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Articles avec #thriller tag

Meurtre d'un bookmaker chinois (The Killing of a Chinese Bookie)

Publié le par Rosalie210

John Cassavetes (1976)

Meurtre d'un bookmaker chinois (The Killing of a Chinese Bookie)

Dans Minnie and Moscowitz qui rendait hommage à la screwball comédie, Humphrey Bogart (dont les points communs avec Cassavetes crèvent les yeux) était cité trois fois. Il était donc logique que tôt ou tard Cassavetes réalise un film noir. Mais un film noir à sa manière. Pas de privé donc mais un patron de night-club interlope, Cosmo Vitelli joué par le 3° "Husband" (après Cassavetes et Falk) l'élégant Ben Gazarra. Cosmo est une sorte de double de Cassavetes. Il est le metteur en scène du spectacle qu'il présente aux clients chaque soir et il réinvestit tous ses revenus dans la boîte quitte à l'hypothéquer (Cassavetes réinvestissait ses cachets et recettes voire hypothéquait sa maison pour autofinancer ses films). Cosmo cherche avant tout à garder son indépendance, financière notamment. Il se fait un peu son film. En bon macho italien, Il se prend pour le sultan d'un harem menant la grande vie (limousine avec chauffeur, champagne, costume clinquant, joli assortiment de filles de toutes les couleurs etc.) Il a tellement perdu le contact avec la réalité qu'il n'hésite pas à dire à ses girls "Je suis le roi, je tiens le monde par les c........") La réalité est nettement moins idyllique. Derrière le titre pompeux de la revue "M. Sophistication et ses divines" se cachent des numéros minables avec un M. Loyal maquillé à la truelle et doté d'une voix de casserole ainsi que des filles plus potiches que danseuses. Quant à Cosmo, il lui est bien difficile de résister aux puissances de l'argent. Il met un doigt dans l'engrenage de la mafia avec une naïveté confondante ("j'ai juste signé des papiers, cela ne veut rien dire") et c'est le début des ennuis. Maintenant ce sont eux qui le tiennent par les c....... Mais Cosmo est doté d'une étonnante baraka. Alors qu'il aurait dû mourir 10 fois face aux chinois et aux gangsters, il arrive à chaque fois à leur glisser entre les mains. Une capacité à survivre qui nous rappelle qu'il est un vétéran de la guerre de Corée (1950-1953).

Élément récurrent dans les films de Cassavetes qui est particulièrement mis en valeur ici: l'escalier que ne cesse de monter et descendre Cosmo. Il incarne les hauts et les bas, l'ascension et la chute d'un homme aux rêves démesurés confrontée à une réalité étriquée. Mais quels que soit les revers de fortune, même sur le point de tuer un caïd de la mafia, même avec une balle dans le ventre, Cosmo conserve son sourire en coin et ses airs bravaches car il ne pense qu'à une chose "The show must go on." C'est peut-être le secret de sa chance étonnante qui le fait toujours retomber sur ses pattes.

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Témoin à charge (Witness for the Prosecution)

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1957)

Témoin à charge (Witness for the Prosecution)

Témoin à charge est un film de procès, assez théâtral et statique donc qui fut souvent confondu à l'époque de sa sortie avec Le procès Paradine d'Hitchcock. L'influence d'Agatha Christie qui est l'auteur de la nouvelle et de la pièce dont est tiré le film est également très forte avec tous ces rebondissements qui rendent l'issue du procès imprévisible (et la vérité tout autant).

Mais si pour ces deux raisons, Témoin à charge n'est pas le film le plus personnel de Wilder il vaut quand même le détour pour ses dialogues brillants et sa direction d'acteurs exceptionnels. Les numéros des deux monstres sacrés amis de Wilder, Laughton et Dietrich sont à déguster sans modération. Wilder a eu l'idée géniale de mettre en valeur le personnage joué par Laughton, Sir Wilfrid en le confrontant en permanence à son infirmière trop zélée Miss Plimsoll ce qui donne lieu à des dialogues ciselés comme il en avait le secret. De plus l'infirmière est jouée par la femme de Laughton ce qui ajoute encore plus de saveur à ces chamailleries de vieux couple où Wilfrid tente 1001 stratagèmes pour fumer ses cigares et boire son brandy en douce ou prouver qu'il n'est pas un grabataire bon à mettre au placard. Quant à Dietrich, il lui offre un rôle à tiroirs qui lui permet de jouer brillamment de son image de femme fatale froidement manipulatrice tout en s'essayant à d'autres registres (l'amoureuse éperdue, la gouailleuse à l'accent cockney etc.)

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Rogue one: a star wars story

Publié le par Rosalie210

Gareth Edwards (2016)

Rogue one: a star wars story

Rogue one a star wars story développe une intrigue qui se situe juste avant l'épisode IV Un nouvel espoir (le tout premier film de la saga sorti en 1977). Il nous raconte comment un groupe de rebelles a pu s'emparer des plans de l'étoile noire sous le nom de code "Rogue one". Ces plans ensuite remis à la princesse Léia et qui sont la clé de la neutralisation de cette arme de destruction massive par Luke Skywalker dans l'épisode IV. Le film est donc une pièce de cet immense puzzle qu'est devenu Star Wars et non pas un simple produit dérivé.

Le film a un peu de mal à démarrer car il s'éparpille dans toute une série de lieux pour la plupart sous domination de l'Empire. De même il introduit un nombre important de nouveaux personnages. Par la suite l'intrigue se resserre autour du groupe de rebelles prêts à sacrifier leurs vies pour mener à bien leur mission. Si les motivations de leur leader, la fille du concepteur de l'étoile noire sont évidentes (réhabiliter son père en prouvant qu'il a saboté l'arme que l'Empire l'a obligé à fabriquer) celles de ses compagnons le sont beaucoup moins. On ne sait quasiment rien d'eux ce qui affadit l'aspect tragique indéniable du film. Enfin les effets spéciaux sont bluffants, tout particulièrement la recréation en images de synthèse de personnages de l'épisode IV dont les acteurs sont décédés. Grand Moff Tarkin (Peter Cushing mort en 1994) et la princesse Léia de l'épisode IV, sa tunique blanche et ses macarons intacts alors que Carrie Fisher vient juste de nous quitter, bien abîmée par la vie qu'elle a vécu. Ce pouvoir du cinéma à défier le temps et la mort est l'aspect le plus mémorable du film.

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Elephant

Publié le par Rosalie210

Gus Van Sant (2003)

Elephant

Elephant est le deuxième film de ce que Gus Van Sant a appelé sa trilogie de la mort (ou tétralogie si on ajoute "Paranoïd Park (2007)". Un cinéma expérimental, sensoriel, consacré à l'errance d'une jeunesse déboussolée et qui s'inspire de faits réels. Elephant est ainsi une relecture élégiaque, mythologique, anthropologique et chorégraphique de la tuerie du lycée de Columbine à Littletown (Colorado) qui avait défrayé la chronique en 1999.

"Qui fait l'ange fait la bête." C'est l'expression qui vient tout de suite à l'esprit quand la caméra filme de face, de profil et encore plus de dos cet étrange bestiaire adolescent, somme d'êtres hybrides enfermés dans un aquarium géant. L'ange-taureau, c'est John, jeune garçon androgyne qui fait figure de minotaure serpentant dans les interminables couloirs labyrinthiques de son lycée. Mais sa présence n'est qu'un trompe-l'oeil, les véritables tueurs se prénommant Eric et Alex. Ce dernier joue du Beethoven, une référence appuyée à Kubrick et au héros d'Orange Mécanique (les déambulations dans les couloirs d'un lieu clos faisant penser elles à Shining). Fidèle au mythe des 7 jeunes gens et 7 jeunes filles livrées en pâture au monstre, Gus Van Sant dresse une série de portraits funéraires des derniers moments sur terre des principales victimes des tueurs. Chacun nous est présenté isolément comme enfermé dans sa bulle (y compris sonore) ou sa caverne même si les trajectoires de tous ces jeunes n'arrêtent pas de se croiser, d'autant que la distorsion du temps permise par le cinéma nous fait retourner en arrière pour filmer la même scène d'un autre point de vue. Cette mise en scène savante suggère que ces jeunes ont en commun un profond mal-être mais qu'ils ne parviennent pas à communiquer pour autant. C'est le regard d'une jeune fille qui fuit obstinément l'objectif, c'est la résistance d'une seconde à mettre un short, c'est le rituel boulimique-anorexique de trois autres qui s'enferment parallèlement mais séparément dans les toilettes pour se faire vomir après la cantine, c'est le harcèlement que subissent les plus faibles dans le silence le plus complet. Une violence qui appelle en retour la violence. Michelle, la jeune fille timide au physique ingrat moquée par les autres porte sur son sweat-shirt un tigre qui ne demande qu'à sauter à la gorge des autres. Alex qui est également un souffre-douleur souffre de surdité et comme son partenaire Eric, est un homosexuel refoulé dans une ambiance teinté d'homophobie.

A force de transparence, de géométrie rectiligne, de dimensions disproportionnées, de silence, le lycée où évoluent ces adolescents finit par incarner le tombeau mais aussi un vide abyssal: celui des adultes, les grands absents du film. Certains traversent de temps à autre le champ de la caméra mais ils ne sont que des figures fantomatiques d'arrière-plan. Les parents sont défaillants et/ou insignifiants, les professeurs indifférents... Et par conséquent on est guère surpris de voir ces jeunes sans repères confondre les jeux vidéos de tueries et la réalité, s'acheter des armes sur internet sans contrôle (l'une des significations du titre se rattache à l'Eléphant, mascotte du parti Républicain qui défend l'accès libre aux armes) et tuer sans état d'âme.

Le lycée filmé par Gus Van Sant a tout d'une arche de Noé (dysfonctionnelle) juste avant le déluge. La dimension sinon divine du moins cosmique du film est très forte. Le huis-clos du lycée est interrompu par des plans de verdure automnale (civilisation moribonde?) alors que les pulsions et souffrances refoulées s'accumulent dans le ciel sous forme de gros nuages noirs menaçants. L'orage qui éclate quand la violence se déchaîne est une autre interprétation possible du titre car l'Eléphant est la monture du dieu de la foudre indien Indra. Une fois purgé, le ciel retrouve sa sérénité habituelle.

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Le port de l'angoisse (To Have and Have Not)

Publié le par Rosalie210

Howard Hawks (1945)

Le port de l'angoisse (To Have and Have Not)

Adaptation très libre de To Have and have not, qu'Ernest Hemingway estimait être le plus mauvais de ses romans. Une rumeur prétend qu'il aurait mis au défi Hawks, son partenaire de chasse et de pêche de réaliser un bon film à partir de cette oeuvre (à moins que ce ne soit le contraire). Peu importe de toutes façons puisqu'au final, il ne reste rien du roman d'aventures initial et que le film est en revanche la quintessence du cinéma de Hawks (l'influence du film Casablanca est réelle -similitudes dans l'intrigue; le décor et même acteur principal- mais superficielle) Tous les autres films de ce cinéaste qu'ils le précèdent ou en découlent sont bâti sur le canevas de To Have and have not, à savoir:

- Etude des liens de camaraderie d'un petit groupe de personnalités disparates mais partageant la même philosophie de la vie: Morgan (Humphrey Bogart) le mercenaire qui loue son bateau de pêche à de riches clients, Frenchy (Marcel Dalio) le maître d'hôtel, Eddie le vieillard alcoolique gaffeur qui veille à ce que l'âme de Morgan ne se déssèche pas trop (Walter Brennan) etc.

- Respect absolu pour certaines valeurs: professionnalisme, fidélité, loyauté, transparence (se livrer imparfait, tel que l'on est, sans crainte du jugement des autres). Harry Morgan a beau être mercenaire, mauvais payeur et allergique à l'engagement, il obtient plus de considération de la part de Frenchy que n'en reçoivent ses collègues résistants, des "petites natures" amateuristes et idéalistes. De même, le riche client de Morgan, Johnson est descendu en flammes par Howks à cause de sa malhonnêteté, sa maladresse, son arrogance, son manque d'humour, son mépris vis à vis d'Eddie etc.

-Atmosphère chaleureuse et décontractée dans un cadre défini comme une scène de théâtre (ici le port et l'hôtel) permettant de particulièrement mettre en valeur les personnages et les acteurs qui les incarnent au détriment de tout le reste et particulièrement des codes du cinéma de genre. Il y a peu d'action et peu de meurtres dans le film et une partie d'entre eux sont situés hors-champ. En revanche il y a beaucoup plus important: ce cinéma "à hauteur d'homme" qui réduit au maximum la distance qui sépare les personnages de leurs interprètes nous permet d'être très proches de leur ressenti. Et c'est particulièrement important dans To Have and have not où s'accomplit sous nos yeux le coup de foudre Bogart-Bacall au travers de leurs rôles. La première scène, incandescente à tous points de vue ("Anybody got a match?") avec Frenchy/Marcel Dalio en témoin médusé (est-ce son personnage ou est-ce l'acteur qui comprend que quelque chose se passe?), est inoubliable. Grandiose moment de vie intime capté par une caméra.

-Bien qu'elle ait échappée à son pygmalion pour se mettre en couple avec Bogart (Hawks n'avait pas prévu d'aller jusque là et était même plutôt vexé et jaloux!) Lauren Bacall est l'une de ces formidables actrices de caractère qu'il savait découvrir et immortaliser. Dans To Have and have not, elle incarne la femme androgyne hawksienne type, regard qui tue et voix rauque, cette femme qui tout en ayant tous les attributs de la féminité sait tenir tête aux hommes et prendre les initiatives. C'est elle qui séduit, elle qui embrasse, elle qui met au défi son partenaire individualiste de s'engager "si vous avez besoin de moi, vous n'avez qu'à siffler. Vous savez comment faire, Steve? Vous n'avez qu'à serrer les lèvres et souffler.", réplique mythique mainte et mainte fois parodiée ou reprise par la suite.

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Blow Out

Publié le par Rosalie210

Brian De Palma (1981)

Blow Out

Blow Out s’inscrit comme le troisième opus d’un tryptique dont le premier volet est Blow up d’Antonioni (1967) et le deuxième, Conversation secrète de Francis Ford Coppola (1974). Dans le premier film un photographe prend des clichés d’un meurtre, dans le second, un agent espion entend les cris d’un meurtre. Dans Blow Out, De Palma réunit l’image et le son : dans une séquence du film, John Travolta synchronise les images et le son de la séquence qu’il a enregistrée pour obtenir la preuve qu’il s’agit d’un meurtre et non d’un simple accident de voiture.

Blow Out est un tournant philosophique dans la carrière de Brian De Palma après l’énorme succès de Pulsions. Son rejet public et critique initial est lié à la tonalité sombre du film et à sa fin tragique. Blow Out a plusieurs sens : explosion, cri, révolte. Et le film est effectivement par bien des aspects un cri de révolte. Le son a une dimension de critique politique évidente. Il dénonce les secrets et mensonges de la démocratie américaine alors que l’on célèbre parallèlement le centenaire de la cloche de la liberté. En effet le film s’appuie sur des faits réels et notamment sur l'accident de Chappaquiddick où Ted Kennedy (le frère de John) ivre avait précipité sa voiture qui passait sur un pont dans un bras d’eau. Lui s’en était sorti sans égratignure alors que sa jeune assistante de 28 ans était morte. Pendant plusieurs jours, il avait tenté de dissimuler la mort de la jeune femme, couvert par les plus hautes autorités US. Finalement l’affaire n’avait pu être étouffée mais le scandale avait seulement empêché Ted Kennedy de se présenter aux élections présidentielles. L'engagement politique de Brian De Palma lui coûta cher : après Redacted (Censuré) qui révélait lui aussi un scandale (le viol et le meurtre d’une jeune irakienne et de toute sa famille par les G.I américains), De Palma vit sa carrière aux USA définitivement brisée et fut obligé de s’exiler en France.

Cet engagement éthique, humaniste démonte l’image qui est attachée à Brian de Palma : celui d’un simple réalisateur d’exercices de style maniéristes inspirés de son maître Hitchcock. La filiation est évidente entre les deux cinéastes mais elle ne se limite pas au style. L’obsession du remake chez l'un et l'autre est lié à la pulsion qui est répétition, et la principale pulsion des deux réalisateurs est le regard via la caméra qui est un regard-voyeur. Toute la séquence qui ouvre Blow Out place le spectateur en position de voyeur d’un mauvais slasher érotique. Le spectateur voit à travers le regard du tueur une bimbo se déshabiller (et peut ainsi se rincer l’œil) puis elle est tuée (punition du voyeurisme) dans une douche. Ce sont bien entendu les mécanismes de Psychose mais De Palma y rajoute une dimension parodique (perche qui dépasse, cri ridicule qui sonne faux) et une couche de vulgarité assumée « tout cinéma est porno. »

Autres thèmes communs aux deux cinéastes, celui du double et de l’impuissance. Blow Out s’ouvre sur un cri mais comme la scène primitive traumatique est parodique, ce cri sort mal. Il est le symbole d’une impuissance, d’un empêchement qui est celui du héros à sauver la femme qu’il aime. Le parallèle avec Vertigo est frappant. Non seulement Scottie échoue à sauver la femme qu’il aime à cause de sa phobie des hauteurs mais il en est guéri seulement lorsqu’il la tue. Dans Blow Out, la scène primitive est rejouée à l’identique dans la salle de projection à la fin du film mais remontée et remixée avec un vrai cri de terreur et de mort, celui de Sally. La scène fonctionne enfin à cause de cette greffe mais le prix à payer semble monstrueux car pour que le film gagne en puissance il faut que la jeune femme ait été tuée. L’homme est en effet impuissant à crier chez De Palma (dans Blow Out le cri de Travolta n’apparaît que sur l’affiche et reste donc muet). Par conséquent, il doit passer par le truchement de la femme. Le cri de la femme et sa dualité est une question sous jacente du cinéma de De Palma et du cinéma d’Hitchcock (pour qui acte d’amour et acte de mort se confondent, s’échangent). A la fin de Blow Out, Travolta a trouvé sa voix, sa place dans le monde, dans la vie. Certes il a trouvé l’amour mais l’a perdu, il a trouvé la vérité mais personne de l’écoute cependant ce qu’il a trouvé est vrai, humain. Le film raconte un parcours qui passe insensiblement du cinéma bis (cinéma phallocrate, pornographique) à un cinéma féminin, flottant, lunaire, enfantin un cinéma du vent, de l'invisible et de l'impalpable. Une métamorphose du réel par le féminin qui se heurte à la domination politique phallocrate mais qui sauve au moins le film de fiction au prix du sacrifice de cette femme.  

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La vie privée de Sherlock Holmes (The Private Life of Sherlock Holmes)

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1970)

La vie privée de Sherlock Holmes (The Private Life of Sherlock Holmes)

Film réalisé après plusieurs échecs successifs et amputé d'une bonne partie de son intrigue initiale (à l'origine il devait durer 4h), La vie privée de Sherlock Holmes respire la brume, le blues, l'amertume. Non que le film soit dépourvu d'humour. On retrouve les dialogues ciselés habituels chez Wilder et des quiproquos hilarants, comme celui superbement chorégraphié où lors d'une fête dans les coulisses de l'opéra des danseurs se substituent aux danseuses autour de Watson au fur et à mesure que la rumeur de son homosexualité se répand. Mais l'arrière-plan est crépusculaire. Cinéaste des faux-semblants, Wilder a voulu sonder le célèbre personnage de fiction à la perfection inhumaine et en révéler les failles. D'où la métaphore limpide du monstre du Loch Ness qui oblige à plonger sous la surface des eaux pour en explorer les profondeurs. Son Sherlock Holmes est mélancolique, drogué et impuissant. Sa relation ambiguë avec Watson est un paravent qui lui permet de fuir le contact avec l'autre sexe. Lorsque Ilse s'offre à lui nue mais sous une fausse identité (celle de Gabrielle Valladon), il se laisse abuser psychologiquement tout en restant physiquement paralysé. Une situation réitérée tout au long du film tel un leitmotiv douloureux. En témoigne la scène où ils se surnomment par leurs noms d'emprunt, ceux d'un couple marié, alors qu'ils dorment dans deux lits-couchettes de train, jumeaux mais séparés. Celle-ci fait écho en négatif au rapprochement transgressif des corps au sein de ces mêmes trains-couchettes propices à la promiscuité dans "Certains l'aiment chaud" et "Uniformes et jupons courts". On pense également à la scène où il trouve Ilse nue dans son lit et la recouvre. Rarement la sexualité réprimée n'aura été aussi finement évoquée. Cela ne rend que plus poignantes les déclarations d'amour muettes ou codées que s'envoient l'espionne et le détective car la distance qui les sépare est infranchissable.

Derrière Sherlock Holmes, c'est aussi en arrière-plan un autoportrait de Robert Stephens, grand acteur shakespearien écrasé durant toute sa carrière par la figure de Laurence Olivier et souffrant de troubles bipolaires, d'alcoolisme et d'addiction sexuelle. Les exigences de Billy Wilder l'ont tellement fragilisé qu'il a fait une tentative de suicide pendant le tournage, fragilité qui ressort dans le film.

Rajoutons que la reconstitution de l'époque victorienne est somptueuse grâce notamment au travail d'Alexandre Trauner sur les décors, absolument fabuleux.

Echec à sa sortie, "La vie privée de Sherlock Holmes" est devenu culte avec le temps et a inspiré à son tour d’autres oeuvres à commencer par la série "Sherlock"  dont les auteurs ont d’ailleurs dit que le film de Wilder était plus proche de l’esprit des histoires originales que les adaptations "canoniques". En se situant de nos jours, l’aspect sociopathe et déréglé du personnage ressort de façon encore plus évidente.

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Allô...Brigade spéciale (Experiment in Terror)

Publié le par Rosalie210

Blake Edwards (1962)

Allô...Brigade spéciale (Experiment in Terror)

Ayant peur d'être enfermé dans la comédie et désireux de prouver l'étendue de ses capacités, Blake Edwards décide au début des années 60 de changer de registre et de réaliser un film noir. De fait "Experiment in terror" (titre en VO) porte bien son nom. Il s'agit effectivement d'une expérimentation qui donne un résultat contrasté.

Le point fort du film ce sont les séquences virtuoses sur le plan technique comme la séquence inaugurale de l'agression dans le garage tournée quasiment en un seul plan où Edwards réussit à créer et à maintenir une tension remarquable alors que la scène est très longue. On retrouve de tels morceaux de bravoure ailleurs dans le film avec par exemple à la fin une séquence de poursuite dans la foule assez anthologique. La mise en scène s'appuie d'autre part sur une photographie N/B magnifique due au chef opérateur Philipp Lathrop et sur une musique tout aussi somptueuse d'Henri Mancini. Ce climat d'angoisse très réussi a vraisemblablement inspiré plus tard David Lynch: le quartier où vit la jeune femme se nomme Twin Peaks.

Mais la forme n'est pas tout et par bien des aspects, le film d'Edwards se limite à un brillant exercice de style. L'intrigue par exemple comporte des moments faibles plus ou moins bien camouflés par les mouvements virtuoses de la caméra (la séquence des mannequins). D'autre part l'un des scénaristes a tellement voulu magnifier le FBI où il avait travaillé quelques années plus tôt que le prétendu réalisme documentaire avec lequel est traité cette institution prête à sourire. Kelly la jeune femme agressée compose leur numéro et ô prodige, ne tombe pas sur un quelconque standard mais sur une huile qui de plus est ô miracle immédiatement disponible et se rend chez elle en moins d'une demi-heure. Un simple coup de fil et le FBI est à votre porte. Si c'est pas beau ça!

Mais la plus grande béance du film est l'absence totale d'épaisseur des personnages, aussi transparents les uns que les autres. Le refus de la psychologie est volontaire et a pour but d'épurer l'intrigue. Mais si cela fonctionne ponctuellement, cela affaiblit l'ensemble du film. Le tueur par exemple est un prédateur sexuel qui s'en prend à des jeunes femmes et les séquences où il est face à Kelly puis face à Toby sont réellement terrifiantes. Même si le code Hays était déjà affaibli à cette époque, Edwards ne pouvait pas tout montrer mais ce qu'il suggère (une main qui se promène sur un corps, l'obligation de se déshabiller devant lui) suffit à faire frémir. Mais hélas il ne peut maintenir durant tout le film ce climat de tension extrême puisque l'on ne peut s'attacher à ces femmes ni à qui que ce soit. Et on ne comprend pas davantage ce tueur qui d'un côté massacre des femmes et de l'autre joue les protecteurs avec celle qui a un enfant hospitalisé. C'est sur le point précis de la psychologie/psychanalyse que l'on mesure toute la distance qui sépare un Blake Edwards d'un Hitchcock. Experiment in terror a des points communs avec Psychose et Lee Remick fait terriblement penser à Tippi Hedren dans la scène de "viol" des Oiseaux. Mais Psychose et les Oiseaux sont au Panthéon du cinéma mondial et pas Expériment in terror et c'est pleinement justifié.

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Exotica

Publié le par Rosalie210

Atom Egoyan (1994)

Exotica

Le chef-d'oeuvre d'Egoyan commence fort dès le générique. Sur une magnifique musique orientalisante de Mychael Danna au rythme serpentin, hypnotique et lancinant, on suit en travelling un décor de jungle tropicale luxuriant, moite et étouffant. Sans rien savoir du film, nos sens et notre inconscient l'ont déjà décrypté: un voyage dans les fantasmes et les pulsions refoulées (donc exotiques) de chacun: voyeurisme, exhibitionnisme, inceste, meurtre etc. Le spectateur lui-même placé dans une situation voyeuriste se retrouve paradoxalement confronté à des personnages opaques, aux comportements énigmatiques et aux relations troubles. Chacun tente de domestiquer ses désirs en les pliants à un rituel codifié. Thomas drague de beaux garçons ethniquement typés (donc exotiques) en les invitant au ballet Romeo et Juliette de Prokofiev. Son spectacle à lui, c'est la contemplation de son voisin de siège sur la danse des chevaliers. L'ironie est que l'un d'entre eux l'a longuement observé derrière le miroir sans tain d'un aéroport au début du film. Francis se rend un soir sur deux à l'Exotica, un club de striptease pour faire danser Christina à sa table, une très jeune fille déguisée en collégienne. On le voit également donner de l'argent à Tracey, une autre très jeune fille qu'il ramène en voiture pour faire la baby-sitter d'une maison où il n'y a plus que des fantômes à garder. Le DJ de l'Exotica, Eric dévoré de jalousie tient des propos équivoques dès que Christina arrive sur scène et n'hésite pas à transgresser les règles du club au milieu du film, provoquant la pagaille. Le tout au grand dam de Zoé, la patronne qui croit que l'on peut gérer le désir et la sexualité de façon comptable mais qui voit ceux-ci lui échapper. Le film est donc une invitation à percer le mystère et à comprendre les motivations profondes de tous ces personnages à l'image de la chanson qui accompagne les prestations de Christina "Everybody knows" de Léonard Cohen. Les rituels s'apparentent en réalité à une cure psychanalytique où chacun vient soigner ses traumatismes. Tous ont un passé chargé, un héritage familial lourd à porter (Thomas, Zoé), ont été victimes d'abus dans leur enfance (Christina), ont perdu leur famille dans des circonstances tragiques (Francis), sont rongés par la culpabilité (Francis et son frère Harold), minés par une basse estime de soi et l'impossibilité de se réaliser (Christina et Eric) etc.
Ce film puzzle aux apparences trompeuses -le striptease annoncé est celui de l'âme et non celui du corps- appelle plusieurs visionnages qui loin de l'affadir le font monter en puissance.

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Le fils de Saul (Saul fia)

Publié le par Rosalie210

László Nemes (2015)

Le fils de Saul (Saul fia)

Sur le plan esthétique, le fils de Saul est dans ses premières minutes un choc visuel et surtout auditif. En jouant sur le flou de l'arrière-plan historique et le net de la fiction focalisée sur Saul tout en suggérant l'horreur par une bande-son très riche (ordres aboyés, cris, coups de feu...) le réalisateur met en place un dispositif immersif qui fonctionne sur quelques scènes: la première séquence de gazage et de crémation, vraiment puissante et celle des fosses en particulier. Mais le problème est que rapidement ce dispositif tourne à l'exercice de style un peu vain. L'aspect documentaire du film est flouté et trop à l'arrière-plan pour permettre au néophyte d'y comprendre quoi que ce soit alors que la fiction est d'une totale vacuité. Les personnages sont tous des pantins et malgré les intentions du réalisateur les motivations de Saul laissent de marbre. Sur le papier vouloir à toutes forces enterrer un enfant pour lui donner une sépulture digne (selon les croyances juives) peut séduire mais dans le film, cette idée plus cérébrale qu'autre chose ne marche jamais. D'autant qu'en dépit du titre, il n'existe aucun lien d'aucune sorte entre l'enfant et Saul qui l'a choisi juste parce qu'il a survécu quelques minutes après le gazage. Rajouter du macabre sur du macabre n'a jamais produit d'étincelle. Et l'on retrouve au final un tic agaçant de notre époque, la caméra à l'épaule qui à force de coller aux basques du personnage (façon frères Dardenne) et de nous boucher la vue finit par ressembler à un dispositif de jeu vidéo. L'imposture du film est particulièrement perceptible devant les corps bien portants des prisonniers, Saul en premier lieu. Très crédible, effectivement!

Les pistes intéressantes ne manquaient pas pourtant. La révolte des sonderkommando, évoquée vaguement en arrière-plan en était une. Mais le réalisateur qui a pourtant visiblement lu Des voix sous la cendre (les témoignages des sonderkommando enterrés près des crématorium et retrouvés après la guerre) est incapable de construire un vrai film de résistance. L'exemple des photos de crémation prises clandestinement en témoigne. Cet élément narratif noyé dans le brouillard comme les autres et abandonné très vite aurait pu être un fil directeur. Expliciter leur enjeu comme preuve du génocide alors que les nazis voulaient en effacer toutes les traces. Montrer comment elles étaient sorties du camp et avaient été rendues publiques. Comment aujourd'hui elles servent de référence à Auschwitz même. Mais rien dans ce film n'est creusé ni sur le plan historique, ni sur le plan mémoriel, ni sur le plan humain. Le réalisateur s'est contenté de jeter de la poudre aux yeux ce qui a suffi pour Cannes mais ne résiste pas à un examen un peu plus poussé.

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