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Articles avec #cinema canadien-quebecois tag

Oasis

Publié le par Rosalie210

Justine Martin (2022)

Oasis

Court-métrage québécois sensible et lumineux sur la fin de l'enfance lors d'un dernier été vécu comme un moment suspendu avant le retour au temps du réel, à la manière de "Tomboy" (2010). Tout fait penser dans ce film justement titré "Oasis" à une bulle d'insouciance avec les activités estivales en pleine nature, baignades, pédalo, pêche, camping, vélo, paddle etc. Le temps suspendu, c'est aussi le skatepark qui ouvre et ferme le court-métrage (on pense forcément un peu à Gus van SANT). Mais c'est aussi dans ce lieu que se profile la séparation des deux frères jumeaux de 14 ans Raphaël et Rémi que la réalisatrice connaît pour les avoir gardé quand ils étaient petits. En effet contrairement aux scènes dans les bois, celles qui se déroulent dans le skatepark forment un petit théâtre social qui souligne le décalage entre les deux frères. Le premier en train d'entrer dans l'adolescence, entouré de son groupe de skateurs et le second resté dans l'enfance en raison de son handicap, assis à l'écart occupé à gonfler des ballons et à les modeler. Comme souvent en pareil cas, celui des frères ou des soeurs qui n'est pas handicapé est appelé à jouer le rôle de protecteur et d'aidant. Dans le contexte du film de Justine MARTIN, ce rôle est mis à mal par le désir de s'intégrer au groupe et de grandir. C'est en naviguant entre ces différents pôles (temps suspendu/temps réel, nature/culture, fusion/séparation etc.) que le film trouve son centre de gravité.

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Tom à la ferme

Publié le par Rosalie210

Xavier Dolan (2014)

Tom à la ferme

Le quatrième film de Xavier DOLAN m'a fait l'effet d'un exercice de style bourré de références (à Alfred HITCHCOCK, à Stanley KUBRICK, à Brian DE PALMA, également au générique de "L'Affaire Thomas Crown" (1968) et au tango de "Happy Together") (1997). L'aspect positif, c'est que Xavier DOLAN n'hésite pas à s'aventurer dans des genres variés, ici le thriller psychologique pour renouveler son cinéma, même si celui-ci reste parfaitement reconnaissable (univers queer ou gay, figure de la mater dolorosa, goûts vintage, gros plans, musique signifiante). L'aspect négatif, c'est que l'on reste trop en surface, l'ensemble manque tout de même de substance. J'ajouterais également que le caractère souvent excessif du cinéma de Xavier DOLAN s'avère être ici un défaut. En mettant ses pas dans ceux de Alfred HITCHCOCK, il brouille le message du film qui ne traite plus vraiment de l'homophobie ordinaire des campagnes (ce qui était quand même son point de départ) mais du thème du double sur un mode sadomasochiste, le grand frère homophobe (Pierre-Yves CARDINAL) s'avérant être un véritable psychopathe. Cette outrance, à l'image d'un Tom (Xavier DOLAN) qui ne cesse de fuir pour mieux revenir se jeter dans les bras de son bourreau empêche de prendre tout à fait le film au sérieux. Film par ailleurs alourdi par quelques séquences explicatives dispensables.

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Simple comme Sylvain

Publié le par Rosalie210

Monia Chokri (2023)

Simple comme Sylvain

Des films sur les oppositions de classe sociale, j'en ai vu un certain nombre, dans le registre de la comédie le plus souvent et j'en ai conclu que c'est un terrain glissant voire miné tant il est propice aux clichés. Il comporte quand même son lot de réussites comme "Ainsi va l'amour" (1971) de John CASSAVETES ou dans un registre plus satirique "La Vie est un long fleuve tranquille" (1987) de Etienne CHATILIEZ. Sur "Simple comme Sylvain", je suis beaucoup plus réservée. J'ai apprécié le regard féministe, c'est si rare au cinéma de montrer la sexualité féminine de façon réaliste, c'est à dire avec une bonne connaissance du fonctionnement du corps féminin et des pensées et désirs propres à l'émoustiller (de quoi aider ce pauvre George Brassens à améliorer les statistiques de sa chanson "Quatre-vingt quinze pour cent"). En revanche le "choc des cultures" produit par la rencontre entre deux personnages aux prénoms-programmes, Sophia (sagesse) et Sylvain (forêt) s'il est au début du film très bien mené grâce à un ton alerte, s'essouffle sur la longueur. Surtout, il n'échappe pas à la caricature. Les deux personnages sont dépeints comme de purs produits de leur milieu social, ils sont unidimensionnels. Et ces milieux sont eux-mêmes uniformes. Sophia est une intello, donc forcément elle intellectualise tout et donc forcément son entourage est composé de snobs. Sylvain est un prolo, donc forcément il est inculte, ne marche qu'à l'instinct et a des goûts vulgaires à l'image de son entourage. C'est là qu'une autre réussite aurait fait du bien pour nuancer le tableau, "Le Gout des autres" (1999) d'autant que plus que le mépris de classe y est montré pour être mieux démonté. Dans "Simple comme Sylvain", on a la désagréable impression qu'il en est rien et que l'on rit beaucoup plus aux dépends de Sylvain, ses fautes de langage, son ignorance de la langue anglaise et ses goûts de "plouc" que de Sophia. Goûts de ploucs décrétés d'ailleurs par l'élite bien-pensante (j'ignorais que la République Dominicaine en faisait partie). Plus gênant encore, Sylvain s'avère être un traditionnaliste réac partisan de la peine de mort comme si le fait d'appartenir à la bourgeoisie intellectuelle était une garantie de progressisme. Un petit tour du côté de Pier Paolo PASOLINI et de Stefan Zweig rappelle qu'il n'en a rien été. Alors qu'à l'inverse des gens "simples" ont pu à la même époque agir avec une noblesse dont ces gens-là auraient été incapables.

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Mommy

Publié le par Rosalie210

Xavier Dolan (2014)

Mommy

Au début du film, j'ai cru que le format carré de l'image était dû à un mauvais paramétrage tant il restreint le champ, comme si on regardait à travers des oeillères. Mais il s'agit évidemment d'un choix esthétique reflétant l'enfermement des personnages en eux-mêmes et dans une vie sans perspectives. D'ailleurs le format ne change, temporairement, que deux fois. La première, c'est lors d'un rare moment de plénitude et d'harmonie durant lequel Steve, l'ado tourmenté roule sur la route en skateboard, casque sur les oreilles suivi de près par sa mère et l'amie de celle-ci à vélo sur "Wonderwall" du groupe Oasis, élargissant le cadre en écartant les bras. La deuxième fois, c'est sa mère qui rêve à une autre vie dans laquelle son fils deviendrait adulte et s'accomplirait dans ses études, dans sa vie sentimentale et en tant que père. Evidemment, il n'en est rien et le retour à la réalité est brutal. "Mommy" dépeint ainsi de rares moments de grâce au milieu de la relation fusionnelle et dysfonctionnelle qui unit envers et contre tout une mère cash, excentrique veuve et précaire et son fils, un adolescent TDAH complètement ingérable sur qui plane l'épée de Damoclès de l'internement. Les films de Xavier DOLAN décrivent souvent des relations hystériques ce qui parfois m'indispose. Cependant ici, il introduit un élément d'équilibre à travers le personnage de la voisine, Kyla qui devient l'amie, la confidente et le soutien du duo. Kyla qui est douce, posée, apaisante tout en étant ferme, attentive et peu loquace et pour cause, elle bégaie. Un défaut d'élocution qui ne semble pas de naissance mais lié à un traumatisme, la jeune femme ayant suspendu son activité d'enseignante et semblant coupé du reste de sa famille, laquelle comporte un membre manquant: son fils. Grâce à elle, une nouvelle famille prend corps, fragile, temporaire mais qui montre qu'un autre monde est possible et c'est justement cela qui élargit le cadre et donne quand même de l'espoir. J'ajoute que le duo des deux actrices fétiches de Xavier DOLAN, Anne DORVAL et Suzanne CLEMENT fonctionne extrêmement bien tant elles sont à la fois semblables et complémentaires. Antoine-Olivier PILON est tout aussi remarquable, rendant Steve tantôt aussi effrayant qu'une bête sauvage et tantôt attachant comme le petit garçon qu'il est encore par certains aspects. Bref, "Mommy" est le film de la maturité pour Xavier DOLAN qui sans renoncer à son identité, en maîtrise bien mieux les caractéristiques que dans ses premiers films (la bande-son des années 90, les ralentis sont bien mieux dosés et font tous sens au même titre que les relations entre protagonistes sont mieux équilibrées).

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Les Amours imaginaires

Publié le par Rosalie210

Xavier Dolan (2010)

Les Amours imaginaires

Ma première expérience avec le cinéma de Xavier DOLAN il y a douze ans avec "Laurence Anyways" (2011) avait été assez négative. Je n'avais vu que les "tics" de mise en scène du cinéaste. Depuis j'ai eu le temps de réviser mon jugement tout en découvrant sa filmographie (que je connais mal). J'ai choisi de regarder "Les amours imaginaires" en raison du fait qu'il est cité très souvent dans les numéros de l'émission d'Arte Blow Up qui est l'une de mes sources d'inspiration cinéphile. Soit en raison de sa symphonie chromatique (rouge, vert, bleu), soit en raison de sa musique, omniprésente avec des morceaux récurrents (la suite pour violoncelle de Bach, le "Bang, Bang" en version italienne chanté par Dalida). Le film s'abreuve à de multiples influences issues des autres arts, musique mais aussi peinture, sculpture, dessin, littérature et bien évidemment cinéma. Si Francis ne renvoie qu'à son interprète, Xavier DOLAN himself, les deux autres pôles de son triangle amoureux sont des fantasmes de cinéma sur pattes. Nicolas (Niels SCHNEIDER) est un éphèbe blond et bouclé, sosie de l'Orphée de Jean COCTEAU (cité) et du David de Michel-Ange (cité aussi). Marie (Monia CHOKRI, magnétique) est un mélange de Audrey HEPBURN (star qu'admire Nicolas) et de Maggie CHEUNG (les nombreux ralentis, les costumes et chignons vintage renvoient autant à Givenchy qu'à "In the Mood for Love") (2000). C'est peut-être une manière de signifier que Francis et Marie qui ont flashé en même temps sur Nicolas se font un film dans lequel ils sont eux-mêmes des stars de cinéma. Leur marivaudage et une partie de l'esthétique du film doit beaucoup à la Nouvelle vague française et à Jean-Luc GODARD en particulier (y compris le canotier qu'il porte dans le court-métrage de Agnes VARDA, "Les Fiances du pont Mac Donald") (1961). On pense aussi à "Jules et Jim" (1962) sauf que comme son titre l'indique, il n'y a pas d'amour dans le film de Xavier DOLAN*. Le seul sentiment authentique est l'amitié qui réunit Francis et Marie mais qui est menacée par leur rivalité pour obtenir les faveurs de Nicolas. Une rivalité attisée par ce dernier qui derrière son visage d'ange se révèle être plutôt maléfique, aimant attirer des proies pour s'amuser avant de les rejeter une fois lassé d'elles. Le bref aperçu de la relation entre Nicolas et sa mère séductrice (Anne DORVAL) laisse entendre que c'est là que se niche l'origine du rapport vicié qu'il entretient avec les autres. Toujours est-il que pour son deuxième film, Xavier DOLAN fait montre d'une grande maîtrise des possibilités offertes par l'outil cinématographique et dissèque avec une grande justesse les souffrances générées par l'illusion amoureuse ainsi que la perversité de leur bourreau, captant la moindre des expressions de leur visage en gros plan, y compris dans l'intimité qu'ils partagent avec quelqu'un qui n'est pas leur objet de désir.

* En cela il est plus lucide que le film de Christophe HONORE, "Les Chansons d'amour" (2007), cité lui aussi à travers le cameo de Louis GARREL.

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C.R.A.Z.Y.

Publié le par Rosalie210

Jean-Marc Vallée (2005)

C.R.A.Z.Y.

Lorsque j'ai rendu hommage à Jean-Marc VALLÉE, j'ai écrit à l'époque que je souhaitais revoir "C.R.A.Z.Y." dont je n'avais presque plus aucun souvenir. J'ignorais alors que le film était invisible depuis six ans en raison de problèmes de droits sur sa bande musicale très riche qui est absolument essentielle au film, tant pour marquer le passage du temps que pour exprimer les doutes de Zach sur son identité. Heureusement, ces droits (qui n'avaient été accordés que pour dix ans, Jean-Marc VALLÉE ayant même rogné son salaire pour gonfler celui de la musique) ont été renouvelés sans limite de durée ce qui signifie que le film est désormais sauvé dans son intégrité ce qui a permis sa restauration et sa ressortie, en DVD et VOD notamment.

"C.R.A.Z.Y." est le film qui a propulsé Jean-Marc VALLÉE sur le devant de la scène en raison de son énorme succès au Québec mais aussi parce qu'il s'agit du premier teen-movie mainstream qui aborde la question de l'homosexualité, quelques années avant l'éclosion de Xavier DOLAN. "C.R.A.Z.Y." est une chronique familiale s'étalant sur une vingtaine d'années, son titre faisant référence à la chanson de Patsy Cline dont est fan Gervais, le père de famille (Michel CÔTÉ) au point que ses cinq garçons ont un prénom dont l'initiale se compose d'une de ses lettres, d'où découle le titre du film (Christian, Raymond, Antoine, Zac et Yvan). Si trois d'entre eux se réduisent à un seul trait de caractère qui en font juste des éléments du décor (encore un problème de budget apparemment), les deux autres, Raymond et Zach sont les "déviants" qui se détestent d'autant plus que chacun est le miroir de l'autre. En témoigne leurs goûts musicaux, leur look rebelle et leur difficulté pour trouver leur place. Zac, le personnage principal qui est symboliquement né le jour de noël (coïncidence, Jean-Marc VALLÉE est également décédé ce même jour) et qui est interprété enfant par le fils de Jean-Marc Vallée doit refouler très tôt ses inclinations en raison du regard désapprobateur de son père qui essaie de le remodeler en fonction des normes viriles qu'il incarne. Il faudra donc beaucoup de temps à Zac pour s'affirmer et se faire accepter par lui contrairement à sa mère qui le traite avec bienveillance depuis son plus jeune âge. Quant à Raymond qui incarne jusqu'à la caricature la virilité mal dégrossie, son parcours tragique symbolise l'échec des tentatives de normalisation de Zac qui ne peut se libérer que lorsque "l'ennemi intime" s'efface de la scène. "C.R.A.Z.Y." est un film attachant même s'il comporte un certain nombre de maladresses et de longueurs.

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Matthias et Maxime

Publié le par Rosalie210

Xavier Dolan (2019)

Matthias et Maxime

Je ne suis pas très fan du style exubérant (pour ne pas dire hystérique) de Xavier DOLAN mais en lisant le pitch de "Matthias et Maxime", je me suis dit que cela allait être autre chose que le navrant "Do Not Disturb" (2011) de Yvan ATTAL (je n'ai pas vu le film original américain) qui bottait en touche et de ce fait ne dérangeait personne. Xavier Dolan -pour s'adresser au public le plus large possible et non comme les cinéastes gay du passé comme James WHALE ou Tod BROWNING par impossibilité de traiter le sujet frontalement- met beaucoup l'accent dans ses films sur la notion de différence et sur la difficulté à la vivre au sein d'une société conformiste. C'est particulièrement flagrant avec "Matthias et Maxime" qui brouille les frontières de l'orientation sexuelle à partir d'un postulat assez proche de "Do not Disturb": pour les besoins d'un film, deux amis d'enfance trentenaires -mais pas complètement adultes- qui se définissent comme hétéros sont amenés à s'embrasser ce qui a ensuite des répercussions sur l'ensemble de leur édifice identitaire. Le fait que le film soit réalisé par une fille beaucoup plus jeune qu'eux qui se définit comme "fluide sexuellement" (une fluidité qui se manifeste également dans son langage franglais assez coloré) joue un rôle important puisque c'est elle et son frère (qui héberge la bande de potes dont font partie les deux garçons dans son chalet et oblige, sans doute malicieusement, Matthias à la suite d'un gage à jouer dans le film de sa soeur) qui déclenchent la crise. Avec plus de retenue que dans les autres films que j'ai vu de lui (personnellement pour moi c'est une qualité), Xavier Dolan fait donc l'introspection des deux garçons, surtout de Matthias (Gabriel d'Almeida Freitas), le plus hétéronormé des deux. Maxime (qu'il interprète lui-même) avec sa tache de naissance sur le visage, ses origines modestes, son boulot de barman sans éclat et sa famille dysfonctionnelle, notamment sa mère dépressive qui le rejette et le manipule (jouée une énième fois par Anne DORVAL) est d'emblée présenté comme un "freak". Tout l'enjeu pour lui est de parvenir à quitter ce nid toxique dont Matthias fait partie. En effet, celui-ci est présenté avec sa mère Francine (Micheline BERNARD) et ses copines comme la famille d'adoption de Maxime mais le fait est que Matthias vient d'un milieu bien plus aisé et a bien réussi socialement et matériellement. Il est à l'orée d'une brillante carrière d'avocat d'affaires (comme son père) et a une compagne ainsi qu'un grand appartement. Donc il a beaucoup plus à perdre que Maxime qui n'a rien construit. Cela l'entraîne dans une véritable dérive (illustrée dans une scène de traversée à la nage d'un lac qui peut faire penser par exemple aux moyens qu'utilise Maurice dans le film de James IVORY pour refouler ses ardeurs) qui l'amène à se montrer de plus en plus absent, renfermé, agressif voire odieux, notamment vis à vis de son ancien ami qui l'obsède mais qu'il tente d'éviter le plus possible, puis qu'il rejette à plusieurs reprises, y compris après une scène d'intimité physique à laquelle il met fin de manière brutale. Comme il n'en est pas à une contradiction près, Matthias tente en même temps d'empêcher Maxime de partir. C'est pourquoi la fin, très ouverte, peut se prêter à toutes sortes d'interprétations même si l'on peut y voir "un nouveau départ" pour les deux garçons et une nouvelle inspiration pour une identité masculine sclérosée.

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Laurence Anyways

Publié le par Rosalie210

Xavier Dolan (2012)

Laurence Anyways

Le troisième film de Xavier Dolan est le premier que j'ai vu. Et à l'époque, je l'avais trouvé "too much". Trop long, trop hystérique, trop baroque, trop clipesque, et d'autant plus fatiguant à suivre qu'une partie des acteurs s'y exprime avec l'accent et les expressions québécoises. Il m'avait lessivé, littéralement. Dix ans plus tard, j'ai révisé ce jugement. Je trouve toujours que le film déborde de partout, à l'image du discours-fleuve que Xavier Dolan a écrit pour rendre hommage à Gaspard Ulliel. Mais ce caractère excessif fait aussi sa force. "Laurence Anyways" est un film puissant sur la question transgenre, un voyage au long cours (10 ans) d'un homme vers l'affirmation de sa véritable identité et le prix qu'il doit payer pour y parvenir puisque cette métamorphose entraîne un changement radical de vie. La marginalisation sociale du personnage est bien retranscrite à travers le poids des regards qui se posent sur lui en train de devenir elle au sein d'une institution hypocrite qui par souci de respectabilité le licencie. Son passage à tabac achève de le projeter dans un autre cercle social, celui d'un groupe d'artistes bohèmes semblables à lui en qui il va trouver une seconde famille (il fête noël avec eux, se fait soigner par eux etc.)

Mais la dimension la plus importante du film réside bien entendu dans les répercussions que la décision de Laurence de changer de sexe (Melvil Poupaud, un peu trop lisse pour le rôle à mon goût) va avoir sur son couple. C'est le grand mérite de Xavier Dolan d'avoir créé un personnage féminin fort, porté par la tornade Suzanne Clément (même si ça continue de me gêner de ne pas comprendre tout ce qu'elle dit) qui parvient à exister à ses côtés et à affirmer sa propre personnalité, laquelle s'avère incompatible avec ce qu'il est en train de devenir en dépit des sentiments très forts qu'elle a pour lui (et réciproquement). Derrière l'outrance tape-à-l'oeil de certains passages (je ne suis toujours pas fan de l'abus des ralentis et du "Fade to grey" du groupe Visage qui me fait penser à un clip Dior pour le château de Versailles), l'analyse de cette discordance qui entraîne Laurence et Fred toujours plus loin l'un de l'autre en dépit de quelques moments partagés hors du temps est vraiment bien vue car universelle. L'amour que se portent Laurence et Fred qui est de l'ordre de l'absolu est inconciliable avec le quotidien et appartient à la catégorie des amours impossibles. Pour en donner un équivalent, je citerait la trilogie de Frison-Roche ("Premier de Cordée", "La Grande Crevasse" et "Retour à la montagne") qui raconte l'histoire d'amour tragique d'un guide de montagne issu d'un milieu paysan et d'une bourgeoise, tous deux passionnés d'alpinisme. Comme Laurence et Fred s'offrant une parenthèse enchantée sur l'île au noir sous les vêtements libres de toute entrave volant au vent (une des plus belles séquences du film), Brigitte et Zian fusionnent lorsqu'ils se libèrent du carcan social, en haute altitude. Mais dès qu'ils redescendent dans la vallée, ils détruisent leur couple, le mode de vie de l'un excluant de facto l'autre. Le début du film repose ainsi sur des faux-semblants avec une Fred qui a imposé son mode de vie et dont la logorrhée ne laisse aucun espace d'expression à son compagnon jusqu'à ce que son cri primal lui coupe le sifflet lors d'une scène particulièrement puissante. Laurence croit ensuite qu'il va pouvoir garder Fred auprès de lui mais celle-ci ne trouve pas sa place dans son cheminement et s'étiole inexorablement, jusqu'à aller satisfaire ses désirs avec un autre, qu'elle n'aime pourtant pas. Cruauté que cette difficulté à concilier la tête, le coeur, le corps, les désirs, les sentiments, les besoins, l'éducation, le mode de vie, les aspirations qui fait la complexité et le tourment de l'âme humaine.

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Crash

Publié le par Rosalie210

David Cronenberg (1996)

Crash

Crash avait fait son petit effet en 1996 sur la Croisette. Il fallait alors choquer le bourgeois avec des codes narratifs porno chic (comme pour "La vie d'Adèle") et des personnages-figurines interchangeables dignes du marquis de Sade c'est à dire tellement blasés que seul le martyre de leur chair pouvait leur faire ressentir quelque chose. Le film n'offre en effet qu'une succession de scènes érotico-morbides répétitives, prévisibles  (deux hommes, trois femmes et autant de possibilités) et qui ne renvoient à rien d'autre qu'aux moeurs échangistes et SM de ce petit club de nantis que seule la tôle froissée et la viande cabossée parvient à exciter. On voit assez bien où David Cronenberg veut en venir avec ses plans de jambes et de cuisses abîmées et gainées par du métal et cette succession de scènes de sexe mécanique. Le film renvoie au fantasme d'un dépassement de l'humain par la technologie, bref au transhumanisme dont Julia Ducournau est de nos jours une héritière. Mais il ne se donne pas les moyens de ses ambitions tant le scénario tourne à vide et tant les personnages sont ectoplasmiques (sauf au niveau des pulsions primaires). Il serait peut-être temps de replacer ces fantasmes de toute-puissance propres aux nantis (comme ceux concernant l'espace) dans la réalité, celle d'une nature que la civilisation occidentale veut dominer et dont elle veut s'affranchir mais qui la rattrape inexorablement. Aujourd'hui un tel film, fruit de son époque fait surtout "Pschitt". On est à des années-lumière de l'érotisme subtil de "La Leçon de Piano" (pour Holly Hunter), de "Sexe, Mensonges et Vidéo" (pour James Spader) ou de "Exotica" (pour Elias Koteas). 

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Guest of Honour

Publié le par Rosalie210

Atom Egoyan (2019)

Guest of Honour

Après Terry GILLIAM, j'ai continué sur le thème "ex cinéastes de génie aujourd'hui en perdition" avec le dernier film de Atom EGOYAN qui pour mémoire n'est même pas passé par le grand écran dans de nombreux pays (dont la France) où il est sorti directement en VOD. Si je rapproche ces deux cinéastes, c'est aussi parce que "Guest of honour" a pas mal de points communs avec "Exotica" (1994) comme "Zero Theorem" (2013) en a avec "Brazil" (1985) comme si ces cinéastes tentaient de renouer avec la formule magique de leurs meilleurs films, ceux qui firent leur gloire dans les années 80 et 90. Hélas, dans un cas comme dans l'autre, ils ne livrent qu'une pâle copie. Par un pur effet de hasard, il se trouve que David THEWLIS joue dans ces deux films mais il a le rôle principal de "Guest of honour" et sans jeu de mots, il réussit à sauver l'honneur de ce long-métrage qui se perd un peu dans les sables. En voulant créer un mystère autour de la relation entre un père psycho rigide et sa fille qui s'accuse d'un crime qu'elle n'a pas commis, Atom EGOYAN s'enlise dans les pistes d'explication qu'il ouvre mais qu'il n'approfondit jamais, finissant par créer de la confusion voire des incohérences, surtout en ce qui concerne Veronica (Laysla DE OLIVEIRA) dont le comportement est difficilement déchiffrable. Le père Jim (David THEWLIS donc) est plus facile à suivre au travers de la manière plutôt discutable dont il exerce son métier de contrôleur pour le ministère de la santé publique en inspectant les restaurants et leur délivrant (ou non) le sésame pour qu'ils puissent continuer leur activité. Les thèmes de la honte et de la culpabilité étant récurrents chez Atom EGOYAN, il faut toujours qu'il y ait quelque part dans ses films un contrôleur ou un inspecteur qui trouve "la faute" et désigne "les fautifs" avant que l'on ne découvre que le premier des "fautifs", c'est lui, toujours au travers d'une relation dysfonctionnelle avec sa fille. C'était la trame de "Exotica" (1994) mais aussi d'un autre film majeur du cinéaste, "De beaux lendemains" (1997). On retrouve donc cette trame inchangée ou presque dans "Guest of honour". Sauf que comme je le disais précédemment, Atom EGOYAN ne maîtrise pas bien les différentes nappes de temporalité qu'il met en scène (des changements de filtres de couleur et deux acteurs enfants ne suffisent pas à donner l'impression de revenir vingt ans en arrière) et n'approfondit pas ses personnages (en particulier les hommes qui tournent autour de Veronica) ce qui rend sa démonstration plutôt laborieuse, inutilement surchargée par des éléments dont la symbolique nous échappe (le lapin).

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