A condition de renoncer à toute prétention cinéphilique et d'assumer son côté kitsch et mièvre (ce que je n'avais pas fait la première fois que je l'avais vu), "Mamma Mia!" permet de passer un bon moment. L'histoire n'est qu'un prétexte à enchaîner les tubes entraînants d'Abba, si nombreux qu'ils permettent de remplir le cahier des charges d'un film de près de deux heures. Dans les années 80 j'écoutais en boucle la comédie musicale "Abbacadabra" où officiaient entre autre le regretté Daniel Balavoine, Plastic Bertrand et … Clémentine Autain (comme quoi tous les chemins mènent à la politique ^^). J'étais donc parée à toute éventualité ^^. Ensuite il y a le casting prestigieux qui y va à fond, quitte à être ridicule, autant l'assumer. Du coup cela devient de l'autodérision et c'est sympathique de voir tous ces quinquagénaires jouer les djeun's et pousser la chansonnette en ne se prenant jamais au sérieux (ce qui est une preuve d'intelligence!). Côté femmes, on a Meryl Streep qui a l'air de s'éclater tout comme ses deux copines, Christine Baranski et Julie Walters (la Molly Weasley de la saga Harry Potter). Côté hommes on a Pierce Brosnan (qui nous casse tout de même un peu les oreilles, le chant n'est pas son fort mais ça finit par être drôle à la longue ^^) et Colin Firth qui s'autoparodie avec jubilation. Pourquoi ne pas faire la fête en si bonne compagnie? On aurait tort de s'en priver ^^.
"Hair" et son hymne "Let the Sunshine in" peut être considérée comme la première comédie musicale rock de l'histoire. Elle a été créée en 1967, en plein mouvement contestataire de la jeunesse contre la guerre du Vietnam. Une jeunesse qui rejette également les valeurs conservatrices des parents en adoptant le mode de vie hippie, son pacifisme (le flower power, l'attirance pour les religions orientales), sa liberté de mœurs (en matière sexuelle et de consommation de drogues), son rejet du productivisme, du puritanisme et de la société de consommation, son esthétique (par rejet des institutions militaires et bourgeoises corsetées, les hippies portaient des tenues décontractées et colorées, s'adonnaient au naturisme et filles comme garçons laissaient leurs cheveux pousser librement ce qui explique le titre de la comédie musicale "Hair"). "Hair" a décoiffé (et dénudé) Broadway tout comme tous les lieux par lesquels elle est passée ensuite, la troupe de comportant dans la salle comme sur scène et suscitant parfois des réactions de rejet comme à Paris en 1969 avec la tentative de l'Armée du Salut pour arrêter le spectacle.
Milos Forman conjugue donc dans son film réalisé dix ans plus tard l'esprit d'une époque avec ses thèmes de prédilection, ceux d'un cinéaste en révolte contre toutes les formes d'oppression institutionnelle. Sous sa direction, "Hair" se transforme en ballet tragi-comique autour d'une liberté ardemment recherchée mais dont l'accomplissement se paye d'un prix aussi amer que dans "Vol au-dessus d'un nid de coucou". Le système social que dépeint Milos Forman est en effet menacé par la subversion de ceux qui le défient. Dans "Hair", ils s'invitent dans la société bourgeoise pour y renverser la table et commencent à convertir à leur cause les jeunes pousses. Aussi, chez Forman, les deux camps se livrent une lutte à mort où le système ne laisse que deux possibilités à ceux qui le remettent en cause: rentrer dans le rang ou être écrasé. Berger (Treat Williams), le leader des hippies sacrifie ainsi sa vie sans le vouloir pour permettre à son ami Claude (John Savage) de recouvrer la liberté, un peu comme le faisait (symboliquement) Mc Murphy pour "Chef" dans "Vol au-dessus d'un nid de coucou". Toutes les séquences de happening filmées dans Central Park sont admirables dans leur composition, de même que celle où Berger secoue le cocotier d'un grand repas de cérémonie bourgeoise, tout comme la fin où l'hymne "Let The Sunshine in" prend une résonance poignante.
"Jeanne et le garçon formidable" est un alliage réussi entre l'héritage de la comédie musicale de Jacques Demy et l'actualité de l'époque, plus précisément l'épopée activiste d'Act Up telle qu'elle est racontée dans "120 battements par minute" de Robin Campillo. Jacques Martineau et Olivier Ducastel militaient chez Act Up et le deuxième avait été également assistant-monteur sur le dernier film de Jacques Demy "Trois places pour le 26". Leur premier long-métrage lui rend donc hommage de plusieurs manières tout en donnant aux chansons un caractère engagé Act Up. Mathieu Demy, fils de Jacques Demy et d'Agnès Varda interprète le rôle principal. Afin qu'il n'endosse pas le rôle de son père (homosexuel et mort du sida ce qui était tenu secret à l'époque mais était connu des protagonistes du film devant et derrière la caméra), il devient hétérosexuel et toxicomane dans le film, celui-ci pour citer Libération "consistant à goupiller le patois d'un genre (homo) dans le dialecte d'un autre (hétéro)" avec dans le rôle de la butineuse polyamoureuse, Virginie Ledoyen. "Jeanne et le garçon formidable" est par ailleurs une comédie musicale, genre tombé en désuétude dont les codes sont extrêmement proches de celles de Jacques Demy. On retrouve les personnages qui se ratent, qui dansent à l'arrière-plan ainsi que le prosaïsme et la légèreté de façade ("S'il te plait, donne-moi une tranche/ Attends je vais te la, je vais te la beurrer/ Je te mets de la confiture/ Ou bien du miel si tu préfères/ Je crois que j'aime autant nature/Passe-moi le sucre, c'est trop amer." etc.) derrière lesquels se dissimule un contexte social grave. Celui des malades du sida mais également celui de l'exclusion des homosexuels de la juridiction touchant la vie de couple (la chanson de François à propos de la mort de son compagnon rappelle qu'avant l'adoption du PACS en 1999 les conjoints n'avaient aucun droit et se retrouvaient parfois dans des situations dramatiques) et enfin les difficultés pour les immigrés et leurs enfants à accéder à la nationalité française, allusion aux lois Pasqua (une des bêtes noires des réalisateurs avec Edith Cresson pour leur rôle contre-productif dans la gestion de l'épidémie de sida). "Jeanne et le garçon formidable" est donc paradoxalement un film engagé sur la peur de l'engagement, le seul garçon pour lequel Jeanne est prête à s'impliquer étant justement celui qui se dérobe avant de disparaître définitivement. C'est aussi un film sur le consumérisme. Outre la chanson interprétée par Valérie Bonneton et Denis Podalydès (tous les acteurs chantent eux-mêmes sauf Virginie Ledoyen qui est doublée par Elise Caron) célébrant les joies du confort domestique de l'American way of life dont on ne sait si c'est du premier ou du second degré, le personnage de Jeanne est une croqueuse d'hommes qui en change comme de chemise et est toujours pressée avec un emploi du temps de ministre puisqu'elle mène de front plusieurs relations à la fois. Le marivaudage amoureux est un thème qui colle à la peau du cinéma de la nouvelle vague, on pense parfois à Eric Rohmer et surtout à Jeanne Moreau et son "tourbillon de la vie" dans "Jules et Jim" de François Truffaut.
"La Belle de Moscou" se situe au crépuscule de l'âge d'or de la comédie musicale MGM. C'est aussi un remake musical de "Ninotchka" de Ernst Lubitsch sorti 20 ans plus tôt. C'est également le dernier film de Rouben Mamoulian. Fred Astaire a 58 ans, Cyd Charisse en a 35, ce sont leurs derniers rôles dansants. Sans parler du pauvre Peter Lorre qui en a 53 et s'est reconverti en petit comique de la danse ^^. Il règne donc dans ce film une ambiance de fin de règne propre aux pages sur le point de se tourner. Les chansons font d'ailleurs allusion à la concurrence croissante de la télévision en faisant la promotion du technicolor, du cinémascope et du son stéréophonique pour tenter de retenir les spectateurs dans les salles (une surenchère technologique qui fait penser aujourd'hui à la 3 et 4D, au dolby surround et autres gadgets censés en mettre plein les yeux et les oreilles mais qui sont les aspects des films qui vieillissent toujours le plus vite). L'intrigue oppose toujours de manière aussi manichéenne l'occident et l'URSS qui sont alors en pleine guerre froide. Le premier est dépeint comme un paradis de l'hédonisme. Amusant quand on sait qu'un gardien du code Hays était présent sur le tournage, obligeant Cyd Charisse à cacher le plus possible son corps considéré comme trop légèrement vêtu derrière un fauteuil ou une porte de placard lors de la très belle scène de strip-tease où, transfigurée par l'amour, elle enfile les bas de soie qui donnent leur titre au film en VO. Le second est présenté comme un régime totalitaire psycho-rigide entièrement tourné vers l'utilitarisme. Si nul ne s'offusque de voir Fred Astaire jouer les jeunes premiers alors qu'il a l'âge d'être papy (évidemment l'inverse n'est même pas imaginable), cette convention a quand même un côté assez grotesque. Si ses duos avec Cyd Charisse dégagent toujours beaucoup de charme, la musique de Cole Porter est visiblement trop moderne pour lui avec notamment un dernier titre rock'n roll dans lequel il est à la peine ^^. Mais il faut lui reconnaître un réel panache pour assumer ainsi le passage de témoin. Heureusement, il est bien épaulé par ses partenaires féminines. Outre Cyd Charisse pour le glamour, il y a Janis Paige qui compose une Esther Williams sur le retour un peu neuneu avec autant d'inventivité que Jean Hagen dans "Chantons sous la pluie".
Film défouloir kitschissime entre glam rock et movida tout entier polarisé sur Frank, sa star transgenre charismatique et l’hallucinante performance de celui qui l’incarne, Tim (MER)CURRY ^^. Bien que bourré de références de toutes sortes, notamment aux films hollywoodiens de monstres souvent détournés ou parodiés (J’aime particulièrement la créature de Frankenstein new look bodybuildée et bronzée sortant d’un cercueil arc en ciel et puis tel King-Kong, faisant l’ascension de la tour RKO avec Frank évanoui), le film est profondément ancré dans les seventies (dimension contestataire et libertaire, paranoïa). Face au couple aseptisé joué par Susan SARANDON et Barry BOSTWICK, Frank apparaît par antithèse comme un vampire sexuel affamé de chair fraîche. Les chansons et même certaines chorégraphies ont encore de la gueule aujourd’hui. Mais il manque à ce film une vraie mise en scène (on est davantage dans un enchaînement de numéros dans des décors statiques) et un vrai scénario. Voir tous ces pantins sans consistance s’agiter frénétiquement sans but véritable finit par lasser. Quant à l’hédonisme débridé du film, il n’est que l’envers de la médaille du puritanisme du début, une autre forme d’aliénation phallocrate symbolisée par l’emprise que Frank a sur ses créatures déshabillées et utilisées comme des poupées gonflables à usage unique, puis transformées en statues puis en pantins transformistes décalquées sur leur modèle. L’affichage transgenre dissimule en réalité un sexisme tout ce qu’il y a de plus traditionnel. Janet passe ainsi du statut de sainte-nitouche à celui de salope (comme un air de déjà vu). Quant à Frank, une fois ses méfaits accomplis, il repart dans l’espace et n’aura constitué qu’une parenthèse de carnaval servant au final à conforter l’ordre établi.
"Tous en scène" de Vincente MINNELLI est la quintessence du second âge d'or de la comédie musicale dominé par la MGM, à égalité avec l'autre sommet que constitue "Chantons sous la pluie" (1952) de Stanley DONEN. Les deux films ont d'ailleurs plus d'un point commun:
- C'est le même duo de scénaristes qui est aux commandes, Betty COMDEN et Adolph GREEN et par conséquent les thématiques des deux films sont voisines avec dans l'un et l'autre cas une mise en abyme de l'univers du show business à un moment délicat de son histoire (passage du cinéma muet au cinéma parlant, de la comédie musicale années 30 à la comédie musicale années 50). On peut imaginer que le duo de scénaristes de film joué par Nanette FABRAY et Oscar LEVANT est leur double de fiction. Par ailleurs le rôle de Cosmo Brown dans "Chantons sous la pluie" (1952) est inspiré de Oscar LEVANT et avait été écrit à l'origine pour lui.
- On y trouve le même salutaire sens de l'autodérision. A la voix de crécelle de Lina Lamont joué par Jean HAGEN se substituent les caprices de diva de Fred ASTAIRE à propos de son âge, de sa carrière et de la taille de ses partenaires de danse transposés sur son personnage de fiction, Tony Hunter. Le caractère mégalo de la comédie musicale que doit préparer la troupe (un "Faust moderne" défendu avec force mimiques outrancières et effets spéciaux ridicules par le metteur en scène Jeffrey Cordova interprété par Jack BUCHANAN et inspiré de l'acteur-réalisateur José FERRER) aboutit par ailleurs à un bide monumental obligeant la troupe à revenir à plus de simplicité.
- La structure des numéros musicaux présente des similitudes avec une longue séquence finale où les deux films (et les deux arts, théâtre et cinéma) se croisent: "Tous en scène" qui raconte la création d'un spectacle finit dans l'univers des privés, gangsters et femmes fatales des films noirs ("Girl Hunt") alors que "Chantons sous la pluie" (1952) qui raconte le tournage du premier film parlant "Lockwood et Lamont" se termine par un hommage aux comédies musicales de Broadway ("Broadway Melody"). Cyd CHARISSE est par ailleurs présente dans les deux numéros. Dans "Chantons sous la pluie" (1952), elle porte une cigarette à sa bouche. Dans "Tous en scène" on découvre qu'elle déteste fumer (autre détail autobiographique, on y découvre ses origines de danseuse classique). Et les deux films possèdent leur hymne fédérateur avec "Make 'Em Laugh" dans un cas et "That's Entertainment" de l'autre (doublé d'un grand moment burlesque, celui des fameux "Triplets"). Enfin chaque film a son moment de grâce gravé dans toutes les mémoires: le "Singin' in the rain" de Gene KELLY contre le "Dancing in the dark" de Fred ASTAIRE et Cyd CHARISSE dont c'était par ailleurs le premier grand rôle "parlant" au cinéma.
Si la qualité d'un film se mesurait juste au scénario, "Le Chant du Missouri" serait un épouvantable navet. Il n'y a pas vraiment d'histoire d'ailleurs dans le film qui se résume à de jolies cartes postales célébrant les valeurs et les rites familiaux les plus traditionnels (Halloween, Noël) avec une grande et belle maison, une grande progéniture (5 enfants!), un pater familias chargé de faire vivre son foyer et donc presque toujours absent, une mère au foyer ménagère modèle assistée d'une domestique intégrée dans le cercle familial et un aéropage de petites filles modèles (le seul garçon, on ne le voit presque pas). Il est amusant de constater que cinq ans plus tard, Mervyn LeROY reprendra une partie du casting pour sa version de "Les Quatre filles du Dr March" (1949) avec Mary ASTOR une fois de plus dans le rôle de la mère (dans les systèmes patriarcaux, il n'y a que deux rôles possibles pour une femme, celui de la maman et celui de la putain, rôle que Mary ASTOR a parfaitement endossé dans "Le Faucon maltais") (1941) ainsi que la jeune Margaret O BRIEN dans le rôle de l'une de ses filles.
Il y aurait donc tout pour s'ennuyer ferme devant cette bluette passéiste (le film date de 1944 mais l'histoire se déroule en 1903) sans autre intrigue que de petits flirts parfaitement inintéressants et un déménagement avorté qui confirme s'il en était encore besoin le caractère viscéralement réac de cette famille qui rejette la grande ville pour les charmes de l'entre-soi à la campagne. Mais voilà c'est Vincente MINNELLI qui est aux commandes pour son troisième film "en chanté" (le premier en couleurs) et c'est un régal aussi bien pour l'oeil (l'utilisation des couleurs, notamment dans les gammes de costumes est prodigieuse) que pour l'oreille (les chansons à l'inverse de l'histoire sont toutes très réussies), le tout enlevé par une sublime Judy GARLAND hyper bien mise en valeur. De plus Vincente MINNELLI peut être considéré avec ce film comme le fondateur de la comédie musicale moderne, celle qui intègre les numéros musicaux et chorégraphiés dans le fil de l'histoire, aussi mince soit-elle, une structure qui donnera plus tard avec des scénarios plus étoffés et plus audacieux des chefs d'oeuvre tels que "Chantons sous la pluie" (1952), "Mary Poppins" (1964) ou "Les Demoiselles de Rochefort" (1967).
Les vrais "feel-good movies" ont souvent été réalisés avant l'invention de ce terme marketing et dans le but d'échapper à la sinistrose. Billy WILDER disait par exemple que lorsqu'il était très heureux il faisait des tragédies et quand il était déprimé il faisait des comédies. Et donc que pour "Certains l'aiment chaud" (1959) il était très déprimé, voire suicidaire. "Grease" s'inscrit dans la même logique. Dans les années 70 les USA connaissent une crise profonde aussi bien économique que politique et deviennent alors nostalgiques de leur supposé âge d'or des années 50. C'est connu, quand une société va bien, elle regarde vers l'avenir quand elle va mal, elle regarde vers son passé. Par conséquent les films et séries sur cette époque "bénie" se sont multipliés, en particulier "American graffiti" (1973) d'un certain George LUCAS qui avant de diriger son regard vers les étoiles regardait dans son rétro et la série au titre si révélateur "Happy Days" (1974) avec dans le rôle de Fonzie Ron HOWARD qui fut d'ailleurs le premier acteur pressenti pour le rôle de Danny Zuko. Mais finalement, il échu à John TRAVOLTA qui venait juste de rencontrer le succès avec "La Fièvre du samedi soir" (1977). Mais c'est avec "Grease" qu'il devint véritablement une star. Son duo avec Olivia NEWTON-JOHN fonctionne tellement bien qu'on les compare dans le film à celui de Fred ASTAIRE et de Ginger ROGERS. Mais si John TRAVOLTA possède la même fluidité que son illustre aîné, il a en plus le sex-appeal et un certain sens de l'auto-dérision. De fait "Grease" s'inscrit au carrefour de deux genres, celui classique de la comédie musicale et celui encore à venir du teen-movie. Et ce même si les acteurs et actrices de "Grease" ne font guère illusion quant à leur âge véritable. Olivia NEWTON-JOHN par exemple avait 30 ans alors qu'elle est censé en avoir 18. Néanmoins "West side story" (1960) avait ouvert la voie dans les années 60 à ce genre hybride qui se poursuivit dans les années 80 avec "Footloose" (1984) et "Dirty Dancing" (1987).
Mais le paradoxe des paradoxes est que si "Grease" s'est imposé dans la durée, c'est pour son irrésistible énergie seventies cachée derrière le vernis fifties. En effet, son succès durable est lié avant tout à la force de frappe de ses numéros chantés et dansés. Trois d'entre eux en particulier sont devenus mythiques: "Summer Nights", "Greased Lightnin'" et bien sûr "You're the One that I want". Des chansons rock and roll mais traversées par la vibe disco. Celle du générique chantée par Frankie Valli a même été composée par Barry Gibb, l'un des Bee Gees (auteurs de la BO de la "La Fièvre du samedi soir") (1977) et est 100% disco (les images BD tentant de camoufler l'anachronisme). Quant à l'histoire, elle oscille entre les stéréotypes sexistes très appuyés des années 50 (fée du logis sainte-nitouche contre bad boy gomina-cuir-bagnole) et le bousculement de ces mêmes stéréotypes: la sainte-nitouche se transforme en bombe sexuelle dans la séquence la plus mythique du film alors qu'à l'inverse le bad boy tente plus ou moins bien de cacher sa sensibilité féminine devant sa bande de potes qu'il s'agisse de sa fibre romantique pour sa partenaire ou des pulsions homo érotiques vis à vis de ses partenaires.
Voici le énième remake des classiques Disney (en attendant le prochain, celui de Dumbo) qui comme d'autres grands studios hollywoodiens tournent en rond depuis un certain nombre d'années maintenant en ne produisant plus que des copies techniquement impeccables mais complètement vaines de leurs plus grands succès. La technique, ça se démode vite et il n'est pas exclu que dans trente ou quarante ans si le cinéma existe encore, les gens ne se gondolent pas devant les effets spéciaux des années 2010 un peu comme c'est le cas aujourd'hui avec les peplum des années 50-60. En revanche ce qui ne se démode pas c'est l'âme et la créativité. Or ces films de divertissement aussitôt consommés aussitôt oubliés ne possèdent ni l'un ni l'autre. Et viendra le moment où il n'y aura plus que des remake à remaker ^^.
"Le retour de Mary Poppins" n'est en effet pas une suite comme il le prétend mais un pur et simple remake essayant sans arrêt de titiller la fibre nostalgique du spectateur. Censé se dérouler trente ans après les événements du premier film, il reprend le même cadre suranné, avec les mêmes personnages inamovibles (l'amiral et M. Boussole qui trente ans après devraient être en maison de retraite et non encore sur le pont et eux n'ont pas l'excuse de la magie pour ne pas vieillir). La maison des Banks n'a évidemment pas changé d'un iota (en dehors de quelques innovations techniques encore une fois) au point que Michael (Ben WHISHAW) a repris la place de son père et Jane (Emily MORTIMER), le flambeau de la mère (sauf qu'elle ne milite pas pour les droits des femmes mais des travailleurs). Quant aux enfants, il y a Jean, Michel et puis Wendy euh… non ça c'est dans "Peter Pan" (1953) mais c'est du pareil au même. Les séquences de comédie musicale marquent à la culotte celles du premier film. On a donc une séquence mêlant animation 2D et monde réel à partir non d'une peinture délavée par la pluie mais d'une soupière cassée, la séquence du thé au plafond de l'oncle Albert devient celle de la pièce renversée de la cousine Topsy où Meryl STREEP gagne la palme de la performance la plus ridicule. Enfin la séquence des ramoneurs devient celle des réverbères (et qu'est ce qu'elle est longue!)
Malgré tout ce travail de copié-collé, "Le retour de Mary Poppins" finit par trahir l'original lorsqu'il dévoile ses véritables intentions réactionnaires. En effet là où le sens profond de "Mary Poppins" (1964) consistait à sauver l'âme de M. Banks en le reconnectant à son enfance et à une vision humaniste du monde, symbolisée par le don des deux pence à la dame aux oiseaux, le remake fait l'éloge de l'investissement bancaire et boursier de ces deux pence qui permettent grâce au profit réalisé de sauver la maison des Banks. Bien entendu, on recouvre vite le message de propagande pro-capitaliste par une nouvelle mélodie sucrée en hommage aux vertus de l'enfance retrouvée qui ne peut que sonner faux.
"Tout le monde dit I love you" est une comédie musicale de Woody ALLEN bien appropriée à cette période de noël. Elle est toutefois inégale et vaut selon moi surtout pour sa dernière demi-heure parisienne avec le ballet des Groucho puis la danse de Woody ALLEN et Goldie HAWN sur la chanson "I'm thru with love" d'Ella FITZGERALD la nuit sur les quais de Seine. Le reste du film est bâclé avec un scénario indigent tournant autour d'une famille recomposée de la bourgeoisie new-yorkaise très aisée dont les personnages ne présentent vraiment aucun intérêt. De ce fait les acteurs surjouent et/ou font tapisserie. C'est dommage d'avoir à ce point mal employé Drew BARRYMORE, Edward NORTON, Tim ROTH ou encore Natalie PORTMAN (alors certes encore toute jeune). L'enfilade de clichés va bon train, du fils républicain pro-armes et pro-peine de mort qui devient subitement démocrate quand son artère est débouchée (et ce n'est même pas drôle) à la mère bourgeoise qui se croit obligée d'aider tous les parias de la terre et la fille qui enchaîne les petits copains comme les perles d'un collier. Mais le summum du lieu commun est atteint avec la séquence de séduction de Julia ROBERTS par Woody ALLEN qui se déroule à Venise. De toutes façons on est prévenu dès le début qu'il n'ira pas avec le dos de la cuillère sur les images d'Epinal lorsqu'on le voit surgir avec une baguette sous le bras au milieu d'un pont enjambant la Seine avant de déménager dans un appartement donnant sur le Sacré-Coeur. Il aurait dû y aller carrément et mettre la tour Eiffel devant sa fenêtre!
En revanche pour les fans des Marx Brothers (dont je fait partie même si je suis plus "marxiste tendance Harpo" que "tendance Groucho"), le film offre un final en apothéose. Outre le ballet déjà évoqué, on entend la chanson qui donne son titre au film "Everyone says I love you" extraite de "Plumes de cheval" (1932) ainsi qu'un instrumental de "You brought a new kind of love to me", la chanson de Maurice Chevalier que les frères chantent tour à tour (sauf Harpo qui la mime) dans "Monnaie de singe" (1931).
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.