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Articles avec #laguionie (jean-francois) tag

Le Voyage du Prince

Publié le par Rosalie210

Jean-François Laguionie et Xavier Picard (2019)

Le Voyage du Prince

Dans "Le Château des singes" (1999), Kom, un jeune singe appartenant à la tribu des Woonkos, peuple de singes "primitifs" vivant dans la canopée découvrait sur le plancher des vaches la civilisation des Laankos, peuple singe de la Renaissance prétendument civilisé mais rongé par les complots. "Le Voyage du prince", dernier-né de Jean-François LAGUIONIE offre un prolongement à la fable philosophique du film de 1999 en reprenant en prélude la scène tragique de la traversée de la mer gelée effectuée par l'armée du prince Laanko directement inspirée de "Alexandre Nevski" (1938) de Sergei M. EISENSTEIN. Sauf qu'en dépit de la Bérézina, Le Prince naufragé réussit à atteindre le rivage situé de l'autre côté de la mer. Il découvre alors à son tour une nouvelle civilisation, celle des Nioukos. Celle-ci est revêtue des atours de la société industrielle de la fin du XIX° siècle-début XX° (des grands palais de la consommation en verre et acier aux tramways électriques en passant par le travail à la chaîne et les projections cinématographiques qui synthétisent les débuts de cet art en version muette et musicale sous chapiteau de fête foraine et "King Kong") (1932). Prouesse technologique qui rappelle à la fois dans son architecture le Paris art nouveau et "Metropolis" (1927), cette société fait écho à la nôtre telle qu'elle s'est construite depuis deux siècles. On y évoque tour à tour l'obscurantisme (vis à vis des scientifiques qui remettent en cause "la doxa"), le suprémacisme (le prince est exhibé dans une cage à la manière des zoos humains de l'époque coloniale), le productivisme et le capitalisme (avec l'obsolescence programmée), le combat de l'homme contre la nature qui donne lieu à des scènes de ruines envahies par la végétation d'une grande beauté visuelle et enfin le véganisme au travers d'une société écologiste vivant d'énergies renouvelables et de végétaux dans les arbres. Une vie trop simple pour le Prince, sorte de Léonard de Vinci simiesque qui rêve de mettre au point une machine volante lui permettant de voyager et d'être libre.

Poétique et fantastique, "Le Voyage du Prince" (2019) se situe dans la continuité des plus beaux films de cet émule de Paul GRIMAULT.

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Gwen, le livre de sable

Publié le par Rosalie210

Jean-François Laguionie (1985)

Gwen, le livre de sable

"Une oeuvre telle que Gwen, le livre de sable partage souvent son public : tandis que certains pourront y rester hermétiques, d'autres la considèreront peut-être comme un chef d'oeuvre. Quoi qu'il en soit, tous s'accorderont à dire que c'est un film rare, une poésie vivante, un conte aux images animées, tout droit sorti d'un univers surréaliste comparable aux tableaux de Salvador Dali."

Voici comment commence la fiche Benshi consacrée à "Gwen, le livre de sable." Si je la cite, c'est parce que je la trouve très juste. Je fais partie de ceux qui considèrent le premier long-métrage de Jean-François LAGUIONIE comme un chef d'œuvre mais je pense de même d'un film comme "2001, l'Odyssée de l'espace" (1968) qui continue régulièrement à être rejeté d'une partie du public qui ne le comprend manifestement pas. "Gwen, le livre de sable" partage avec l'odyssée spatiale de Stanley KUBRICK un caractère énigmatique et contemplatif. On y rentre ou bien on y reste extérieur et c'est l'ennui assuré. Mais il serait dommage de passer à côté de cette pépite si délicate et subtile uniquement parce que le film est un peu difficile d'accès ou du moins ne se donne pas immédiatement.

"Gwen, le livre de sable" m'a fait spontanément penser à deux autres œuvres: "Désert", le livre de JMJ Le Clézio et "Nausicaä de la vallée du vent" (1984) de Hayao MIYAZAKI qui est sorti peu avant le film de Jean-François LAGUIONIE (le livre de Le Clézio est également un contemporain de ces films puisqu'il a été publié en 1980). Les trois œuvres ont en commun une forte dimension spirituelle (dont le désert est le lieu de recueillement par excellence) et par conséquent leur rejet viscéral du monde industriel matérialiste. En raison sans doute de l'époque, les films de Miyazaki et Laguionie se situent tous deux dans un monde post-apocalyptique pollué ce qui les rend particulièrement pertinents au vu des préoccupations environnementales qui sont les nôtres aujourd'hui. Pas de forêt toxique chez Laguionie mais des déchets de toutes sortes qui jonchent le désert et un grand centre commercial désaffecté devenu une sorte de temple dédié à l'adoration des objets de consommation reproduits à l'échelle de totems géants dont les humains ne connaissent plus l'usage pratique, la bible permettant de célébrer l'office et de dessiner les modèles n'étant autre qu'un vulgaire catalogue de vente par correspondance! La régression sociale liée à la peur de l'inconnu est un autre thème commun aux deux films qui en plus y répondent de la même manière, c'est à dire en mettant en avant une courageuse héroïne ce qui en fait des films non seulement écologistes mais également féministes. Gwen qui est orpheline va progressivement se libérer des peurs de la communauté nomade qui l'a recueillie par amour pour un jeune garçon handicapé enlevé par une entité mystérieuse et s'aventurer au-delà des lieux fréquentés par la tribu pour le retrouver. Comment ne pas penser à la quête initiatique de Lalla, l'héroïne touareg du livre de Le Clézio, elle aussi orpheline, elle aussi marginale, elle aussi amoureuse d'un garçon handicapé dans un contexte de survie qui ne relève cette fois pas de la science-fiction mais de l'histoire récente (massacre de ses ancêtres par les colons au début du XX° siècle, sédentarisation des survivants dans des bidonvilles, misère, exploitation).

Ajoutons que cette incroyable richesse thématique et cette profondeur philosophique s'accompagnent d'images belles à couper le souffle que ce soit les nomades marchant dans le désert sur des échasses, les scènes d'amour en esquisses ou les séquences surréalistes et poétiques dans le temple qui font effectivement penser aux tableaux de Dali ou de Giorgio de Chirico. Bref, ce film est une pure merveille pour les sens et pour l'esprit.

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La Demoiselle et le Violoncelliste

Publié le par Rosalie210

Jean-François Laguionie (1965)

La Demoiselle et le Violoncelliste

Il s'agit du premier film de Jean-François LAGUIONIE réalisé en 1965 dans les studios de Paul GRIMAULT. Ce dernier qui a produit le film lui a prêté une caméra et lui a dit de se lancer alors qu'il n'avait reçu aucune formation préalable en animation. Il montait en effet à l'époque des spectacles de théâtre en ombres chinoises pour les enfants. C'est ainsi qu'est né "La Demoiselle et le Violoncelliste", délicieux court-métrage primitif dans sa technique (des pantins de papiers découpés grossièrement animés) mais au contenu délicat, étrange et poétique comme les génériques animés des années 70-80 de Jean-Michel Folon. On y voit un musicien dans un paysage maritime bordé par des falaises déchaîner sans le vouloir une tempête en jouant le concerto de Edouard Lalo. Celle-ci emporte au loin une jeune pêcheuse de crevettes. Le musicien en tentant de la sauver se retrouve avec elle au fond de la mer pour ce qui est le passage le plus surréaliste du film avec des monstres marins et un travail sur le son étouffé du concerto. Surréaliste est aussi le moment où le couple émerge de l'océan et se retrouve face à une petite société balnéaire qui incarne la civilisation. Toute l'œuvre à venir du réalisateur est déjà en gestation dans ce court-métrage qui brasse les thèmes de la nature et de la culture, du goût pour la mer et l'aventure mais aussi pour la solitude.

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L'île de Black Mor

Publié le par Rosalie210

Jean-François Laguionie (2004)

L'île de Black Mor

Cela commence comme "Oliver Twist" c'est à dire par un orphelinat-bagne où les enfants sont enfermés, exploités et maltraités. Parmi les pensionnaires se trouve le Kid, un jeune de 15 ans qui ignore sa véritable identité. Sa seule source d'évasion est le récit d'aventures qu'un vieux professeur sous couvert d'éducation religieuse leur dispense le soir. Mais la supercherie est découverte et le professeur renvoyé. C'est alors que le mystérieux père du Kid surgit du néant pour demander par lettre la libération de son fils et lui donner des informations sur un mystérieux trésor caché sur l'île de Black Mor. Refus catégorique du tyrannique directeur du pensionnat (une "poire" à la Honoré Daumier dont Jean-François LAGUIONIE s'est ouvertement inspiré). Alors le Kid saute par la fenêtre et prend le large en dérobant un voilier "La Fortune" avec l'aide d'un duo de brigands (eux aussi caricaturés à la façon du XIX°). On passe ainsi du roman social à la Charles Dickens au récit d'aventures à la Robert Stevenson et Daniel Defoe en un clin d'œil. Le Kid a de faux airs du Corto Maltese de Hugo Pratt, le style épuré évoque la ligne claire de Hergé (tout particulièrement l'île Noire et le secret de la Licorne) mais aussi l'art pictural des îles exotiques (celui de Gauguin et d'Hokusai). Et les sons, enregistrés sur un véritable bateau (breton) sont authentiques, ils "sentent le mer". Comme tous les films de Jean-François LAGUIONIE, l'aspect divertissant du récit se double d'une fable initiatique et philosophique autour de la notion de liberté (et son contraire, l'esclavage). En effet ce n'est pas le trésor que recherche le Kid mais son père et à travers lui, son identité. Sa soif de liberté s'exprime par des phrases telles que "Il y aura des fenêtres à ta maison, que je puisse m'évader?" qui m'a fait penser à une phrase quasi-identique que j'avais lue à propos de Bernard GIRAUDEAU (qui avait été marin et pétri par les lectures de Stevenson et de Conrad avant d'être acteur) " "Il construisait des maisons. Quand elles étaient finies, il ouvrait les fenêtres pour partir". Pas étonnant que le Kid préfère le grand large aux pièces d'or, lui, l'ancien reclus pour qui la mer est le seul vrai trésor (et puis le véritable nom de l'île est Erew(h)on, l'anagramme de "nowhere", nulle part en français d'après le roman éponyme de Samuel Butler).

Un parcours qu'il n'accomplit toutefois pas seul. Car les récits de Jean-François LAGUIONIE sont libertaires mais ils sont aussi toujours sensuels (comme chez Gauguin les femmes y dénudent leur poitrine) et féministes. Alors que le monde des pirates bannit les femmes, il en est une pour s'accrocher au navire et apporter au Kid ses (indispensables) lumières et tout son savoir-faire, c'est "petit-moine". La manière dont se construit ce couple mériterait un développement à lui tout seul, couple à la fois solidaire mais non fusionnel: chacun conserve son indépendance et laisse de l'espace (et même beaucoup d'espace!) à l'autre. Bref le film de Jean-François LAGUIONIE (comme toute son œuvre que je recommande chaudement) est un trésor à multiples entrées. A chacun de trouver la sienne.

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Le château des singes

Publié le par Rosalie210

Jean-François Laguionie (1999)

Le château des singes

"Le château des singes" est le deuxième long-métrage de Jean-François LAGUIONIE réalisé dans le cadre de sa société de production cévenole La Fabrique fondée en 1979 (surnommée ainsi en raison du fait qu'il s'agissait à l'origine d'un atelier de bobinage de fils de soie). La filiation artisanale est assurée par le fait que le film a été réalisé entièrement à la main (le DVD ne lui rend d'ailleurs pas justice avec sa jaquette cheap). Il est le fruit d'un compromis réussi entre l'œuvre d'auteur et la recherche d'une adhésion populaire (de l'aveu même de Jean-François LAGUIONIE, c'est la première fois qu'il a réalisé un film en pensant aux enfants). Si bien que tout en étant un récit initiatique classique peuplé de figures archétypales issues des contes (le roi, la princesse, le méchant, le héros sans parler des chansons qui peuvent évoquer les classiques Disney), "Le château des singes" est une fable philosophique qui porte la marque de son réalisateur. Il préfigure "Le Tableau" (2011) en ce qu'il met en scène les préjugés que des peuples pourtant issus de la même origine entretiennent les uns vis à vis des autres. Ici pas de "Toupins" et de "Pasfinis" mais deux tribus de singes séparées autrefois par un cataclysme, l'une, les Woonkos vivant dans la canopée et l'autre, les Laankos vivant sur le plancher des vaches. La première vit quasiment à l'état sauvage alors que la seconde évoque plutôt la civilisation de la Renaissance, sa sophistication étant contrebalancée par de sombres complots politiques qui se situent entre Hamlet et le tsar Ivan, Shakespeare et Sergei M. EISENSTEIN étant explicitement cités, le second non seulement pour "Ivan le Terrible" (1943) mais aussi pour "Alexandre Nevski" (1938) avec la séquence sur le lac gelé. Jean-François LAGUIONIE met en scène Kom, un jeune Woonko curieux et impertinent qui à l'inverse de ses congénères remet en cause l'enseignement binaire qu'il reçoit du prétendu sage de la tribu pour qui "tout ce qui vient d'en haut est bon et tout ce qui vient d'en bas est mauvais". Jean-François LAGUIONIE égratigne ainsi le bourrage de crâne, les idées toutes faites et le manichéisme. Kom débarque donc logiquement chez les Laankos dont l'enseignement fait l'objet d'une critique tout aussi pertinente. Maître Flavius (doublé par Michael LONSDALE) est présenté comme un vieux "singe savant" incapable de naturel et d'esprit critique. Lorsqu'il explique la géographie verticale de la hiérarchie sociale (calquée sur "Metropolis" (1926) et sur "Le Roi et l'Oiseau (1979) du maître de Jean-François LAGUIONIE, Paul GRIMAULT) à Kom en lui disant que les singes supérieurs vivent en haut de la tour, Kom lui répond que les Woonkos sont logiquement supérieurs à eux puisqu'ils vivent dans la canopée, très au-dessus d'eux ce qui a pour effet de donner d'autant plus de relief ironique à la chanson "Assimiler pour être civilisé" où Kom s'interroge sur son identité hybride. L'intrigue m'a fait penser par ailleurs à un récit d'héroïc-fantasy écrit par Georges-Olivier Châteaureynaud et publié en 1991 dans le magazine "Je Bouquine". Intitulé "Le combat d'Odiri", il décrit deux peuples humains, l'un évolué, vivant dans les airs mais se faisant la guerre et l'autre, primitif, vivant dans la forêt et aux prises avec de dangereuses créatures et raconte l'histoire d'un transfuge primitif dans le monde évolué.

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Louise en hiver

Publié le par Rosalie210

Jean-François Laguionie (2016)

Louise en hiver

Parce que je suis une fervente admiratrice et défenseure du (bon) cinéma d'animation que je considère comme une branche du cinéma égale aux autres et non comme un genre à part et "inférieur", je ne peux que souscrire aux propos de Jean-Michel Frodon dans le magazine en ligne Slate. Dans l'article consacré à "Louise en hiver" du 24 novembre 2016 où il avoue pourtant son peu d'inclination pour le cinéma d'animation, il ajoute " Sans esbroufe 3D ni gadgets , avec de l’aquarelle, des crayons de couleurs et de la gouache — et un admirable travail sur les sons, Louise en hiver est pourtant bien un film de cinéma. Puisque cela arrive aussi parfois en animation, disons sans remonter jusqu’à MacLaren ou Trnka, avec Miyazaki et Norstein, ou sur la planète Wall-E, chaque fois grâce à des procédures différentes."

Jean-François LAGUIONIE est en effet un prince du cinéma d'animation formé à l'école de Paul GRIMAULT (qui a produit ses premiers courts-métrages). Il réalise des films depuis plus de 50 ans (dont cinq longs-métrages à ce jour) mais ceux-ci ne sont pas commerciaux et ne sont pas destinés aux enfants (donc très peu distribués ce qui signifie très peu visibles). Voilà sans doute la raison pour laquelle il est méconnu du grand public, y compris dans son pays, la France.

Bien que se situant dans un cadre réaliste, l'histoire de "Louise en hiver" est surtout onirique et métaphorique. Louise qui possède une maison de vacances quelque part dans une station balnéaire normande se tient à l'écart des vacanciers qui s'y trouvent. Elle est tellement déphasée qu'elle rate même le dernier train de la saison et se retrouve isolée dans la station comme si elle était sur une île déserte. Celle-ci n'est plus qu'une ville abandonnée, une ville fantôme. Les horloges se sont arrêtées et les saisons également car Louise qui s'est installée dans une cabane au bord de la plage et se douche en plein air ne semble pas souffrir du froid ni des intempéries (quasi inexistantes, le temps est presque toujours au beau fixe). Son changement d'habitat est logique car puisqu'elle a été exclue de la communauté des hommes, elle se rapproche des autres formes de vie qui s'épanouissent quand les humains s'en vont (plantes, oiseaux, crabes etc.) A la manière de Robinson, elle survit en autarcie, se parle à elle-même et prend un confident en la "personne" de Pépère, un vieux chien. Ses souvenirs lui tiennent également compagnie et on découvre qu'elle a une longue expérience de la solitude puisque son principal confident pendant la guerre était un squelette de parachutiste américain qu'elle animait par la seule puissance de son imagination (ce qui est l'essence de l'animation, donner une anima à ce qui n'en a pas). Louise se demande ce qu'elle a bien pu faire pour être ainsi mise au ban de la société et considérée comme un déchet à l'image de la décharge sauvage ou elle passe une partie de son temps.

A cette question, le film apporte deux réponses, toutes en douceur, délicatesse et subtilité comme ses teintes pastel. La première est liée à l'âge. Louise est une vieille dame et le film fait ressentir ce que cela représente. A ce titre, il m'a fait penser à "Le Château ambulant" (2005) qui explore également les sensations et émotions d'une personne âgée (même si son grand âge est dû à un mauvais sort). Jean-François LAGUIONIE et Hayao MIYAZAKI savent de quoi ils parlent, tous deux ayant atteint un âge vénérable et on peut également les rapprocher (comme le font les Inrocks) par leur perfectionnisme artisanal et leur virtuosité technique qui leur a permis à tous deux de percer le secret du mouvement humain. Mais dans ses souvenirs, Louise était déjà une enfant sauvage, solitaire et désaffiliée. Elle vivait pendant la guerre avec sa grand-mère et a refusé de retourner chez sa mère lorsque celle-ci a cherché à la reprendre. On remarque aussi l'absence du père, l'homme se tenant derrière la mère n'étant qu'une ombre (un inconnu ou bien un disparu). Louise semble par ailleurs avoir vécu à côté de sa vie, n'ayant tissé de liens affectifs ni avec ses maris, ni avec ses enfants et petits-enfants. Son isolement symbolise aussi son désert affectif. Mais Louise est aussi un personnage sensuel, qui aime jouer avec la vie et la mort certes mais aussi lorsqu'elle était jeune, avec les garçons. Agée, elle sait apprécier les petits bonheurs simples de la vie et son aventure lui redonne même une santé qu'elle croyait disparue. Car le revers de la solitude, c'est la liberté.

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Le Tableau

Publié le par Rosalie210

Jean-François Laguionie (2011)

Le Tableau

Ce film est un bijou de beauté et d'intelligence qui se situe dans la lignée de Paul Grimault, Jacques Prévert et Michel Ocelot. Il nous rappelle au passage que la France est le troisième pays du monde pour le cinéma d'animation après les USA et le Japon et que le trop méconnu Jean-François Laguionie est un maître en la matière. 

Comme son titre l'indique, le film est tout d'abord une réflexion sur la création au travers de l'art du cadre ou plutôt du cadre dans le cadre. L'écran de cinéma est redoublé par le cadre du tableau dans lequel se situe une partie de l'histoire. Mais ce tableau est animé et même si l'image de synthèse est en 2D, il y a des effets de relief et de profondeur de champ qui transforment la peinture en image de cinéma. Cette réflexion sur l'interaction entre les deux arts se prolonge lorsque les personnages échappés du tableau se rendent dans l'atelier du peintre qui n'est autre que le réalisateur du film, Jean-François Laguionie. Ils se retrouvent alors face à une scène de Genèse qui prend la forme de trois tableaux. Pas n'importe lesquels. Un autoportrait du peintre/réalisateur âgé, un grand nu féminin répondant au nom de Garance dans le style de Matisse et entre eux un Arlequin Picasso période bleue. Un homme, une femme, un enfant. Un peintre, sa muse et son œuvre. Mais avec l'envers du décor: les toiles semblent abandonnées, les personnages ne peuvent s'en échapper et les photos et dessins déchirés dans l'atelier suggère une rupture et/ou une panne d'inspiration. 

Mais "Le Tableau" a une autre signification tout aussi riche. A la fin du film, l'un des personnages, Lola l'exploratrice ^^, la pionnière qui a osé s'aventurer hors de son tableau puis passer de tableau en tableau et y entraîner les autres finit par rencontrer son créateur en chair et en os (ou plutôt 
sa représentation, Jean-François Laguionie jouant son propre rôle déguisé en peintre). Le film associe alors animation et prises de vues réelles. Celui-ci lui dit qu'il n'y a pas de barrières et qu'elle peut aller jusqu'à la mer (l'origine ^^). En effet il n'y a pas de barrières dans le film entre les arts, la réalité et la fiction, la créature et son créateur mais aussi entre les créatures elles-mêmes. Sinon celles que s'inventent les êtres bornés dans les sociétés hiérarchisées. "Le Tableau" dépeint une société à la "Metropolis" (1926) où la hiérarchie sociale s'établit selon le degré d'achèvement des personnages. Les maîtres sont les Toupins (les tous-peints), les parias les pafinis (pas entièrement colorés) et les esclaves sont les reufs (les esquisses). Génialement, le film montre l'envers du décor avec des possibilités d'émancipation, de découverte et d'inventivité des deux dernières catégories capables de se terminer eux-mêmes très supérieures aux premiers qui ont été prédéfinis jusqu'au moindre détail.

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