hope and glory)

Beau film autobiographique du réalisateur britannique John BOORMAN sur le thème de l'enfance en temps de guerre. La sensibilité du regard du cinéaste donne un caractère universel à cette chronique qui lui permet d'échapper à l'usure du temps comme à l'époque retranscrite. D'ailleurs le jeune héros perçoit l'instant de la déclaration de guerre comme un moment où le temps s'arrête autour de lui. Par la suite, la magie de l'enfance est montrée comme un rempart permettant de transformer le quartier dévasté par l'horreur bien réelle du Blitz de Londres en terrain de jeu grandeur nature. N'importe quel gamin d'aujourd'hui peut s'identifier à Billy récupérant les débris de shrapnels comme s'il effectuait une chasse au trésor ou bien se défoulant avec ses camarades en saccageant encore davantage les maisons en ruine*. Et quel enfant n'a jamais rêvé de voir son école détruite afin d'être dispensé de devoirs et de connaître "deux ans de vacances"?

Néanmoins pour tendre et relativement léger qu'il soit, le regard de John BOORMAN ne fait pas l'impasse sur le côté sombre de la guerre, même vue à hauteur d'enfant. Il montre comment celle-ci se rapproche de son quotidien au point de finir par faire voler en éclats le cocon familial, révélant les failles du mariage de ses parents et entraînant l'effondrement des valeurs traditionnelles, ce dont sa grande soeur profite en vivant une adolescence délurée et ce d'autant plus qu'elle côtoie la mort. La fin constitue un refuge dans lequel se reconstitue la famille malmenée mais celui-ci est trop paradisiaque pour être tout à fait honnête car fondé sur un retour dans le passé.

* Je me souviens avoir subi dans mon enfance l'une des pires engueulades de ma vie pour avoir avec un camarade de jeu cassé les vitres d'un bâtiment désaffecté.

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Lettre à Franco (Mientras Dure la Guerra)

Publié le par Rosalie210

Alejandro AMENÁBAR (2019)

Lettre à Franco (Mientras Dure la Guerra)

On parle ces derniers temps davantage de la guerre civile espagnole de 1936-1939. C'est une bonne nouvelle. A titre personnel déjà puisque je suis une descendante de réfugiés "espagnols" (catalans en réalité), terme que j'ai entendu toute mon enfance sans comprendre ce que cela signifiait. Mais c'est aussi une bonne nouvelle pour l'Espagne qui effectue depuis quelques années un gros travail de mémoire pour comprendre et guérir de son passé. C'est enfin une bonne nouvelle pour l'Europe et le monde de comprendre les mécanismes qui en quelques années ont balayé une démocratie au profit d'une terrifiante dictature militaire qui est d'ailleurs indissociable du nazisme. Chacun sait que la guerre d'Espagne servit de test à Hitler pour la future guerre qu'il entendait mener en Europe. Le film de Alejandro AMENÁBAR n'évoque pas le symbole de Guernica mais il montre le soutien logistique que les nazis apportèrent aux franquistes ainsi que leur rôle dans la désignation du général Franco comme chef de la rébellion et ensuite de l'Espagne. Celui-ci est d'autant plus inquiétant qu'il n'est qu'une ombre insaisissable dans le film, ses généraux s'exprimant à sa place.

Croire que cette histoire est derrière nous, c'est se tromper lourdement. En effet ce qui permet l'installation durable d'une dictature, c'est moins la détermination de ses partisans que les divisions et l'inaction de ceux qui prétendent être ses ennemis. Leur faiblesse, leur lâcheté, leur aveuglement. C'est ce que démontre Alejandro AMENÁBAR par l'exemple, celui du grand écrivain Miguel de Unamuno (Karra ELEJALDE) incapable de regarder en face le vrai visage de la barbarie. Il incarne le naufrage de la pensée de nombre d'intellectuels tellement terrifiés par le communisme (et l'éclatement de l'Espagne) qu'ils étaient incapables de comprendre la vraie nature de la peste brune sous son visage rassurant de retour à "l'ordre" et aux vraies valeurs (monarchie, catholicisme, nationalisme). Pourtant, peu à peu Unamuno va être confronté à la réalité de l'idéologie du régime qui s'annonce. Une idéologie ayant tracé une frontière entre les "bons espagnols" franquistes et les autres, exclus de la communauté nationale avant d'être arbitrairement arrêtés et exécutés sans jugement pour leurs opinions de gauche, leur appartenance à la franc-maçonnerie, à la communauté juive ou au protestantisme. L'extrême-droite française désignera sous Vichy les mêmes groupes comme faisant partie de "l'anti-France". Unamuno voit ainsi disparaître un à un ses anciens élèves et ses meilleurs amis en faisant l'autruche jusqu'à ce qu'il se retrouve seul. Il finit quand même dans un ultime sursaut par s'engager publiquement contre le franquisme ce qui lui vaut d'échapper in-extremis au lynchage. Ses mots "vous vaincrez mais ne convaincrez pas" s'avèrent prophétiques puisqu'ils annoncent une guerre civile qui a continué sous une forme larvée durant tout le règne de Franco. Unamuno s'insurge également contre la culture de mort des fascistes, le général Millan Astray (Eduard FERNÁNDEZ) rétorquant d'ailleurs par un "Viva la muerte" ("Vive la mort") qui était l'un des slogans des fascistes (d'autres versions rapportent des propos similaires à ceux qui étaient souvent proférés par les nazis "quand j'entends le mot culture, je sors mon révolver").

Aussi même si le film de Alejandro AMENÁBAR reste classique dans sa forme, son interprétation et son scénario valent largement le détour, interrogeant les dérives du passé comme celles d'aujourd'hui avec pertinence.

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Master and Commander : De l'autre côté du monde (Master and Commander: The Far Side of the World)

Publié le par Rosalie210

Peter Weir (2003)

Master and Commander : De l'autre côté du monde (Master and Commander: The Far Side of the World)

"Rien ne sert de courir, il faut partir à point", voilà quelle pourrait être la morale de cet excellent film narrant un duel entre un bateau anglais et un bateau français pendant les guerres napoléoniennes au large du Brésil, du cap Horn et des îles Galapagos. Le génial réalisateur australien Peter WEIR, spécialiste de l'étude des microcosmes autarciques réussit à insuffler autant de crédibilité que d'humanité à une superproduction sans perdre son identité. Ce qui frappe d'emblée, c'est en effet le réalisme voire même le naturalisme des scènes. La vie à bord d'un navire au début du XIX° siècle est rendue avec toute sa rudesse, que ce soit dans le domaine matériel, militaire ou psychologique: confinement, promiscuité, camaraderie masculine (aucune femme dans le film si ce n'est lors d'une brève scène de ravitaillement), extrême jeunesse de certains des enrôlés, certains étant gradés dès l'adolescence, importance de l'esprit de corps (les brebis galeuses sont impitoyablement éliminées ou s'éliminent d'elles-mêmes), obéissance à la hiérarchie, stoïcisme face à la douleur, sens de l'honneur exacerbé. Peter WEIR a recherché des acteurs expressifs ayant un physique compatible avec le contexte historique ce qui d'ailleurs est l'une des premières choses qui m'a tapé dans l'oeil ainsi que le rendu atmosphérique immersif qui nous plonge immédiatement au coeur des événements. Ensuite, il mène de main de maître l'alternance entre des séquences d'action spectaculaires et des scènes intimistes mettant aux prises deux hommes entretenant une solide amitié (symbolisée par la musique qu'ils partagent) mais aux caractères diamétralement opposés. D'un côté le charismatique et fier capitaine Jack Aubrey (Russell CROWE) prêt à tout sacrifier (y compris ses hommes) pour ce qu'il appelle son devoir mais que son ami renomme "vanité" (et obsession): vaincre la frégate qui le défie et ne cesse de se dérober. De l'autre, le médecin de bord et naturaliste Stephen Maturin (Paul BETTANY), fasciné par l'écosystème de l'archipel des Galapagos alors inconnu des occidentaux dont le navire longe les côtes. Un vrai supplice de tantale pour lui puisqu'en dépit de ses supplications, le très pressé "Jack la chance" (surnom de Jack Aubrey) refuse d'y faire escale, n'ayant pas de temps à perdre avec "ces bestioles" (sous-entendu, un truc de gonzesse alors que moi j'ai un vrai taff de mec à terminer!) Sauf que le spectateur a la joie de goûter à un moment d'ironie suprême, empli d'enseignements. Quand son indispensable ami est blessé*, Jack accepte pour le sauver ce qu'il refusait un instant auparavant: se poser aux Galapagos, laisser à Stephen le temps de récupérer, temps dont il profite pour assouvir sa curiosité en explorant l'île où ils se sont installés. Et là, au moment où il va atteindre son but ultime (capturer un oiseau qui ne vole pas), voilà que le vaisseau fantôme que cherche obsessionnellement Jack apparaît juste sous ses yeux, enfin à leur portée. Rien ne sert de courir, il faut partir à point...

* Comme tout commandant, Jack est amené à prendre ces décisions difficiles, sacrifiant certains membres de son équipage lorsqu'il s'agit d'en sauver le plus grand nombre. Mais il a besoin de Stephen pour garder la boussole, les deux hommes étant parfaitement complémentaires.

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Josep

Publié le par Rosalie210

Aurel (2020)

Josep

Juste avant que le couperet du deuxième confinement ne sonne à nouveau le glas du cinéma en salle, je suis allée voir "Josep". Non seulement animation et histoire font bon ménage mais il semble même que certains épisodes de l'histoire récente parmi les plus insoutenables et/ou les plus indicibles trouvent dans l'animation un moyen privilégié de s'exprimer. Je pense en particulier à "Le Tombeau des lucioles" (1988) et à "Valse avec Bachir" (2007) qui sont deux incontestables réussites (je suis beaucoup plus réservée sur "Les Hirondelles de Kaboul") (2019). "Josep" comble un trou noir de notre mémoire collective: celui du sort ignoble réservé aux réfugiés espagnols lorsqu'ils passèrent la frontière en février 1939 lors de la Retirada, espérant trouver en France un refuge face à une mort certaine s'ils restaient en Espagne tombée aux mains de Franco qui, faut-il le rappeler était l'allié de Mussolini et de Hitler. Ceux-ci se servirent d'ailleurs de la guerre d'Espagne pour tester leur matériel et leurs stratégie d'anéantissement des populations civiles du camp ennemi. Or, ces réfugiés qui étaient Républicains et pour beaucoup, communistes ou anarchistes furent traités en parias, en indésirables et parqués dans des conditions effroyables dans des camps de concentration improvisés dont certains ainsi que les policiers affectés à la garde des lieux furent ensuite réemployés pendant la guerre pour surveiller les juifs en transit vers les centres de mise à mort nazis. Tout cela est évoqué dans le film qui gratte donc là où ça fait mal, c'est à dire dans la face sombre du soi-disant "pays des droits de l'homme" qui hier comme aujourd'hui est dominé par des forces conservatrices préférant s'allier à l'extrême-droite plutôt que de risquer de tomber aux mains des "rouges". Mieux valait Hitler que le Front Populaire et cette idéologie n'a guère évolué depuis. On est juste passé de l'épouvantail du judéo-bolchévisme à celui de l'islamo-gauchisme et comme par hasard, on reparle de faire disparaître tous les garde-fous vis à vis de l'arbitraire, de restaurer les bagnes et la peine de mort. Soit une grande partie de ce que vécurent les réfugiés espagnols soumis aux exactions de policiers xénophobes et haineux et privés de la satisfaction de leurs besoins les plus élémentaires. Ainsi le film montre ce qui est véridique que certains furent parqués sur des plages comme celle d'Argelès sans aucun abri, aucun soin ni aucune nourriture. Bref un traitement comparable à celui que les nazis réservèrent aux prisonniers soviétiques, considérés comme des ennemis idéologiques à exterminer par la faim et le froid.

Mais le film qui est la première oeuvre du dessinateur de BD et de presse Aurel est aussi et surtout un hymne à la résistance et à la fraternité. Il y rend hommage à un autre dessinateur ayant réellement existé, Josep Bartoli dont il retrace le parcours d'un camp à l'autre (les transferts étaient fréquents dans ce qui s'apparentait à un archipel du Goulag dans le sud-ouest de la France) puis au Mexique et aux USA. Josep a dû sa survie à son don artistique qui l'a protégé de la folie et à la chance grâce à une bonne rencontre en la personne d'un policier plus humain que les autres, Serge, qui lui a sauvé la vie et est devenu ensuite résistant pendant la guerre sous un nom d'emprunt (je vous laisse deviner lequel). Et lorsque leurs héritiers se croisent dans un musée consacré à une rétrospective des dessins de Josep, ils se reconnaissent par des signes évidents: le poing levé de la révolte ouvrière et le crayon entre les dents, allusion aux caricatures dépeignant les bolchéviks comme des êtres sanguinaires avec un couteau entre les dents.

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Le Temps d'aimer et le Temps de mourir (A Time to Love and a Time to Die)

Publié le par Rosalie210

Douglas Sirk (1958)

Le Temps d'aimer et le Temps de mourir (A Time to Love and a Time to Die)

Un des sommets de la carrière de Douglas SIRK (il y en eu beaucoup durant cette période) dont le pouvoir de fascination reste intact aujourd'hui. Comme le disait Jean-Luc GODARD, "Je n'ai jamais autant cru à l'Allemagne en temps de guerre qu'en voyant ce film américain tourné en temps de paix". Tous les artifices du grand cinéma hollywoodien sont présents (technicolor, reconstitution en studio etc.) et pourtant il s'en dégage une grande authenticité. Au point de m'avoir fait penser à "Allemagne, année zéro" (1947). Cela tient d'abord à la reconstitution extrêmement soignée d'un Berlin tombant en ruines, un Berlin décadent et déboussolé dans lequel les repères moraux ont volé en éclat, laissant place aux instincts primitifs de survie. Seule une jeune fille, Elizabeth Kruse puis épouse Graeber (Lilo PULVER) tente de préserver son intégrité, sa joie de vivre et sa dignité dans ce monde devenu fou. Elle entraîne avec elle un soldat en permission, Ernst Graeber, homme bon mais manquant un peu de caractère (tout comme son interprète, John GAVIN). La fragilité et la brièveté de leurs moments de bonheur sans cesse interrompus par les bombardements, la coercition nazie et l'épée de Damoclès du retour du jeune homme au front sont symbolisés par les fleurs qui poussent en hiver sur un arbre déréglé par la chaleur d'un incendie. Mais Douglas SIRK offre des portraits extrêmement nuancés des berlinois, qu'ils aient profité du régime nazi pour prendre une revanche sociale ou au contraire lui aient résisté et en aient payé le prix. L'auteur du roman dont est tiré le film, Erich Maria REMARQUE joue ainsi le rôle d'un professeur antifasciste qui cache un juif dans les ruines du musée où il a trouvé refuge. Une piqûre de rappel pour que l'on oublie pas tous les allemands exilés aux USA pour avoir refusé le régime nazi (les livres de Erich Maria REMARQUE furent d'ailleurs brûlés lors des autodafés nazis). Mais surtout, Douglas SIRK exorcise à travers ce film sa propre tragédie intime à savoir la perte de son fils, né d'un premier mariage et qui avait été endoctriné par sa mère nazie en partie par vengeance contre Douglas SIRK (qui avait épousé une juive en secondes noces) avant que celui-ci ne disparaisse sans laisser de trace lors de la campagne de Russie qui ouvre et referme le film.

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Le Dernier Métro

Publié le par Rosalie210

François Truffaut (1980)

Le Dernier Métro

"Le dernier métro", l'un des plus grand succès de François Truffaut sorti au début des années 80 est ce qu'on peut appeler un film-paravent, un film double fonctionnant sur une mise en abyme entre la réalité et sa représentation dont les frontières sont d'autant plus floues que la période de l'occupation est propice au mensonge et à la dissimulation. François Truffaut s'inscrit dans la filiation de Jean Renoir avec la présence d'une Paulette Dubost qui nous renvoie immédiatement à la "La Règle du jeu" et d'Ernst Lubitsch avec son "To be or not to be" dans lequel le théâtre mystifie (et subvertit) le nazisme. Mais la dualité du film de Truffaut, mi chronique minutieusement reconstituée des années noires, mi théâtre de l'intime doit aussi beaucoup à Alfred Hitchcock. "Il y a deux femmes en vous" ou bien "vous aimer est une joie et une souffrance" pourrait parfaitement trouver sa place dans "Vertigo" alors que Catherine Deneuve en blonde (faussement) glaciale semble l'héritière de Grace Kelly. Beau personnage partagé entre le dévouement à son mari metteur en scène caché dans les sous-sols du théâtre et traqué par les collaborationnistes qui rêvent de débusquer "Le fantôme juif de l'Opéra" et la passion pour son partenaire à la scène, Bernard Granger (Gérard Depardieu) qui court après toutes les femmes sauf elle à cause de son apparence intimidante. Un triangle amoureux qui n'est pas sans rappeler d'autres films de Truffaut, à commencer par "Jules et Jim". Mais Bernard n'est peut-être pas un homme aussi léger qu'il le paraît comme en témoigne son attitude sans compromis(sion) vis à vis des pro-nazis. Le metteur en scène suppléant, Jean-Loup (Jean Poiret) qui est aussi acteur compense en revanche par son caractère comique l'aspect peu reluisant de son attitude très flexible face aux autorités (inspirée de Sacha Guitry). De façon plus générale tous les personnages ont (au minimun) un cadavre dans le placard, y compris Truffaut qui a dissimulé dans le film des allusions autobiographiques à son propre secret de famille (un père biologique juif dont il a découvert tardivement l'existence).

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La Rafle

Publié le par Rosalie210

Rose Bosch (2010)

La Rafle

"La Rafle" n'est certainement pas le premier film à évoquer le tragique épisode du Vel d'Hiv qui aboutit à la déportation d'environ 13 mille juifs dont 4000 enfants (soit le tiers de ceux qui ont été déportés de France pendant la guerre) dont aucun ne revint. Avant lui il y a eu "Les Guichets du Louvre" en 1974 avec Christine Pascal et "Monsieur Klein" en 1976 avec Alain Delon. Mais là où les deux premiers sont des films d'auteur avec un point de vue et des personnages tout sauf lisses, le troisième est la commande d'un producteur réalisé par son épouse, Rose Bosch dont la subtilité n'est pas la qualité première, que l'on en juge par des propos oscillant entre naïveté et stupidité: "J'ai voulu réaliser un Amélie Poulain de la déportation", "S'il y a une guerre, je n'aimerais pas être dans la même tranchée que ceux qui trouvent qu'il y a trop d'émotions dans La Rafle", "Ces pisse-froids [ceux qui n'ont pas pleuré devant son film] rejoignent Hitler en esprit": chantage à l'émotion, point Godwin, infantilisation du spectateur a qui on dicte ce qu'il doit penser, confusion entre les événements tragiques et la critique de leur représentation à l'écran tout y est, n'en jetez plus!! 

A l'image de sa réalisatrice nunuche, "La Rafle" est donc un film très maladroit, lourd, emprunté. La volonté affichée de réalisme et de didactisme ("tous les événements, même les plus extrêmes ont eu lieu cet été 1942" comme s'il fallait d'emblée baliser le chemin pour des spectateurs jugés trop bêtes pour le trouver par eux-mêmes) est court-circuitée par la recherche de l'émotion facile à l'aide d'effets appuyés. La reconstitution lourdingue d'un Montmartre d'opérette (le fameux "Amélie Poulain de la déportation", pfff) où les mesures contre les juifs ne parviennent pas à entamer la bonne humeur ambiante alterne avec des figures de cire du musée Grévin censées incarner Pétain, Laval, Bousquet, Hitler (ridicule au possible) et les dignitaires nazis. Bien que certaines des causes de la collaboration soient évoquées (Serge Klarsfeld a été le conseiller du film et celui-ci est estampillé "valeur sûre" de l'éducation nationale), elles passent au-dessus de la tête du spectateur qui ne retient qu'une seule chose: une bande de salopards fomente un plan ignoble pour arrêter des femmes enceintes et des enfants aux bouilles craquantes priés de cabotiner au maximum pour mettre la larme à l'œil*. Quant à la population française non juive, elle est traitée avec le même manichéisme. Il y a quelques salopards (en fait une surtout, la boulangère antisémite de service), les autres sont tous formidables et ne pensent qu'à sauver les juifs menacés. Si Rose Bosch avait pu réécrire l'histoire, nul doute que la police française n'aurait pas arrêté 13 mille juifs (au lieu de 24 mille, c'est souligné à gros traits pour signifier que 10 mille ont pu échapper à la rafle) mais 0. Mais Rose Bosch a plus d'un tour dans son sac: elle met sur le devant de la scène deux petits survivants, Jo** et Nono si bien qu'elle obtient quand même le happy end recherché avec force larmes de joie. Le spectateur oublie que les enfants ayant réussi à se sauver avant la déportation n'étaient qu'une poignée et qu'aucun n'est revenu une fois déporté, donc que l'histoire de Nono est invraisemblable. Bref l'émotion obtenue à l'aide de quelques tours de passe-passe peu honnêtes paralyse la réflexion. Quant au casting, il est plombé par des acteurs choisis pour leur coefficient de popularité plus que pour leur crédibilité dans les rôles qu'ils interprètent (je pense en particulier à Gad Elmaleh dans le rôle d'un polonais trotskiste). Si l'on veut se convaincre qu'avoir joué dans "La Rafle" n'est pas ce qu'il y a de mieux à mettre dans son CV, on constatera que Adèle Exarchopoulos s'est bien gardé une fois devenue célèbre de mentionner qu'elle avait incarné Anna Traube dans le film de Rose Bosch.

* Heureusement que ce n'est pas la compassion mais le droit qui protège les populations sinon les êtres laids, difformes, handicapés ou antipathiques en auraient moins que les autres.

** Joseph Weismann fait partie des quelques enfants du Vel d'Hiv a avoir réussi à échapper à la déportation en s'évadant du camp de Beaune-La-Rolande. Il a sans doute inspiré à Tatiana de Rosnay le personnage de Sarah pour son roman "Elle s'appelait Sarah" porté au cinéma par Gilles Paquet-Brenner peu de temps après "La Rafle". Un film qui traite aussi de la rafle du Vel d'Hiv mais qui est bien plus sobre et poignant que "La Rafle" et d'un contenu autrement plus intéressant puisqu'il travaille autant l'histoire que la mémoire à échelle collective et individuelle.

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