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Articles avec #film de guerre tag

Dunkerque (Dunkirk)

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2017)

Dunkerque (Dunkirk)

Immersif et abstrait, le "Dunkerque" de Christopher NOLAN m'a fait penser à "Inception" (2009) avec son montage alterné sur trois temporalités différentes. Une évacuation sur la jetée qui dure une semaine, un bateau de plaisance qui se porte au secours des naufragés sur une journée et un pilote d'avion qui tente de couvrir les opérations sur une heure. Le résultat qui fait penser à un jeu vidéo est cependant brouillon et répétitif. Le scénario est rachitique et les personnages interchangeables, une impression renforcée par le minimalisme des images: ciel, plage, mer presque vides où apparaissent parfois quelques points ou lignes de points. Ennemi invisible, allié français presque inexistant, plage immaculée et ville de Dunkerque anachronique et intacte déréalisent et décontextualisent complètement la guerre. C'est d'ailleurs le but affiché par Christopher NOLAN qui a préféré faire un film de survie. Mieux vaut en effet ne pas être claustrophobe tant les scènes où les soldats sont pris au piège d'une carcasse de bateau ou d'avion qui coule sont nombreuses. On a bien du mal à croire que 300 mille des 400 mille soldats britanniques ont pu être sauvés dans ces conditions tant Christopher Nolan insiste sur les torpillages de bateaux, les mitraillages sur la plage et la sensation d'oppression qui en résulte, renforcée par la musique lancinante de Hans ZIMMER. C'est à peu près la seule sensation qui émerge de ce film qui paradoxalement s'avère étouffant en filmant pourtant des espaces épurés et infinis.

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Un Pont Trop Loin (A Bridge Too Far)

Publié le par Rosalie210

Richard Attenborough (1977)

Un Pont Trop Loin (A Bridge Too Far)

"Un pont trop loin" est le miroir inversé de "Le Jour le plus long" (1962). Les deux films sont l'adaptation d'un livre du même auteur, le journaliste Cornelius Ryan racontant chronologiquement une opération de grande envergure menée par les alliés en 1944. Mais là où "Le Jour le plus long" chronique un moment glorieux de la guerre, l'opération Overlord c'est à dire le débarquement anglo-américain en Normandie du 6 juin 1944, "Un pont trop loin" raconte l'opération aéroportée "Market Garden" de septembre 1944 qui se solda par un fiasco et de terribles pertes humaines. Le plan était celui du général britannique Montgomery: parachuter des dizaines de milliers d'hommes aux Pays-Bas, derrière les lignes ennemies pour qu'ils sécurisent les ponts permettant d'acheminer les blindés jusqu'au Rhin et permettent ainsi aux alliés d'entrer plus vite en Allemagne. L'opération fut avalisée par Eisenhower parce qu'elle permettait en cas de réussite d'écourter la guerre alors que les problèmes logistiques des alliés se faisaient de plus en plus aigus. Sauf qu'elle reposait sur une erreur d'appréciation fondamentale: celle des capacités de résistance de l'armée allemande, certes en repli mais pas encore en déroute. De plus, l'aspect démesuré de l'opération ne laisse guère de doutes sur l'hubris de son concepteur et sa volonté de tirer la couverture à lui pour laisser sa trace dans l'histoire au détriment des autres généraux (Patton par exemple qui était en désaccord avec lui). A propos d'hubris, on peut également évoquer le match des producteurs, celui de "Un pont trop loin", Joseph E. LEVINE désirant faire au moins aussi bien que Darryl F. ZANUCK qui avait produit son "concurrent", "Le Jour le plus long".

Richard ATTENBOROUGH, le réalisateur britannique de "Un pont trop loin" a signé par la suite d'autres superproductions mais à caractère biographique telles que "Gandhi" (1982) et "Chaplin" (1992). Outre l'aspect spectaculaire de la reconstitution et un casting de stars long comme le bras (mais qui a pour inconvénient de réduire la part de chacun à la portion congrue, certains s'en sortant mieux que d'autres), le film a une qualité que je n'ai vu soulignée nulle part mais qui m'a frappée: sa capacité à donner un caractère humaniste aux morceaux de bravoure, à ne pas perdre de vue l'intime au coeur de son récit de guerre. C'est la scène dans laquelle le sergent Dohun (James CAAN) brave le danger pour sauver son capitaine gravement blessé qu'il a juré de protéger au début du film; celle dans laquelle Robert REDFORD récite le "je vous salue Marie" alors qu'il est canardé avec ses hommes pendant la traversée d'un fleuve. Ou encore toutes celles qui dépeignent la guerre de position désespérée menée au nord du pont d'Arnhem par le lieutenant-colonel Frost et ses hommes trop peu nombreux qui investissent une maison dont on voit les étapes de la destruction ainsi que celle de leurs propriétaires. Anthony HOPKINS, acteur fétiche de Richard ATTENBOROUGH (il jouera ensuite pour lui dans "Magic" (1978) et "Les Ombres du coeur") (1993) y est déjà intense et bouleversant dans les derniers moments, éclipsant le reste du prestigieux casting à l'exception de Sean CONNERY, lui aussi remarquable.

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La Ligne rouge (The Thin Red Line)

Publié le par Rosalie210

Terrence Malick (1997)

La Ligne rouge (The Thin Red Line)

A la fin de "La Ligne rouge", on entend "God, Yu Tekkem Laef Blong Mi", chanté par une chorale d'enfants mélanésiens, une composition de Hans ZIMMER qui pour l'anecdote a été reprise plus récemment dans la campagne publicitaire des assurances GMF. Une chorale qui répond à un film choral, une communion qui s'adresse à dieu à la manière d'un gospel car pour reprendre la chanson sur l'enfance de Peter HANDKE " Lorsque l'enfant était enfant (...) pour lui, tout avait une âme, et toutes les âmes n'en faisaient qu'une". Aussi, bien que les huit soldats mis en avant dans "La Ligne rouge" aient chacun une individualité qui n'hésitent pas à s'affronter, lorsque le film s'élève vers les cieux, on les écoute penser comme les anges écoutaient les monologues des humains dans "Les Ailes du désir" (1987) et ce que l'on entend nous fait comprendre que ces hommes par delà leurs différences partagent la même nature. Terrence MALICK réussit avec "La Ligne rouge" un authentique exploit. Il nous déroule un récit de guerre limpide et contextualisé (la bataille de Guadalcanal en 1942, l'un des tournants de la guerre du Pacifique) avec une grande précision dans la mise en scène de la prise de la colline 210 et en même temps, il inscrit celle-ci au sein d'une entité plus vaste qui se moque des enjeux géopolitiques et idéologiques qui agitent les armées des pays en guerre ce qui en décentre le propos. "La propriété! Tout ce foutoir, c'est pour la propriété" s'exclame le sergent Welsh (Sean PENN) qui prétend ne croire en rien mais n'hésite pas à risquer sa vie pour soulager un soldat mourant. Il est particulièrement lié au soldat Witt (Jim CAVIEZEL), un mystique qui voit en chaque être l'étincelle divine qui est en lui et n'hésite pas à déserter pour partager la vie simple des indigènes qui vivent en communion avec la nature. Eux aussi se moquent bien de ce qui agite japonais et américains, renvoyés dos à dos lorsqu'ils ne sont plus que de la chair meurtrie ou pourrie que viennent s'arracher les chiens errants ou les vautours. Car la vie reprend toujours ses droits comme le montre la dernière image du film. Mais même lorsqu'il doit se confronter à la laideur de la guerre, Terrence MALICK parvient à en extraire de la beauté, que ce soit le soldat Bell (Ben CHAPLIN) qui se remémore les jours heureux passés avec sa femme ou le lien de confiance qui se créé entre le capitaine Staros (Elias KOTEAS) et ses hommes qu'il veut préserver des décisions va-t-en-guerre du lieutenant-colonel Tall (Nick NOLTE) qui cherche ainsi à dissimuler combien il se sent rongé de l'intérieur. Les quelques images un peu trop "léchées" qui sont prédominantes dans d'autres films du réalisateur n'altèrent ici en rien sa puissance évocatrice.

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Le Crabe-Tambour

Publié le par Rosalie210

 Pierre SCHOENDOERFFER (1977)

Le Crabe-Tambour

C'est le premier film que je vois de Pierre SCHOENDOERFFER et ce qui m'a frappé tout de suite, c'est à quel point il respire le vécu: un vécu de marin, de soldat et de reporter de guerre nourri aux mêmes livres d'aventures que l'acteur Bernard GIRAUDEAU qui avait été mécanicien dans la marine nationale (celle-ci joue un rôle central dans "Le Crabe-Tambour"). D'ailleurs le père de Bernard Giraudeau qui était militaire avait été envoyé en mission en Indochine et en Algérie alors que Pierre SCHOENDOERFFER avait été fait prisonnier à la fin de la première de ces deux guerres de décolonisation avant de partir documenter la seconde. Enfin les deux hommes outre une carrière dans l'armée et au cinéma étaient eux-mêmes devenus romanciers, les livres de Pierre SCHOENDOERFFER ayant servi de support à ses deux films les plus célèbres, "La 317ème section" (1964) et donc "Le Crabe-Tambour". Deux films entretenant une relation étroite au travers de l'itinéraire des frères Willsdorff inspirés par l'histoire des frères Guillaume, le premier tué en Algérie à la tête de son commando, le second devenu lieutenant de vaisseau. Dans la fiction, l'adjudant Willsdorff (Bruno CREMER), central dans "La 317ème section" qui se déroule en Indochine est juste mentionné sur un journal dans "Le Crabe-Tambour" lorsqu'il meurt en Algérie. Dans "le Crabe-Tambour", on découvre au travers de flashbacks l'existence de son frère, le lieutenant Willsdorff (joué par Jacques PERRIN qui dans "La 317ème section" était le sous-lieutenant que Bruno Cremer secondait) ayant également traversé les deux guerres avant de devenir capitaine de pêche sur un chalutier au large de Terre-Neuve.

C'est donc vers cet homme devenu un fantôme hantant les souvenirs de ceux qui l'ont croisé que vogue le navire d'escadre Jauréguibbery. A son bord un commandant taciturne, dissimulant sa maladie et son infirmité sous son code d'honneur (Jean ROCHEFORT alors à contre-emploi), son confident, le médecin du bord (Claude RICH) et enfin le chef-mécanicien, un vieux loup de mer breton friand d'histoires bigoudènes (Jacques DUFILHO). On est pris dans une expérience immersive puissante oscillant entre le documentaire (de nombreuses scènes sont saisissante de réalisme et minutieusement documentées: vie à bord d'un navire de guerre en mission d'assistance à la Grande pêche sur les bancs de Terre-Neuve, transfert et soins des marins-pêcheurs blessés et malades, découpe du poisson en haute-mer etc.) et le mythe à la manière d'un roman de Emile Zola. La manière dont la mer est filmée par Raoul COUTARD, compagnon de route de Pierre SCHOENDOERFFER sur les théâtres de guerre et chef-opérateur de la nouvelle vague (c'est le cas de le dire) en fait un être vivant, actrice du film à part entière tous comme les bateaux qui ressemblent à de grands animaux marins. Quant au code d'honneur des militaires qui est lui aussi central dans le film, il m'a fait penser avant même que je ne le découvre à celui de Arthur HARARI, "Onoda, 10 000 nuits dans la jungle" (2021). Je ne savais pas encore (et Arthur Harari non plus puisqu'il ne l'a découvert qu'a postériori) que "Le Crabe Tambour" s'ouvre justement sur une référence directe au véritable Onoda qui venait alors à peine de se rendre en 1974 après trente ans passés dans une réalité parallèle à continuer une guerre officiellement terminée en 1945 au nom de la parole donnée et des engagements pris et non révoqués, le lien d'homme à homme étant plus important que les décisions de l'Etat.

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Le Tambour (Die Blechtrommel)

Publié le par Rosalie210

Volker Schlöndorff (1979)

Le Tambour (Die Blechtrommel)

" Il était une fois un peuple crédule qui croyait au père noël mais en réalité le père noël était le préposé au gaz".

Cette phrase digne d'un conte grinçant symbolise le nazisme vu à hauteur d'enfant et ce d'une manière autrement plus dérangeante que dans le gnan-gnan "Jojo Rabbit". En effet, Oskar, le personnage principal et narrateur du film (qui est l'adaptation partielle du roman de Gunther Grass) met mal à l'aise tant il est difficilement identifiable. Officiellement âgé de 3 ans lorsqu'il décide de ne plus grandir, sa taille est celle d'un petit garçon (plutôt de 5-6 ans) mais son visage, son regard perçant et son comportement sont en discordance avec son apparence. Même s'il n'en a pas toutes les caractéristiques (David Bennent alors âgé de 12 ans souffrait de troubles de croissance), Oskar est plus proche du nain que de l'enfant et sa difformité renvoie à la monstruosité mais aussi au grotesque du nazisme dont il incarne ce qu'il rejette, à savoir le sous-homme. L'une des meilleures scènes du film illustre parfaitement la discordance entre la doctrine et la réalité. Oskar que sa petite taille permet de se glisser partout fait dérailler une cérémonie nazie dont il finit par changer la nature (de rectiligne et phallique, elle devient circulaire et féminine) en émettant des fausses notes sur son tambour. Son autre arme est sa voix qui lui permet de briser les objets en verre et par là même, de semer le chaos. Un écho assez évident au pogrom de "La Nuit de Cristal" de 1938 qui est relaté dans le film au travers du saccage de la boutique de l'ami d'Oskar, Markus le vendeur de jouets (interprété par Charles Aznavour). Enfin, le choix du lieu n'est pas anodin et permet de relier petite et grande histoire: de même que Dantzig est écartelé entre l'Allemagne et la Pologne, Oskar a deux pères et ne sait pas lequel est son géniteur. Le premier est le cousin et l'amant polonais de sa mère et l'autre est son mari, un commerçant allemand qui lui assure la sécurité matérielle. Mais Oskar qui refuse de devenir adulte* les renvoie dos à dos et précipite leur perte à tous deux. Il n'est pas plus tendre avec sa mère puisqu'il aurait voulu ne pas naître (il se réfugie souvent sous les jupes de sa grand-mère) ce qui donne lieu aux scènes les plus dérangeantes autour du détraquement de la nourriture**, du sexe, de la gestation et de la filiation. On peut également souligner que le film lui-même oscille entre deux genres, le film historique et le conte baroque surréaliste à tendance horrifique lorgnant vers le "Freaks" de Tod Browning, le "Huit et demi" de Federico Fellini ou certaines oeuvres de Luis Bunuel. Bref "Le Tambour" est une oeuvre très riche sur le fond et décapante sur la forme, sans doute la meilleure de son auteur.

* Bien que se situant à l'opposé de "Le Tambour" quant à son public (il est interdit aux moins de 16 ans), "Kirikou et la sorcière" partage un certain nombre de similarités qui d'ailleurs permettent de mieux comprendre le film de Volker Schlöndorff qui peut paraître nébuleux à première vue. C'est un conte ou on trouve un enfant qui s'enfante tout seul (Oskar hésite à naître puis décide de ne plus grandir), qui est d'une taille minuscule mais d'une sagacité bien supérieure à celle des adultes et qui de ce fait est en marge de sa communauté.

** Il faudrait que Blow Up, l'émission d'Arte consacre un numéro à l'anguille au cinéma, surtout quand celle-ci permet d'avoir la Palme d'Or.

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L'aigle vole au soleil (The Wings of Eagles)

Publié le par Rosalie210

John Ford (1957)

L'aigle vole au soleil (The Wings of Eagles)

Jamais je n'aurais regardé ce film s'il n'avait été réalisé par John Ford. Le sujet en effet ne m'attirait pas du tout. Mais avec un tel réalisateur aux manettes, ça ne pouvait être que bien. Plus que bien même, c'est un excellent film d'autant que l'alchimie avec John Wayne (brillant une fois de plus) fait encore une fois merveille. On s'attend à un biopic édifiant sur la personnalité héroïque et résiliente de Frank "Spig" Wead (qui était un ami du réalisateur lui-même haut gradé dans la marine) ou bien d'un film de guerre bien nationaliste mais John Ford déjoue nos attentes. Tout d'abord il tourne en dérision la rivalité entre l'armée de terre et la marine en s'inscrivant dans la plus pure tradition de la comédie burlesque muette avec pugilat, lancer de tarte à la crème et comique de répétition (l'entrée en scène des forces de l'ordre venus mater la baston entre les troupes de Wead et celles de son homologue de l'armée de terre). Tout cela tourne au concours de bistouquettes ce qui n'est pas très glorieux pour l'armée d'autant qu'elle apparaît assez bornée face aux idées novatrices de Frank Wead qui veut doter dans les années qui suivent la première guerre mondiale l'US Navy d'une force aéronavale alors que lui-même n'a pas le brevet de pilote (cascades hasardeuses assurées qui font encore une fois désordre). Ensuite, après un accident domestique, Frank Wead se retrouve paralysé des pieds à la tête et sa rééducation, longue et laborieuse ne lui permet pas de retrouver totalement sa mobilité puisqu'il doit marcher avec des cannes: ce n'est pas vraiment l'image traditionnelle de la virilité. D'autant qu'il doit alors troquer ses rêves d'action et d'aventure pour le papier et le stylo afin d'écrire des scénarios à la manière de Miyazaki qui à cause de sa myopie n'a jamais pu devenir pilote et a donc transposé son désir d'évasion dans la création artistique (c'est évidemment aussi le cas de John Ford que la guerre a éborgné). Et alors qu'il a repris du service après Pearl Harbor, un nouvel ennui de santé sur la fin l'oblige à prendre sa retraite anticipée et à quitter ses hommes en larmes assis dans une chaise qui le transfère du porte-avion sur un navire militaire. Enfin, la plus grande souffrance de cet homme réside dans le fait d'avoir sacrifié sa vie de famille à son travail dans l'armée et à sa passion pour l'aviation. Sa femme utilise la métaphore des tiroirs encastrés façon poupées russes pour lui signaler qu'elle est la dernière roue du carrosse (Maureen O'Hara, habituée à jouer les épouses de John Wayne pour John Ford). Un plan magnifique de cadre dans le cadre dont John Ford a le secret montre Frank noyé dans l'ombre au premier plan et sa femme éclairée au second, tous deux terrassés par la douleur de la perte d'un enfant mais isolément l'un de l'autre comme si le premier n'était qu'une ombre dans le foyer. Plus tard il sera une image furtive sur un écran pour ses filles et non un père réel, au point qu'elles finiront par ne plus le reconnaître. Sa chute dans les escaliers due à la précipitation en entendant l'une d'elle crier peut être comprise comme une tentative de se racheter mais aussi comme un aveu d'impuissance puisqu'il ne parviendra jamais à les rejoindre et devra se contenter lui aussi de les voir en photo. Derrière le rire, omniprésent et la générosité incarnée par Carson (Dan Dailey) qui joue le rôle du pote indéfectible, infirmier, rééducateur, bouclier humain, clown de service etc. et un personnage auto-parodique, celui de Dodge (Ward Bond), le film est poignant et profondément humain. Voilà donc une pépite méconnue de la filmographie du cinéaste et de son acteur fétiche qu'il faut absolument redécouvrir.

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Donbass

Publié le par Rosalie210

Sergueï Loznitsa (2018)

Donbass

Le contexte actuel m'a donné envie de regarder l'un des rares films de fiction ayant traité du conflit russo-ukrainien dans la région du Donbass avant que celui-ci ne devienne depuis février 2022 un conflit ouvert et direct. La région orientale de l'Ukraine qui est riche en charbon était déjà en proie depuis 2014 (par ailleurs année de l'annexion de la Crimée) à un conflit opposant l'Etat ukrainien (pro-occidental) à des séparatistes (de nationalité ukrainienne mais russophones et pro-russes) soutenus par la Russie. Ceux-ci avaient pris le contrôle d'une partie du territoire et fondé des républiques populaires non reconnues par la communauté internationale. Ce type de conflit est dit "de basse intensité" ou "hybride" parce que bien que prenant l'apparence d'une guerre civile, celle-ci est en réalité attisée voire provoquée par une ou plusieurs puissances étrangères et a pour motif plus ou moins inavoué la captation des ressources. Un schéma comparable est la sécession en 1960 du Katanga dans la République démocratique du Congo, la région la plus riche en ressources minières du pays sous l'impulsion d'un homme (Moïse Tshombe) soutenu par les occidentaux (belges, français, sud-africains notamment) ce qui plongea le pays tout juste indépendant dans le chaos. Or la question de l'allégeance de l'Ukraine "indépendante" (en réalité tiraillée entre l'occident et la Russie) était déjà au coeur du conflit du Donbass.

Tous ces enjeux ne sont hélas guère expliqués dans un film décousu tant dans sa forme (qui ne cesse de changer d'une séquence à l'autre entre passages en caméra portée et d'autres en plans-séquence fixes), dans son ton (entre documentaire et fiction du genre "tout ça n'est qu'une mise en scène" alors que pourtant le conflit est bien réel) que dans son contenu: 13 sketches censés nous donner un aperçu de la situation mais qui en réalité entretiennent la confusion car rien n'est expliqué sur les causes ni même les protagonistes du conflit. On passe sans arrêt du coq à l'âne et pour couronner le tout, ça n'est jamais drôle (car cela se veut satirique). Le manque minimal de pédagogie (et donc de lisibilité des enjeux) limite considérablement la portée du film tout comme son côté partial (le film prend position contre les pro-russes). Tout au plus comprend-on que la corruption est partagée des deux côtés, de même que le nationalisme et la diabolisation de l'ennemi qualifié de "fasciste" du côté pro-russe (ce qui correspond à la rhétorique du Kremlin) mais les séparatistes apparaissent surtout dans le film comme des sortes de petits seigneurs locaux avides de pouvoir et d'argent et qui s'appuient sur des mercenaires armés particulièrement brutaux (un schéma connu par la Russie dans les années 90 qui s'était balkanisée sous l'influence des oligarques au détriment du pouvoir central qui était lui-même profondément corrompu). Les civils locaux sont les principales victimes du conflit (rackettés, terrorisés, obligés de se terrer comme des rats pour échapper aux obus etc.)

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Des hommes

Publié le par Rosalie210

Lucas Belvaux (2020)

Des hommes

Les films français traitant de la sale guerre d'Algérie sont plus nombreux qu'on ne le pense mais beaucoup ont traité la question de façon allusive ou indirecte (notamment dans les films de la nouvelle vague contemporains des "événements", je pense à "Le Petit soldat" (1960), "Cléo de 5 à 7" (1961), "Les Parapluies de Cherbourg" (1964), "Muriel ou le temps d un retour" (1962), "Adieu Philippine" (1963). Il existe également un certain nombre de documentaires assez remarquables. En revanche les films de fiction récents sont peu nombreux ("L Ennemi intime" (2007), "Hors La Loi") (2010) et se situent à l'époque des événements. Bien peu à ma connaissance évoquent les conséquences à long terme de cette guerre qui n'a pas voulu dire son nom jusqu'en 1999 alors qu'elle pèse de tout son poids sur notre société post-coloniale qui fait cohabiter soixante ans après d'anciens appelés, pieds-noirs, harkis, indépendantistes et toute leur descendance (thème qui imprègne par exemple "Parlez-moi de la pluie") (2007). C'est donc tout l'intérêt de "Des hommes", l'adaptation cinématographique du roman de Laurent Mauvignier que de faire des allers-retours spatio-temporels et d'offrir une pluralité de points de vue pour montrer comment un passé non digéré continue à faire des ravages dans le présent. Malheureusement, Lucas BELVAUX n'est pas Alain RESNAIS. Ce dernier pouvait manier des dispositifs narratifs aussi complexes que celui de "Hiroshima mon amour" (1958) qui m'a fait penser à "Des hommes". Mais Lucas Belvaux ne maîtrise pas aussi bien la polyphonie et le patchwork. En résulte un film assez confus dont les pièces et les morceaux ne s'ajustent pas bien. Si le début est assez saisissant avec la métaphore du monstre (incarné par le Gargantua Gérard DEPARDIEU) qui incarne toute la mauvaise conscience "d'un village français", la suite est nettement plus laborieuse avec des personnages d'appelés que l'on a du mal à distinguer les uns des autres, des destins trop vite laissés de côté et un Jean-Pierre DARROUSSIN plus ectoplasmique que véritablement douloureux tout comme sa cousine Solange (Catherine FROT). Le film ne tranche pas assez dans le vif. Il aurait gagné à se concentrer davantage sur l'histoire familiale de Bernard et à développer le présent tant l'écart de talent est grand entre les acteurs expérimentés nommés ci-dessus et leurs avatars censés les incarner jeunes.

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Onoda, 10 000 nuits dans la jungle

Publié le par Rosalie210

Arthur Harari (2021)

Onoda, 10 000 nuits dans la jungle

Quel film improbable que cet "Onoda, 10 000 nuits dans la jungle"! Improbable car réalisé par un français alors que mettant en scène une histoire japonaise avec des acteurs japonais, parlant japonais et se déroulant dans une île des Philippines. Tout aussi improbable est pour un film français le choix de s'attaquer au film de guerre mâtiné d'un récit de survie d'une durée de 2h40 qui fait forcément penser aux fresques réalisées par les américains sauf qu'il choisit d'être anti-spectaculaire au possible. Improbable aussi par ce que ce film nous raconte et qui est pourtant tiré d'une histoire vraie. Une réalité qui dépasse la fiction à savoir l'histoire du dernier soldat japonais de la seconde guerre mondiale qui n'a rendu les armes qu'en 1974, soit près de trente ans après la fin du conflit. Si le film ne ne m'a pas séduit, sans doute parce que les personnages mis en scène (de bons petits soldats imperméables au doute) me sont profondément antipathiques et que le réalisateur ne leur donne guère de relief en édulcorant les faits (les tueries de la réalité historique se réduisent à deux meurtres en état de légitime défense, le racisme japonais vis à vis des autres asiatiques n'est jamais évoqué, la sexualité de ces hommes est à peine effleurée comme si c'était un tabou) il n'en reste pas moins qu'il soulève nombre de questionnements pertinents. Il montre en particulier jusqu'où peut aller l'aveuglement lié à l'endoctrinement, à la soumission et au fanatisme (dans le langage manipulateur de l'armée, cela s'appelle du "courage", du "dévouement", de la "loyauté", de la "fidélité", de "l'honneur" etc.) "Onoda, 10 000 nuits dans la jungle" aurait pu s'appeler "Onoda, 30 ans de déni" tant le délire qui s'empare du personnage et de ses compagnons (dont le nombre se réduit comme peau de chagrin au fil du temps jusqu'à ce qu'il se retrouve seul) défie l'entendement. La façon dont ils interprètent les informations venues du monde réel pour les tordre à l'aune de leur propre récit fictif délirant (à savoir une uchronie dans laquelle le Japon serait vainqueur et toute la géopolitique mondiale bouleversée à l'aune de cette victoire) laisse sans voix et a bien évidemment des résonances dans notre actualité. Mais un autre type de questionnement qui vient à l'esprit concerne l'irresponsabilité du Japon vis à vis de ces soldats laissés à l'abandon, véritables dangers publics pour les populations locales. Là encore, c'est révélateur du mépris que l'archipel nippon entretient vis à vis de son ancienne "sphère de co-prospérité" (terme employé dans le film qui désignait l'Empire que le Japon avait conquis en Asie entre le début des années 30 et 1945). Il est évident que cela n'aurait jamais pu se produire dans un pays développé: ces hommes auraient été arrêtés depuis longtemps. Car le plus improbable peut-être de toutes les improbabilités de ce film est le fait que ce soit un étudiant japonais qui retrouve Onoda et aille chercher son ancien supérieur pour obliger ce dernier (qui avait opportunément "tout oublié" de l'endoctrinement qu'il avait fait subir à son élève zélé, devenant un simple libraire plus blanc que neige) à le démobiliser. Néanmoins il manque à ce film indéniablement original dans le cinéma français un véritable point de vue sur la guerre et la violence, comme chez Kubrick, Spielberg ou Cimino

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Rosenstrasse

Publié le par Rosalie210

Margarethe von Trotta (2003)

Rosenstrasse

Film historique peu connu en France évoquant un épisode de la guerre lui-même peu connu, "Rosenstrasse" ("La rue des roses" en français) est construit sur des va et vient entre passé et présent. Hannah, la fille de Ruth, une survivante de la Shoah installée à New-York veut comprendre pourquoi sa mère s'oppose à son mariage avec Luis, un latino-américain et pourquoi elle refuse de lui parler de son passé. Elle découvre par une relation familiale l'existence d'une femme, Lena Fischer, issue d'une famille d'aristocrates allemands qui jadis, sauva Ruth à Berlin lorsqu'elle était enfant en se battant au côté de centaines d'autres femmes aryennes pour faire libérer leurs maris juifs qui avaient été arrêtés par la Gestapo en 1943 et étaient parqués dans un immeuble de la Rosenstrasse dans l'attente de leur déportation.

Si le film est un peu inégal (la partie historique est bien plus intéressante que celle du présent, plutôt convenue et peu approfondie), il révèle une nouvelle facette de la résistance interne au troisième Reich tout en soulignant combien celui-ci n'était pas infaillible en dépit de sa brutalité. En effet pour pouvoir agir à l'extérieur en déployant toute son efficacité, le régime avait besoin d'une cohésion interne qu'il obtenait par la propagande, la terreur mais aussi l'adhésion à l'idéologie impliquant l'anéantissement des populations considérées comme exogènes à la communauté de sang allemand, à commencer par les juifs, bouc-émissaire (ou "ennemi imaginaire") absolu du régime. Or en 1943 le front extérieur se lézarde sérieusement avec la défaite de Stalingrad qui signe le début de la fin du troisième Reich. Et le front intérieur menace de rompre lui aussi. D'une part parce que le fossé entre la propagande de l'invincibilité et la réalité de la défaite doublée d'une boucherie fauchant toute la jeunesse allemande ne pouvait plus être totalement occultée. Et de l'autre parce que les lois de Nuremberg de 1935 qui avaient interdit les mariages entre juifs et aryens afin de souder la communauté allemande soi-disant "de race supérieure" contre le judéo-bolchévisme se heurtait à des décennies d'intégration et d'assimilation des juifs au reste de la société allemande se traduisant par de nombreux "mischehen" (mariages mixtes) et enfants "mischlinge" (métis), un tissu social qu'il n'était pas possible de défaire ou de détruire du jour au lendemain. Le film montre tout l'éventail de pressions menées par les autorités du III° Reich sur les conjoints aryens pour obtenir qu'ils divorcent: persécutions (les aryens devaient partager le sort de leur conjoint juif s'ils voulaient rester avec lui c'est à dire perdre leur travail et leurs biens, vivre dans les résidences réservées aux juifs etc.), insultes, intimidations, menaces etc. Le film montre également que les femmes résistèrent mieux que les hommes qui souvent, abandonnèrent leur conjointe juive et leurs enfants métis comme ce fut le cas du père de Ruth, les condamnant ainsi à la mort. En revanche l'exemple de la Rosenstrasse montre que les autorités nazies se sentirent obligées de reculer lorsqu'elle ne purent dissoudre ces liens qui menaçaient de révéler au grand jour leur entreprise d'extermination et provoquer des remous dans toute la société. Preuve qu'en dépit de l'extrême brutalité du régime, celui-ci avait peur de l'opinion, aussi muselée fut-elle, les femmes de la Rosenstrasse obtinrent satisfaction et 98% des juifs allemands qui survécurent à la guerre furent protégés par un conjoint aryen. C'est la preuve éclatante que même face au pire, il était encore possible d'agir et d'infléchir le destin. Margarethe von Trotta rend ainsi hommage au courage et à la détermination de ces femmes que la puissance de leurs liens affectifs transformèrent  en héroïnes alors qu'elle souligne parallèlement la lâcheté de nombreux hommes que ce soit le père de Ruth ou celui de Lena. Mais pas tous: le frère de Lena rescapé mutilé de Stalingrad (et donc "déradicalisé") est de son côté tandis qu'un père juif vient se jeter dans la gueule du loup pour aider sa fille, arrêtée avant lui tandis que sa femme aryenne reste de l'autre côté de la barrière.

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