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Articles avec #renoir (jean) tag

La Bête humaine

Publié le par Rosalie210

Jean Renoir (1938)

La Bête humaine

"La Bête humaine" est l'un des romans du cycle Rougon-Macquart dans lequel la théorie de Emile Zola sur l'hérédité pèse le plus lourd. Sans doute parce qu'il était lui-même hanté par la crainte d'avoir hérité de tares familiales, il a cherché dans l'ensemble de sa fresque à déterminer ce qui au sein des maladies mentales relevait de l'inné et de l'acquis. C'est ainsi que l'on aboutit dans "La Bête humaine" au paradoxe d'une société modernisée par le chemin de fer dont l'âge d'or se situe sous le second Empire avec un cheminot au comportement de serial killer compulsif. Le film de Jean RENOIR s'attarde peu sur le démon intérieur qui dévore Jacques Lantier, mal servi par un Jean GABIN si placide que l'on a bien du mal à croire aux tourments dont la mort est censé le délivrer. "il n'a jamais eu le visage aussi calme" dit son collègue Pecqueux joué par Julien CARETTE en contemplant son corps. Sauf que ce visage calme, il l'arbore durant presque tout le film et que pour voir Jean GABIN réellement tourmenté, mieux vaut regarder "Le Jour se leve" (1939). En revanche, là où Jean RENOIR fait très fort, c'est dans la transposition de ces pulsions érotico-morbides sur la locomotive de Lantier, la Lison. Les scènes ferroviaires sont incroyables d'immersion et de réalisme et impossible de ne pas songer aux tableaux impressionnistes que Claude Monet a consacré à la gare Saint-Lazare. Et ce alors que l'action est transposée sous le Front Populaire peu après la création de la SNCF! Cette machine apparaît plus vivante que les personnages où le sinistre le dispute au sordide (la fixation névrotique de l'époux de Séverine joué par Fernand LEDOUX sur l'argent de Grandmorin, le comportement incestueux de ce dernier, celui de femme fatale de Séverine jouée par Simone SIMON).

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Les Bas-fonds

Publié le par Rosalie210

Jean Renoir (1936)

Les Bas-fonds

Quand j'étais étudiante, je fréquentais un cinéma art et essai (fermé depuis) qui faisait des cycles de cinq films sur les grands cinéastes. Et dans celui qui était consacré à Jean RENOIR, il y avait "Les Bas-fonds" (1936) qui est d'ailleurs le seul des cinq que je n'ai pas vu à l'époque. Mais le titre m'est resté en mémoire.

Le film est assez fascinant, de par son mélange assez détonnant de convention et de naturel. Les idées politiques de gauche de Jean RENOIR y transparaissent. Le film se déroule en effet dans le Paris du Front Populaire mais tous les personnages portent des noms russes (le film est financé par les producteurs d'origine russe de la société Albatros qui ont refusé toute francisation des noms des personnages de la pièce de Maxime Gorki et les communistes français ont également fait pression en ce sens), vivent dans un dortoir collectif et payent en roubles. La déchéance de l'aristocratie et l'émancipation des classes populaires avec un très beau plan final qui cite directement "Les Temps modernes" (1934) de Charles CHAPLIN célèbre la fraternité de la société sans classes.

Pourtant, le naturel parvient à surpasser la convention. Pas seulement parce qu'on y célèbre le bonheur de la sieste sur l'herbe et que les échappées bucoliques chez Jean RENOIR ont un relief saisissant. Mais parce que jamais Jean GABIN n'a paru aussi vrai que dans ce film. A deux reprises, lorsqu'il exprime ses aspirations, devant le commissaire puis devant Natacha, cela sort comme un cri du coeur, un cri du coeur sur lequel le temps n'a pas de prise. Son duo avec un Louis JOUVET impérial est savoureux (outre l'interprétation, les qualités d'écriture du film, co-scénarisé et dialogué par Charles SPAAK ont été justement soulignées). Et puis le film est porté par un tel élan d'espoir qu'il triomphe de tout ce que l'histoire originale pouvait porter de sordide.

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Toni

Publié le par Rosalie210

Jean Renoir (1935)

Toni

Ce n'est pas du tout à Marcel Pagnol que j'ai pensé pensé en regardant les premières images de "Toni"* (sauf peut-être à "Angèle"), mais à "L'arrivée d'un train en gare de la Ciotat" des frères Lumière. Une affiliation qui a du sens, de même que celle que la Nouvelle Vague établira plus tard avec le cinéma de Jean Renoir. En effet, dès les premières images donc, on est saisi par le caractère naturaliste, presque documentaire du film qui a été tourné en extérieurs et qui montre l'arrivée d'immigrants espagnols et italiens venus travailler dans le sud-est de la France alors que la crise des années 30 bat son plein. Le film offre une chronique précise de l'âpreté de la vie de ces hommes et de ces femmes du monde ouvrier et paysan qui semblent enfermés dans leur condition (au point que la fin du film reprend presque à l'identique les premières images comme s'il s'agissait de boucler la boucle).

Sur cette toile de fond, l'histoire se resserre sur les protagonistes de l'histoire (tirée de faits réels) et leur tragédie intime. Le film adopte alors une scénographie de théâtre en plein air et donne à voir deux types de personnages: ceux qui se consument pour leur passion et ceux qui en profitent. Le tout dans un style qui annonce le néo-réalisme italien** (acteurs non-professionnels, tournage en décors naturels, son en prise directe, utilisation de la musique populaire, refus absolu du pittoresque, couleur locale et autre folklore, mise en scène sèche et dépouillée qui déjoue les effets mélodramatiques mais non clinique pour autant grâce notamment à la sensualité de certaines scènes comme celle de la guêpe). Le résultat a l'allure d'une tragédie grecque avec une ronde de passions à sens unique (Fernand aime Marie qui aime Toni qui aime Josépha, séductrice plus naïve que méchante et victime de deux salauds) dont il est impossible de s'échapper comme le montre la course de Toni sur le pont, fauché en plein vol.

* Alors que le film a été réalisé avec certains de ses acteurs (Blavette, Delmont, Andrex) et techniciens et produit par lui.

** Luchino Visconti travaillait en tant qu'assistant sur le tournage et a reconnu sa dette envers Renoir dans son premier film, "Ossessione" (1942).

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La Chienne

Publié le par Rosalie210

Jean Renoir (1931)

La Chienne

Deuxième film parlant de Jean Renoir après "On purge bébé", "La Chienne" est adaptée d'un roman de Georges de la Fouchardière. C'est une comédie humaine grinçante avec une dimension tragique sous-jacente ou s'entrechoquent la théâtralité et un réalisme cinématographique quasi-documentaire obtenu par un tournage en décors naturels et une prise de son directe qui renforce encore l'impression de véracité des images en y ajoutant des sons qui les environnent. Cette authenticité contraste avec l'artificialité des rapports humains dans le film qui est soulignée dès le début avec la métaphore du théâtre de guignol. Les personnages sont en effet des pantins sociaux, la palme de la bêtise crasse étant remportée par Lulu (Janie Marèse) la prostituée folle de son Dédé (Georges Flamant) qui la tabasse et l'exploite mais en parfaite masochiste bavant devant la domination masculine elle en redemande. De façon plus générale, les femmes dans le film se pâment d'extase devant la force brute qui représentent selon elles le summum de la virilité (militaire, proxénète, j'aime bien ce rapprochement provocateur ^^) et crachent leur mépris à la face des poètes considérés avant tout comme des faibles. Toute sa colère et sa haine, Lulu les réserve en effet à Maurice Legrand (Michel Simon) qui l'entretient mais qui a le tort d'être vieux et terne. Il mène une petite vie obscure d'employé mal marié à une atroce mégère (Magdeleine Bérubet) dont il s'évade par cette relation extra-conjugale et par son activité d'artiste-peintre ("seuls l'art et l'amour rendent cette existence tolérable" disait Somerset Maugham). Son malheur, Guignol le souligne, c'est de s'être fait "une culture intellectuelle et sentimentale au-dessus du milieu dans lequel il évolue, de telle sorte que dans ce milieu, il a exactement l'air d'un imbécile." Le tragique de l'histoire provient effectivement de l'absolue médiocrité de son entourage petit-bourgeois (patrons, collègues, épouse) ventre à terre devant le veau d'or (ou plutôt devant le dieu argent ^^) et dont la bassesse se manifeste à son égard par des moqueries ou de l'exploitation. Suprême ironie de l'histoire, il ne parvient à trouver la paix et la liberté qu'en s'excluant de la société, tout d'abord par le vol et la tromperie puis en étant poussé au crime et enfin en se faisant clochard. Jean Renoir pose ainsi un jalon essentiel de sa critique sociale à tendance anarchisante avec ce film qui est aussi une puissante déclaration d'amour aux artistes (à commencer par son grand-père Auguste). C'est son supplément d'âme par rapport au remake de Fritz Lang, "La Rue rouge" (1945).

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La Grande Illusion

Publié le par Rosalie210

Jean Renoir (1937)

La Grande Illusion

"La Grande Illusion", le titre le plus polysémique et réversible du cinéma français résume à la perfection ce qui sépare et ce qui réunit les hommes. Ce qui les sépare, c'est le "théâtre", toutes ces fictions générées par le jeu social (dont deux ans plus tard, Jean RENOIR dévoilera la règle) qui jettent les hommes les uns contre les autres. Le théâtre de la guerre sur fond de nationalisme revanchard mais aussi d'antisémitisme (le film a pour cadre la première guerre mondiale mais tourné en 1937, il a pour horizon le déclenchement de la seconde) mais aussi celui de la lutte des classes. Tout en étant laissés hors-champ, ils pèsent sur les comportements des personnages qui se retrouvent pourtant réunis dans le huis-clos des camps de prisonniers. Ce qui les réunit outre leur expérience commune c'est bien entendu leur humanité qui les pousse les uns vers les autres, souvent pour se heurter aux barrières construites par l'éducation, plus fortes encore que celles qui s'érigent entre les nations "Les frontières sont une invention des hommes, la nature s'en fout". A travers les liens qui s'érigent entre de Boeldieu (Pierre FRESNAY) et von Rauffenstein (Erich von STROHEIM) séparés par leur nationalité mais réunis par leurs origines sociales et une communauté de destin, Renoir dépeint le basculement du monde dans le XX° siècle dans lequel l'aristocratie n'a pas sa place. Le sens de l'honneur de de Boeldieu le pousse à se sacrifier là où von Rauffenstein observe avec fatalisme son inexorable déclin. Surtout de Boeldieu a fait siennes les valeurs de la révolution française de liberté, d'égalité et de fraternité là où von Rauffenstein réagit avec les oeillères de l'officier prussien. C'est pourquoi, bien que séparés par leurs origines sociales, un lien se créé aussi entre de Boeldieu et deux officiers issus de la plèbe: Rosenthal le bourgeois (Marcel DALIO) et Maréchal le prolétaire (Jean GABIN) qui tous deux représentent l'avenir. Ce dernier exprime à plusieurs reprises sa frustration et sa gêne face à l'impossibilité d'établir une véritable camaraderie avec l'aristocrate alors qu'ils sont pourtant soudés par leur projet d'évasion. C'est pourquoi seul le sacrifice de Boeldieu permet à Rosenthal et à Maréchal de s'enfuir. Une fuite qui permet de dessiner de nouveaux clivages, cette fois entre le bourgeois et le prolétaire mais aussi entre le juif et le catholique chez qui l'épreuve fait ressurgir des relents d'antisémitisme alors que là encore ils sont pourtant réunis par une communauté de destin et ont besoin l'un de l'autre pour s'en sortir. La séquence chez Elsa (Dita PARLO) dessine encore une autre configuration "explosive" avec un amour naissant entre un français et une allemande (sujet ô combien sensible dans une France remontée à bloc contre l'ennemi depuis la défaite de 1870 et qui allait bientôt subir l'occupation) pendant que Rosenthal joue le rôle de traducteur. "La Grande Illusion" de par sa profonde humanité démontre ainsi à la fois l'absurdité des clivages entre les hommes tout en révélant combien ils les conditionnent et les broient. 

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La règle du jeu

Publié le par Rosalie210

Jean Renoir (1939)

La règle du jeu

"Nous allons jouer la comédie et nous déguiser", "j'en ai assez de ce théâtre", "Y'avait un drôle de décor" etc. La comédie légère, tourbillonnante, mondaine que semble être la Règle du jeu n'est qu'un écran de fumée dissimulant une danse macabre "sur un volcan". Celui de la seconde guerre mondiale qui est sur le point d'éclater et que la petite société du château feint de ne pas voir. Mais Renoir lui, la sent arriver et dépeint la fin d'un monde comme le faisait Beaumarchais dans le "Mariage de Figaro" 5 ans avant la Révolution. Cependant, même si Beaumarchais est cité, Renoir s'est surtout inspiré des "Caprices de Marianne" de Musset.

Tout est en effet affaire de profondeur de champ dans ce film où les domestiques reflètent crûment les passions de leurs maîtres. Ces derniers abattent les animaux à la chaîne, les premiers tirent sur un homme comme si c'était un lapin. Les aristocrates parlent de Christine, la femme du châtelain en évoquant son origine étrangère comme si c'était un problème, les domestiques se focalisent sur les origines juives de son mari. Mais toute cette violence doit toujours être enrobée dans les convenances. Celles d'une partie de chasse ou celles d'une fête (deux grands morceaux de bravoure du film). C'est cela la "Règle du jeu". Parce qu'il refuse de jouer cette comédie et exprime sincèrement ses sentiments, André Jurieux fait tache. Il doit être éliminé.

Renoir est l'homme-orchestre du film: réalisateur, producteur, scénariste et enfin acteur (Octave le gros "nounours" c'est lui!) Malheureusement, le contexte de sa sortie ne laissa aucune chance au film. Mutilé, celui-ci ne retrouva son intégrité qu'à la fin des années 50 grâce au travail de deux cinéphiles passionnés qui rachetèrent les droits du film, l'un des plus grands réalisés par Renoir.

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Une partie de campagne

Publié le par Rosalie210

Jean Renoir (1936)

Une partie de campagne

Ce que je trouve absolument fascinant dans "Partie de campagne" c'est la manière dont Renoir suggère trois temporalités (passé, présent, avenir) à partir d'un même lieu.

- Le passé situé dans la seconde moitié du XIX° siècle est celui de la nouvelle de Maupassant mais aussi (et surtout) celui du propre père de Jean Renoir, l'illustre peintre impressionniste Auguste Renoir. Le choix de tourner sur les bords du Loing s'explique avant tout par le fait qu'il s'agissait de paysages adorés par son père. Et combien de scènes du film se réfèrent à ses tableaux de la Balançoire à la Yole en passant par les Amoureux ou les Canotiers!

-Le présent est celui du tournage du film, l'été 1936, moment mythique du Front populaire où les classes laborieuses accèdent pour la première fois aux congés payés. "L"embellie dans des vies obscures" pour reprendre les mots de Léon Blum on la ressent dans l'aspect hédoniste et sensuel du film (l'envol sur la balançoire, la promenade au fil de l'eau, le rossignol, le temps des cerises ou encore Renoir dans un petit rôle qui invite à goûter la bonne "chair"...)

-Le futur est annoncé par les gros nuages noirs qui s'amoncellent, l'orage violent et le destin funeste d'Henriette (Sylvia Bataille) enchaînée à sa famille et à son mariage arrangé avec un sinistre imbécile. Henriette condamnée à ne plus vivre que dans ses souvenirs. Henriette dont la détresse du regard face caméra nous bouleverse toujours tel un petit agneau sacrifié sur l'autel de la mesquinerie bourgeoise. Une bourgeoisie dont le slogan "Mieux vaut Hitler que le Front populaire" prépare son ralliement aux forces les plus obscurantistes du pays.

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