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Articles avec #leclerc (michel) tag

La Lutte des classes

Publié le par Rosalie210

Michel Leclerc (2018)

La Lutte des classes

"La lutte des classes" part d'une excellente idée: faire une comédie satirique sur les contradictions des bobos de gauche écartelés entre la tentation grégaire de mettre leurs enfants à l'école privée et leurs idéaux de justice sociale. Le scénario s'appuie en effet sur une réalité: celle d'une école à deux vitesses, le privé concentrant de plus en plus les élèves de milieu favorisé, particulièrement dans les grandes villes. Une ghettoïsation sociale que Michel LECLERC et Baya KASMI ont vécu et qu'ils nous font ressentir à travers leur couple mixte formé par Paul, un vieux rockeur punk (Edouard BAER) et une brillante avocate d'origine maghrébine, Sofia (Leïla BEKHTI) qui se retrouvent dans une situation de plus en plus intenable au fur et à mesure que leurs amis retirent leurs enfants de Jean Jaurès, l'école primaire publique du quartier de Bagnolet où ils habitent, pour les mettre à Saint-Benoît, l'école privée catholique. Un mal-être qui les met sous pression au point de harceler leur gamin et d'envisager tous les contournements possibles de la carte scolaire, l'option "école privée" étant impossible à cause du sulfureux passé de Paul vis à vis de la religion catholique, symbolisé par un clip compromettant (la scène la plus hilarante du film).

Hélas, Michel LECLERC et Baya KASMI ratent leur cible en sombrant dans la caricature. Chaque personnage est réduit à son origine ethnique, religieuse et sociale si bien qu'on assiste à un affrontement assez consternant entre d'un côté Sofia et Paul et de l'autre, des mères musulmanes forcément voilées et réac alors que du côté des enfants, Corentin, estampillé "seul blanc de la classe" se fait discriminer par tous les autres, comme s'ils ne formaient qu'un seul bloc. En d'autres termes, la satire de la bourgeoisie se transforme, faute de subtilité, en alignement de poncifs dignes de ceux qu'affectionne l'extrême-droite. Même gros sabots en ce qui concerne le comportement de l'institutrice (Baya KASMI) qui parle comme si elle avait avalé le dictionnaire du jargon de l'éducation nationale: celui-ci est destiné au personnel et non aux élèves qui seraient bien étonnés d'être des "apprenants".

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La vie très privée de Monsieur Sim

Publié le par Rosalie210

Michel Leclerc (2015)

La vie très privée de Monsieur Sim

L'entame du film fait penser à Blue Jasmine de Woody Allen. Soit un homme dépressif dont la vie familiale, professionnelle et sociale s'est désintégrée et qui dans une cabine d'avion assomme son voisin avec sa logorrhée insupportable. Ce dernier finit d'ailleurs par disjoncter de façon assez surréaliste. Plus tard dans le film, on le verra décidiver dans un autogrill avec celui qui le précède. On le verra également durant son parcours en forme de road-movie se mettre en couple avec son GPS à la voix féminine. Une idée surréaliste directement sortie du Her de Spike Jonze. Bref, le film décline le délitement des liens sociaux, la solitude et le manque de communication de nos sociétés modernes hyperconnectées (les amis sur Facebook, les forums de discussion...). Les paysages traversés symbolisent cette perdition qu'il s'agisse de cols enneigés, de plaines agricoles désertes ou de zones périurbaines standardisées. A chaque fois Sim s'amuse à déboussoler son GPS, qu'il tourne en rond sur les ronds-points ou qu'il se perde dans les zones blanches de la fracture numérique.

Néanmoins le film est bien autre chose que l'histoire linéaire d'un raté qui s'enfuit dans le désert. La façon dont il semble depuis toujours accumuler les échecs tout comme les perspectives qui finissent par s'ouvrir devant lui sont dépeintes avec une véritable richesse narrative. Il s'agit en effet autant un voyage dans l'espace qu'un va et vient dans le temps passé/présent/futur. Le passé refoulé du père -qui lui aussi a raté sa vie- resurgit au travers d'un journal et donne au héros une clé pour mieux se comprendre. De même, Sim découvre au travers d'un roman "l'étrange aventure de Donald Crowhurst" qu'il ressemble à ce navigateur des années 60 qui s'est égaré et ne sait plus comment rentrer chez lui. A chaque fois, ces outils de compréhension lui sont donnés par des femmes: Luigia son premier amour perdu de vue depuis 15 ans, Poppy une jeunette dont il s'amourache et qui veut lui faire rencontrer sa mère. À chaque fois, elles le mène à des hommes: Francis, l'ami de jeunesse de son père qui voulait en faire son amant et l'entraîner sur la route de Kerouac et Samuel l'oncle de Poppy, passionné par Crowhurst et qui a "flashé" sur Sim, ce que celui-ci ne comprend qu'au terme de son aventure. Pourtant le changement de direction du vent a lieu bien avant lors d'un repas où Samuel prend la défense de Sim qui est la cible de remarques méprisantes de l'un des convives ("vous êtes colporteur quoi?") avec un jeu de mots bien trouvé "Cole Porter, le musicien? Voyons vous ne connaissez pas Cole Porter?" La métaphore de la fausse route, du détour, du chemin de traverse, de l'erreur de parcours trouve alors sa pleine et entière signification.

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Le nom des gens

Publié le par Rosalie210

Michel Leclerc (2010)

Le nom des gens

Film extrêmement riche et revigorant, le Nom des gens alterne avec bonheur comédie et drame, passé et présent. Les deux personnages principaux sont extrêmement attachants car très approfondis et remarquablement interprétés. Très approfondis car ce sont des personnages palimpsestes. Face caméra, ils nous racontent leur histoire familiale d'où ils sont issus puis leur enfance et leur adolescence, incarnée par de jeunes comédiens. Leurs "moi" enfant ou adolescent n'hésite pas d'ailleurs à intervenir tout au long du film. Remarquablement interprétés ensuite: Sara Forestier fait de Bahia un tourbillon d'énergie qui emporte tout sur son passage et auquel rien ne peut résister alors que <st_360_st/>Jacques GAMBLIN<st/> dans un rôle plus sage laisse transpirer lui aussi de nombreuses émotions.


Le rapprochement de ces deux personnalités qu'à priori tout oppose est extrêmement pertinent car il révèle à quel point ils sont proches et peuvent se guérir mutuellement. Héritiers d'un passé douloureux et encombrant, dotés d'une double identité problématique, ils n'ont tout simplement pas la même stratégie de "survie". Bahia affiche au yeux de tous le traumatisme sexuel qu'elle a subi dans son enfance par son absence de pudeur, son comportement de "pute politique", le viol consenti de son intimité. C'est Arthur Martin qui symboliquement la rhabille et lui permet de recouvrer sa dignité.


Bahia claironne également sur tous les toits ses origines algériennes imitant en cela sa mère, passionaria post-soixante-huitarde de la cause des sans-papiers alors que son père adopte une posture soumise et mutique. Elle aide en cela Arthur Martin a digérer sa propre histoire familiale caractérisée par le non-dit voire le déni. Adepte de la stratégie camouflage, ses parents n'ont pas trouvé mieux que de le doter d'un nom porté par plus de 15 mille personnes en France. Mais le jour où sa mère se rend à la mairie pour faire refaire ses papiers d'identité, on lui renvoie à la figure son passé de petite fille juive grecque, traquée et cachée pendant la guerre pendant que ses parents étaient envoyés à Auschwitz.

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