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Barbie

Publié le par Rosalie210

Greta Gerwig (2023)

Barbie

"Barbie" qui est en passe comme son modèle en plastique de devenir un phénomène de société n'a pas fini de faire couler beaucoup d'encre. L'excellent début du film de Greta GERWIG rappelle quelle (r)évolution cette poupée a représenté pour les petites filles en 1959. Mais plutôt que de le faire sur un mode documentaro-pédagogique, elle a décidé de pasticher la séquence "A l'aube de l'humanité" de "2001 : l'odyssee de l'espace" (1968) dans laquelle un singe, éveillé par le monolithe apprend à se servir d'un os pour abattre ses proies. Le "monolithe" c'est Barbie qui sonne la révolte des petites filles confinées jusque-là au rôle étroit de mère au foyer miniatures et qui envoient soudainement valser dans l'espace leurs dînettes et leurs poupons pour embrasser le vaste monde qui s'offre à elles où tout devient possible, y compris être présidente et cheffe d'entreprise et tout cela dans des tenues chics et variées valorisant la féminité. Un monde dans lequel il est possible de s'autosuffire, l'homme alias Ken étant réduit au rôle de faire-valoir dépendant du regard de Barbie pour exister. Ce début tonitruant (et qui s'approprie déjà un film et une symbolique des plus phalliques) n'est que le début des festivités. Par un jeu de vases communicants entre le monde de Barbie et celui des humains, Greta GERWIG fait une satire souvent bien vue de notre monde réel très éloigné de l'idéal véhiculé par les poupées de Mattel. L'entreprise dont le PDG est joué par Will FERRELL a  beau avoir une déco et un dress code "pinkwashing", son administration est tout ce qu'il y a de plus phallocrate et monocolore, les justifications du PDG tournant en ridicule celles émises depuis des années par les conservateurs de tous poils pour surtout ne rien changer. C'est d'ailleurs malin de la part de Mattel (producteur du film) qui peut ainsi donner un sacré coup de jeune à son image en faisant son autocritique (comme quoi c'est possible aussi dans le monde capitaliste quand il s'agit de rebondir). Mais si ça peut faire réfléchir, tant mieux car la Barbie jouée par Margot ROBBIE dont le "happy face" de rigueur est effacé par une humeur dépressive, de la cellulite, des pieds plats (ceux de la poupée épousent la forme des chaussures à talon) et plein de questions sans réponses reflète en réalité sa propriétaire adulte, une employée de Mattel (America FERRERA) dont le monologue sur les injonctions contradictoires faites aujourd'hui aux femmes tape dans le mille: c'est à la fois une critique du monde réel et du monde idéal de Barbie qui en dépit de toutes ses déclinaisons ethniques et physiques (rappelées dans le film) reste associée à un modèle stéréotypé de blondeur, de jeunesse, de minceur et d'hypersexualisation qu'incarne Margot ROBBIE.

Mais le film ne s'intéresse pas qu'à Barbie, il accorde une grande place à Ken qui se pose lui aussi des questions sur son identité. Car si Barbie est bouleversée de découvrir que le monde réel n'en a pas fini avec le patriarcat et la considère comme un objet sexuel, Ken qui jusque là n'existait qu'à travers Barbie s'autonomise et va importer les modèles masculins du monde réel dans Barbieland, reproduisant ainsi des comportements paternalistes et machistes bientôt tournés en ridicule par la contre-offensive des Barbies. Ryan GOSLING est très bon dans le registre de l'autodérision, son Ken est désopilant, qu'il soit "beach" ou "cow-boy".

"Barbie" est donc un divertissement intelligent et délicieusement pop, rendant hommage en prime à des films et genres populaires (les comédies musicales, "Toy Story 3" (2010) qui faisait intervenir Barbie et Ken, "Retour vers le futur II") (1989). Je ne suis pas sûre que les 14 films prévus par Mattel pour relancer les ventes de ses jouets seront de la même qualité...

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