Le grand méchant renard et autres contes
Benjamin Renner et Patrick Imbert (2017)
Comment faire pour élever trois poussins quand on est un renard? Comment un canard, un lapin et un cochon peuvent-ils livrer un bébé/des cadeaux alors qu'aucun d'eux ne vole comme une cigogne/ le père Noël dont c'est normalement le boulot?
C'est cet art du décalage et du brouillage des identités que cultive la petite ferme de Benjamin Renner dont les animaux-acteurs nous présentent 3 contes de 26 minutes chacun: "Un bébé à livrer"; "Le grand méchant renard" et "Il faut sauver Noël". Les influences sont nombreuses des fables de La Fontaine à la comédie américaine de Billy Wilder en passant par Les contes du chat perché de Marcel Aymé et Tex Avery.
Les plus jeunes se tordront de rire devant les nombreux gags burlesques déclenchés par le duo pas fûte-fûte du canard et du lapin qui ne comprennent pas que le loup prépare la soupe pour les mettre dedans, se portent au secours d'un père Noël en plastique qu'ils croient vrai, démarrent une camionnette en marche arrière, intervertissent les paquets, s'apprêtent à catapulter le bébé etc. Les adultes eux seront plus sensibles aux messages cachés dans les contes, particulièrement dans le deuxième, "Le grand méchant renard" qui donne son titre au film et qui est le plus audacieux. Il pose en effet la problématique des nouvelles familles: monoparentalité (un renard élève seul 3 poussins), adoption (2 espèces à priori incompatibles s'apprivoisent), question de genre (les poussins considèrent le renard comme leur maman), établissement d'une garde alternée entre le parent biologique (la poule qui a retrouvé sa progéniture) et le parent adoptif... Ce qui facilite les choses c'est que ces animaux transgressent les caractères qui leur sont assignés: le renard est un gros froussard qui rêve de pantoufler à la ferme, les poussins se prennent pour des renardeaux et agressent leurs congénères, les poules pratiquent le self-défense et terrassent le loup, le chien et la cigogne sont de gros paresseux qui se dérobent à leurs missions.
C'est drôle, fin, délicat, sensible, original, c'est une animation intelligente qui fait du bien. Et qui n'a pas de frontières, le clin d'œil à Totoro le montre.
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