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Allô...Brigade spéciale (Experiment in Terror)

Publié le par Rosalie210

Blake Edwards (1962)

Allô...Brigade spéciale (Experiment in Terror)

Ayant peur d'être enfermé dans la comédie et désireux de prouver l'étendue de ses capacités, Blake Edwards décide au début des années 60 de changer de registre et de réaliser un film noir. De fait "Experiment in terror" (titre en VO) porte bien son nom. Il s'agit effectivement d'une expérimentation qui donne un résultat contrasté.

Le point fort du film ce sont les séquences virtuoses sur le plan technique comme la séquence inaugurale de l'agression dans le garage tournée quasiment en un seul plan où Edwards réussit à créer et à maintenir une tension remarquable alors que la scène est très longue. On retrouve de tels morceaux de bravoure ailleurs dans le film avec par exemple à la fin une séquence de poursuite dans la foule assez anthologique. La mise en scène s'appuie d'autre part sur une photographie N/B magnifique due au chef opérateur Philipp Lathrop et sur une musique tout aussi somptueuse d'Henri Mancini. Ce climat d'angoisse très réussi a vraisemblablement inspiré plus tard David Lynch: le quartier où vit la jeune femme se nomme Twin Peaks.

Mais la forme n'est pas tout et par bien des aspects, le film d'Edwards se limite à un brillant exercice de style. L'intrigue par exemple comporte des moments faibles plus ou moins bien camouflés par les mouvements virtuoses de la caméra (la séquence des mannequins). D'autre part l'un des scénaristes a tellement voulu magnifier le FBI où il avait travaillé quelques années plus tôt que le prétendu réalisme documentaire avec lequel est traité cette institution prête à sourire. Kelly la jeune femme agressée compose leur numéro et ô prodige, ne tombe pas sur un quelconque standard mais sur une huile qui de plus est ô miracle immédiatement disponible et se rend chez elle en moins d'une demi-heure. Un simple coup de fil et le FBI est à votre porte. Si c'est pas beau ça!

Mais la plus grande béance du film est l'absence totale d'épaisseur des personnages, aussi transparents les uns que les autres. Le refus de la psychologie est volontaire et a pour but d'épurer l'intrigue. Mais si cela fonctionne ponctuellement, cela affaiblit l'ensemble du film. Le tueur par exemple est un prédateur sexuel qui s'en prend à des jeunes femmes et les séquences où il est face à Kelly puis face à Toby sont réellement terrifiantes. Même si le code Hays était déjà affaibli à cette époque, Edwards ne pouvait pas tout montrer mais ce qu'il suggère (une main qui se promène sur un corps, l'obligation de se déshabiller devant lui) suffit à faire frémir. Mais hélas il ne peut maintenir durant tout le film ce climat de tension extrême puisque l'on ne peut s'attacher à ces femmes ni à qui que ce soit. Et on ne comprend pas davantage ce tueur qui d'un côté massacre des femmes et de l'autre joue les protecteurs avec celle qui a un enfant hospitalisé. C'est sur le point précis de la psychologie/psychanalyse que l'on mesure toute la distance qui sépare un Blake Edwards d'un Hitchcock. Experiment in terror a des points communs avec Psychose et Lee Remick fait terriblement penser à Tippi Hedren dans la scène de "viol" des Oiseaux. Mais Psychose et les Oiseaux sont au Panthéon du cinéma mondial et pas Expériment in terror et c'est pleinement justifié.

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