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Ce crétin de Malec (The Saphead)

Publié le par Rosalie210

Herbert Blaché (1920)

Ce crétin de Malec (The Saphead)

Ce crétin de Malec est le premier long-métrage de Buster Keaton. C'est Douglas Fairbanks, créateur du personnage sur les planches de Broadway (le film est tiré d'une pièce de théâtre "The new Henrietta") qui recommanda Keaton pour le rôle dans l'adaptation cinématographique, rôle qui lança sa carrière.

L'intrigue du film est assez confuse en particulier parce qu'elle s'appuie beaucoup sur des liens familiaux compliqués et un quiproquo autour du prénom Henrietta. Il s'agit du nom donné à une mine d'argent appartenant à un riche financier Nick Van Alstyne mais aussi du prénom de la maîtresse cachée de l'homme de confiance, gendre et quasi fils adoptif de Nick, Mark Turner. Enfin ce prénom'désigne une danseuse dont Bertie, le fils biologique de Nick (Buster Keaton) a acheté le portrait pour se donner un genre auprès d'Agnès, la fille adoptive de Nick dont il est amoureux.

On peut deviner à la lecture de ce scénario que le père préfère son gendre à son fils qu'il considère comme un bon à rien vivant à ses crochets. De fait Bertie est tellement lunaire qu'il ne sait même pas à quoi sert une bourse (il n'a aucune notion de l'argent). Sa naïveté, son étourderie et sa candeur l'exposent à toutes les gaffes et humiliations qu'il subit sans broncher et que parfois même il détourne de façon cocasse (la scène des chapeaux à la bourse ou des alliances qu'il a acheté en 5 exemplaires pour ne pas les perdre.) Cependant il ne se défend jamais ce qui fait de lui un masochiste de première catégorie. Ce personnage auquel Buster Keaton prête son corps d'acrobate et son visage énigmatique est le principal intérêt du film.

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La Nuit de l'Iguane (The Night of the Ignana)

Publié le par Rosalie210

John Huston (1964)

La Nuit de l'Iguane (The Night of the Ignana)

L'iguane, animal reptilien comme le serpent peut symboliser les désirs refoulés de l'être humain et notamment sa peur de la sexualité. Tennessee Williams, l'auteur de la pièce est hanté par ce thème. Il met donc en scène des personnages tourmentés par leurs désirs et leurs frustrations qui se rencontrent en un même lieu pour une nuit de catharsis émotionnelle: un pasteur défroqué s'accrochant d'une main à sa croix et de l'autre à sa bouteille pour ne pas sombrer dans le désespoir (Richard Burton), l'adolescente tentatrice qui le harcèle de ses avances (Sue "Lolita" Lyon, deux ans après le film de Kubrick), son chaperon, une vieille fille bigote qui refoule ses tendances lesbiennes (Grayson Hall), la patronne de l'hôtel qui cache ses fêlures sous des dehors gouailleurs et libérés (Ava GARDNER) et enfin une cliente atypique, sorte de bonne sœur laïque qui parcourt le monde (ou plutôt le fuit?) avec son grand-père poète à qui elle a consacré sa vie (Deborah Kerr).

La réussite de ce film outre l'interprétation exceptionnelle des acteurs, j'y reviendrai est liée à la manière dont le solaire John Huston tempère les propos très noirs de Williams. Il y a d'abord le soleil et la chaleur du cadre mexicain dans lequel se déroule l'histoire, le choix d'un hôtel surplombant la mer faisant figure de paradis sur terre, une sensualité hédoniste qui rayonne lors des scènes de plage (Maxine-Ava et ses beach boys prenant un bain de minuit, le fessier de Sue Lyon filmé en gros plan tandis qu'elle se déhanche avec ces mêmes boys), des passages burlesques (notamment une irrésistible bagarre au son des maracas).

Mais surtout il y a la façon dont le réalisateur met en confiance ses acteurs, les magnifie et fait ressortir ce qu'ils ont de plus vrai en eux. Burton et Gardner irradient de sensualité et d'intensité, Deborah Kerr est grave, digne et sensible. La confession qu'elle livre à Burton lors de la fameuse nuit est le moment le plus fort du film à savoir la façon dont elle a pu trouver la paix intérieure en dépit de sa vie amoureuse ratée. On entrevoit d'ailleurs à travers son récit un plaidoyer pour la différence qui reflète la personnalité de Tennessee Williams qui était homosexuel: le plus important est de trouver un foyer et de ne pas être seul même si le cœur dans lequel on fait son nid n'est pas conforme aux attentes de la société.

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Le grand méchant renard et autres contes

Publié le par Rosalie210

Benjamin Renner et Patrick Imbert (2017)

Le grand méchant renard et autres contes

Comment faire pour élever trois poussins quand on est un renard? Comment un canard, un lapin et un cochon peuvent-ils livrer un bébé/des cadeaux alors qu'aucun d'eux ne vole comme une cigogne/ le père Noël dont c'est normalement le boulot?

C'est cet art du décalage et du brouillage des identités que cultive la petite ferme de Benjamin Renner dont les animaux-acteurs nous présentent 3 contes de 26 minutes chacun: "Un bébé à livrer"; "Le grand méchant renard" et "Il faut sauver Noël". Les influences sont nombreuses des fables de La Fontaine à la comédie américaine de Billy Wilder en passant par Les contes du chat perché de Marcel Aymé et Tex Avery.

Les plus jeunes se tordront de rire devant les nombreux gags burlesques déclenchés par le duo pas fûte-fûte du canard et du lapin qui ne comprennent pas que le loup prépare la soupe pour les mettre dedans, se portent au secours d'un père Noël en plastique qu'ils croient vrai, démarrent une camionnette en marche arrière, intervertissent les paquets, s'apprêtent à catapulter le bébé etc. Les adultes eux seront plus sensibles aux messages cachés dans les contes, particulièrement dans le deuxième, "Le grand méchant renard" qui donne son titre au film et qui est le plus audacieux. Il pose en effet la problématique des nouvelles familles: monoparentalité (un renard élève seul 3 poussins), adoption (2 espèces à priori incompatibles s'apprivoisent), question de genre (les poussins considèrent le renard comme leur maman), établissement d'une garde alternée entre le parent biologique (la poule qui a retrouvé sa progéniture) et le parent adoptif... Ce qui facilite les choses c'est que ces animaux transgressent les caractères qui leur sont assignés: le renard est un gros froussard qui rêve de pantoufler à la ferme, les poussins se prennent pour des renardeaux et agressent leurs congénères, les poules pratiquent le self-défense et terrassent le loup, le chien et la cigogne sont de gros paresseux qui se dérobent à leurs missions.

C'est drôle, fin, délicat, sensible, original, c'est une animation intelligente qui fait du bien. Et qui n'a pas de frontières, le clin d'œil à Totoro le montre.

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Captain Fantastic

Publié le par Rosalie210

Matt Ross (2016)

Captain Fantastic

Voilà un film qui s'affiche écolo, altermondialiste et hippie baba-cool. De plus avec sa tribu bigarrée aux accoutrements originaux, on pourrait croire qu'il fait la part belle à l'enfance. Sauf que c'est une parfaite escroquerie. S'il fallait le qualifier je dirais qu'il est boursouflé d'orgueil, sectaire, patriarcal, phallocrate et d'une totale stupidité. Comme Whiplash de Damien Chazelle il investit un domaine que l'on peut considérer comme appartenant au champ du féminin pour le viriliser à l'extrême et ainsi le fasciser.

La première scène a suffi à m'inspirer un profond dégoût. Ben, un père néo-hippie à barbe de patriarche (Viggo Mortensen) adoube son fils aîné Bodevan (George MacKay) en lui faisant manger le foie encore chaud de l'innocent daim qu'il vient de tuer. Bien entendu le film n'a aucun recul sur cet archaïque rite de passage tribal, il s'agit juste de nous en mettre plein la vue. Voici ce qu'écrivait Gregory Mion à propos du livre "Il ne faut pas maltraiter les animaux" d'Antoine Fée "L'idée de meurtre symbolique des animaux culmine dans la coutume de l'adolescent qui, tuant son premier animal, peut enfin devenir un homme [...] Cela n'a aucune commune mesure avec le jeune animal qui doit apprendre à chasser pour continuer à vivre. Dans le contexte strictement humain d'une chasse rituelle, l'animal est abattu pour ériger son assassin, pour le confirmer sur le piédestal des hommes forts. Certes l'animal pourra être mangé [c'est le cas dans le film] mais qu'a-t-on besoin, en certaines occasions, de forcer l'enfant-tueur à ouvrir le ventre de l'animal et à lui faire manger un cœur ou un foie qui palpite encore de sa terrible agonie? [...] La mise à mort de l'animal est toujours susceptible de réveiller la démesure de ceux qui corroborent sa nécessité par tous les moyens."

Démesure, le mot est lâché. La suite le confirme, on est en plein délire mégalo. Les six enfants de la famille Cash ne sont jamais montrés comme des enfants, libres de jouer, de découvrir, d'expérimenter mais comme de braves petits soldats dont toute la vie est enrégimentée par leur gourou de père qui leur bourre le crâne à longueur de journée. Son objectif est celui de tous les régimes totalitaires: créer un homme nouveau et supérieur "nos enfants seront des philosophes-rois". Pour parvenir à ses fins, celui-ci a bien pris soin de les couper du monde, y compris de leur propre famille (grands-parents, oncles et tantes, cousins...) pour qu'ils ne soient pas "contaminés" par le modèle capitaliste-consumériste. Quant à la mère, "malade" et donc exclue depuis des mois du cercle familial, elle s'est opportunément suicidée laissant le père-messie dans son fantasme de toute-puissance. Le complexe de supériorité, le culte de la virilité et l'immaturité de ce dernier sont tout bonnement insupportables, qu'il exhibe sa nudité pour provoquer les passants, qu'il perturbe les obsèques de sa femme puis en profane la tombe (pour qu'elle manifeste dans son testament le désir que ses cendres soient jetées dans les toilettes c'est qu'il avait dû bien ruiner son estime d'elle-même), qu'il incite ses enfants à voler dans un supermarché, qu'il s'immisce (sous couvert de leçon de vie/de choses) dans leur sexualité ("quand tu fais l'amour à une femme, respecte-la même si tu ne l'aimes pas" ah ah ah!) ou qu'il fasse réciter aux plus jeunes la définition des amendements de la constitution américaine pour humilier son beau-frère, sa soeur et leurs enfants.

Il y a bien quelques éclairs de lucidité dans le film: quand le grand-père dit à Ben qu'il est la pire chose qui soit arrivée à sa famille, quand Bodevan son fils aîné lui dit qu'il ne sait rien à rien ou qu'un autre de ses fils Rellian (tous les enfants ont des prénoms improbables censés souligner l'anti conformisme des parents) lui dit qu'il a tué leur mère et a fait d'eux des monstres de foire. Mais cela ne dure pas. Les enfants rentrent vite dans le rang pour continuer à bêler en troupeau autour de leur Dieu-berger de père tout comme ce film en forme de prêchi-prêcha alter-bien-pensant qui s'il n'avait été si idéologisé aurait dû s'appeler "Captain Fanatic" et non "Captain Fantastic".

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Un monde parfait (A Perfect World)

Publié le par Rosalie210

Clint Eastwood (1993)

Un monde parfait (A Perfect World)

" Un soldat, jeune, bouche ouverte, tête nue/ Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,/ Dort; il est étendu dans l'herbe, sous la nue/ Pâle dans son lit vert où la lumière pleut."

C'est par cette scène rimbaldienne à la fois tragique et paisible que s'ouvre et se clôt "Un monde parfait", road-movie qui mêle indistinctement récit de cavale et récit d'apprentissage. Réalisé juste après "Impitoyable", "Un monde parfait" fait partie des nombreux récits de transmission mis en scène par Eastwood où un vieux briscard (Eastwood himself) tend la main aux parias de l'Amérique pour leur donner une seconde chance. Néanmoins la tonalité d'"Un monde parfait" est plutôt amère et désenchantée. Eastwood joue un flic (pour changer) qui dans le passé a pris une mauvaise décision: il a envoyé un jeune délinquant récidiviste dans une maison de redressement pour l'arracher aux griffes de son père maltraitant ce qui a achevé de le faire plonger dans la criminalité. Devenu adulte, Butch Haynes (Kevin COSTNER dans l'un de ses meilleurs rôles) s'évade de prison et prend en otage un petit garçon de 8 ans, Phillip (T.J Lowther) en qui il se reconnaît aussitôt, au point de se mettre immédiatement à sa hauteur. L'enfant n'a pas de père et il est emprisonné dans une éducation rigide qui le met à l'écart des autres enfants et le prive de la plupart des plaisirs de son âge. Butch rêve de réparer le passé en retrouvant son père en Alaska tout en se donnant un avenir en éduquant Phillip. Mais son destin est à l'image des routes inachevées du Texas profond, il se termine en cul de sac. Notamment parce que la maltraitance infligée aux enfants déclenche chez lui une violence incontrôlable et que Phillip qui trouve en Butch un père de substitution va répéter les actes de celui-ci enfant.

Le caractère fataliste du film est également souligné par les scènes satiriques grinçantes servant de contrepoint à l'odyssée tragique de l'anti-héros. Par exemple un père de famille qui semble davantage se soucier de sa voiture que de ses enfants, un magasin où les employées sont payées pour sourire, des forces de l'ordre surarmées dont la gâchette facile va de pair avec la bêtise abyssale, une course-poursuite grotesque en caravane de luxe laquelle devait servir de QG au gouverneur pour la visite de Kennedy au Texas (dont on connaît l'issue fatale) etc.

Néanmoins ce qui l'emporte n'est ni la tristesse, ni l'amertume mais l'espoir. Les petites graines semées par la révolte de l'enfant blessé qu'a été Butch dans l'urgence et parfois la violence porteront-elles leurs fruits? La fin ouverte laisse la réponse en suspens.

 

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Les enfants-loups, Ame et Yuki (Ōkami kodomo no Ame to Yuki)

Publié le par Rosalie210

Mamoru Hosoda (2012)

Les enfants-loups, Ame et Yuki (Ōkami kodomo no Ame to Yuki)

"Les Enfants Loups" est le film de la maturité pour Mamoru Hosoda et celui qui a permis à un plus large public de le découvrir en France. Il s'agit d'une superbe fable qui reprend les thèmes de ses précédents longs-métrages: le temps qui passe et la nécessité de faire des choix pour se construire (comme dans son premier film, "La Traversée du temps"); l'opposition entre ville et campagne, tradition et modernité (comme dans "Summer Wars" son deuxième film). On le compare avec justesse aux "Souvenirs goutte à goutte" d'Isao Takahata à cause de son réalisme et de son caractère intimiste en forme de tranches de vie. Mais des similitudes avec l'œuvre animiste de Miyazaki existent également, notamment avec "Mon voisin Totoro".

Toutefois "Les Enfants Loups" n'a rien d'une redite. Le film développe une histoire originale traitée avec beaucoup de sensibilité et de finesse. Son sujet central n'est pas la maternité ou l'éducation comme on peut le lire ici et là mais la complexité de l'identité humaine. L'hybridité d'Ame et de Yuki, mi-humains, mi-loups est métaphorique et peut s'interpréter de plusieurs façons. Comme une double identité/culture, une mixité, un métissage lié au fait qu'ils sont issus d'un couple humain/loup-garou (lequel est lui-même hybride comme le centaure ou la sirène) qu'il faut cacher pour ne pas être rejeté de la société. Mais également comme une mise en lumière de la double nature de l'homme mi animale, mi spirituelle mise en péril par la civilisation moderne. Selon John Knight, l’un des meilleurs experts des loups japonais, l’attitude de la population japonaise envers le loup reflète son attitude à l’égard de la nature. Longtemps sacralisés, les loups ont été éradiqués à la fin du XIX° parallèlement à l'expansion urbaine du premier miracle japonais et à son occidentalisation. Le bétonnage de la nature va de pair avec celui des émotions. Les grandes villes surpeuplées comme Tokyo ont coupé le contact avec la nature et se montrent particulièrement inadaptées et intolérantes vis à vis de tout ce qui peut s'apparenter à l'animalité de l'homme. Pour survivre, la mère doit se retrancher dans son appartement avec ses enfants, menacés par les voisins et les services sociaux. Elle n'a aucun recours comme on peut le voir dans la scène ou partie pour faire soigner Ame, elle ne peut choisir entre un service pédiatrique et une clinique vétérinaire. La campagne apparaît certes comme un milieu rude et délaissé mais dans lequel il est possible de s'intégrer et de s'épanouir pleinement. Au delà des enfants loups, chacun peut composer avec sa double nature: Hana le prénom de la mère signifie "fleur", elle est aidée par un vieux paysan revêche qui ressemble à un loup solitaire etc. C'est donc là que les enfants peuvent choisir ce qu'ils veulent devenir. De caractères opposés, on les voit grandir et se tourner vers des destins complètement différents. Yuki, jeune fille bouillonnante doit apprendre à canaliser ses émotions animales pour s'intégrer au monde des humains. Ame au contraire doit larguer les amarres humaines et se séparer de sa mère pour intégrer le monde animal.

On le voit la réflexion est riche, subtile et les graphismes sont magnifiques. Un film majeur de l'animation japonaise des dix dernières années.

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Florence Foster Jenkins

Publié le par Rosalie210

Stephen Frears (2016)

Florence Foster Jenkins

En 2014 deux biopics consacrés à Yves Saint Laurent se sont succédés à quelques mois d'écart. En octobre 2015 et juillet 2016, rebelote avec la vie de la "cantatrice" chantant comme une casserole qui aurait inspiré à Hergé le personnage de la Castafiore, Florence Foster Jenkins. Si le film français de Xavier Giannoli ("Est-ce toi Marguerite, est-ce toi?") se présentait comme une adaptation assez libre, celui de Stephen Frears se veut beaucoup plus fidèle à la véritable histoire de la chanteuse. Néanmoins les deux films ont en commun leur mise en abyme du spectacle cinématographique. Florence/Marguerite est persuadée d'avoir un immense talent et tout son entourage s'évertue à entretenir l'illusion pour la maintenir à flots. Dans les deux cas le mauvais chant trouve ses origines dans les fêlures intérieures de la cantatrice. Chez Giannoli il s'agit d'une compensation à la souffrance d'être délaissée par son mari. Chez Frears le chant est un instinct de survie face aux ravages de la syphilis contractée auprès de son premier mari. Sans occulter les moqueries et réticences dont elle fait l'objet, les films traitent leur personnage avec compassion.

Cependant là ou Giannoli se centrait quasi exclusivement sur son héroïne, Frears fait le choix de dépeindre un trio. Meryl Streep quoique convaincante fait une prestation moins fine que celle de Catherine FROT. En revanche les personnages masculins sont plus travaillés chez Frears. Saint-Clair est une résurrection pour Hugh Grant qui peut de nouveau exceller dans un rôle mêlant plusieurs registres (comique, romantique, mélancolique). Saint-Clair est un acteur raté qui a trouvé un sens à sa vie en protégeant son épouse. Cet objectif moral justifie à ses yeux ses mystifications à l'aide de moyens peu scrupuleux (mensonges, dissimulation, corruption...) qui donnent lieu à des scènes souvent comiques et parfois mélancomiques. Le tout rehaussé par un troisième personnage important, celui du pianiste Cosmé McMoon joué par Simon Helberg lui aussi doué de grands talents comiques pour jouer les ahuris dépassé par le monde de fous dans lequel il est invité à entrer. Peut-être que Frears n'a pas poussé assez loin justement l'aspect déjanté du film. Celui-ci est émouvant, parfois drôle mais il reste un peu trop sage à mon goût pour s'implanter durablement dans les mémoires. 

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La règle du jeu

Publié le par Rosalie210

Jean Renoir (1939)

La règle du jeu

"Nous allons jouer la comédie et nous déguiser", "j'en ai assez de ce théâtre", "Y'avait un drôle de décor" etc. La comédie légère, tourbillonnante, mondaine que semble être la Règle du jeu n'est qu'un écran de fumée dissimulant une danse macabre "sur un volcan". Celui de la seconde guerre mondiale qui est sur le point d'éclater et que la petite société du château feint de ne pas voir. Mais Renoir lui, la sent arriver et dépeint la fin d'un monde comme le faisait Beaumarchais dans le "Mariage de Figaro" 5 ans avant la Révolution. Cependant, même si Beaumarchais est cité, Renoir s'est surtout inspiré des "Caprices de Marianne" de Musset.

Tout est en effet affaire de profondeur de champ dans ce film où les domestiques reflètent crûment les passions de leurs maîtres. Ces derniers abattent les animaux à la chaîne, les premiers tirent sur un homme comme si c'était un lapin. Les aristocrates parlent de Christine, la femme du châtelain en évoquant son origine étrangère comme si c'était un problème, les domestiques se focalisent sur les origines juives de son mari. Mais toute cette violence doit toujours être enrobée dans les convenances. Celles d'une partie de chasse ou celles d'une fête (deux grands morceaux de bravoure du film). C'est cela la "Règle du jeu". Parce qu'il refuse de jouer cette comédie et exprime sincèrement ses sentiments, André Jurieux fait tache. Il doit être éliminé.

Renoir est l'homme-orchestre du film: réalisateur, producteur, scénariste et enfin acteur (Octave le gros "nounours" c'est lui!) Malheureusement, le contexte de sa sortie ne laissa aucune chance au film. Mutilé, celui-ci ne retrouva son intégrité qu'à la fin des années 50 grâce au travail de deux cinéphiles passionnés qui rachetèrent les droits du film, l'un des plus grands réalisés par Renoir.

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E.T. L'extra-terrestre (E.T.the Extra-Terrestrial)

Publié le par Rosalie210

Steven Spielberg (1982)

E.T. L'extra-terrestre (E.T.the Extra-Terrestrial)

On colle à E.T. l'étiquette de "film pour enfants" mais c'est avant tout un grand film humaniste. Steven Spielberg a pris à contrepied la majeure partie des œuvres de science-fiction où les extraterrestres jouent le rôle de bouc-émissaire en endossant la part monstrueuse en nous que nous ne voulons pas assumer.

L'extraterrestre est le plus souvent une variante de la peur de l'autre. Il est associé au thème fantasmatique de l'invasion que ce soit dans la "Guerre des mondes" de H.G. Wells ou la série des années 60 "Les Envahisseurs" (génialement détournée par les Inconnus dans les années 80 pour dénoncer la peur des migrants, la soucoupe volante devenant un couscoussier puis un bol de riz). Spielberg retourne complètement ce schéma. E.T. n'entre dans la maison que parce qu'il y est invité par Elliott qui l'abrite ensuite dans sa chambre, au milieu de ses peluches. Il y a bien des scènes d'invasion dans le film mais les prédateurs sont des hommes adultes chargés d'espionner la maison d'Elliott puis de l'envahir pour s'emparer de force de l'extraterrestre. Des adultes dont l'inhumanité est soulignée par l'absence de visage. Le haut de leur corps est coupé par une caméra qui filme à hauteur d'enfant (et E.T. est lui-même à cette hauteur) puis celui-ci est dissimulé par un casque de cosmonaute.

Le visage étant le principal vecteur des émotions, on en déduit que Spielberg oppose des adultes mutilés par leur perte de contact avec elles (le symbole des clés accrochées à la ceinture d'un des chercheurs est à ce titre révélateur ainsi que celui des armes dans la version de 1982 et des talkies walkies dans la version retouchée de 2002) à des enfants encore intacts, capables de se connecter aussi bien à leur intériorité qu'au monde qui les entoure. Le thème des enfants extralucides face à des adultes aveugles a souvent été traité au cinéma des Ailes du désir de Wim Wenders (seuls les enfants voient les anges) à Mon voisin Totoro d'Hayao Miyazaki (seuls les enfants voient les esprits de la forêt). Comme chez le réalisateur japonais, capacité d'empathie et respect de la nature sont indissociables. Elliott ressent toutes les émotions de E.T. et libère les grenouilles sur le point de faire les frais du cours de dissection. C'est bien lui Adam, l'homme créé à l'image de Dieu que Michel-Ange a immortalisé au plafond de la chapelle Sixtine par des doigts qui se touchent, iconographie reprise par l'affiche et mêlée à la magie des débuts du cinéma (la lune de Méliès).

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Monty Python sacré Graal (Monty Python and the Holy Grail)

Publié le par Rosalie210

Terry Gilliam et Terry Jones (1975)

Monty Python sacré Graal (Monty Python and the Holy Grail)

Un grand film fauché qui nous sort un gag tordant à la seconde, on y perd son latin ou plutôt son anglais. Il y a au moins trois ingrédients qui expliquent cet OVNI indémodable et culte du paysage cinématographique (même si à titre personnel j'ai une préférence pour le moins connu Sens de la vie):

- Comme je le disais plus haut, le tout petit budget accordé aux Monty Python pour réaliser leur premier film les a paradoxalement servis. Ainsi le gag des noix de coco, utilisé dans les studios de doublage pour imiter le bruit du galop devient-il ici un gag du plus haut effet comique servant à ridiculiser Arthur et ses chevaliers réduits à des enfants contraints de faire semblant de "jouer à dada" sur des chevaux fantômes. On peut en dire autant d'un autre gag célébrissime du film, celui du lapin tueur.

- Noix de coco et lapin tueur ont aussi pour fonction de participer au caractère brechtien et iconoclaste du film qui casse tout effet d'illusion cinématographique. Le générique à tiroirs, à rallonge et à différents degrés a pour mission d'annoncer la couleur. La discussion avec les chevaliers du château qui demandent d'où peuvent venir les noix de coco souligne le caractère absurde du film. Enfin l'anachronisme est utilisé comme une mise en abyme réjouissante de l'époque à laquelle le film a été tourné, à savoir celle de la guerre froide USA/URSS. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre la scène de lutte des classes entre Arthur et un groupe de paysans anarcho-syndicalistes organisés en communes autonomes ainsi que l'apparition d'objets/aliments contemporains (voiture, orange...) ou la répétition d'une même scène ou l'interruption de l'action pour interpeller l'équipe du film. A partir du meurtre de l'historien par un chevalier, le Moyen-Age et l'époque contemporaine se télescopent jusqu'à être réunies dans les scènes finales. Celles-ci laissent d'ailleurs entendre qu'Arthur et ses chevaliers pourraient tout à fait être des fous échappés d'un asile en 1975. Ou bien plus subversivement que la légende arthurienne, ciment national anglais (avec le sentiment anti-français retourné contre eux et ridiculisé) n'est qu'un leurre.

-Enfin la "parodie érudite" est un autre cocktail détonnant. Terry Jones et Terry Gilliam ont une connaissance approfondie du Moyen-Age et de son iconographie. Ainsi le code d'honneur du chevalier mû par l'amour courtois est fidèlement retranscrit mais tourné en dérision. Lancelot trucide sauvagement tous ceux qui croisent son chemin pour délivrer une princesse enfermée dans sa tour qui s'avère être un prince efféminé. De même le ménestrel censé chanter les louanges de Robin se met à vanter sa couardise. Idem avec les religieux. Les moines en prennent pour leur grade mais les enluminures animées de Gilliam qui ouvrent les sketches rappellent leur fonction de copiste et d'enlumineur de manuscrits tout en détournant leur contenu. Même le lancer de vache trouve ses origines dans la ruse imaginée par les habitants d'un château assiégé par les troupes de Charlemagne. Ils avaient lancé un cochon par dessus les remparts pour leur faire croire qu'ils avaient encore de la nourriture. Ce qui avait eu pour effet d'entraîner la levée du siège.

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