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Articles avec #comedie musicale tag

Les hommes préfèrent les blondes (Gentlemen Prefer Blondes)

Publié le par Rosalie210

Howard Hawks (1953)

Les hommes préfèrent les blondes (Gentlemen Prefer Blondes)

Les hommes préfèrent les blondes est la seule comédie musicale réalisée par Howard Hawks. Il s'agit d'un divertissement enjoué et drôle avec un zeste de burlesque derrière lequel se dissimule une satire vitriolée des rapports hommes-femmes dictés par l'argent et le sexe. Les premiers sont dépeints comme des benêts infantiles quant aux secondes, sexy en diable, fortes et indépendantes, elles manipulent les premiers avec délectation. Marilyn qui était alors moins connue (et moins payée) que Jane Russell lui vole facilement la vedette. Elle joue le rôle de la ravissante idiote (ou plutôt celle qui feint de l'être "je peux être intelligente quand il le faut mais la plupart des hommes n'aiment pas ça") avec jubilation, assumant crânement la totale vénalité de son personnage capable notamment de faire les yeux doux à un vieux barbon juste parce qu'il possède une mine de diamants. Diamonds are a girl's best friends isn't it?

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West side story

Publié le par Rosalie210

Jérôme Robbins et Robert Wise (1961)

West side story

Devenu aujourd'hui un classique, West Side Story fut pourtant un électrochoc de modernité à sa sortie au début des années 60 comme le chantait alors notre Cloclo national ("Cette année-là [...] West side battait tous les records.") Alors que la comédie musicale américaine des années 50 était démodée, elle trouva un second souffle avec cette adaptation de Roméo et Juliette sur fond de guerre des gangs Jets/Sharks.

Le drame social tragique et ses thèmes toujours actuels (pauvreté, délinquance juvénile, racisme, immigration, quartiers-ghettos, inégalités hommes/femmes) se substitue à l'onirisme sans totalement rompre avec lui. En effet l'histoire d'amour Tony/Maria peut être interprétée comme une forme d'évasion de la sordide réalité dans laquelle ils vivent. Une réalité d'où les parents sont absents. Les jeunes sont livrés à eux-même et n'ont que leur bande pour repère et un territoire restreint pour royaume, un territoire qu'ils défendent bec et ongle contre leurs rivaux. La similarité d'univers avec La fureur de vivre frappe l'esprit et pas seulement à cause de Natalie Wood. Des adultes démissionnaires, des rebelles qui se battent au couteau pour un motif dérisoire et qui sont prisonniers de l'effet de groupe ("chicken" c'est à dire poule mouillée est l'insulte qui sanctionne toute défaillance vis à vis du code d'honneur de ces bandes de jeunes.)

L'époustouflante première scène muette en forme d'ouverture d'opéra pose le contexte socio-spatial du film. Après un générique reprenant les principaux thèmes musicaux sur fond coloré, la caméra survole New-York et lorsqu'elle arrive dans le West side, elle effectue des plans de plus en plus rapprochés (comme les emboîtements d'échelles en géographie) d'une chorégraphie aérienne signée Robbins (on pense à la capoeira) sur la cèlèbre musique de Bernstein.
La suite est moins remarquable sur le strict plan cinématographique (évolution dans des décors figés autour d'une caméra beaucoup plus statique) mais la musique (titres cultes comme "Maria", "America", "Tonight"...) la mise en scène, les décors, costumes, lumières et l'interprétation, Natalie Wood en tête emportent tout sur leur passage.

Jacques Demy synthétisera de façon remarquable l'évolution de la comédie musicale américaine dans Les Demoiselles de Rochefort en rendant à la fois hommage à Gene Kelly et à West side story (la scène d'ouverture est une citation du film de Wise et Robbins sans parler de la présence dans la distribution de George CHAKIRIS.)

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Monty Python: le sens de la vie (Monty Python's The Meaning of Life)

Publié le par Rosalie210

Terry Jones (1983)

Monty Python: le sens de la vie (Monty Python's The Meaning of Life)

Le sens de la vie est un titre particulièrement ironique pour les maîtres du nonsense que sont les Monty Pythons. Troisième et dernier long-métrage du groupe d'humoristes anglais, il n'est peut-être qu'une suite de sketches mais quels sketches! Quasiment que du culte: éducation sexuelle en live dans un pourtant très strict college britannique (Cleese adore se désaper); catholiques pondeurs d'enfants entonants "Every sperm is sacred" sous le regard d'un protestant ultra coincé qui proclame sa fierté de pouvoir porter des capotes à plumes; parturiente oubliée au profit de la machine qui fait "ping"; client obèse d'un restaurant chic dévorant et vomissant à s'en faire péter la panse (au sens propre); donneurs d'organes prélevés de leurs vivant; colonisateur se faisant arracher la jambe sans sourciller; grande faucheuse venant embarquer les invités d'une soirée à la façon du 7eme Sceau; poissons sous LSD; employés de banque transformés en pirates et trucidants leurs patrons etc. Aucune forme d'autorité ne résiste aux Pythons. Comme toujours leur humour oscille du mauvais goût le plus assumé aux références culturelles les plus subtiles. Le court-métrage qui ouvre le film signé Gilliam tranche avec le reste par son ambition visuelle (un immeuble devient un bateau de pierre qui parcourt une terre plate jusqu'à atteindre sa bordure et tomber) et annonce Brazil.

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Une étoile est née (A Star is Born)

Publié le par Rosalie210

George Cukor (1954)

Une étoile est née (A Star is Born)

Tournant dans la carrière de George Cukor jusque là plutôt abonné aux screwball comedies, Une étoile est née fut son premier musical et son premier film tourné en technicolor et cinémascope. Il éclipse la version de 1937 pour au moins trois raisons. La première est la férocité et la justesse de la satire du star-system hollywoodien. Contemporain du terrible et magnifique Sunset boulevard de Wilder il montre comment les studios dépossèdent et exploitent les artistes avant de les rejeter comme des déchets quand ils ne sont plus bankable. La deuxième tient au choix des acteurs, magnifiquement dirigés. Bien plus tragique que merveilleux, le film est une autobiographie à peine masquée de Judy Garland. Enfant-star, elle fut lâchée par les studios lorsque ses problèmes d'addictions se firent trop manifestes. Cukor la sortit des limbes pour lui offrir ce qui allait être son chant du cygne en même temps que son plus beau rôle. Car si elle interprète le versant lumineux de son existence (c'est à dire son ascension fulgurante) son visage déjà marqué par la souffrance montre que la descente aux enfers de Norman Maine son mari-pygmalion dans le film est le miroir de son propre déclin. Enfin cet aspect crépusculaire qui culmine dans une scène finale poignante et spectrale est tempéré par la flamboyance du technicolor et des numéros musicaux de l'âge d'or hollywoodien.

A ces trois raisons on pourrait en rajouter une quatrième: son statut de film maudit. Amputé de 90 minutes à sa sortie il ne put jamais être restauré dans son intégralité. Les scènes dont ils ne restent plus que la piste sonore sont remplacées aujourd'hui par des photomontages.

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Un américain à Paris (An American in Paris)

Publié le par Rosalie210

Vincente Minnelli (1951)

Un américain à Paris (An American in Paris)

Un américain à Paris n'est pas un chef-d'oeuvre car il est trop inégal pour cela. La faute à un scénario bourré de clichés qui tient sur un timbre-poste assorti avec un Paris de carte postale reconstitué en studio et donc assez figé. Mais dans ce médiocre canevas sont incorporés des morceaux de génie qui composent à la fois une invitation au rêve et un hommage à l'art sous toutes ses formes. A ce titre l'Américan in Paris Ballet final, morceau de bravoure de 17 minutes est une des expérience d'art total les plus réussies du cinéma avec son hommage aux grands peintres dont le style donne lieu à une ambitieuse tentative de correspondance avec la musique et la danse. Autre morceau mythique le concerto en fa où Oscar Levant se duplique pour jouer tous les rôles à l'intérieur d'une salle de concert. Enfin les pas de deux sous les ponts du duo Kelly-Caron sont magiques et gracieux.

Ces moments de grâce on les doit à la collaboration de plusieurs talents. Gershwin pour la musique, Gene Kelly pour les chorégraphies et la danse, Minelli pour la mise en scène et le sens de la couleur. Ancien peintre, il conçoit le film comme une sucession de tableaux. Enfin le producteur Arthur Freed a joué un rôle important dans la création du film. Dommage que celui-ci n'ait pas bénéficié d'un scénariste à la hauteur.

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Emilie Jolie

Publié le par Rosalie210

Francis Nielsen et Philippe Chatel (2011)

Emilie Jolie

Cette adaptation de la célèbre comédie musicale de Philippe Chatel datée de 1979 est d'une médiocrité affligeante. La trame du conte n'est pas respectée, les chansons sont tronquées et seule une partie d'entre elles sont conservées. Tout cela sans doute dans le but de moderniser et dynamiser l'histoire. C'est raté. L'animation est laide, les personnages convenus voire antipathiques (Emilie est à giffler) et l'intrigue décousue sans parler du rythme mollasson faute d'enjeu à la hauteur. On a la désagréable impression d'assister à une mauvaise copie de Kirikou et la sorcière (La méchante toute noire se transforme en gentille blonde selon les stéréotypes les plus éculés) et de Hook de Spielberg (le papa vissé au téléphone qui ne s'occupe pas de sa fifille chérie). Alors qu'il aurait suffi de faire confiance à la force intrinsèque de ce conte sur l'imaginaire enfantin et la peur de grandir. Chatel semble avoir perdu ses pouvoirs magiques avec le temps. Mieux vaut écouter l'original qui reste un must du genre.

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Chantons sous la pluie (Singin' in the Rain)

Publié le par Rosalie210

Stanley Donen (1952)

Chantons sous la pluie (Singin' in the Rain)

Et dire qu'à sa sortie il n'avait pas rencontré le succès... Aujourd'hui c'est un monument du 7° art, un film culte qu'on ne se lasse pas de voir et revoir tant pour ses numéros musicaux magiques et aériens (le duo de claquettes dans le cours de diction " Moses supposes his toeses are roses", la chanson-titre sous l'averse, le pas de 2 dans le studio désert, le solo acrobatique de Donald O' Connor "Make em laugh" et le Broadway ballet avec Cyd Charisse et Scarface) que pour sa reconstitution enlevée de l'histoire du cinéma hollywoodien. Le film se situe à un moment charnière celui du passage du muet au parlant qui constitue un bouleversement total de cette industrie dont nous apercevons aussi les coulisses (avant-premières et premières, plateaux de tournage, doublage etc.) Chantons sous la pluie n'est pas qu'une comédie musicale c'est du cinéma total avec de multiples films et genres dans le film: western, cape et épée, film noir, film d'action, burlesque... Mais l'idée géniale est celle du film muet (le spadassin royal) qui se transforme en film parlant puis en musical (le chevalier dansant). Ces tâtonnements donnent lieu à des scènes hilarantes principalement à cause du personnage de Lina Lamont à la voix de crécelle (doublé d'un cheveu sur la langue) et à la bêtise insondable. Son partenaire Donald Lockwood s'en sort mieux. Certes Kathy Selden se moque de son jeu d'acteur muet limité mais c'est Gene Kelly qui l'interprète: il a le charme, l'humour, il chante et c'est un dieu de la danse. L'avenir s'ouvre à lui.
Film euphorisant Chantons sous la pluie a également donné lieu à une des scènes les plus glaçantes du cinéma lorsque Alex fredonne la chanson-titre dans Orange mécanique de Stanley Kubrick.

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Trois places pour le 26

Publié le par Rosalie210

Jacques Demy (1988)

Trois places pour le 26

En 1969 à Los Angeles, Jacques Demy a fait la connaissance du couple Simone Signoret/Yves Montand qui tournait là Melinda, un film musical de Vicente Minnelli. Ils caressent ensemble le projet d'une comédie musicale. En 1975, Demy écrit sous le titre "Les folies passagères" puis "Dancing" le scénario de ce qui deviendra 3 places pour le 26. Un chanteur à succès (Yves Montand dans son propre rôle) arrive à Marseille pour la création d'un spectacle musical inspiré de sa vie. Il y retrouve Marie-Hélène (Françoise FABIAN), l'amour de jeunesse qu'il avait abandonné derrière lui en quittant la ville 22 ans plus tôt et découvre Marion (Mathida May) la jeune fille qui va remplacer au pied levé la vedette de son spectacle et dans laquelle il ne reconnaît le fruit de son idylle avec Marie-Hélène qu'après avoir partagé une nuit d'amour avec elle.

On retrouve nombre des thèmes favoris du cinéaste: personnages hybrides (Marie-Hélène est une "pute devenue baronne"), localisation dans une ville portuaire, rêve de la petite parfumeuse Marion de monter à Paris, inceste (qui est ici consommé), hommage aux films musicaux US de backstage type Chorus Line etc.

Cependant le film ne sortit des limbes que 12 ans plus tard grâce à Claude Berri. Le succès de Jean de Florette et Manon des Sources lui donna les moyens de produire le film. Avec des moyens confortables et les retrouvailles avec ses collaborateurs habituels on aurait pu penser que Demy allait enfin renouer avec le succès. Il n'en fut rien. Montand qui avait 66 ans était trop âgé pour le rôle et trop connu pour que son histoire fictionnelle avec Marie-Hélène et Marion soit crédible. Quant à Demy il était déjà malade. De plus les orchestrations au synthé de Legrand se sont ringardisées à la vitesse de l'éclair tout comme les danses du chorégraphe des clips de Michael Jackson engagé pour l'occasion (il fallait un génie de l'apesanteur comme Bambi pour les rendre intemporelles). En voulant nier le temps écoulé et en cherchant trop ostensiblement à faire jeune, Montand-Demy-Legrand se sont surtout montrés ridicules. Ce fut le dernier film de Jacques Demy emporté deux ans plus tard par le sida.

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Une chambre en ville

Publié le par Rosalie210

Jacques Demy (1982)

Une chambre en ville

" Il y a peu de films que j'ai voulu comme celui-là. Peu de films que j'ai rêvé comme celui-là" (Jacques Demy)

Une chambre en ville traverse en effet toute l'oeuvre créatrice de Jacques Demy. Au début des années cinquante, il pense en faire un roman dont il écrit les premiers chapitres. Dans les années soixante-dix, il tente d'en faire un film mais des désaccords avec les acteurs puis des difficultés de production bloquent le projet. Le film sort finalement en 1982 après la victoire de François Mitterrand car c'est sa belle-soeur (Christine Gouze-Raynal) qui le produit.

Une chambre en ville porte en lui toutes les caractéristiques de ses prédécesseurs. Pour la deuxième fois après Lola, Jacques Demy tourne l'intégralité du film à Nantes, sa ville d'origine. Comme dans les Parapluies de Cherbourg il s'agit d'un opéra entièrement chanté. Comme dans les Demoiselles de Rochefort, on retrouve Danielle DARRIEUX interprétant ses propres chansons et Michel Piccoli. Comme dans Peau d'Ane, Edith est recouverte d'un manteau de fourrure. Enfin comme dans Lady Oscar, l'émeute se substitue à la fête, l'héroïne (une aristocrate qui tombe amoureuse d'un ouvrier gréviste) découvre la nécessité de la révolte, apprend à assumer sa nudité et la réalité physique de l'amour tandis que le destin des amants débouche sur la mort.

Mais dans Une chambre en ville, la blancheur de Lola et les pastels des Parapluies et des Demoiselles ont définitivement viré au rouge sang et au verdâtre glauque. Le générique (un soleil au-dessus du pont transbordeur qui change progressivement de couleur) l'annonce clairement. En dépit de son caractère flamboyant, le film représente surtout la part souterraine et "serpentine" de l'oeuvre de Jacques Demy (tout comme son film suivant, Parking, beaucoup moins réussi). Celui-ci y expose en particulier de façon crue les affres d'une sexualité tourmentée et mortifère. A la douce Violette s'oppose ainsi la sulfureuse Edith, racolant les passants nue sous son manteau de fourrure. D'un côté le bonheur paisible, sans surprise et familial, de l'autre la passion qui consume et dévore, imprévisible et jamais satisfaite, promise à l'anéantissement et à la mort. Quant à Edmond (joué par Michel Piccoli), le mari d'Edith c'est un psychopathe qui cumule les tares: impuissance, jalousie, avarice, perversité (Il surnomme Edith qui dépend de lui financièrement "ma jolie pute" tout en la traitant de "petite fille", encore une ambivalence bien malsaine). Son magasin de télés du passage Pommeraye ressemble à un aquarium verdâtre rempli de vase.

La mise en pièces de l'univers acidulé des années 60 (qui était en fait un cache-sexe) a déconcerté le public. Certains de ses collaborateurs également. Ainsi Michel Legrand, compositeur de la plupart des films de Demy a refusé de faire celle d'Une chambre en ville en lui disant "ce n'est pas toi", un comble quand on sait ce que signifie cette oeuvre pour son créateur!! Et aujourd'hui encore, Legrand reste braqué et obtus, dénigrant systématiquement un film dont le seul tort est de déranger l'image lisse et rassurante que le public veut avoir de Jacques Demy. Le film a donc été un échec commercial dont il ne s'est jamais remis: " Le rendez-vous manqué du public fut une blessure profonde et marqua une cassure dans sa vie d'artiste." (Rosalie Varda)

Fort heureusement ce que la musique composée par Michel Colombier perd en swing, elle le gagne en puissance et en lyrisme. Les combats de rue de 1955 entre grévistes des chantiers navals de Nantes et CRS donnent lieu en particulier à des choeurs assez ébouriffants. Pour peu que l'on accepte la part sombre de Jacques Demy et les conventions si particulières de son cinéma, Une chambre en ville mérite d'être réhabilité (c'est déjà le cas auprès d'une grande part de la critique). C'est le diamant noir de sa filmographie.

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Les parapluies de Cherbourg

Publié le par Rosalie210

Jacques Demy (1964)

Les parapluies de Cherbourg

"En musique, en couleurs et en chanté", l'accroche de l'affiche déroule les partis pris d'art total qui caractérisent le film idéal que Jacques Demy a enfin les moyens de réaliser. Celui-ci est conçu en effet comme un opéra en trois actes ("le départ", "l'absence" et "le retour") sans récitatifs: tous les dialogues sont chantés y compris les plus triviaux ce qui créé un effet de distorsion qui divisa à sa sortie (et divise toujours aujourd'hui). La musique signée Michel Legrand mélange thèmes jazzy et classique avec le bonheur que l'on connaît. D'autre part c'est le premier film en couleurs de Demy dont l'utilisation est tout aussi symphonique que la musique. Bien que typé années 60, le décor, assorti aux costumes et variant selon les états d'âme des personnages a un caractère indémodable car son raffinement est un ravissement pour les yeux. Le sens de l'harmonie et de la géométrie de Demy fait que nombre de scènes ressemblent à des tableaux.

Tout ce dispositif se marie parfaitement à l'histoire qui en dépit de ses apparences lumineuses est une tragédie hantée par la mort et l'absence de couleurs à laquelle on l'associe en occident: le noir. Un film où comme le dit Guy "Le soleil et la mort marchent ensemble". Les parapluies noirs qui succèdent à ceux de couleur à la fin du générique, Roland Cassard vêtu de noir tel un oiseau de mauvais augure qui vient tourner autour de l'univers pastel de Geneviève, le client qui s'entend répondre par la mère de Geneviève que "le marchand de couleurs, c'est la porte à côté" tout concourt à prendre au pied de la lettre la célébrissime chanson où Geneviève s'exclame " je ne pourrai jamais vivre sans toi, je ne pourrai pas, ne pars pas, j'en mourrai." Effectivement la séparation des amants est fatale à Geneviève. Certes elle ne meurt pas physiquement mais son mariage arrangé avec Roland Cassard signe sa mort intérieure. Roland qui depuis le premier film de Demy a tiré les leçons de son échec amoureux avec Lola et est devenu diamantaire. Guy est également transformé à jamais par cette expérience. La dernière demi-heure du film méconnue et poignante le montre de retour d'Algérie, blessé, amer, révolté, incapable de se réadapter à sa vie d'avant et à deux doigts de sombrer avant d'être sauvé par la soumise et jusque là invisible Madeleine. Le rouge sang puis l'orange remplacent alors les couleurs pastels.

A travers cette histoire, Demy dénonce l'hypocrisie des moeurs bourgeoises et les ravages de la guerre. Deux thèmes que l'on retrouve dans plusieurs de ses films. Le "Demy-monde" est rempli d'exclus ou de marginaux: fille-mère, bohémiens, transgenres... quant à la guerre, elle brise les vies et les destins (l'exemple le plus achevé étant Model Shop). L'irréalisme de la forme est donc au service d'un contenu très politique. C'est encore aujourd'hui l'une des forces du film.

Comme son film suivant, Les Demoiselles de Rochefort, les Parapluies de Cherbourg est devenu un film de référence pour les jeunes réalisateurs français sans que pour autant ils ne parviennent à en retrouver la magie. Citons l'exemple du célèbre plan où Guy et Geneviève glissent comme par magie sans toucher le sol (une citation du célèbre film de Murnau l'Aurore qui est une référence majeure de Demy) et qui est reprise quasi telle quelle dans Les chansons d'amour d'Honoré.

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