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Articles avec #comedie dramatique tag

Un jour sans fin (Groundhog Day)

Publié le par Rosalie210

Harold Ramis (1993)

Un jour sans fin (Groundhog Day)

Il y a des films qui rencontrent un succès durable et mérité dès leur sortie, des films surestimés qui sombrent rapidement dans l'oubli et puis il y a des films qui passent dans un premier temps inaperçus avant peu à peu de conquérir la place qui leur revient au panthéon de l'histoire du cinéma. Un jour sans fin relève de cette dernière catégorie.

Dire qu'un jour sans fin est le film le plus spirituel du monde est sans doute le terme le plus juste pour le qualifier. En effet le mot spirituel a un double sens. Celui de l'humour étant donné que le film s'inscrit dans le registre de la comédie, une comédie à la drôlerie irrésistible. Et celui du conte métaphysique à l'image des nuages qui ouvrent et referment le film. Celui-ci s'inscrit en effet au carrefour de plusieurs philosophies et spiritualités: le bouddhisme et le samsara (cycle des renaissances de l'être non éveillé), le christianisme avec le thème central de la rédemption, la philosophie nietzschéenne avec le concept de l'éternel retour, le travail psychanalytique dont le film est en quelque sorte une illustration. Le film est avant tout une réflexion sur le temps. La boucle temporelle dans laquelle est enfermé Phil peut s'avérer être un fardeau ou un espace de liberté, une malédiction ou une bénédiction, un "verre à moitié vide ou à moitié plein" selon le point de vue dans lequel on se place. On passe ainsi progressivement du mythe de Sisyphe à celui de Superman. Le film est une démonstration du libre-arbitre que conserve l'être humain au sein de ce qui le dépasse.

Métaphorique, le film prend pour héros un présentateur météo dont l'âme est plongée dans un éternel hiver. Ce n'est pas par hasard s'il porte le même prénom que la marmotte de Punxsutawney dont le jour de célébration va devenir pour lui un jour sans fin. Imbu de sa personne, méprisant, cynique, Phil Connors (Bill Murray dans le rôle de sa vie) clame sur tous les tons qu'il est une super vedette et qu'il fait la pluie et le beau temps. En réalité c'est un misanthrope aigri, un minable, un raté qui de son propre aveu ne se supporte pas lui-même et passe ses frustrations sur ses collègues et tous les "ploucs" des bleds paumés couverts par la chaîne de télé régionale où il travaille. Bref un cas désespéré, irrécupérable. Pourtant lorsque Rita (Andie MacDowell) est engagée comme productrice, quelque chose se passe en lui, si enfoui sous son épaisse carapace qu'il faut plus de la moitié du film pour qu'il en prenne conscience. Il ne lui reste plus qu'à ramer encore et encore pour devenir un jour enfin digne d'elle. Un jour qui mettra fin à la malédiction. Celle-ci se révèle être au final une deuxième chance. A défaut de pouvoir changer le cours du temps, il peut se changer lui-même et changer son rapport au monde. Il a toute l'éternité pour ça (d'après les calculs de certains fans, l'épreuve de Phil a duré entre 34 et 40 ans). Incroyable paradoxe que ce temps cyclique, routinier que la métamorphose du héros empêche cependant de bégayer et le film de se répéter. "Je me suis suicidé tellement de fois que je n'existe plus." Mais je est un autre. Il y a comme un accouchement dans cette mue dans le même, dans cet éveil (à la connaissance, à l'amour, à l'altruisme, à l'art) dans le réveil au son de la rengaine I got you Babe de Sonny & Cher.

Enfin le film est aussi une mise en abyme du cinéma lui-même. Outre les manipulations de l'espace-temps, Phil, ce personnage que son épreuve rend omnipotent et omniscient est aussi un metteur en scène hors-pair qui tire les ficelles du petit monde dans lequel il est enfermé. La séquence du cambriolage ou de la cafétéria dans lesquelles il prédit ce qui va se passer à la seconde près sont de ce point de vue exemplaires.

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La vie privée de Sherlock Holmes (The Private Life of Sherlock Holmes)

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1970)

La vie privée de Sherlock Holmes (The Private Life of Sherlock Holmes)

Film réalisé après plusieurs échecs successifs et amputé d'une bonne partie de son intrigue initiale (à l'origine il devait durer 4h), La vie privée de Sherlock Holmes respire la brume, le blues, l'amertume. Non que le film soit dépourvu d'humour. On retrouve les dialogues ciselés habituels chez Wilder et des quiproquos hilarants, comme celui superbement chorégraphié où lors d'une fête dans les coulisses de l'opéra des danseurs se substituent aux danseuses autour de Watson au fur et à mesure que la rumeur de son homosexualité se répand. Mais l'arrière-plan est crépusculaire. Cinéaste des faux-semblants, Wilder a voulu sonder le célèbre personnage de fiction à la perfection inhumaine et en révéler les failles. D'où la métaphore limpide du monstre du Loch Ness qui oblige à plonger sous la surface des eaux pour en explorer les profondeurs. Son Sherlock Holmes est mélancolique, drogué et impuissant. Sa relation ambiguë avec Watson est un paravent qui lui permet de fuir le contact avec l'autre sexe. Lorsque Ilse s'offre à lui nue mais sous une fausse identité (celle de Gabrielle Valladon), il se laisse abuser psychologiquement tout en restant physiquement paralysé. Une situation réitérée tout au long du film tel un leitmotiv douloureux. En témoigne la scène où ils se surnomment par leurs noms d'emprunt, ceux d'un couple marié, alors qu'ils dorment dans deux lits-couchettes de train, jumeaux mais séparés. Celle-ci fait écho en négatif au rapprochement transgressif des corps au sein de ces mêmes trains-couchettes propices à la promiscuité dans "Certains l'aiment chaud" et "Uniformes et jupons courts". On pense également à la scène où il trouve Ilse nue dans son lit et la recouvre. Rarement la sexualité réprimée n'aura été aussi finement évoquée. Cela ne rend que plus poignantes les déclarations d'amour muettes ou codées que s'envoient l'espionne et le détective car la distance qui les sépare est infranchissable.

Derrière Sherlock Holmes, c'est aussi en arrière-plan un autoportrait de Robert Stephens, grand acteur shakespearien écrasé durant toute sa carrière par la figure de Laurence Olivier et souffrant de troubles bipolaires, d'alcoolisme et d'addiction sexuelle. Les exigences de Billy Wilder l'ont tellement fragilisé qu'il a fait une tentative de suicide pendant le tournage, fragilité qui ressort dans le film.

Rajoutons que la reconstitution de l'époque victorienne est somptueuse grâce notamment au travail d'Alexandre Trauner sur les décors, absolument fabuleux.

Echec à sa sortie, "La vie privée de Sherlock Holmes" est devenu culte avec le temps et a inspiré à son tour d’autres oeuvres à commencer par la série "Sherlock"  dont les auteurs ont d’ailleurs dit que le film de Wilder était plus proche de l’esprit des histoires originales que les adaptations "canoniques". En se situant de nos jours, l’aspect sociopathe et déréglé du personnage ressort de façon encore plus évidente.

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Maine Océan

Publié le par Rosalie210

Jacques Rozier (1986)

Maine Océan

Le cinéma en plein air de La Villette m'a fait découvrir en 1998 dans sa programmation "au fil de l'eau" ce film qui m'a paru à l'époque être un véritable OVNI du cinéma français. C'est plus tard que j'ai compris l'importance qu'il avait auprès de nombreux cinéphiles et de réalisateurs qui cherchent à ancrer leurs récits dans une certaine territorialité tout en s'échappant dans une autre dimension (comme Alain Guiraudie ou les frères Larrieu par exemple.) Maine Océan est un film-parcours qui commence bien ancré sur des rails avant de bifurquer ou plutôt -puisqu'il s'agit de faire "un petit tour en mer"- de divaguer dans des directions inattendues. Il fait se rencontrer des gens qui ont au départ le plus grand mal à communiquer en raison de différences de langues mais aussi de classe sociale. On voit ainsi d'abord se heurter puis s'apprivoiser au travers de l'alcool et surtout de la musique et de la danse une brésilienne qui ne parle pas un mot de français, un marin à l'accent vendéen si prononcé qu'il est presque inaudible, une avocate et deux contrôleurs de la SNCF qui peuvent ainsi échapper temporairement à la grisaille de leur quotidien. L'un d'eux, Le Garrec (Bernard Menez) finit même par perdre le sens des réalités au point de se prendre pour le "roi de la samba" et de se laisser piéger par les promesses fallacieuses de l'imprésario de la danseuse brésilienne. Son retour sur terre sera laborieux mais il y parviendra en bénéficiant de la chaîne de solidarité des marins vendéens. Le film oscille en permanence entre un aspect documentaire (la micro-société de l'île d'Yeu) et un aspect lyrique quasi-mystique que ce soit dans la longue scène de communion dans la samba ou la succession de travellings finaux dans des paysages de fin du monde.

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Moonrise Kingdom

Publié le par Rosalie210

Wes Anderson (2012)

Moonrise Kingdom

Peu de films de ces cinq dernières années m'ont autant éblouie et touchée que Moonrise Kingdom. A l'image de son titre, le film est un conte initiatique d'une grande poésie. L'action est située dans les années 60 sur une île de la Nouvelle-Angleterre à la veille d'une formidable tempête. Dans ce lieu presque coupé du monde, deux univers coexistent mais ne se mélangent pas. D'un côté celui des adultes qui incarnent presque tous des figures d'autorité (policier, avocat, chef scout...) est carré, clos et cartésien. Il est matérialisé par la visite de la maison des Bishop pièce par pièce puis par celle du camp scout qui reprend la même esthétique et la même mise en scène en forme d'inventaire méticuleux permis par des travellings horizontaux ou verticaux. Mais cette impression de maîtrise et d'ordonnance géométrique est contredite par la taille et l'aspect de leurs habitations qui ressemblent à des miniatures. De fait les adultes du film s'avèrent absents, tragiquement impuissants, démissionnaires, mous, défaitistes et incapables d'habiter leur fonction. C'est pourquoi devant le désert parental, les enfants ont développé leur propre univers en forme de fusée ou de bateau, arrondi, ouvert sur l'extérieur et l'imaginaire. Le refuge de Suzy au sommet de sa maison ressemble à un phare, la découpe de la tente qui permet à Sam de s'enfuir ressemble à un hublot, l'improbable cabane perchée des scouts semble tutoyer les étoiles, et surtout La crique où les enfants abritent leur amour et qui porte un nom sans âme est rebaptisée par eux "Moonrise Kingdom". Cette même crique arrondie que Sam continue à peindre dans le salon carré des parents de Suzy.
Ces enfants qui symbolisent la vie et la lumière, qui incarnent les animaux de l'arche de noé, qui prennent toutes les initiatives, qui bouillonnent d'énergie sont menacés de dévitalisation par la coercition qui s'exerce sur eux. Leur soif de liberté ne peut s'exprimer que par la transgression. Sam et Suzy que leur sensibilité aigue, leur précocité et leurs problèmes familiaux rendent particulièrement inadaptés et vulnérables sont en première ligne. Suzy est cataloguée comme étant une enfant perturbée alors que Sam est promis aux séances d'électrochoc voire à la lobotomie. Seule la tempête libératrice qui éclate à la fin du film (une sorte de mai 1968 avant la lettre?) et renverse tout sur son passage peut rebattre les cartes. Le tout avec l'aide d'un adulte qui finit par sortir de son apathie, le capitaine Sharp (Bruce Willis dans un de ses meilleurs rôles). Sharp est une version adulte d'un Sam à qui on aurait brisé les ailes. Sa rencontre avec celui-ci, son désir de le protéger et de protéger sa relation avec Suzy va le reconnecter à la vie.

Le style vignettes colorées et surchargées de détails de Wes Anderson reconnaissable entre tous est ici mis au service d'une histoire haletante et de personnages forts et émouvants. L'hommage à Kubrick y est particulièrement appuyé des poses de Lolita de Suzy aux débordements liquides sur fond de décors géométriques qui étaient le leitmotiv de Shining. La bande-son tout aussi travaillée que l'image est également très belle et en harmonie avec l'histoire racontée (la famille, l'arche...)

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La nuit américaine

Publié le par Rosalie210

François Truffaut (1973)

La nuit américaine

La nuit américaine est l'un des plus célèbres exemples de film sur le cinéma. C'est un film sur un film en train de se faire. Cette mise en abyme est renforcée par le fait que Truffaut joue le rôle de Ferrand le réalisateur et que son 2° assistant réalisateur Jean-François Stévenin joue quasiment le même rôle dans le film.
Il y a de nombreux aspects documentaires dans la nuit américaine. Le spectateur se familiarise par exemple avec l'équipe de tournage. Outre les acteurs et le réalisateur il voit le producteur, les techniciens et les assistants. Deux d'entre eux ont une importance particulière: Joëlle la scripte jouée par Nathalie Baye, inspirée de l'assistante de Truffaut et Bernard l'accessoiriste joué par Bernard Menez. D'autre part Le cinéma est l'art de créer l'illusion et de nombreux passages du film révèlent les astuces et techniques pour enneiger le plateau, faire pleuvoir, éclairer les visages avec une bougie, tourner une cascade avec une doublure de l'actrice principale ou encore jouer avec un pan de fenêtre qui grâce au cadrage apparaîtra comme la fenêtre d'un appartement réel lors des rushes. La nuit américaine est d'ailleurs un trucage qui permet de tourner une scène nocturne de jour grâce à l'utilisation d'un filtre. Enfin on découvre un monde en vase clos où tout est vécu de façon plus intense que la normale. Les acteurs sont dépeints comme des êtres immatures (dépressifs, capricieux, égoïstes...) incapables d'affronter la vie réelle (quand Alphonse ne tourne pas il va au cinéma!) Si comme le disait déjà Hitchcock avec ses tranches de gâteau "les films sont plus harmonieux que la vie car il n'y a ni embouteillages ni temps mort", le monde du cinéma n'apparaît lui guère attirant sur le plan humain " Qu'est ce que c'est que ce cinéma? Qu'est ce que c'est que ce métier où tout le monde couche avec tout le monde? Où tout le monde se tutoie, où tout le monde ment? Qu'est ce que c'est? Vous trouvez ça normal?" Il est d'ailleurs amusant de constater que Truffaut qui obéit parfaitement à ce schéma puisqu'il séduisait ses actrices tout en tournant des films considérés pour la plupart comme des œuvres importantes du cinéma français s'est créé un personnage totalement inversé. Ferrand réalise des mélos de série B comme celui que nous voyons se construire sous nos yeux " Je vous présente Paméla" mais n'a aucune vie privée. Il est par ailleurs sourd d'une oreille. Truffaut souhaite éviter ainsi de passer pour un mégalomane tout en insistant sur la lourde responsabilité d'un réalisateur qui doit mener son film à bon port "faire un film est comme le trajet d'une diligence au Far West. On espère faire un bon voyage puis trës vite on en vient à se demander si on arrivera à destination."
Malgré les aspects satiriques et grinçants du film, l'amour du cinéma l'emporte largement. Truffaut cite abondamment ceux qu'il admire de Cocteau à Welles en passant par Hawks et Hitchcock et tant d'autres jusqu'aux sœurs Gish, pionnières du cinéma à qui il dédicace le film.

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Uniformes et jupons courts (The Major and the Minor)

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1942)

Uniformes et jupons courts (The Major and the Minor)

Uniformes et jupon court est la première réalisation américaine de Billy Wilder. Cette variation alerte et plaisante sur le thème de Lolita pose les bases de son univers à base de déguisements, d'usurpation d'identités, de quiproquos et situations rocambolesques, de sous-entendus sexuels permanents et de dialogues incisifs. L'illusion créée par le déguisement et l'humour font passer ce que les situations peuvent avoir de scabreux et déjouent la censure. Comme 17 plus tard dans Certains l'aiment Chaud, Wilder réussit au nez et à la barbe du code Hays à faire cohabiter dans la même couchette de train un lieutenant et une soi-disant gamine de 12 ans pour laquelle il éprouve de une attirance embarrassante. Ladite gamine grandissant à vue d'oeil lorsqu'il s'agit de vamper tout un régiment. Susan qui s'est en partie déguisée pour échapper au harcèlement des hommes (le billet 1/2 tarif est un prétexte) éprouve une vraie jouissance à mener le jeu de séduction tout en découvrant l'amour. Ray Milland et Ginger Rogers sont excellents.

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Boulevard du crépuscule (Sunset Boulevard)

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1950)

Boulevard du crépuscule (Sunset Boulevard)

Film noir? Critique acérée du système hollywoodien? Film d'horreur expressionniste? Plongée dans l'univers des coulisses de l'industrie cinématographique et dans son histoire? Analyse d'une double démence? Boulevard du crépuscule est tout cela à la fois et plus encore: un grand film de vampires. Joe Gillis, petit scénariste criblé de dettes, sans envergure et sans principes est la proie désignée d'une vieille gloire du muet, Norma Desmond qui vit recluse hors du temps dans sa lugubre demeure des années folles. Dévorée par son personnage de cinéma, à la fois terrifiante et pathétique, Norma est persuadée qu'elle est toujours une star, une illusion entretenue par son majordome, ex-mari et ex-réalisateur Max, lui aussi "un peu fêlé". Norma n'a aucun mal à prendre Gillis au piège puis à le dévorer car il est faible et corruptible et éprouve pour elle un mélange inextricable de pitié, de fascination et de répulsion. Comme dans Assurance sur la mort, nous connaissons dès le début le sort tragique du "héros" et la suite en forme de flashback nous explique comment il en est arrivé là. Profondément morbide, le film est aussi un bijou d'humour noir. Pour ne citer qu'un exemple, l'arrivée de Gillis dans la maison de Norma donne lieu à un quiproquo grinçant. Max le prend pour un croque-mort venu enterrer le singe domestique de sa maîtresse et lui dit "si vous avez besoin d'aide pour le cercueil, appelez-moi." Gillis prendra la place vacante laissée par le singe (il deviendra le nègre puis le gigolo de Norma) et comme lui n'en sortira pas vivant.

La richesse de Boulevard du crépuscule c'est aussi la mise en abyme de l'industrie hollywoodienne avec un brillant jeu sur le vrai et le faux, la réalité et la fiction. Une grande partie du film se déroule dans les studios Paramount et l'on passe des bureaux des scénaristes et producteurs aux plateaux de tournage. De nombreux protagonistes jouent leur propre rôle. Gloria Swanson (alias Norma) se regarde jouer dans Queen Kelly, un film de 1929 réalisé par Erich Von Stroheim, réalisateur déchu en 1950 tout comme Max son personnage de majordome dans le film. Elle accueille également chez elle d'autres anciennes stars du muet dont Buster Keaton himself. Elle retrouve sur le tournage de Samson et Dalila le réalisateur Cecil B De Mille qui l'a effectivement dirigée dans de nombreux films. Lorsqu'elle est traquée à la fin par les pararazzis qu'elle prend pour une équipe de tournage, la chroniqueuse de potins people Hedda Hopper figure en tête de gondole. Et il y a de très nombreuses allusions aux autres réalisateurs et acteurs de cette période révolue (qu'ils aient réussi ou non leur reconversion): Mack Sennett, Charlie Chaplin, Rudoph Valentino, John Gilbert, Greta Garbo, Douglas Fairbanks, Adolphe Menjou, D.W Griffith etc.

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La vie très privée de Monsieur Sim

Publié le par Rosalie210

Michel Leclerc (2015)

La vie très privée de Monsieur Sim

L'entame du film fait penser à Blue Jasmine de Woody Allen. Soit un homme dépressif dont la vie familiale, professionnelle et sociale s'est désintégrée et qui dans une cabine d'avion assomme son voisin avec sa logorrhée insupportable. Ce dernier finit d'ailleurs par disjoncter de façon assez surréaliste. Plus tard dans le film, on le verra décidiver dans un autogrill avec celui qui le précède. On le verra également durant son parcours en forme de road-movie se mettre en couple avec son GPS à la voix féminine. Une idée surréaliste directement sortie du Her de Spike Jonze. Bref, le film décline le délitement des liens sociaux, la solitude et le manque de communication de nos sociétés modernes hyperconnectées (les amis sur Facebook, les forums de discussion...). Les paysages traversés symbolisent cette perdition qu'il s'agisse de cols enneigés, de plaines agricoles désertes ou de zones périurbaines standardisées. A chaque fois Sim s'amuse à déboussoler son GPS, qu'il tourne en rond sur les ronds-points ou qu'il se perde dans les zones blanches de la fracture numérique.

Néanmoins le film est bien autre chose que l'histoire linéaire d'un raté qui s'enfuit dans le désert. La façon dont il semble depuis toujours accumuler les échecs tout comme les perspectives qui finissent par s'ouvrir devant lui sont dépeintes avec une véritable richesse narrative. Il s'agit en effet autant un voyage dans l'espace qu'un va et vient dans le temps passé/présent/futur. Le passé refoulé du père -qui lui aussi a raté sa vie- resurgit au travers d'un journal et donne au héros une clé pour mieux se comprendre. De même, Sim découvre au travers d'un roman "l'étrange aventure de Donald Crowhurst" qu'il ressemble à ce navigateur des années 60 qui s'est égaré et ne sait plus comment rentrer chez lui. A chaque fois, ces outils de compréhension lui sont donnés par des femmes: Luigia son premier amour perdu de vue depuis 15 ans, Poppy une jeunette dont il s'amourache et qui veut lui faire rencontrer sa mère. À chaque fois, elles le mène à des hommes: Francis, l'ami de jeunesse de son père qui voulait en faire son amant et l'entraîner sur la route de Kerouac et Samuel l'oncle de Poppy, passionné par Crowhurst et qui a "flashé" sur Sim, ce que celui-ci ne comprend qu'au terme de son aventure. Pourtant le changement de direction du vent a lieu bien avant lors d'un repas où Samuel prend la défense de Sim qui est la cible de remarques méprisantes de l'un des convives ("vous êtes colporteur quoi?") avec un jeu de mots bien trouvé "Cole Porter, le musicien? Voyons vous ne connaissez pas Cole Porter?" La métaphore de la fausse route, du détour, du chemin de traverse, de l'erreur de parcours trouve alors sa pleine et entière signification.

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Victor Victoria

Publié le par Rosalie210

Blake Edwards (1982)

Victor Victoria

Remake d'un film allemand de 1933 Viktor und Viktoria de Reinhold Schünzel, le film de Blake Edwards se situe en 1934. Paris est reconstitué en studio comme dans les comédies musicales de Vincente Minelli mais on pense surtout à l'univers de music-hall de Bob Fosse dans Cabaret. Le film offre ainsi un véritable voyage dans le temps de ce genre cinématographique. Mais comme il s'agit aussi (et surtout) d'une comédie burlesque sur le travestissement et ses corollaires, le mensonge, l'artifice, la dissimulation, Edwards multiplie les hommages à ceux qui l'ont précédé. La photo de Marlène Dietrich sur la table de chevet de Victoria n'est pas là par hasard tant l'actrice allemande a su jouer de son androgynie pour jeter le trouble chez les hommes et les femmes notamment dans ses rôles de chanteuse de cabaret. Mais Edwards multiplie aussi les clins d'oeil à Billy Wilder (sous la direction duquel Dietrich a joué deux fois). Ainsi la maîtresse de King Marchand Norma renvoie à Marilyn par son prénom, ses cheveux blonds platine, sa coiffure et son costume. Son numéro reprend en version non censurée la célèbre séquence de la bouche de métro dans 7 ans de réflexion. Quant aux gangsters de Chicago dont King Marchand est l'un des leaders, ils renvoient évidemment à ceux de Certains l'aiment chaud, l'un des plus grands films existant sur le travestissement et ses thèmes sous-jacents, le désir et la sexualité.

La grande différence cependant avec les références citées par Edwards c'est qu'en 1982, les moeurs ont évolué et qu'il devient possible d'appeler un chat un chat. Les enjeux liés à la sexualité sont donc explicites qu'il s'agisse d'homophobie, de désir (homosexuel ou pas d'ailleurs), d'impuissance... Par le biais du travestissement, Edwards démontre brillamment que le désir se moque des catégories qui veulent l'enfermer. Il le fait avec élégance et légèreté. Sa mise en scène fluide fourmille de gags. Certains appartiennent au vaudeville (portes qui claquent, dissimulation dans le placard ou sous le lit...) d'autres, plus subtils relèvent d'un savant mécanisme de mise en scène (le doigt de l'inspecteur pris dans la porte mais qui ne réagit qu'après coup, le tabouret cassé de ce même inspecteur qui tombe à retardement, le numéro d'équilibriste qui trouve sa chute quand la voix de Victoria brise la bouteille etc.)

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Ariane (Love in the Afternoon)

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1957)

Ariane (Love in the Afternoon)

Ariane est l'un des chefs-d'oeuvre méconnu de Billy Wilder, un tournant et un sommet de sa carrière au même titre que ceux qui dans sa filmographie ont réussi à la fois à être des chefs-d'oeuvre et à acquérir une immense notoriété (Principalement Assurance sur la mort, Boulevard du crépuscule, Certains l'aiment chaud et la Garçonnière). Et il est supérieur à Sabrina auquel on le compare souvent (même réalisateur, même actrice principale, une atmosphère de conte...) Hâtivement catalogué à sa sortie par une partie de la critique comme un film à l'eau de rose il est aujourd'hui largement réhabilité en tant que l'oeuvre la plus lubitschienne de Wilder qui rappelons-le avait été scénariste pour ce réalisateur. La "Lubitsch touch" est perceptible dans le scénario, la mise en scène et la présence dans le casting de Gary Cooper qui comme dans la 8eme femme de Barbe-Bleue joue le rôle d'un riche homme d'affaires américain collectionneur de femmes.

Ariane qui est un film au charme fou (son thème musical principal "Fascination" reste dans les têtes bien après le visionnage) est une merveille d'équilibre entre humour, romantisme et satire, un cocktail dont Wilder a le secret. Avec I.A.L Diamond dont c'est la première collaboration, il adapte un roman de Claude Anet Ariane, jeune fille russe (1924) qui raconte l'histoire d'amour entre une jeune ingénue et un playboy d'âge mûr. Mais Wilder fait sienne l'histoire d'Ariane et y injecte ses thèmes favoris. Ainsi l'arrière-plan sordide à base d'argent et de sexe est finalement transcendé par la vérité des sentiments. Mais pour que ceux-ci triomphent, il faut en passer par les mensonges et le travestissement (une comparaison Wilder/Marivaux s'imposerait!). C'est ainsi que la si sage Ariane (Audrey Hepburn) qui étudie le violoncelle (métaphore de sa virginité) au conservatoire et rentre tous les soirs chez son père le détective Claude Chavasse (Maurice Chevalier) s'invente une identité de croqueuse d'hommes pour exister aux yeux du vieux séducteur blasé Frank Flannagan dont elle est tombée amoureuse. Ariane incarne la femme soumise par la société patriarcale qui par le mensonge se libère et renverse les rôles. C'est elle qui désormais manipule le mâle américain que le film met en pièces "enfant on lui redresse les dents, on enlève ses amygdales et on le bourre de vitamines. Il mute à l'intérieur. Il devient immunisé, mécanisé, air-conditionné et hydromatique. Je doute qu'il ait un coeur."

Mais Ariane étant un prodige d'équilibre, la satire mordante se double d'une magnifique histoire de métamorphose. Chez Wilder, les personnages doivent passer par un douloureux cheminement souvent dissimulés sous un paravent cynique avant d'accoucher de leur vérité intime et de pouvoir enfin aimer. En se laissant prendre au piège, Frank Flannagan redevient un adolescent, découvre (ou redécouvre) le monde des émotions, retrouve en quelque sorte une virginité qu'Ariane elle souhaite perdre. La différence d'âge est ainsi aplanie et l'alchimie entre les deux acteurs, tous deux magnifiques, fait le reste.

Enfin l'humour est omniprésent dans les dialogues comme dans les situations, ponctuées de nombreux gags. L'orchestre tzigane qui suit partout Flannagan en est un bon exemple ainsi que le pauvre petit chien qui se fait sans arrêt punir injustement!

A noter également que l'histoire se passe dans un Paris chic et romantique complètement fantasmé et réinventé par le décorateur Alexandre Trauner dont c'est également le début de la fructueuse collaboration avec Wilder.

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