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Mikey et Nicky (Mikey and Nicky)

Publié le par Rosalie210

Elaine May (1976)

Mikey et Nicky (Mikey and Nicky)

Sous ses airs de film noir au petit pied (décors plus glauques les uns que les autres, personnages de loosers pathétiques, photographie cheap...), c'est un précieux bloc d'intensité brute qui nous est offert. Même s'il n'est pas derrière la caméra, l'influence de Cassavetes sur le film est très forte. Outre le fait qu'il joue un des deux rôles principaux (l'autre étant interprété par son alter ego Peter Falk), le style et les méthodes adoptés par la réalisatrice Elaine May ressemblent aux films cassavetiens: personnages à la dérive errant dans la ville et dans la nuit, sentiment d'urgence permanent, interprétation nerveuse largement improvisée, successions de moments de griserie suivis de sas de décompensation etc. La relation entre les deux hommes rappelle fortement Husbands alors que celle qu'ils ont avec une prostituée blonde dont la ressemblance de dos avec Gena Rowlands est troublante fait penser à Faces.

Cependant, si Mikey et Nicky porte bel et bien la marque du cinéma américain indépendant des années 70 et est un film "sous influence", il n'est pas pour autant une simple copie conforme des films de Cassavetes (ceux qui cherchent à copier Cassavetes s'y sont d'ailleurs cassés les dents.) Son originalité, c'est le regard féminin posé sur ces deux hommes, la richesse de leur personnalité et de leur relation qui se défait, le suspense psychologique qui en découle. De fait, Elaine May qui ne voulait perdre aucune miette de ce qui se jouait entre les deux acteurs, tous deux exceptionnels, n'a pas hésité à les filmer du matin au soir et même lorsqu'ils étaient absents du plateau au cas où ils auraient eu l'idée d'y revenir par surprise ^^^^.

Pendant deux heures, on voit ces deux amis d'enfance se débattre dans les méandres d'un piège inextricable. Nicky est un personnage autodestructeur, immature, instable, possessif et violent à l'occasion. Son comportement odieux a usé et blessé tous ses proches qui le rejettent. Son arrogance sans limites l'a conduit à se mettre à dos la mafia qui l'a condamné à mort. Mickey semble plus mature et plus posé mais il est rongé de l'intérieur par un ressentiment accumulé pendant des années d'humiliations incessantes. Par conséquent, son comportement apparaît des plus ambigus passant en un instant d'une bouleversante tendresse fraternelle à une violence dévastatrice. Quant à la relation passionnelle entre les deux hommes, elle est aussi fusionnelle qu'impossible. La trahison de Mickey apparaît au final comme un moyen désespéré de se libérer de l'emprise de son ami et de larguer les amarres qui l'attachent à lui avant qu'il ne l'entraîne avec lui au fond du gouffre.

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Orange mécanique (A Clockwork Orange)

Publié le par Rosalie210

Stanley Kubrick (1971)

Orange mécanique  (A Clockwork Orange)

Orange mécanique (dont le titre en VO est encore plus évocateur "A Clockwork orange") repose sur une mise en scène magistrale privilégiant la répétition et la symétrie, l'ensemble formant un cercle ou un cycle comparable à celui d'une horloge. Le cercle apparaît d'ailleurs en tant que tel dans la cour de la prison où les détenus sont condamnés à tourner en rond. Et pour parachever la parfaite circularité de son film, Kubrick n'a pas hésité à changer la fin du livre d'Antony Burgess dont il s'inspire. Au lieu de se ranger de façon linéaire Alex retourne à la case départ, pour un nouveau petit tour de manège ou plutôt de rodéo avec les autorités.

Le film est construit en trois parties d'importance équivalente et qui se répondent en miroir. La première partie montre les agissements criminels d'Alex et de sa bande qui se comportent en véritables barbares des temps modernes. La deuxième nous montre l'incarcération d'Alex dans un centre pénitentiaire et sa terrifiante "rééducation" à l'aide de la méthode pavlovienne Ludovico. La troisième, construite en parfaite symétrie avec la première montre Alex désormais sans défense livré en pâture à ses anciennes victimes qui se comportent à leur tour en bourreaux. La symétrie est soulignée de manière frappante par la répétition des mêmes plans. Ainsi les nombreuses plongées et contre-plongées soulignent les rapports de force de manière spectaculaire. Dans première partie, Alex est vu en contre-plongée ce qui souligne son sentiment de toute puissance alors que dans la deuxième et troisième il est aux pieds de ses nouveaux maîtres tout puissants que nous voyons à leur tour en contre-plongée. Le travelling latéral dans la maison de l'écrivain que nous voyons par deux fois a pour fonction de nous montrer le changement de son état psychologique. Dans la première partie (avant l'agression), il nous dévoile sa femme sortant d'un siège-cocon et dans la troisième (après l'agression), un bodyguard faisant des exercices de musculation à l'emplacement exact où se trouvait sa femme. Autre dispositif récurrent, le gros plan suivi d'un travelling arrière se terminant sur un plan d'ensemble. Le gros plan met en lumière l'absence d'humanité des personnages dont les visages se réduisent à des masques grimaçants (un caractère commun à de nombreux films de ce cinéaste) alors que le plan d'ensemble a pour but de confirmer que dans la société dystopique qui nous est présentée les êtres humains sont devenus des objets (les femmes-tables et femmes-fontaines du Korova milkbar en étant l'exemple le plus éclatant. Mais la boule de billard qui roule aux pieds de l'écrivain symbolise tout autant ce que représente Alex pour lui: un pion.) On peut en dire autant en ce qui concerne la musique, des airs très connus, tournant en boucle mais pervertis. "Singin in the rain" n'est plus un hymne à la joie mais au sadisme, "Funeral of Mary Queen" de Purcell tordue par le synthétiseur prend une tonalité inquiétante et la "Neuvième symphonie" de Beethoven n'est plus qu'un instrument de torture.

Si l'on peut discuter de la pertinence aujourd'hui de l'esthétique années 70 du film ("vieilli/rétro"? "pop"? "punk?), la mise en scène elle n'a pas pris une ride, pas plus que la musique ou l'interprétation mémorable de de Malcolm McDowell. Son personnage a l'âme totalement corrompue mais ses souffrances nous rappellent qu'il s'agit bien d'un être humain. Et c'est bien la question humaine confrontée à la machine politico-judiciaire (et par extension, aux systèmes totalitaires) que pose Kubrick. De même que le film a trois parties, il y a trois réponses possibles dans le film à la question de la délinquance juvénile: la coercition (symbolisée par une prison aux allures de camp militaire avec un gardien-chef fasciste qui préfigure l'instructeur de "Full Metal Jacket"), le lavage de cerveau (avec le conditionnement pavlovien préconisé par les scientifiques) ou bien l'idéalisme humaniste représenté par l'aumônier de la prison qui n'apporte pas de réponse mais se dresse contre des solutions éthiquement contestables "La vertu est un choix. Quand un homme ne peut plus choisir, il cesse d'être un homme." Ce à quoi les politiques lui répondent "L'éthique ne nous intéresse pas, ce qui nous intéresse, c'est la baisse de la criminalité. L'essentiel est que cela agisse." Et c'est aussi par ce questionnement moral que le film de Kubrick rejoint son titre. L'emprise de l'Etat sur les individus allié à une science sans conscience (comme dans "Docteur Folamour") produit une société de robots décérébrés. Incapables d'agir pour le pire comme pour le meilleur. Alex ne peut plus frapper, tuer et violer. Mais il ne peut plus non plus écouter la 9° de Beethoven. C'est ce qu'on appelle un "dommage collatéral."

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Les Temps modernes (Modern Times)

Publié le par Rosalie210

Charles Chaplin (1936)

Les Temps modernes  (Modern Times)

La première chose que nous voyons s'afficher sur l'écran, c'est le cadran d'une horloge sur laquelle l'aiguille des secondes se déplace inexorablement vers le haut de l'heure. Aucune miette de ce temps mesuré mécaniquement ne doit être perdue. Car le temps c'est de l'argent. Et plus on contrôle le temps, plus ça rapporte. C'est exactement la démonstration faite par l'ingénieur américain Frederic Winslow Taylor, inventeur de l'organisation scientifique du travail (OST) à la fin du XIX° siècle. Il a l'idée de décomposer la fabrication de l'objet en tâches simples et de mesurer le temps effectué pour l'accomplissement de chaque tâche par un ouvrier spécialisé à l'aide d'un chronomètre. L'industriel Henry Ford décide d'appliquer l'OST dans ses usines en y rajoutant en 1913 la chaîne de montage "aucun ouvrier ne doit avoir plus d'un pas à faire. Aucun ouvrier ne doit avoir à se baisser." Le travail à la chaîne est né "un gain de temps pour un maximum de rendement".

Et l'homme dans tout ça? Il n'est plus qu'un mouton voire un simple rouage de la machine toute-puissante. Son corps et son esprit sont aliénés par la machine au point de le transformer lui-même en machine. Par la pantomime, Chaplin dénonce tout en faisant rire les cadences infernales, les troubles musculo-squelettiques, la vidéosurveillance à la Big Brother jusque dans les toilettes. Très vite, il devient fou et casse son outil de travail. La fin du calvaire? Non ce n'est que le début. Le film s'enfonce toujours plus profondément dans le tourbillon de la grande dépression du système capitaliste, le chômage, les grèves, les boulots précaires, la répression à tous les coins de rue, la prison et l'hôpital psychiatrique. Et Charlot subit, tournoie encore, encore et encore dans le tourbillon à l'image de la scène où il tente sans succès de se frayer un passage dans la foule dansante afin de servir un client.

Face à cet enfer, une seule solution, l'exil, prémonitoire. Et un plan devenu iconique. Celui de deux silhouettes qui s'éloignent vers un horizon incertain.

Quatre ans plus tard, réalisant que la pantomime ne suffit plus à dénoncer l'horreur de l'autodestruction humaine en marche, il fusionnera son alter ego avec lui-même afin de lui donner la parole et lancera l'un des plus vibrants, l'un des plus visionnaires appels à la résistance jamais entendus sur un écran: " Ne vous donnez pas à ces brutes, à un minorité qui vous méprise et qui fait de vous des esclaves, enrégimente toute votre vie et qui vous dit ce qu'il faut faire et ce qu'il faut penser, qui vous dirige, vous manœuvre, se sert de vous comme chair à canon et qui vous traite comme du bétail. Ne donnez pas votre vie à ces êtres inhumains, ces hommes-machines avec une machine à la place de la tête et une machine dans le cœur. Vous n'êtes pas des machines, vous n'êtes pas des esclaves, vous êtes des hommes." 

 

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His Regeneration

Publié le par Rosalie210

Gilbert M. Anderson (1915)

His Regeneration

Gilbert M. Anderson en cow-boy armé d'un pistolet est aujourd'hui la mascotte de la collection "cinéma muet" des éditions DVD Lobster. Il fut en effet la première star du western avec son personnage de Broncho Billy qu'il incarna dans 148 courts-métrages. Mais il était aussi réalisateur, scénariste, producteur et l'un des fondateurs des studios Essanay dans lesquels s'illustra Chaplin comme réalisateur et acteur entre 1915 et 1916.

His Regeneration réalisé par Anderson n'a pas de titre en VF car il n'a jamais été distribué en France. Il ne vaut que pour la très courte apparition de Chaplin dans les premières minutes du film. Celui-ci voulait remercier "Broncho Billy" d'avoir fait une courte apparition dans "Charlot boxeur" en lui rendant la pareille. Dans le générique, Anderson précise d'ailleurs qu'il a été "un peu aidé par Chaplin". Mais en fait s'il avait eu suffisamment de recul, il aurait dû ajouter "merci à Chaplin d'avoir sauvé mon film de l'oubli". Car il n'y a rien d'autre à sauver dans ce court-métrage incohérent où on voit un criminel (Anderson himself) se battre avec un rival dans un café puis faire un cambriolage qui tourne mal puisqu'il tue son partenaire, puis être "sauvé" par une jeune fille qui le couvre ce qui suffit à assurer sa rédemption. 

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Angels in America

Publié le par Rosalie210

Mike Nichols (2003)

Angels in America

Angels in America ("Fantaisie gay sur des thèmes nationaux") est à l'origine une pièce de théâtre en deux parties "Le Millenium approche" et "Perestroïka" écrite par Tony Kushner au début des années 1990. La pièce qui prétend fort modestement rien de moins que saisir "l'éclat tragique de la fin de ce siècle" est une fresque des USA des années Reagan confrontés à l'émergence de l'épidémie de sida. Kushner mélange la chronique intimiste, la réflexion politico-historico-religieuse et les échappées oniriques dans le fantastique (ouf!). Le résultat est comme on peut l'imaginer très grandiloquent mais brillant. Kushner n'a pas volé son prix Pulitzer.

C'est Mike Nichols qui a réalisé la mini-série de 6 épisodes d'une heure adaptée de la pièce en 2003. En effet il était impossible de faire tenir un projet aussi démesuré dans un format cinéma classique. Le résultat a été acclamé à l'époque puisque la série a reçu de nombreux prix (Emmy Awards, Golden globes etc.) Avec le recul et un nouveau visionnage, je suis plus critique.

Les parti-pris assez gonflés de la pièce et de la série peuvent dérouter: soit on adhère, soit on rejette. Ainsi, les délires sous substances psychotropes donnent des résultats inégaux. Les apparitions de l'ange (joué par Emma Thompson) et plus globalement toutes les références mythologico-religieuses paraissent assez lourdingues pour ne pas dire grotesques. Ce n'est pas mieux avec les tableaux écolos autour d'un antarctique en train de fondre (avec couche d'ozone trouée en prime). En revanche la rencontre hallucinogène d'Harper en princesse et de Prior en drag-queen dans les décors du château de la Belle et la Bête de Cocteau a quelque chose de magique (et quel bel hommage!)

En faisant abstraction de ce barnum parfois indigeste, il est intéressant de suivre ces personnages marginaux issus de minorités (juive, mormone, afro-américaine) en proie à leurs démons intérieurs dans une Amérique puritaine, intolérante et conservatrice. Les qualités d'écriture permettent d'apprécier certaines saillies comme celle de la définition du parti républicain "pour une moitié des fanatiques religieux voulant contrôler chaque citoyen, pour l'autre des cow-boys libertaires égo-anarchistes criant haro sur l'Etat." Et si le talent d'Emma Thompson est hélas gâché par des rôles qui ne la mettent pas en valeur de même que celui de Meryl Streep dans des rôles ectoplasmiques, on a droit à un sommet grandiose entre Al Pacino dans le rôle de l'avocat véreux Roy Cohn homophobe, raciste et maccarthyste se mourant du sida et sa "négation", Belize, l'infirmier afro-américain et gay joué par le génial Jeffrey Wright. Roy Cohn, personnage historique dont l'action fut à l'origine de l'exécution d'Ethel Rosenberg représente le visage le plus hideux de l'Amérique en "phase terminale, démente et méchante." Mais Al Pacino lui donne comme à d'autres personnages tragiques de sa filmographie une vraie densité. Il apparaît dans sa haine des autres (reflet de sa haine de lui-même) comme une figure autodestructrice de l'Amérique que la compassion que finissent par lui porter ceux qu'il hait vient neutraliser.

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La danseuse

Publié le par Rosalie210

Stéphanie Di Giusto (2016)

La danseuse

Stéphanie Di Giusto avait en main des cartes maîtresses pour faire de son premier film une vraie sensation. Force est de constater qu'à l'arrivée, son manque d'audace, son désir de plaire au plus grand nombre (et les calculs qui vont avec) aboutit à un pétard mouillé.

Parmi ces cartes, l'histoire vraie et passionnante de Loïe Fuller, une danseuse homosexuelle de la fin du XIX° siècle cherchant à s'affranchir des diktats masculins dans le domaine de la danse. Au lieu de dévoiler le corps féminin, de l'envisager sous le prisme de l'érotisation, elle le dissimule par un jeu de lumières et de voiles aériens pour mieux le libérer, en faire une matière fluide et souple, métamorphosable à l'infini, ici en fleur, là en papillon. Ce personnage intrigant et magnifique est de plus porté par la prestation incandescente d'une chanteuse-actrice hors-norme, Soko. Si je mets 3 étoiles à ce film, c'est à cause d'elle. Soko n'a pas son pareil pour faire exploser le désir et la sensualité au sein de sociétés corsetées. Sa carrure athlétique, sa beauté sauvage et indomptable fascinent. Elle crame la pellicule en se consumant pour son art. Face à elle, Lily-Rose Deep campe une Isadora Duncan convaincante en jeune rivale aux dents longues pour qui danser est aussi naturel que respirer. Ajoutons enfin l'ambition esthétique du film: la danseuse Jody Sperling a œuvré sur les chorégraphies, et Denoît Debie, chef opérateur de Love ou Spring Breakers, en a dirigé la photographie.

Mais on ne peut avoir le beurre et l'argent du beurre. En voulant ratisser large et ne fâcher personne, la réalisatrice a gommé tout ce que la vie de Loïe Fuller avait de sulfureux (en clair son lesbianisme) ce qui brouille aussi bien ses choix créatifs intimement liés à son identité sexuelle que son rapport aux autres femmes, purement et simplement éludé. A la place, on lui prête une relation (fictive évidemment) avec Louis d'Orsay un dandy joué par Gaspard ULLIEL. Un dandy impuissant, à l'image du film.

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Charlot à la banque (The Bank)

Publié le par Rosalie210

Charles Chaplin (1915)

Charlot à la banque (The Bank)

C'est l'une des meilleures comédies de la période Essanay de Chaplin. Il s'agit en fait d'une nouvelle adaptation d’un de ses films précédents à la Keystone, "Charlot concierge" ("The New Janitor", 1914), à laquelle il ajoute une scène de rêve inspirée du numéro qu’il avait joué chez Karno, "Jimmy the Fearless". Dans le sketch original, Jimmy (joué par Chaplin) était un sans-le-sou qui, dans ses rêves, devenait un héros. Dans "Charlot à la banque", Charlot rêve qu’il sauve Edna d’une attaque de la banque, pour se réveiller en réalisant que ce n’était qu’un rêve.

Si "The Bank" reste pour une bonne partie une comédie assez classique (mais avec de belles idées comme le lieu où Charlot range sa tenue et ses accessoires d'homme à tout faire), elle se teinte progressivement de mélancolie et offre une fin surprenante. Cette fin inhabituelle dans des films burlesques, deviendra l’une des spécialités de Chaplin. Le gros plan mémorable sur son visage lorsqu’il réalise qu’Edna a jeté sa lettre et refusé ses fleurs, préfigure celle du "Cirque" (1928) ainsi que la scène finale des "Lumières de la ville" ("City Lights", 1931).

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A.I. Intelligence artificielle (Artificial Intelligence: A.I.)

Publié le par Rosalie210

Steven Spielberg (2001)

A.I. Intelligence artificielle (Artificial Intelligence: A.I.)

Personnellement, je trouve que l'on est face à un film patchwork, un film puzzle, un film aux morceaux mal raccordés entre eux tant esthétiquement que narrativement ou même moralement. Spielberg a voulu rendre hommage à Kubrick qui était à l'origine de ce projet mais il l'a complètement dénaturé et rendu gentiment inoffensif voire mièvre. "S'il te plaît ma bonne fée bleue, fais de moi un vrai petit garçon." J'ai vu plus inspiré comme adaptation du conte de Collodi (Par exemple Fisher King de Terry Gilliam où Pinocchio devient le "gentil pote rital" de Jack, un animateur radio arriviste et cynique qui doit partir en quête du graal pour gagner son humanité).

L'I.A. est un des grands thèmes philosophiques de la science-fiction contemporaine car elle met en question notre propre humanité et son avenir. C'est un thème d'anticipation aussi vieux que l'homme puisqu'il plonge ses racines dans le mythe de Prométhée. Dans toutes les œuvres un peu subtiles qui abordent cette question, on se retrouve face à un dilemme. Soit on prive le robot d'humanité en le soumettant aux lois d'Asimov (qui était le premier à en montrer les limites et les contradictions) et on se retrouve face à une entité parfaite donc parfaitement inhumaine. Quel est l'intérêt de créer un robot à notre image s'il n'est qu'une coquille vide? Soit on le débride et on prend le risque qu'il devienne un danger pour l'homme. Dans A.I. on retrouve cette question lors de la création des "robots d'amour": "S'ils peuvent aimer, ils peuvent aussi haïr". Mais Spielberg n'ira pas plus loin que cette phrase alors que la transformation par le conditionnement pavlovien de l'homme en robot privé de libre-arbitre était au cœur d'Orange mécanique et que l'agonie de Hal 9000 était l'élément le plus humain de 2001 l'Odyssée de l'espace. On se consolera avec les scènes finales d'A.I. qui rappellent justement celles qui concluent 2001. Pour aller plus loin, beaucoup plus loin sur cette question on relira Pluto de Naoki Urasawa où un petit garçon robot trop parfait chargé de remplacer l'enfant décédé d'une famille (tiens, tiens) doit pour sauver le monde devenir pleinement humain c'est à dire prendre le risque du libre-arbitre et son possible basculement dans la haine. Mais comme le dit l'aumônier dans Orange mécanique "pas de moralité sans choix". Et j'ajouterai "pas de sens à l'existence sans choix".

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Le Cirque (The Circus)

Publié le par Rosalie210

Charles Chaplin (1928)

Le Cirque (The Circus)

Chaplin s'investissait totalement dans son art. A peine avait-il terminé un film qu'il s'attaquait au suivant. Mais le tournage du Cirque fut une telle accumulation de scandales et d'épreuves (dignes du Lost in la Mancha de Gilliam mais avec un happy-end puisque le film fut terminé et rencontra le succès) que Chaplin le remisa aux oubliettes jusqu'à la fin des années 60 date à laquelle il accepta d'enregistrer la musique du film, allant jusqu'à interpréter lui-même à près de 80 ans la chanson titre "Swing high little girl". L'histoire compliquée du Cirque explique sans doute qu'il reste moins connu que ses autres chefs-d'oeuvre.

On rit beaucoup dans Le Cirque. Pourtant il décrit un monde qui ne fait pas rire. Un théâtre de pantins, dominé par le cercle vicieux de la brutalité, de l'exploitation, de la dictature des faux-semblants (le labyrinthe de miroirs). Arrive l'élément perturbateur. Il s'agit du Vagabond, un SDF sans le sou, affamé, mais riche en humanité. Involontairement, il réanime un spectacle moribond mais il ne peut faire rire sur commande. Et pour cause, le rire naît du mouvement même de la vie qui ne peut être contrôlé et encore moins enfermé. On peut faire d'ailleurs un parallèle évident avec un autre film de Chaplin. Dans Les Feux de la Rampe, Calvero, un clown vieux et fatigué ne parvenait plus à faire rire personne, sauf le temps d'une ultime prestation lorsqu'il était revigoré par l'amour que lui portait Terry, une jeune danseuse. Merna (Merna Kennedy), la danseuse du Cirque inspire les mêmes sentiments au Vagabond mais il découvre qu'elle lui préfère Rex, le bellâtre de service (Harry Crocker) et son abattement se ressent dans ses prestations. Hormis lorsqu'il remplace Rex dans son numéro de funambule, un morceau de bravoure spectaculaire réalisé sans filet (mais avec des singes ^^). Son effacement final au profit du jeune couple ressemble comme deux gouttes d'eau à l'intrigue du court-métrage "The Tramp" ("Le Vagabond") réalisé en 1915 pour la Essanay. L'histoire se déroulait dans une ferme et non dans un cirque mais le Vagabond n'y trouvait pas sa place et devait repartir seul sur les chemins.

Condamné à être libre.  

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Lost in translation

Publié le par Rosalie210

Sofia Coppola (2003)

Lost in translation

" Pourquoi ce mystère/ Malgré la chaleur des foules/ Dans les yeux divers/ C'est l'ultra moderne solitude." Cet extrait de la chanson d'Alain Souchon pourrait tout à fait illustrer la teneur du film de Sofia Coppola. L'ultra moderne solitude de deux américains paumés dans leurs baskets et dans leur vie, errant sans but la plupart du temps dans leur hôtel de luxe tokyoïte aux proportions démesurées.

Film lent, contemplatif, mélancolique voire dépressif, "Lost in translation" n'a pas un style spécialement séduisant. De plus comme dans d'autres films de la réalisatrice, l'histoire de ces gens riches déracinés, tournant en rond dans leur bocal doré et se regardant le nombril peut sembler creuse voire parfaitement ridicule.

Mais en fait on accroche quand même et ici plutôt deux fois qu'une. La caméra de Sofia Coppola est élégante, les personnages, bien décalés, surtout dans un pays dont ils ne maîtrisent ni la langue, ni les codes. Bill Murray trouve avec Bob Harris un de ses meilleurs rôles. Tantôt absolument désopilant (les scènes de tournage de la pub pour le whisky Suntory sont des moments d'anthologie), tantôt neurasthétique façon Droopy, tantôt profondément ému, il fait une prestation mémorable qui vaut 4 étoiles à elle seule. Et Scarlett Johansson dans le rôle de Charlotte apporte de la sensualité, une bienvenue fraîcheur et un regard plus observateur et plus ouvert sur le monde extérieur. Leur belle relation en miroir fait gagner de l'épaisseur au film car elle contraste avec le monde de superficialité (mode/pub) dans lequel ils évoluent. On peut déplorer tout de même l'enfilade de clichés sur la culture japonaise traditionnelle (le mont Fuji, l'ikebana, les kimono, le temple, la scène du mariage) et pop (la trash TV, les manga lus dans le métro, les jeux de pachinko, le karaoké, la débauche technologique)... Coppola capte une atmosphère mais reste extérieure. Pouvait-il en être autrement avec ce qui est une autobiographie déguisée?  

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