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Articles avec #film de guerre tag

Le jardin des Finzi-Contini (Il giardino dei Finzi-Contini)

Publié le par Rosalie210

Vittorio De Sica (1970)

Le jardin des Finzi-Contini (Il giardino dei Finzi-Contini)

"On n'échappe pas au temps". Cette phrase extraite de "La Jetée" de Chris Marker pourrait parfaitement s'appliquer à l'histoire du film, inspirée du livre au titre éponyme de Giorgio Bassani. En effet face aux persécutions croissantes frappant les juifs italiens entre 1938 et 1943, la bourgeoisie juive de Ferrare choisit dans sa majorité le déni. Cette attitude est incarnée jusqu'à la caricature par la grande famille des Finzi-Contini qui possèdent un manoir et un immense domaine dans lequel ils peuvent se croire à l'abri de la tempête qui gronde à leurs portes. Ils s'y cloîtrent, vivant en autosuffisance, accueillant les autres familles de leur milieu pour leur fournir les services (cours de tennis, bibliothèque) qui leur sont désormais interdits par la politique discriminatoire menée par Mussolini en gage de son alliance avec Hitler. Mais comme Louis XVI et Marie-Antoinette qui se croyaient protégés à Versailles, ils seront rattrapés par l'Histoire en marche. "Le jardin des Finzi-Contini" qui bénéficie d'une très belle photographie vaporeuse renforçant l'idée d'irréalité dans laquelle baignent les personnages est donc une tragique histoire d'aveuglement collectif. Seul Giorgio le narrateur qui appartient à une bourgeoisie moins friquée que celle des Finzi-Contini est capable de regarder la réalité en face. Mais durant tout le film, il se heurte à des murs. Son père tout d'abord à qui il essaye d'ouvrir les yeux mais en vain. Micol (Dominique Sanda) ensuite, la fille des Finzi-Contini dont il est amoureux depuis l'enfance. Mais celle-ci, comme le père de Giorgio est engluée dans une étrange passivité qui se double d'un comportement fuyant dès que Giorgio lui manifeste son amour. Elle préfère se cloîtrer dans son jardin et avoir des relations sexuelles impersonnelles, croyant sans doute ainsi assurer sa sécurité. Une erreur tragique qui la condamne tout comme le reste de sa famille (symbolisée par Alberto, son frère souffreteux dont elle est très proche joué par Helmut Berger) alors que Giorgio prend la place de son père défaillant pour sauver la sienne.

Le contexte historique du film est cependant très imprécis. Mussolini et l'Italie sont dépeint comme des clones du Troisième Reich et de Hitler ce qui est inexact. Le fascisme n'était pas antisémite à l'origine, les juifs italiens étaient bien assimilés et une partie d'entre eux étaient eux-mêmes fascistes. Mais la radicalisation nationaliste du régime, l'alliance avec les nazis et l'imminence de l'entrée en guerre entraînèrent l'exclusion des juifs de la vie publique et de la communauté nationale (interdiction des mariages mixtes) à partir de 1938 pour des raisons essentiellement opportunistes. Cependant l'adhésion populaire à cette politique fut faible, il n'y eu pas de ghettos et de pogroms et la dernière phase, celle des arrestations et déportations à partir de 1943 fut le fait des nazis lorsqu'ils occupèrent l'Italie après l'effondrement du régime de Mussolini. D'ailleurs lorsque les italiens occupèrent le comté de Nice de 1940 à 1943 ce fut une des principales régions-refuge pour les juifs avant que celle-ci ne se transforme en piège lorsque les allemands en prirent le contrôle.

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La Guerre est finie

Publié le par Rosalie210

Alain Resnais (1966)

La Guerre est finie

"La Guerre est finie" est typique de la grammaire cinématographique très découpée et montée par laquelle Alain Resnais retranscrivait les méandres de l'esprit humain dans ses films des années 60 ("L'année dernière à Marienbad", "Muriel ou le temps d'un retour", "Je t'aime, je t'aime"). Comme "Muriel ou le temps d'un retour", il s'agit d'un film politique et comme "L'année dernière à Marienbad" il tire sa substance d'un matériau littéraire à savoir le scénario de Jorge Semprun très proche de son histoire personnelle. Comme le personnage principal Diego/Carlos, Jorge Semprun est un réfugié politique espagnol qui a fait partie des cadres permanents du PCE (parti communiste espagnol) en exil en France pendant la dictature de Franco. Il a effectué plusieurs séjours clandestins en Espagne sous des identités d'emprunt pour coordonner la résistance intérieure et extérieure au régime franquiste. Mais il a fini par douter des méthodes de lutte du parti et en a été exclu en 1964. C'est Yves Montand, acteur aux positions antifascistes bien connues et qui un peu plus tard allait s'illustrer dans le cinéma engagé de Costa-Gavras (lui aussi scénarisé par Semprun) qui est choisi pour interpréter Diego/Carlos. Celui-ci est donc ce militant dévoué corps et âme à la cause qui brusquement à la suite d'un contrôle douanier à la frontière se met à douter du sens de son action autant que des moyens mis en œuvre. Crise de foi alimentée par sa vie instable et ses nombreuses identités d'emprunt dans lesquelles il se perd comme dans un labyrinthe. Le film est l'occasion de se replonger dans une période où l'Europe était divisée non seulement par la guerre froide mais aussi par le clivage entre les dictatures du sud et les démocraties du nord. Une période de militantisme politique et d'engagement où des hommes sacrifiaient leur vie privée et risquaient leur liberté voire leur vie pour leurs convictions (cela n'a pas complètement disparu en Europe d'ailleurs avec les attentats des terroristes islamistes qui sont faits du même bois à défaut d'avoir les mêmes buts). Mais tout cela dans un contexte, celui des années 60 bouleversé par les 30 Glorieuses et notamment par le tourisme de masse autant que par la montée en graine d'une nouvelle génération militante, celle de 1968 partisane de méthodes plus musclées. 

Néanmoins le film a par certains côtés un caractère daté en dépeignant un monde politique à l'ancienne où les réseaux clandestins ressemblent finalement à ceux qu'ils combattent. Il s'agit dans les deux cas de manipuler des masses fantasmées autant que vues comme de la potentielle "chair à canon" alors que les femmes, largement exclues des cercles décisionnels ont principalement trois rôles:

1) Faire le café pour ces messieurs très occupés à refaire le monde dans leur fumoir.

2) Servir d'objet sexuel, le fameux "repos du guerrier". Le montage d'Alain Resnais comme dans "Je t'aime, je t'aime" souligne le caractère interchangeable de ces femmes qui, éblouies par tant de courage viril, offrent leur corps au "héros révolutionnaire" en espérant récolter des miettes de son prestige ou bien en quémandant un tout petit peu d'engagement (mais monsieur est trop occupé à des affaires vraiment importantes ou à profiter des lits qui s'ouvrent sur son passage pour penser à faire un enfant par exemple).

3) Etre l'ancrage du marin, celle qui attend passivement mais courageusement son retour ou le pleure et entretient sa mémoire s'il ne rentre pas. 

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L'Ennemi intime

Publié le par Rosalie210

Florent Emilio Siri (2007)

L'Ennemi intime

Surnommé le "Platoon" français, "L'Ennemi intime" va pourtant chercher son titre et sa réflexion dans le documentaire de 2003 en deux parties de Patrick Rotman consacré à la guerre d'Algérie et plus précisément au processus par lequel de jeunes appelés français se sont transformés au sein de l'armée en bourreaux. Néanmoins la référence hollywoodienne est tout à fait pertinente et ce pour plusieurs raisons:

- Bien que catalogué film de guerre, tout dans ce film rappelle le western, au point d'ailleurs que la similitude avec "Fureur Apache" de Robert Aldrich m'a sauté aux yeux mais également avec d'autres westerns crépusculaires des années 1970 comme ceux de Sam Peckinpah. On peut aussi faire le rapprochement avec certains des derniers films de John Ford ("L'Homme qui tua Liberty Valance") et ceux de Sergio Léone. Le réalisateur Florent-Emilio Siri a travaillé à Hollywood et connaît donc bien son affaire.

- Ensuite parce que la parallèle effectué entre la guerre du Vietnam et celle d'Algérie est pertinent. Ce sont des conflits contemporains dont les causes sont différentes mais la nature similaire. C'est à dire des guerres asymétriques opposant une armée de métier (celle de la puissance impérialiste) à une guérilla (celle du pays occupé). Des guerres par ailleurs non assumées comme telles. Dans le cas du Vietnam, les soldats US étaient juste censés prêter main-forte à l'armée du Vietnam du sud contre celle du nord et surtout contre les communistes armés du sud (les Vietcongs). Une stratégie de l'endiguement datant de 1947 et se manifestant par des interventions indirectes. Dans le cas de l'Algérie comme le rappelle le film, le mot guerre n'est même pas employé car depuis 1848, l'Algérie a été annexée à la France. Celle-ci maintient donc dans son discours et en décalage total avec la réalité que l'Algérie est un morceau du territoire national qui relève du ministère de l'intérieur et que les soldats sont censés aller y maintenir l'ordre contre des terroristes et non y faire la guerre. Le même déni de langage touche d'ailleurs les armes employées ("bidons spéciaux" au lieu de napalm dont une scène montre les effets dévastateurs). Ce type de guerre est par ailleurs impossible à gagner pour la puissance occupante car la technologie s'avère inopérante face à un ennemi invisible qui a l'avantage du terrain et peut se fondre dans la population civile (le film montre à deux reprises combien cette confusion peut avoir des conséquences funestes). Par conséquent ces conflits lorsqu'ils ne trouvent pas de solution politique immédiate aboutissent à un enlisement (le fameux "bourbier"). Et c'est l'impuissance à identifier l'ennemi qui conduit à une montée paroxystique de la violence tels que des massacres de villages entiers, des séances de torture jusqu'à ce que mort s'ensuive ou l'emploi d'armes de destruction massive.

- Enfin la comparaison avec les films Hollywoodiens est également intéressante en ce qu'elle rappelle que les américains ont immédiatement regardé en face leur histoire avec une série de films importants traitant de la guerre du Vietnam dès les années 70 alors que la France s'est voilé la face et a imposé une chape de plomb sur le sujet pendant des décennies. Une attitude guère étonnante au vu de la censure ayant frappé "Les Sentiers de la gloire" (1957) qui critiquait l'Etat-major de l'armée française pendant la première guerre mondiale ou de la question sensible du régime de Vichy. "La Bataille d'Alger" (1966) de Gillo Pontecorvo a été interdit en France jusqu'en 2004 soit deux ans avant "Indigènes" et trois ans avant "L'Ennemi intime".

L'alliance d'un terreau documentaire solide* et d'un sens hollywoodien du spectacle aboutit donc à un film tout à fait remarquable, jalon essentiel du traitement de la guerre d'Algérie par la fiction en France au moment du paroxysme de sa cruauté c'est à dire en 1959 dans les maquis du FLN renommés par l'armée française "zones interdites" pour que les soldats puissent tirer sur tout ce qui bouge. L'extrême cruauté d'un conflit qui conduit d'anciens frères d'armes de la seconde guerre mondiale à choisir des camps opposés et à s'entretuer est soulignée de même que le processus de haine aveugle qui s'empare des recrues face aux atrocités commises par le FLN dont le film ne nous cache aucun détail tout comme il n'occulte rien de celles que les soldats français imposent aux locaux, pas seulement pour des raisons rationnelles (obtenir des renseignements) mais aussi pour se venger selon la loi du talion**. La descente aux enfers de l'idéaliste lieutenant Terrien (Benoît Magimel) s'oppose au cynisme désabusé du beaucoup plus expérimenté sergent Dougnac (Albert Dupontel) mais aboutit dans les deux cas à les briser en tant qu'être humain.

* Même si pour des raisons de lisibilité d'un conflit complexe, des simplifications ont été opérées. Par exemple les habitants du village de Teida massacrés au début du film sont présentés comme des harkis alors que cet épisode s'inspire du massacre du village de Melouza par le FLN en représailles contre le fait que ses habitants soutenaient un mouvement indépendantiste rival du FLN, le MNA dirigé par Messali Hadj.

** La manière dont la conscience individuelle est broyée par les mécanismes de la guerre est au cœur du film et explique comment d'anciens résistants qui avaient subi la torture ont pu l'infliger à leur tour, cette inversion des rôles conférant au FLN le statut de résistants.

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Dr. Akagi (Kanzo Sensei)

Publié le par Rosalie210

Shohei Imamura (1998)

Dr. Akagi (Kanzo Sensei)

Les plus timbrés ne sont pas ceux que l'ont croit semble nous dire Shohei Imamura dans son avant-dernier film, "Kanzo Sensei" (littéralement "Docteur foie"). En effet il nous dépeint comment un petit groupe de marginaux pittoresques tente de s'accrocher à la vie en se tenant les coudes alors même que le Japon sombre dans la barbarie et le chaos dans les mois qui précèdent la fin de la guerre. Le film alterne le burlesque (voire le grotesque) et la violence en montrant comment chacun à sa façon, le Dr Akagi et les déclassés qui gravitent autour de lui tentent de résister au naufrage de leur pays. Néanmoins ils ne sont pas tous traités avec la même profondeur. Le bonze débauché, le chirurgien morphinomane, le prisonnier évadé hollandais et la tenancière de la maison de geishas jouent le rôle de satellites du "couple" principal à savoir le Dr Akagi et son employée, la jeune Sonoko dont le film s'attache à suivre le parcours semé d'embûches. Le Dr Akagi est un homme entre deux âges atteint d'une étrange monomanie. Passant son temps à courir (littéralement!) d'un patient à l'autre, il diagnostique à chaque fois qu'il est atteint du foie (comique de répétition à la Molière garanti!) ce qui lui vaut son surnom un rien méprisant. Pourtant il s'avère qu'il s'agit surtout d'un docteur humain qui tente de soulager (avec du repos et de la nourriture tout simplement!) le supplice que l'attitude insensée de l'armée et de ses chefs au pouvoir inflige à la population. On comprend également que c'est par choix qu'il a préféré s'enterrer dans un trou perdu plutôt que de briller en tant que chercheur dans la capitale même s'il est tiraillé entre son besoin d'aider son prochain et son désir de reconnaissance (qui s'avère être mortifère). A la demande de son père, il prend Sonoko sous sa protection. Elle qui a toujours vécu dans l'idée que les hommes étaient fondamentalement intéressés découvre ce qu'est l'abnégation. De même que les villageois considèrent Akagi comme un charlatan, elle est à leurs yeux une putain qui doit leur rendre des "services" alors que lui essaye justement de la sortir de la prostitution*. Sonoko emploie alors toute son énergie à se faire aimer du docteur non pour qu'il cesse de se dévouer mais pour qu'il renoue avec la vie alors même que la mort s'abat sur leurs compagnons d'infortune et que lui-même est hanté par des visions de son fils décédé se livrant à de monstrueuses expérimentations médicales en Mandchourie.

* Il y a d'ailleurs une scène qui semble fortement s'inspirer de "L'Empire des sens" de Nagisa Oshima.

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Les Duellistes (The Duellists)

Publié le par Rosalie210

Ridley Scott (1977)

Les Duellistes (The Duellists)

Ridley SCOTT aime bien au soir de sa vie et de sa carrière revenir sur les traces de ses premiers films (à l'exception de "Gladiator" (1999), les plus marquants). Après "Alien Covenant" (2017), le voici en train de réaliser "The Last Duel" (sortie prévue en janvier 2021 en France) dont le trait d'union avec son premier film "Les Duellistes" ne se réduit pas au titre mais également dans le choix de tourner dans les mêmes paysages du sud-ouest de la France (plus précisément en Dordogne, près de Sarlat, j'ai d'ailleurs une amie qui a eu la chance d'y faire de la figuration lorsque l'équipe s'est posée le mois dernier à Monpazier classé parmi les plus beaux villages de France ^^). Un retour aux sources qui rappelle combien Ridley SCOTT est non seulement un grand directeur d'acteurs, mais également un grand metteur en scène qui accorde beaucoup d'importance au décor et à l'atmosphère qu'il dégage (j'ai eu moi-même la chance de me promener dans l'un de ceux qu'il a choisi pour "Blade Runner" (1982) lorsque je suis allée à Osaka).

Le scénario des "Duellistes", tiré d'une nouvelle de Joseph Conrad est volontairement énigmatique ce qui permet de multiples interprétations. On y voit sur une quinzaine d'années deux officiers napoléoniens prisonniers d'un étrange code d'honneur se confronter l'un à l'autre en marge de leur activité principale qui est de servir l'Empereur jusqu'au bout de sa folie guerrière. Néanmoins les deux hommes ne peuvent être confondus et ont même des caractères diamétralement opposés au point de finir pour l'un tout en blanc et pour l'autre tout en noir. Armand d'Hubert (Keith CARRADINE) est un homme placide, réfléchi, amoureux de la vie qui considère son métier comme un service. Cependant il se laisse entraîner dans une spirale mortifère dont il ne sort pas indemne comme le montre l'extraordinaire séquence des soldats gelés durant la campagne de Russie où il semble laisser une part de lui-même. Son antagoniste, Gabriel Féraud (Harvey KEITEL) est en revanche une tête brûlée belliqueuse et fanatiquement dévouée à Napoléon au point de se confondre avec lui. Animé par des pulsions de mort, il ne semble vivre que pour la guerre et la vengeance. C'est lui qui enclenche l'engrenage fatal du duel avec Armand d'Hubert pour un motif futile et ne cesse de le poursuivre par la suite avec acharnement. C'est pourquoi la fin est aussi magistrale. Tuer Féraud aurait été trop facile et au final, cela lui aurait rendu service. Le laisser vivre en le privant de son obsession existentielle est autrement plus cruel pour lui. Le voilà obligé (horreur!) de méditer du haut d'un panorama à couper le souffle sur une boucle de la Dordogne comme son idole, Napoléon exilé à Sainte-Hélène pendant que son rival enfin libéré retrouve sa femme enceinte.

Le film se singularise également par sa splendeur visuelle. Ridley SCOTT est de ce point de vue aussi formaliste que Stanley KUBRICK et "Les Duellistes" ressemble beaucoup plastiquement à "Barry Lyndon" (1975) avec de multiples références picturales: natures mortes qui évoquent l'usure progressive des protagonistes ainsi que les tableaux romantiques de ruines noyées dans la nature, utilisation éblouissante de la lumière et des paysages du sud-ouest. Bref c'est un régal pour les yeux et comme son illustre modèle, "Les Duellistes" est un film historique extrêmement vivant et vibrant sur lequel le temps n'a pas de prise.

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La Liste de Schindler (Schindler's List)

Publié le par Rosalie210

Steven Spielberg (1993)

La Liste de Schindler (Schindler's List)

C'est lors de mon séjour à Cracovie en 2015 que j'ai pris toute la mesure de l'importance du film de Steven SPIELBERG. En effet la visite de l'ancien quartier juif de Kazimierz où a été tourné en partie "La liste de Schindler" a été l'occasion de rappeler le travail de mémoire effectué par Steven SPIELBERG car en 1993, la Pologne post-communiste avait oublié sa part d'identité juive, détruite par la Shoah puis dont la mémoire avait été occultée sous l'ère du bloc soviétique. Le quartier était à l'abandon et a été réhabilité pour les besoins du film même s'il n'a pas retrouvé sa vie d'avant (il ressemble plus à un décor pour touristes et à un mémorial avec ses synagogues et son cimetière qu'à un lieu de vie car officiellement il n'y a plus que quelques centaines de juifs à Cracovie). Avant la guerre, Kazimierz (du nom du roi de Pologne Casimir III qui avait accueilli les juifs en Pologne au XIV° siècle) regroupait la majeure partie des juifs de Cracovie qui représentaient environ 1/4 de sa population. Les nazis les forcèrent à se regrouper dans un minuscule ghetto de l'autre côté de la Vistule (le pont qui relie les deux parties de la ville est montré dans le film) dont il ne reste plus aujourd'hui que des pans de mur ainsi qu'une place devenue mémorial de la saignée démographique opérée par la Shoah (elle se nomme "place des chaises vides" avec 65 chaises en bronze en mémoire des disparus. Pour mémoire, c'est depuis cette place que Roman POLANSKI a réussi à s'échapper du ghetto). Cette place est bordée par une pharmacie goy qui joua un rôle important auprès des juifs du ghetto ce que Steven SPIELBERG montre dans une scène très forte où lors de la liquidation du ghetto le personnel infirmier fait mourir dignement les patients avant que les nazis ne viennent les massacrer. La ferveur de notre guide polonaise (dont on appris au courant du séjour qu'elle avait des origines juives cachées) vis à vis du film de Spielberg était telle que la visite de Cracovie a fini par se confondre avec celle des lieux de tournage de "La liste de Schindler" avec un passage par la colline depuis laquelle Oskar Schindler (Liam NEESON) observe la liquidation du ghetto et une vue rapide sur les locaux de son usine.

En plus de son importance capitale pour la résurgence de la mémoire juive à Cracovie (et non juive d'ailleurs, les acteurs allemands qui jouent les SS ont pu également à l'occasion du tournage régler leurs comptes avec le passé de leur famille), "La liste de Schindler" est l'un des meilleurs films de fiction (bien que basé sur des faits réels) qui existe sur la Shoah. Les critiques de Claude LANZMANN sur le fait qu'en se concentrant sur l'infime minorité des juifs qui ont été sauvés par des Justes, le film ne parlerait pas de ce qu'a été la Shoah sont démenties par des images qui comme dans "Shoah" (1985) ou dans "Le Pianiste" (2002) soulignent le vide créé par l'extermination nazie. Ce sont ces plans sur des rues désertes jonchées de valises abandonnées et de toutes sortes d'objets jetés par les nazis à la suite du pillage et du saccage des appartements du ghetto. Ce sont les piles d'objets volés dans les valises et les photos qui servent aujourd'hui de marqueurs mémoriels à Auschwitz et à Birkenau. Ce sont aussi ces images du descellement des pierres tombales pavant l'allée de l'entrée du camp de Plaszow où furent déportés les survivants sous la direction du terrifiant Amon Göth (Ralph FIENNES, remarquable) dont Steven SPIELBERG montre avec compassion (mais sans aucune complaisance) l'étendue de la folie et de la déchéance. Enfin lorsque les femmes de la "liste de Schindler" échappent à une mort programmée (et il ne faut pas prendre l'eau sortant des douches au sens littéral mais comme une métaphore de la vie que Schindler parvient à leur conserver tout comme la petite fille au manteau rouge est le symbole du peuple juif martyrisé), le réalisateur nous montre bien la file interminable de ceux qui n'ont pas eu leur chance et s'enfoncent dans les ténèbres du crématorium filmé comme un moloch avalant ses proies et les recrachant sous forme de fumée par la cheminée.

Enfin, "La liste de Schindler" pose la question de ce signifie être un Mensch (un être vraiment humain dans la culture juive), la même question que se posait Billy WILDER dans le contexte du capitalisme sauvage de "La Garçonnière" (1960). Dans les deux films, les personnages ne sont pas au départ ce que l'on peut appeler des hommes de bien, ce sont des hommes de compromissions, des opportunistes qui ont choisi la facilité par lâcheté, appât du gain ou fascination pour les cercles de pouvoir mais ils apprennent à le devenir au terme d'une prise de conscience qui les élève au-dessus de la fange dans laquelle ils sont plongés avec l'aide d'un "maïeuticien" de l'âme (Stern, alias Ben KINGSLEY pour Schindler et le docteur Dreyfuss pour Baxter). Significativement, Billy WILDER avait d'ailleurs contacté Steven SPIELBERG car bien qu'ayant pris sa retraite depuis une dizaine d'années il souhaitait réaliser le film (pour mémoire, sa mère était morte à Auschwitz). Mais le tournage était sur le point de commencer alors à titre de consolation, il a été le premier à qui Steven SPIELBERG a projeté le film terminé.

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Elle s'appelait Sarah

Publié le par Rosalie210

Gilles Paquet-Brenner (2010)

Elle s'appelait Sarah

Le titre français évoque la chanson de Jean-Jacques GOLDMAN "Comme toi" ("Elle s'appelait Sarah, elle n'avait pas huit ans, sa vie c'était douceur, rêves et nuages blancs. Mais elle n'est pas née comme toi ici et maintenant".) Mais je préfère le titre en VO du roman de Tatiana de Rosnay "Sarah's key" dont le film de Gilles PAQUET-BRENNER est l'adaptation. Parce que tout est affaire de clé dans ce récit. Celle qui déverrouille le cadavre caché dans le placard, métaphore des secrets enfouis qui empêchent de vivre. C'est ce qui relie les deux parties du récit, celui d'un événement historique "traumatique" (la rafle du Vel d'Hiv en juillet 1942) devenu le symbole de la participation active de la France à la Shoah et celui de sa mémoire qui resurgit 60 ans après avoir été mise sous le boisseau. A l'échelle nationale, c'est même moins, le film rappelle le moment-clé que fut le discours commémoratif de Jacques Chirac en juillet 1995 reconnaissant la collaboration de l'Etat français aux crimes des nazis et montre le travail colossal mené par le Mémorial de la Shoah pour répertorier les 76 mille juifs déportés de France (moins de 2500 revinrent) et leur redonner une identité (mur des noms, pièce des photographies des 11 mille 400 enfants de moins de 16 ans déportés, listes diverses: convois, écoles, adresses personnelles, Justes de France).

Mais le film n'étant pas un documentaire mais l'adaptation d'un roman, il articule la reconstitution des événements tragiques de juillet 1942 et leurs conséquences avec des destins particuliers. Sarah est donc une enfant fictive qui symbolise le sort des 4000 enfants arrêtés ce jour là, plus particulièrement le coeur de cible de la rafle qui étaient les juifs étrangers, polonais en premier lieu. Enfin jusqu'à un certain point puisqu'en parvenant à s'échapper avant d'être déportée, elle symbolise l'exception (aucun des enfants du Vel d'Hiv déporté n'est revenu, très peu ont pu s'enfuir du Vel d'Hiv et des camps de transit). Elle endosse alors un autre rôle, celui de la culpabilité du survivant qui se mure dans le silence et ne transmet pas son identité à sa descendance. De plus celle-ci rejaillit sur une famille française, les Tézac qui s'est embourgeoisée sur le dos des familles juives que l'on a délogé et spolié avant de les massacrer. Elle aussi se mure dans le silence et l'oubli. Jusqu'à ce qu'une journaliste américaine, Julia Jarmond mariée au fils Tézac ne mette les pieds dans le plat et ouvre grand le placard à secrets (le film la montre d'ailleurs ouvrant les rideaux d'un appartement que les policiers français referment en 1942). Un personnage extrêmement judicieux quand on sait que c'est un historien américain, Robert Paxton qui en 1973 a démantelé le mythe du double jeu du maréchal Pétain et mis en évidence que la collaboration était une initiative française. Plus récemment il a répondu à Eric Zemmour qui défendait la thèse (dans "Le Suicide français" paru en 2014) d'un maréchal sacrifiant les juifs étrangers pour mieux sauver les juifs français. La distanciation permise par la nationalité, un rapport différent à l'histoire (que l'on songe à la rapidité avec laquelle les américains ont évoqué le trauma de la guerre du Vietnam) et l'accès facilité aux archives allemandes sont autant de facteurs qui ont permis aux USA de jouer auprès de la France ce rôle d'historiens de la mémoire.

Le film de Gilles PAQUET-BRENNER, prenant et remarquablement interprété (mention spéciale à Mélusine MAYANCE et Kristin SCOTT THOMAS à qui le rôle de Julia va comme un gant mais aussi à Michel DUCHAUSSOY dans un rôle court mais marquant ou encore Niels ARESTRUP à contre-emploi) donne beaucoup de sensorialité (cris, aboiements de hauts-parleurs, chaleur étouffante, manque de sommeil, soif, fièvre, absence d'hygiène) à la reconstitution de la rafle vue à la hauteur d'une enfant qui ne comprend pas ce qui se passe et de ce fait commet une erreur fatale en ce qu'elle déplace le fardeau de la culpabilité des vrais coupables (les nazis et leurs complices français) sur ses épaules. Quant au travail de mémoire effectué par Julia, il est indissociable des enjeux autour de ce qui se passe dans son ventre: elle veut accoucher du secret alors que son mari fuyant (Frédéric Pierrot) préfère l'escamoter tandis que le fils de Sarah (Aidan Quinn) après le choc initial finit par l'intégrer à son histoire.

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La Grande Illusion

Publié le par Rosalie210

Jean Renoir (1937)

La Grande Illusion

"La Grande Illusion", le titre le plus polysémique et réversible du cinéma français résume à la perfection ce qui sépare et ce qui réunit les hommes. Ce qui les sépare, c'est le "théâtre", toutes ces fictions générées par le jeu social (dont deux ans plus tard, Jean RENOIR dévoilera la règle) qui jettent les hommes les uns contre les autres. Le théâtre de la guerre sur fond de nationalisme revanchard mais aussi d'antisémitisme (le film a pour cadre la première guerre mondiale mais tourné en 1937, il a pour horizon le déclenchement de la seconde) mais aussi celui de la lutte des classes. Tout en étant laissés hors-champ, ils pèsent sur les comportements des personnages qui se retrouvent pourtant réunis dans le huis-clos des camps de prisonniers. Ce qui les réunit outre leur expérience commune c'est bien entendu leur humanité qui les pousse les uns vers les autres, souvent pour se heurter aux barrières construites par l'éducation, plus fortes encore que celles qui s'érigent entre les nations "Les frontières sont une invention des hommes, la nature s'en fout". A travers les liens qui s'érigent entre de Boeldieu (Pierre FRESNAY) et von Rauffenstein (Erich von STROHEIM) séparés par leur nationalité mais réunis par leurs origines sociales et une communauté de destin, Renoir dépeint le basculement du monde dans le XX° siècle dans lequel l'aristocratie n'a pas sa place. Le sens de l'honneur de de Boeldieu le pousse à se sacrifier là où von Rauffenstein observe avec fatalisme son inexorable déclin. Surtout de Boeldieu a fait siennes les valeurs de la révolution française de liberté, d'égalité et de fraternité là où von Rauffenstein réagit avec les oeillères de l'officier prussien. C'est pourquoi, bien que séparés par leurs origines sociales, un lien se créé aussi entre de Boeldieu et deux officiers issus de la plèbe: Rosenthal le bourgeois (Marcel DALIO) et Maréchal le prolétaire (Jean GABIN) qui tous deux représentent l'avenir. Ce dernier exprime à plusieurs reprises sa frustration et sa gêne face à l'impossibilité d'établir une véritable camaraderie avec l'aristocrate alors qu'ils sont pourtant soudés par leur projet d'évasion. C'est pourquoi seul le sacrifice de Boeldieu permet à Rosenthal et à Maréchal de s'enfuir. Une fuite qui permet de dessiner de nouveaux clivages, cette fois entre le bourgeois et le prolétaire mais aussi entre le juif et le catholique chez qui l'épreuve fait ressurgir des relents d'antisémitisme alors que là encore ils sont pourtant réunis par une communauté de destin et ont besoin l'un de l'autre pour s'en sortir. La séquence chez Elsa (Dita PARLO) dessine encore une autre configuration "explosive" avec un amour naissant entre un français et une allemande (sujet ô combien sensible dans une France remontée à bloc contre l'ennemi depuis la défaite de 1870 et qui allait bientôt subir l'occupation) pendant que Rosenthal joue le rôle de traducteur. "La Grande Illusion" de par sa profonde humanité démontre ainsi à la fois l'absurdité des clivages entre les hommes tout en révélant combien ils les conditionnent et les broient. 

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Les Coeurs du monde (Hearts of the World)

Publié le par Rosalie210

D.W. Griffith (1918)

Les Coeurs du monde (Hearts of the World)
Griffith pendant le tournage du film

Griffith pendant le tournage du film

La propagande moderne est née avec la première guerre mondiale et le cinéma en est un de ses principaux vecteurs. En 1916, après avoir réalisé son monumental "Intolérance" (1916), D.W. GRIFFITH fait une tournée de promotion au Royaume-Uni. Il rencontre le premier ministre britannique Lloyd George qui le convainc de réaliser un film de guerre pour convaincre l'opinion publique américaine alors réticente de s'engager dans le conflit (comme le fera Frank CAPRA au début de la seconde guerre mondiale avec la série des "Pourquoi nous combattons : Prélude à la guerre" (1942)). Mais lorsque les USA entrèrent finalement en guerre, D.W. GRIFFITH n'avait pas encore eu le temps de tourner la moindre image ce qui réorienta la film vers une dimension plus romanesque et épique.

Le premier intérêt de "Cœurs du monde" est donc d'avoir été tourné au cœur des événements. Même si une partie d'entre eux ont été reconstitués, D.W. GRIFFITH ayant tourné près des lignes de front en France mais aussi en Angleterre et aux USA, il fait preuve d'un réalisme assez cru dans sa description de la violence sur le front mais aussi à l'arrière (certaines images chocs peuvent faire penser au début de "Il faut sauver le soldat Ryan" (1998)). Si un spectateur de 1918 voyait tout de suite la différence entre le documentaire et la fiction, celui d'aujourd'hui ne les distingue plus l'un de l'autre. En revanche les orientations propagandistes du film le feront sourire. "Cœurs du monde" est en effet germanophobe, les allemands étant présentés comme des brutes épaisses martyrisant la France symbolisée par le personnage de Marie jouée par la muse de D.W. GRIFFITH, Lillian GISH. Il est intéressant de souligner que, comme dans l'entre deux guerres, la personnification de l'Allemagne échoit à Erich von STROHEIM. Celui-ci est à la fois co-réalisateur, conseiller technique et acteur de figuration dans le film (on le voit passer plusieurs fois au fond du champ) et il donne son nom à l'espion allemand Von Strohm (George SIEGMANN), l'un des protagonistes principaux. A l'inverse, le patriotisme américain est exalté jusqu'au ridicule, Douglas le jeune premier (Robert HARRON) s'engage ainsi dans l'armée pour défendre la France alors qu'il est américain et la fin célèbre avec force flonflons le triomphe de l'armée des USA alors même que la guerre n'était pas encore terminée au moment de la sortie du film en mars 1918!

Le deuxième intérêt de "Cœurs du monde" provient du génie propre à D.W. GRIFFITH pour mêler, outre la fiction et le documentaire la grande et la petite histoire comme il l'avait fait dans ses films précédents. Ainsi les décisions des Etats-majors ont des répercussions directes sur un petit village paisible dont le seul tort est d'être situé près de la ligne de front. D.W. GRIFFITH se focalise sur deux familles américaines vivant l'une à côté de l'autre dans une maison double dans la très symbolique rue de la paix, celle de Douglas et celle de Marie qui sont bien entendus destinés l'un à l'autre mais que la guerre sépare. Pour pimenter l'intrigue, il introduit également un personnage d'intruse joué par la propre sœur de Lillian GISH, Dorothy GISH aussi photogénique que sa sœur mais au tempérament beaucoup plus exubérant. Avec son amoureux, mister Cuckoo (Robert ANDERSON) ils offrent un contrepoint plus léger au couple principal dans la veine des comédies shakespeariennes. Ce jeu d'échelles se répercute sur la grammaire cinématographique, D.W. GRIFFITH alternant les plans en 4/3 pour les scènes de village et les plans en cinémascope pour le champ de bataille.

Au final "Cœurs du monde", moins connu que les grandes fresques de "Naissance d une Nation" (1915) et "Intolérance" (1916) mérite d'être redécouvert tant pour le génie de la mise en scène de D.W. GRIFFITH qui parvient à faire d'un patchwork un tout cohérent et à impliquer le spectateur par son montage trépidant que pour sa vision de la guerre, orientée certes mais qui ne se borne pas au front et met l'accent sur ses dégâts collatéraux. C'est aussi par sa contradiction que le film est intéressant, dénonçant les horreurs de la guerre d'un côté, exaltant le nationalisme guerrier (xénophobie incluse) de l'autre.

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Furyo (Senjō no merī kurisumasu)

Publié le par Rosalie210

Nagisa Ôshima (1983)

Furyo (Senjō no merī kurisumasu)


"Furyo" est un film d'une grande puissance émotionnelle et au sous-texte très riche. Ce n'est pas vraiment un film de guerre ou si cela en est un, le réalisateur Nagisa ÔSHIMA le subvertit complètement. Il nous offre donc un film profondément humaniste, antimilitariste et transgressif. Ce dernier aspect est rendu possible par le huis-clos du camp de prisonniers qui exacerbe toutes les émotions et fait peu à peu surgir la vérité. Une vérité à contre-courant des codes et des normes ce qui entraîne de violents conflits intérieurs et des relations torturées entre les protagonistes. Mais le sado-masochisme défouloir de l'homo-érotisme qui sature l'atmosphère n'a rien de sulfureux. Il est montré comme une tragédie humaine. Le film lui-même ressemble à une tragédie antique avec ses héros beaux comme des dieux, deux
Orphée passés maîtres de l'art lyrique (Ryuichi SAKAMOTO dont la BO fait chavirer et David BOWIE) tous deux promis au martyre au faîte de leur jeunesse. Comment oublier leur première rencontre avec le travelling avant qui nous fait entrer dans la fascination du commandant pour l'ange blond, lequel apparaît comme un kamikaze dont l'autodestruction programmée a pour cause une faille intime dont le dévoilement révèle les similitudes de deux cultures qu'a priori tout oppose. Les extrêmes se touchent et c'est bien un britannique d'origine japonaise Kazuo Ishiguro qui a écrit "Les Vestiges du jour", fascinante plongée au cœur de l'esprit traditionnel british, ses rites et coutumes (livre adapté au cinéma par James IVORY). Japonais et anglais sont réunis par l'insularité, l'impérialisme, le code d'honneur qui chez les british est renommé "flegme". Ce sont deux civilisations rigides, coincées, cousues pour reprendre l'expression de Roberto ROSSELLINI et qui ont un ennemi commun: la nature humaine. Les "doubles populaires" de ces héros aristocratiques forment un chœur qui commente et redouble l'action. Il y a le sergent Hara alias Takeshi KITANO vedette comique d'avant le triomphe artistique international mais aussi d'avant la tentative de suicide. Un personnage frustre et burlesque dont la brutalité s'adoucit lorsqu'il apprend à parler...l'anglais grâce à son amitié pour l'ex-diplomate John Lawrence (Tom CONTI), véritable pont culturel dont on se demande ce qu'il doit à l'écrivain D.H Lawrence,, le médecin des âmes plaidant pour une libération de l'être des carcans qui le dénaturent.

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