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Articles avec #film de guerre tag

Le Faussaire (Die Falschung)

Publié le par Rosalie210

Volker Schlöndorff (1981)

Le Faussaire (Die Falschung)

Volker SCHLÖNDORFF fait partie de la même génération de cinéastes allemands que Werner HERZOG et Wim WENDERS, celle qui est née pendant la seconde guerre mondiale et dont le cinéma, bien qu'ancré en apparence dans les années 70-80 est hanté par la volonté de revenir sur "le passé qui ne passe pas" en réglant des comptes avec les secrets et mensonges de la génération des parents ou en les escamotant purement et simplement.

Le gros problème du "Faussaire" provient de la contradiction entre ce qu'il prétend démontrer et ce qu'il produit effectivement. Le roman dont il s'inspire dénonçait les pratiques journalistiques falsifiant la réalité des conflits. Le film se veut un nouveau "Allemagne, année zéro" (1947) en prise avec le documentaire et l'actualité. Mais comme il est impossible de remonter le temps pour filmer les ruines de la seconde guerre mondiale, "Le Faussaire" s'inscrit dans un conflit contemporain de l'époque où il a été tourné: la guerre civile au Liban (1975-1990) en y projetant la grille de lecture de la "mauvaise conscience" allemande. Bien que tourné sur place, le film fausse l'histoire immédiate en faisant du conflit libanais une réitération de l'épuration raciale nazie (avec les phalangistes chrétiens dans le rôle de ces derniers), en simplifiant abusivement les enjeux, en mélangeant les époques (le Beyrouth représenté dans le film est celui de 1976 et non celui de 1981) et en reconstituant la plupart des scènes de guerre au lieu de filmer l'instant présent. Le résultat apparaît extrêmement factice.

Comme si cette approche pseudo-documentaire reposant sur la confusion des époques, des genres et des enjeux ne suffisait pas, "Le Faussaire" s'écarte également de la démarche de "Allemagne, année zéro (1947)" en ajoutant une dérive existentielle fictionnelle typique du cinéma allemand de cette époque. Le conflit libanais est une fois de plus instrumentalisé pour expliquer la recherche d'identité du reporter Georg Laschen (Bruno GANZ) qui n'est pas (euphémisme) très au clair avec sa propre vie, notamment amoureuse (guère passionnante au demeurant). Faire ainsi un tel parallèle entre les souffrances des libanais et les problèmes "petit-bourgeois" d'un occidental qui ne reste qu'à la surface des choses a même quelque chose d'indécent, tout comme l'est la première scène du film d'ailleurs qui ne passerait plus aujourd'hui.

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La Chute (Der Untergang)

Publié le par Rosalie210

Oliver Hirschbiegel (2004)

La Chute (Der Untergang)

Bruno GANZ aura incarné au cinéma pour le meilleur et non pour le pire le meilleur et le pire de l’homme. Qui veut faire l’ange fait la bête disait Blaise Pascal et dans "La Marquise d O..." (1976) de Éric ROHMER, Edith CLEVER lui disait (lui prédisait ?) qu’il ne lui aurait pas semblé être le diable si à sa première apparition, elle ne l’avait pris pour un ange. Bruno GANZ en véritable « étoile noire » a donc incarné les deux polarités extrêmes de l’être humain, sa part céleste d’une part et la bête immonde tapie en lui de l’autre avec une profondeur proprement sidérante. « La Chute », grand film crépusculaire sur l’agonie du III° Reich ressemble à un terrifiant cauchemar entre ruines fumantes et bunker lugubre. Il montre avec un réalisme saisissant de crudité ce que deviennent les hommes lorsqu’ils sont acculés dans leurs derniers retranchements et qu’ils ont la certitude que leur fin est proche. Entre recherche de l’oubli dans l’alcool et les orgies, règlements de comptes et petits calculs sordides, ce qui ressort le plus, c’est la terrifiante litanie des suicides dans une ambiance oppressante et claustrophobique. La culture de mort qui a fait des millions de victimes se referme sur les bourreaux eux-mêmes dont certains entraînent leur famille avec eux. Les plus fanatiques, Hitler et Goebbels en arrivent à souhaiter que le peuple allemand tout entier y passe pour se venger sur eux de leur défaite. Les autres, plus lucides regardent le Führer se décomposer avec consternation et désarroi. Bruno GANZ offre une interprétation hallucinée du personnage entre bouffées délirantes où il donne des ordres à une armée qui n’existe plus, accès de mégalomanie quand il élabore les plans de la future Germania avec Albert Speer, fureur contre ses généraux et son peuple qui lui servent d’ultime bouc-émissaire, larmes de rage et d’impuissance face à l’inéluctable défaite, tremblements incontrôlables dus à la maladie de parkinson. Mais en dépit de tous ces signes qui indiquent à quel point Hitler était diminué à la fin de sa vie, celui-ci continue à exercer sa tyrannie délétère faite de séduction et de terreur sur tout son entourage qu’il veut pousser à mourir avec lui. Le bunker devient alors un véritable tombeau où s’accumulent les cadavres pendant qu’à Berlin encerclé par les russes, les enfants des jeunesses hitlériennes fanatisés lui répondent en miroir en sacrifiant inutilement leur vie.
Ce n’est pas parce que Oliver HIRSCHBIEGEL a humanisé les bourreaux que le film est complaisant ou suscite l’empathie. C’est l’effroi qui domine devant des personnes pour qui la vie (la leur comme celle des autres) n’a aucune valeur et qui n’ont comme solution que la mort à offrir. Il s’interroge également sur la notion de responsabilité en choisissant de privilégier le point de vue de la secrétaire d’Hitler. Celle-ci est incarnée par une jeune actrice pour les faits relatifs à la fin de la guerre mais elle apparaît aussi en personne au début et à la fin du film en tant que témoin ayant effectué un travail de mémoire dans lequel elle reconnaît sa responsabilité dans les choix de vie qu’elle a fait. L’exemple de Sophie Scholl qui avait le même âge qu’elle lui a rappelé que la jeunesse n’était pas une excuse. De ce fait elle tend un miroir aux allemands, les incitant à en faire de même.

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Nuit et Brouillard

Publié le par Rosalie210

Alain Resnais (1956)

Nuit et Brouillard

"Cette réalité des camps, méprisée par ceux qui la fabriquent, insaisissable pour ceux qui la subissent, c’est bien en vain qu’à notre tour nous essayons d’en découvrir les restes.
Ces blocks en bois, ces châlits où l’on dormait à trois, ces terriers où l’on se cachait, où l’on mangeait à la sauvette, où le sommeil même était une menace, aucune description, aucune image ne peut leur rendre leur vraie dimension". Comment en effet parler et montrer, comment témoigner et transmettre ce qui relève d'une expérience indicible et infilmable, une expérience du passé non digérée au présent. Voilà le défi auquel le réalisateur Alain RESNAIS et le scénariste Jean CAYROL se sont confrontés en tentant de représenter par le biais de l'art le "passé qui ne passe pas" par la voie du documentaire avec "Nuit et brouillard" (1956) et de la fiction avec "Muriel ou le temps d un retour" (1962). Il faut dire que les deux hommes sont contemporains de la seconde guerre mondiale et de la guerre d'Algérie, deux événements traumatiques ayant accouchés de mémoires douloureuses et conflictuelles qui ont été pour la plupart longtemps étouffées par la censure (celle de l'Etat mais aussi celle de la conscience qui pour continuer à vivre s'est scindée en refoulant ce qui était insupportable).

"Nuit et Brouillard" bien qu'étant à l'origine une commande est un film puissant et poétique qui témoigne de l'état d'esprit et du niveau de connaissances de 1955 sur l'univers des camps de la mort nazis, dix ans seulement après la fin de la guerre. L'époque est alors favorable à la célébration des héros de la Résistance et "Nuit et Brouillard" déroge d'autant moins à la règle que Jean CAYROL le scénariste est lui-même un ancien résistant déporté à Mauthausen. Le sujet du documentaire porte donc sur les conditions effroyables de vie et de travail de ces camps "de la mort lente". En revanche la spécificité de la déportation raciale n'est pas dégagée car elle n'était tout simplement pas reconnue à l'époque. Peu de déportés juifs étaient revenus des camps comparativement aux résistants. De plus, leurs témoignages n'étaient pas entendus. Pour que la mémoire juive émerge dans l'histoire, il faudra le procès Eichmann et plus tardivement encore, le documentaire-choc de Claude LANZMANN, "Shoah" (1985), qui analyse la spécificité de la déportation raciale. Elle se distingue de l'univers concentrationnaire en ce que la mort y est immédiate à l'arrivée et que tout est fait pour qu'elle ne laisse pas de traces. Contrairement à Alain RESNAIS qui filme des vestiges en couleur au milieu d'archives en noir et blanc en s'interrogeant sur leur pouvoir d'évocation du passé, Claude LANZMANN ne montre que le vide, le néant, les prairies dénuées de traces des épouvantables crimes qui s'y déroulèrent ou bien des ruines méconnaissables. Il parie en effet sur la puissance du témoignage seul pour ressusciter le passé. Certains historiens préfèrent d'ailleurs le terme de "centres de mise à mort" plutôt que de camps pour qualifier les lieux où étaient envoyés les juifs d'Europe, distincts des camps de concentration hormis dans le cas de Lublin-Majdanek et d'Auschwitz-Birkenau. Ce dernier, souvent évoqué dans "Nuit et Brouillard" est particulier car il est au croisement des deux logiques: Auschwitz I (là où se trouvait l'enseigne "Arbeit macht frei", l'hôpital, la prison) était un camp de concentration alors que Birkenau combinait la concentration et l'extermination. Cette imbrication de logiques différentes explique également la confusion qui règne dans "Nuit et Brouillard" qui évoque par moments (mais sans le dire explicitement) l'extermination des juifs au milieu des autres activités du camp (expériences médicales, travail forcé). Enfin, "Nuit et Brouillard" est également célèbre pour l'image censurée du gendarme surveillant le camp de Pithiviers. Cette censure témoignait à l'époque du refus de la France d'admettre sa participation aux crimes des nazis durant la seconde guerre mondiale. Un déni qui n'a pris fin qu'avec le discours de Jacques Chirac en 1995.

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La Bataille (The Battle)

Publié le par Rosalie210

D.W. Griffith (1911)

La Bataille (The Battle)

"La Bataille" est le dernier des sept courts-métrages que D.W. GRIFFITH a consacré à la guerre de Sécession entre 1910 et 1911, quelques années avant son célèbre long-métrage "Naissance d'une Nation" (1915). Il s'agit d'un récit édifiant dont le patriotisme convaincu pourrait tout à fait faire office de document de propagande militariste. Comme toujours en pareil cas, c'est la lâcheté qui est montrée du doigt avec un soldat qui panique dès le premier accrochage et part se cacher chez sa fiancée. Bien évidemment celle-ci lui rit au nez et lui demande de se comporter en homme. Transcendé par ce remontage de bretelles en bonne et due forme, le soldat devient soudainement un héros qui risque sa vie pour ramener à son camp en panne sèche de munitions un chariot de poudre (conduit par Lionel BARRYMORE!). Stanley KUBRICK qui était profondément antimilitariste a brillamment démontré dans "Les Sentiers de la gloire" (1957) comment la lâcheté et le courage étaient habilement exploités par les généraux pour manipuler leurs soldats. Il n'y a bien évidemment pas ce recul chez D.W. GRIFFITH qui reste béat d'admiration devant les uniformes rutilants tels que celui qu'avait porté son papa (colonel de l'armée des confédérés pendant la "Civil war" comme l'appellent les américains et qui avait eu un comportement héroïque en menant une charge victorieuse alors qu'il était blessé). A défaut de tuer le père, D.W. GRIFFITH livre néanmoins un film déjà très ambitieux pour son époque et son format avec des reconstitutions de bataille spectaculaires et un grand nombre de figurants.

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Epées et coeurs (Swords and Hearts)

Publié le par Rosalie210

D.W. Griffith (1911)

Epées et coeurs (Swords and Hearts)


"Epées et cœurs" est le sixième des sept courts-métrages sur la guerre de Sécession que D.W. GRIFFITH a réalisé entre 1910 et 1911. L'importance de cet événement dans la filmographie du cinéaste s'explique par sa biographie personnelle (son père a pris part au conflit du côté des confédérés et s'est brillamment illustré en tant que colonel) autant que par la place de la "Civil war" dans l'histoire des USA. En effet, bien plus que la guerre d'Indépendance, c'est la guerre de Sécession qui est considérée par les américains comme l'événement fondateur de leur nation comme le montre l'abondante filmographie qui lui est consacrée.

"Epées et cœurs" comme son titre l'indique est une romance contrariée par la guerre mais aussi par les différences sociales. L'intrigue qui se déroule en Virginie, l'un des Etats sudistes qui a fait sécession se focalise sur un triangle amoureux: le fils d'un riche planteur de tabac, Hugues Frazier (Wilfred LUCAS), sa voisine du même rang que lui qu'il courtise Irène Lambert (Claire McDOWELL) et enfin Jenny Baker (Dorothy WEST) la fille d'un "petit blanc". Le film est à la fois une romance, un récit de guerre épique et une fable dans le sens où la guerre déchire le voile des apparences et révèle la véritable identité de chacun. Sous ses airs de jeune fille de bonne famille, Irène s'avère être une opportuniste qui se laisse courtiser par Hugues mais aussi par un soldat de l'Union histoire de pencher du bon côté le moment venu. Lorsque Hugues perd tout (la guerre mais aussi la propriété familiale qui est attaquée, pillée et incendiée) il perd également Irène mais il gagne Jenny. Cette dernière sous ses airs de pauvresse cache un tempérament intrépide et déterminé qui a l'occasion de s'exprimer lorsqu'elle protège Hugues des soldats de l'Union venus l'arrêter en faisant diversion. Dorothy WEST montre à cette occasion son talent dans les scènes d'action en tant que cavalière et tireuse, bien mise en valeur par la mise en scène de D.W. GRIFFITH, l'utilisation de la profondeur de champ dans la course-poursuite notamment. Son personnage, en rupture par rapport à la tradition prend sa vie en main et sauve celui qu'elle aime au lieu d'être sauvé par lui. Enfin, le quatrième personnage important du film est Old Ben, l'esclave majordome de la famille Frazier qui sauve Hugues de la ruine en enterrant le coffre de la maison pour qu'il ne tombe pas aux mains des pillards. Si le film de D.W. GRIFFITH a un côté féministe et progressiste socialement, il est imprégné de racisme, comme "Naissance d une Nation (1915)". Old Ben est joué comme il était d'usage à l'époque par un acteur blanc grimé, il est entièrement dévoué à la famille Frazier et ne pense pas un instant à profiter de la guerre et du désordre pour s'enfuir et encore moins pour s'enrichir au détriment de ses anciens maîtres qu'il continue à servir fidèlement comme s'il n'y avait pas d'autre horizon possible.

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Barry Lyndon

Publié le par Rosalie210

Stanley Kubrick (1975)

Barry Lyndon

Lorsque je suis amenée à voir un navet, je compense aussitôt avec l'un des plus beaux films du monde, un régal pour l'œil, l'oreille et l'esprit. "Barry Lyndon" est une œuvre d'art totale. C'est un film qui se contemple, qui s'écoute, qui se lit mais surtout qui se vit. "Barry Lyndon" fait partie de ces films qui rappellent que le septième art est celui du mouvement, de l'anima(tion). Stanley KUBRICK avait déclaré qu'il avait voulu réaliser un documentaire sur le XVIII° siècle c'est à dire transformer le passé (film historique) en présent (film documentaire). Ce tour de force, il l'a accompli en réalisant une œuvre vivante, humaine, naturelle et par conséquent une œuvre sur laquelle le passage du temps n'a pas de prise.

- "Barry Lyndon" est un film qui se contemple. Son rythme volontairement lent permet au spectateur d'apprécier la beauté de chaque image, conçue comme un tableau vivant faisant référence à la peinture anglaise du XVIII° siècle (Gainsborough, Hogarth, Constable etc.). C'est le résultat de la photographie exceptionnelle de John ALCOTT et du sens du cadre tout aussi exceptionnel de Stanley KUBRICK: harmonie des proportions, symétrie de la composition, zooms arrières découvrant progressivement des paysages plus sublimes les uns que les autres dans lequel sont insérés les personnages. La sensibilité photographique de Stanley KUBRICK se ressent aussi dans le travail époustouflant accompli sur la lumière naturelle qu'elle soit extérieure ou intérieure. La plupart des plans d'extérieur ont été filmés à l'aube ou au crépuscule, nimbant les images d'un voile poétique et mélancolique alors que ceux d'intérieur sont éclairés de côté, soit par la lumière provenant des fenêtres soit par celles des bougies. Outre la prouesse technique qui a fait couler beaucoup d'encre, ce travail a nécessité beaucoup de temps et de patience, Stanley KUBRICK n'hésitant pas à user les nerfs de son équipe pour capter un passage nuageux ou un ensoleillement précis. C'est ce travail sur la lumière qui contribue à donner au film de Stanley KUBRICK un aspect naturel d'une qualité incomparable à tous ceux qui sont réalisés en studios avec des lumières factices.

-"Barry Lyndon" est un film qui s'écoute. Stanley KUBRICK savait redonner vie et sens à la musique classique en la mariant aux images de ses films mais avec "Barry Lyndon", il atteint un degré de perfection inédit dans cette fusion. Parmi les morceaux présents dans le film, j'en citerai trois qui me paraissent particulièrement remarquables: la mélancolie poignante des chants celtiques évoquant le paradis perdu de l'Irlande natale de Redmond Barry, la sarabande solennelle de Haendel qui souligne le "fatum" qui pèse sur lui et enfin le romantisme tragique du trio de Schubert qui épouse à la perfection la sublime scène intimiste quasi-muette de séduction entre Redmond Barry et Lady Lyndon (Marisa BERENSON). Non seulement l'anachronisme du morceau ne se remarque pas mais il souligne l'un des aspects les plus modernes du XVIII° siècle: l'invention de l'intimité notamment par l'investissement croissant de la sphère domestique dans les milieux nobles et bourgeois. Marie-Antoinette se réfugiant dans le cocon du petit Trianon pour échapper à la cour de Versailles où sa vie était un spectacle permanent en est l'un des exemples les plus célèbres. Le XIX° ne fait que couronner ce triomphe de l'intimisme notamment avec le développement de la musique de chambre et les améliorations du piano (inventé au XVIII° mais qui n'atteint sa plénitude expressive qu'au XIX°).

- Comme la majorité de ses films, "Barry Lyndon" est une adaptation littéraire, celle des "Mémoires de Barry Lyndon du royaume d'Irlande" de William Makepeace Thackeray. Il s'agit donc d'une autobiographie fictive ce qui explique d'une part le caractère profondément mélancolique du film et d'autre part la présence de la voix-off qui ne se contente pas de commenter l'action mais l'anticipe, nous révélant ainsi que le destin tragique de Redmond Barry est déjà scellé. La voix-off permet aussi au spectateur d'acquérir une certaine distance par rapport à l'histoire. Elle coupe court au pathos qui pourrait surgir de scènes particulièrement dramatiques comme celle de la mort de Bryan (David MORLEY). Le ton décalé employé dans certaines situations a le même objectif. Par exemple l'extrême politesse du langage employé par le Captain Feeney (Arthur O SULLIVAN) fait oublier qu'il s'agit d'un voleur qui plonge Redmond Barry dans une situation dramatique en le dépouillant de tous ses biens. L'aspect littéraire du film réside également dans le fait qu'il s'agit d'un bildungsroman, du moins dans sa première partie. Le film est en effet divisé en deux parties égales: l'ascension et la chute (toujours ce goût pour la symétrie!) qui elle est en rapport avec la tragédie. La première partie du film appartient également au genre picaresque de par l'errance et les aventures d'un héros toujours en mouvement et qui ne parvient pas à trouver sa place. La deuxième partie en revanche est un quasi huis-clos théâtral plus propice au déroulement de la tragédie. Le héros enfin, Redmond Barry est un personnage complexe dont le comportement, dicté par le ressentiment est lui aussi "symétrique". Dans un premier temps, il est victime de sa naïveté lorsqu'il découvre que sa cousine dont il est amoureux l'a manipulé avec la complicité de la famille pour faire un mariage d'argent. Dans un second temps, endurci et aguerri par les épreuves qu'il a traversé, il se venge en faisant lui-même un mariage d'intérêt avant de le détruire en dilapidant la fortune de sa femme, en bafouant cette dernière ainsi que les codes sociaux en vigueur dans les hautes sphères. Comme le héros de "Eyes wide shut" (1999), Edmond Barry est un personnage falot (d'où le choix du lisse Ryan O NEALpour l'interpréter) qui réussit à entrer de façon opportuniste dans un milieu fortuné et décadent dont il ne maîtrise pas les codes. Il finit donc par être rejeté et par retourner dans son milieu d'origine. Mais la tragédie propre à Redmond Barry est d'être un déraciné privé d'ascendance comme de descendance. Il n'est guère étonnant que les moments où il se montre le plus sincère et le plus vulnérable soient liés à la perte: celle de son père de substitution le capitaine Grogan (Godfrey QUIGLEY), celle de sa terre natale ravivée par la rencontre avec le chevalier de Balibari (Patrick MAGEE et enfin celle de son fils.

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Le Père tranquille

Publié le par Rosalie210

René Clément (1946)

Le Père tranquille

"Le Père tranquille" est un film passionnant. Il est à la fois le témoin de son époque et en même temps, il légèrement décalé par rapport à celle-ci. Il faut dire que NOËL-NOËL auteur de l'histoire originale, également scénariste, dialoguiste, co-réalisateur et acteur principal n'a pas cherché à cacher que le Père tranquille, pourtant inspiré de l'histoire (vraie) d'un autre était aussi un autoportrait.

"Le Père tranquille" clôture une série de 30 fictions et documentaires qui furent tournés après la libération de Paris, d'août 1944 à la fin de l'année 1946. Non pour témoigner de la réalité mais pour tenter de réparer le fossé béant que l'occupation avait creusé entre les français. L'heure était à la reconstruction nationale après quatre années de divisions et cela passait par des arrangements avec la vérité historique. Les films qui sortaient d'une industrie cinématographique en pleine renaissance participaient de cette réécriture de l'histoire. Ils passaient par le moule d'une commission de censure qui vérifiait leur conformité avec le mythe unificateur résistancialiste*. C'est pourquoi traiter le "Père tranquille" de réactionnaire est une absurdité étant donné qu'il est le produit d'une époque et d'un système où il était impossible d'exister autrement que dans le moule voulu par les dirigeants de la France d'après-guerre, gaullistes et communistes issus de la Résistance pour l'essentiel. "Le Père tranquille" se focalise donc logiquement sur une Résistance montrée comme étant le "vrai" visage de la France. Il dépouille celle-ci de toute idéologie ou esprit partisan pour effacer les clivages entre les français. Dans "le Père tranquille" on est résistant par réflexe patriotique, le patriotisme étant considéré comme rassembleur contrairement à l'antifascisme. Logiquement, Jourdan (Marcel DIEUDONNÉ) le seul collaborateur de l'histoire est extérieur au village de Moissan (c'est à dire du village France). Il peut servir ainsi de bouc-émissaire (dont la fonction faut-il le rappeler est de souder la communauté au travers d'un ennemi commun). Enfin, le film est centré sur un personnage qui joue un double jeu. Edouard Martin est en apparence un attentiste pantouflard préoccupé uniquement par son petit confort domestique alors qu'en secret il dirige un réseau de résistants et prend de grands risques. Un thème extrêmement porteur après-guerre et qui trouvera son point d'aboutissement dans le livre que l'historien Robert Aron consacrera à la "France de Vichy" en 1954. Livre d'où sera issue la théorie du double jeu de Pétain en apparence collaborationniste mais en réalité de mèche avec le général de Gaulle (thèse de l'épée et du bouclier). C'est cette thèse qu'un autre Robert, Robert Paxton fera voler en éclats en 1973 avec des preuves irréfutables de l'adhésion de Pétain au projet nazi.

Mais "Le Père tranquille" est également un film qui fait un pas de côté par rapport aux œuvres de la même époque. Tout d'abord il s'agit d'une comédie et c'est une première d'introduire de la légèreté dans le traitement de cette période. Ensuite la Résistance qui est décrite dans le film est le fait d'hommes ordinaires à la vie banale dont les actes (déchiffrer des codes, faire circuler des informations, dissimuler des objets compromettants, mentir aux nazis qui viennent flairer les orchidées de trop près) n'ont rien d'exaltant. Tout ce qui relève de l'action spectaculaire et héroïque (plasticages, exécutions) est volontairement laissé hors-champ. Il s'agit évidemment de faciliter l'identification des français à Edouard Martin (comme son nom l'indique) mais on ne peut s'empêcher de souligner que cette manière pseudo-documentaire de dépeindre la Résistance ordinaire est plus proche de la vérité que celle qui consistait à montrer des résistants sacrifiant héroïquement leur vie lors de combats glorieux.

*Mythe selon lequel les français auraient unanimement résisté pendant les années d'occupation.

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L'Armée des ombres

Publié le par Rosalie210

Jean-Pierre Melville (1969)

L'Armée des ombres

1969 est une année charnière dans la représentation de la Résistance en France. Lorsque sort le film de Jean-Pierre MELVILLE, De Gaulle a démissionné depuis quatre mois. Or il avait contribué à construire dans l'après-guerre une mémoire officielle de réconciliation nationale selon laquelle une majorité de français avaient résisté aux allemands pendant la guerre. Des résistants célébrés comme des héros à l'image de Jean Moulin dont l'entrée au Panthéon en 1964 donna lieu à un célèbre discours d'André Malraux: "Entre ici Jean Moulin avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi; et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé (…) Entre, avec le peuple né de l’ombre et disparu avec elle — nos frères dans l’ordre de la Nuit (…) Aujourd’hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n’avaient pas parlé ; ce jour-là, elle était le visage de la France… "

Le film de Jean-Pierre MELVILLE ne remet pas fondamentalement en cause cette vision. De Gaulle est montré comme le chef unique de la Résistance (alors que le film se déroule avant l'unification de ses différents mouvements), "Saint Luc" (Paul MEURISSE) étant un substitut de Jean Moulin. D'autre part le seul personnage important que l'on peut croire collaborateur dans le film (joué par Serge REGGIANI) s'avère en réalité résistant, validant la thèse de l'historien Robert Aron du "double jeu" des pétainistes. Néanmoins il amorce un changement d'époque de par la vision démythificatrice et désenchantée qu'il donne de la Résistance. Une vision distanciée et fragmentée par le souvenir qui semble au fur et à mesure que le film avance se transformer en cauchemar ("Mauvais souvenirs, soyez pourtant les bienvenus" est la phrase qui sert d'exergue au film). Les résistants sont montrés moins comme des héros que comme des morts en sursis voire des fantômes sortis d'outre tombe. L'aspect profondément carcéral et oppressant du film (lié aux décors, à la photographie glaciale, quasiment privée de couleurs, à la bande-son sinistre) donne au spectateur l'impression d'avoir basculé dans une dimension sépulcrale. Une impression renforcée par les personnages et l'interprétation des acteurs. Contrairement à ce que faisait Malraux dans son discours d'hommage à Jean Moulin, le spectateur ne peut s'identifier aux résistants du film. L'accès à leur intériorité nous est refusé car ils l'ont eux-mêmes verrouillée pour pouvoir s'adonner à leur activité. Cela fait d'eux des êtres froids, inexpressifs et interchangeables, inhumains, désincarnés et insensibles à l'exception des personnages joués par Jean-Pierre CASSEL et Simone SIGNORET. Mais c'est aussi leur refus d'abdiquer toute humanité qui en fera des proies faciles. D'autre part le quotidien des résistants est marqué par l'ennui entrecoupé de brefs moments de montée d'adrénaline. Ils attendent beaucoup, se cachent, fuient et se taisent. Et ils n'hésitent pas à tuer. Pas seulement le nazi ou le collaborateur mais aussi quiconque dans leur rang qui serait susceptible de les trahir. Le plus impitoyable de tous étant Gerbier (Lino VENTURA) dont le dévouement à l'organisation et la dévotion à la hiérarchie se rapproche des codes de la mafia japonaise: "Le mot “aimer” n’a de sens pour moi que s’il s’applique au patron". Rapprocher ainsi ces hommes de l'ombre du monde des gangsters avec des codes de film policier a quelque chose de passablement dérangeant.

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La colline aux mille enfants

Publié le par Rosalie210

Jean-Louis Lorenzi (1994)

La colline aux mille enfants

"La colline aux mille enfants" est un téléfilm remarquable qui a reçu une dizaine de prix dont un Emmy Award aux USA en 1996. Il faut dire qu'il n'est pas signé par n'importe qui. Jean-Louis Lorenzi n'est autre que le fils de Stellio Lorenzi, scénariste et réalisateur de télévision dont les œuvres souvent historiques se sont inscrites dans une certaine conception du service public, humaniste et engagée. C'est dans cette tradition que s'inscrit également l'œuvre de Jean-Louis Lorenzi.

L'histoire est basée sur des faits réels. Durant l'occupation, un village protestant des Cévennes, le Chambon-sur-Lignon s'est mobilisé sous la houlette de son pasteur André Trocmé (renommé dans le film Jean Fontaine et interprété par Patrick RAYNAL) pour sauver des persécutés, principalement des enfants juifs. Avec l'aide d'autres associations religieuses, notamment américaines, ils les ont entre autre cachés, aidés à fuir en Suisse et leur ont fournis de faux-papiers. Il faut dire que le village avait une solide expérience de la résistance à l'oppression. Ses habitants étaient les descendants des Camisards, ces protestants des Cévennes qui, après la révocation de l'édit de Nantes en 1685, avaient résisté aux exactions des dragons de Louis XIV et à la conversion forcée en cachant leurs pasteurs et en continuant à célébrer des cultes dans des endroits isolés. Par la suite le village se fit un point d'honneur à accueillir des réfugiés de guerre comme les alsaciens en 1914 ou les républicains espagnols à partir de 1936. En 1971, le village et d'autres communes voisines ont été honoré collectivement par le titre de "Juste parmi les nations" décerné par le mémorial de Yad Vashem ainsi que nombre de leurs habitants à titre individuel.

Le film, tourné partiellement sur les lieux des événements (le reste a été tourné dans le Gard) est bien plus qu'une simple reconstitution historique. Il donne vie aux personnages, tous remarquablement brossés et interprétés. L'affrontement idéologique, spirituel et psychologique entre le pasteur Fontaine et le commissaire Vitrac (Jean-François GARREAUD) est particulièrement intense car les deux personnages sont complexes. Le pasteur est un homme entier et impulsif, une faiblesse dont compte bien se servir le commissaire qui le harcèle sans relâche pour le faire tomber de son piédestal. Celui-ci est au contraire un animal à sang-froid aussi courtois que machiavélique. Son comportement aussi obsessionnel qu'ambigu envers le pasteur fait penser à celui de Javert envers Jean Valjean. De même, les habitants ne sont pas tout d'une pièce, pas plus que les juifs recueillis (dont on rappelle au passage la diversité des origines: polonaise, allemande, hollandaise mais aussi française). Le choc culturel est illustré par la cohabitation entre Frédéric le lycéen parisien de bonne famille un peu snob (joué par un tout jeune Guillaume CANET) et le jeune paysan qui l'héberge avec sa petite sœur. Autre confrontation électrique, celle entre la redoutable Emilienne (Dora DOLL) et Paulo, un jeune hollandais irréfléchi et irresponsable. D'autant que la terre de celle-ci appartient à un maréchaliste convaincu (Fred PERSONNE) dont le fils René (joué par un également très jeune Benoît MAGIMEL) est milicien.

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Lacombe Lucien

Publié le par Rosalie210

Louis Malle (1974)

Lacombe Lucien

"Lacombe Lucien" fait partie de ces films des années 70 qui contribuèrent à réveiller la mémoire juive et la mémoire du régime de Vichy occultées par le mythe de la France résistante du général de Gaulle. Il y avait urgence. Le négationnisme prospérait sur ce silence, entretenu par les anciens collaborateurs ("A Auschwitz on a gazé que des poux" disait Louis Darquier de Pellepoix en 1978) tandis que Pompidou amnistiait le milicien Paul Touvier en 1971.

"Lacombe Lucien" fit scandale à sa sortie et aujourd'hui encore, il est entouré d'une aura sulfureuse qui entrave la vision objective du film. Dès qu'un auteur ou un réalisateur tente de comprendre la "banalité du mal", il est accusé de complaisance voire de complicité. Le réalisme et la finesse avec laquelle Louis MALLE questionne les agissements de son héros font peur car ils ouvre une brèche dans les abysses humaines que la plupart ne veulent pas voir. Ils préfèrent être rassurés par des histoires bien manichéennes dans lesquelles le bien et le mal sont clairement identifiés avec une belle catharsis où le bien l'emporte et où le mal est châtié. Or c'est cette vision simpliste qui conduit au fascisme (tant il est facile ainsi de construire un bouc-émissaire accablé de tous les maux) et non celle que dépeint Louis Malle.

Lucien (Pierre BLAISE) est un personnage qui dépasse largement le contexte historique et géographique du film. Il peut s'appliquer à nombre de jeunes paumés qui se font enrégimenter par les systèmes totalitaires d'hier (nazisme, communisme) et d'aujourd'hui (Daech). Lucien est en effet un candidat idéal:

-Il est sans éducation, par conséquent il ne comprend pas les enjeux qui le dépassent, agit et raisonne bêtement ce qui le rend très facilement manipulable.

-Il est privé de père (qui est prisonnier de guerre), sa mère couche avec le patron pour qui il est un intrus. Il n'a donc ni foyer, ni repère moral.

-Son boulot de déclassé consiste à nettoyer et vider les pots de chambre d'un hospice.

-Les humiliations et rejets cumulés font de lui une boule de frustrations et de rage prête à exploser comme on peut le constater dans son attitude envers les plus faibles que lui (il passe sa colère sur les animaux).

-Son engagement n'est pas politique mais social. Il se lie avec ceux qui lui apportent de la reconnaissance, du respect, du pouvoir, un statut, sans questionner la nature de leurs agissements ni leur nature tout court. Ce qui fait de lui un opportuniste sans scrupules, notamment lorsqu'il largue une serveuse antisémite (Cécile Ricard) pour une juive bourgeoise (Aurore CLÉMENT) qui ne l'aurait même pas regardé dans d'autres circonstances. L'erreur de l'instituteur résistant à qui il propose d'abord ses services est de l'avoir méprisé. Erreur réitérée de la part d'un autre résistant qui tente de le faire changer de bord mais en le tutoyant. Un minimum de connaissance de la nature humaine aurait pu les éclairer. Malle avait en tête un texte de Jean Genet extrait de "Pompes funèbres" décrivant une France terrifiée durant l'occupation par des gosses de 16 à 20 ans jouant au petit chef (dans la milice ou comme Lucien, dans les forces supplétives de la Gestapo). Mais ce phénomène de revanche sociale et générationnelle se retrouve tout aussi bien dans les dictatures d'extrême-gauche, sous le régime des khmers rouges par exemple, pour la plupart de jeunes paysans prenant sur revanche sur les citadins, les bourgeois, les intellectuels.

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