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Articles avec #mamoulian (rouben) tag

La Belle de Moscou (Silk Stockings)

Publié le par Rosalie210

Rouben Mamoulian (1957)

La Belle de Moscou (Silk Stockings)

"La Belle de Moscou" se situe au crépuscule de l'âge d'or de la comédie musicale MGM. C'est aussi un remake musical de "Ninotchka" de Ernst Lubitsch sorti 20 ans plus tôt. C'est également le dernier film de Rouben Mamoulian. Fred Astaire a 58 ans, Cyd Charisse en a 35, ce sont leurs derniers rôles dansants. Sans parler du pauvre Peter Lorre qui en a 53 et s'est reconverti en petit comique de la danse ^^. Il règne donc dans ce film une ambiance de fin de règne propre aux pages sur le point de se tourner. Les chansons font d'ailleurs allusion à la concurrence croissante de la télévision en faisant la promotion du technicolor, du cinémascope et du son stéréophonique pour tenter de retenir les spectateurs dans les salles (une surenchère technologique qui fait penser aujourd'hui à la 3 et 4D, au dolby surround et autres gadgets censés en mettre plein les yeux et les oreilles mais qui sont les aspects des films qui vieillissent toujours le plus vite). L'intrigue oppose toujours de manière aussi manichéenne l'occident et l'URSS qui sont alors en pleine guerre froide. Le premier est dépeint comme un paradis de l'hédonisme. Amusant quand on sait qu'un gardien du code Hays était présent sur le tournage, obligeant Cyd Charisse à cacher le plus possible son corps considéré comme trop légèrement vêtu derrière un fauteuil ou une porte de placard lors de la très belle scène de strip-tease où, transfigurée par l'amour, elle enfile les bas de soie qui donnent leur titre au film en VO. Le second est présenté comme un régime totalitaire psycho-rigide entièrement tourné vers l'utilitarisme. Si nul ne s'offusque de voir Fred Astaire jouer les jeunes premiers alors qu'il a l'âge d'être papy (évidemment l'inverse n'est même pas imaginable), cette convention a quand même un côté assez grotesque. Si ses duos avec Cyd Charisse dégagent toujours beaucoup de charme, la musique de Cole Porter est visiblement trop moderne pour lui avec notamment un dernier titre rock'n roll dans lequel il est à la peine ^^. Mais il faut lui reconnaître un réel panache pour assumer ainsi le passage de témoin. Heureusement, il est bien épaulé par ses partenaires féminines. Outre Cyd Charisse pour le glamour, il y a Janis Paige qui compose une Esther Williams sur le retour un peu neuneu avec autant d'inventivité que Jean Hagen dans "Chantons sous la pluie".

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Docteur Jekyll et M. Hyde (Dr. Jekyll and Mr. Hyde)

Publié le par Rosalie210

Rouben Mamoulian (1931)

Docteur Jekyll et M. Hyde (Dr. Jekyll and Mr. Hyde)

La version de Rouben MAMOULIAN réalisée au début du parlant allie excellence de l'interprétation et mise en scène inspirée pour ce qui est sans doute la meilleure adaptation de la nouvelle de Robert Louis Stevenson à ce jour. La scène d'introduction suggère d'une manière admirable les troubles de la personnalité du docteur Jekyll (Fredric MARCH). Tout d'abord elle est tournée en caméra subjective, tout comme un peu plus tard sa première métamorphose. De ce fait, nous ne voyons pas tout de suite Jekyll. Ce que nous voyons d'abord, c'est d'abord l'ombre de sa tête projetée sur une partition musicale et ensuite son reflet dans le miroir, une façon d'opposer son image sociale respectable et l'envers masqué de cette image, son intériorité inavouable et donc cachée (et en anglais, cacher se dit hide). Dans une société qui accepterait l'être humain tel qu'il est, celui-ci n'éprouverait pas le besoin de se diviser. Mais la société victorienne marquée par une morale extrêmement puritaine est fondée sur la dissociation entre ce qui est considéré comme pur chez l'être humain et qui est célébré et ce qui est considéré comme impur -en premier lieu la sexualité- et doit être rejeté. Par conséquent le puritanisme fabrique une société duale avec d'un côté une façade conforme aux principes moraux qu'elle prône et de l'autre une arrière-cour fétide remplie de ce qu'elle rejette et qui parfois remonte à la surface, à l'image dans le film de la casserole pleine de liquide bouillant qui déborde et fait sauter le couvercle.

Ce dualisme est donc au cœur du film. Il est à l'origine du dédoublement de personnalité de Jekyll qui est qualifié "d'ange" et c'est bien parce que ceux qui font les anges font aussi les bêtes que son ombre prend la forme d'une bête simiesque. Il est frappant également de constater combien le point nodal de la dissociation est lié à la répression sexuelle. Jekyll qui sent la pulsion monter en lui espère la canaliser "honorablement" dans le mariage avec Muriel (Rose HOBART). Sauf que le père retarde l'échéance alors que la frustration devient insupportable, selon le credo bien connu qui prête à l'homme des désirs sexuels incontrôlables alors que la femme n'aurait, elle, pas de désir. C'est la rencontre avec Ivy (Miriam HOPKINS) qui précipite le drame. Car tout comme l'homme, la femme est dissociée. D'un côté il y a les filles de bonne famille, vierges jusqu'au mariage et ensuite dépourvues de libido par une prison psychique inculquée dès l'enfance les privant de corps sauf pour la reproduction. Et de l'autre, les prostituées, des "égouts" sur pattes servant à satisfaire les pulsions sexuelles jugées irrépressibles des mâles qui sinon perturberaient l'ordre social. Et pour encore mieux souligner cette dualité, Rouben MAMOULIAN divise l'écran à plusieurs reprises ce qui en fait un pionnier du split screen.

Sauf que Ivy ne devient pas seulement la maîtresse de Hyde, elle devient également sans le savoir le réceptacle de la haine que Jekyll a de lui-même (c'est à dire de son corps, de ses désirs, de ses besoins). Il la terrorise, la martyrise et en définitive, la tue, poussant jusqu'à son extrême aboutissement la logique de domination patriarcale sur le corps des femmes et la haine des puritains vis à vis de l'amour, de la beauté, du plaisir, bref tout ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue. Poussé ainsi à l'extrême, le système victorien si bien huilé déraille. Car Jekyll le subvertit avec sa science. En séparant radicalement deux parties de son être, il créé un monstre incontrôlable qui le détruit mais menace également d'éclater à la figure de toute la bonne société: c'est la casserole qui déborde, autrement dit le "Docteur Jekyll et Mister Hyde" (1931)" de Rouben MAMOULIAN n'est pas que l'étude d'un symptôme, c'est la radiographie d'un scandale. 

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