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Articles avec #drame tag

Saint-Laurent

Publié le par Rosalie210

Bertrand Bonello (2014)

Saint-Laurent

J'ai vu les 2 films consacrés à Saint-Laurent à leur sortie au cinéma et je les ai trouvés complémentaires. Le point fort du film de Bonello est assurément dans sa forme, éblouissante. C'est un véritable film d'esthète, délicat et raffiné comme l'était Saint-Laurent. L'art sous toutes ses formes est omniprésent des figures d'identification comme Marcel Proust et Maria Calas aux peintres qui l'inspirèrent d'une manière ou d'une autre (Warhol, Mondrian, Matisse...) sans oublier le cinéma de "Madame De..." aux "Damnés" de Visconti dont l'un des principaux acteurs, Helmut Berger joue YSL vieux. Bonello fait preuve d'inventivité dans sa mise en scène pour relier la culture de Saint Laurent à sa création. L'exemple le plus évident est le défilé des ballets russes de 1976 où l'écran est découpé comme une toile de Mondrian, rappelant ainsi la collection qui lança sa carrière dans les années 60.

Le film de Bonello insiste également beaucoup sur le comportement autodestructeur de Saint-Laurent, son addiction à la drogue, à l'alcool et aux pratiques sexuelles à risque. Il met particulièrement bien en lumière le sulfureux personnage de dandy décadent Jacques de Bascher (joué par Louis Garrel) qui comme Klaus Nomi et tant d'autres fut balayé par l'épidémie de sida. Néanmoins comme le dit YSL âgé, chaque fois qu'il est tombé dans les escaliers, il a réussi à se relever. C'est la force d'YSL qui est une sorte de phénix qui renaît toujours de ses cendres. Sa fragilité et son incapacité à s'adapter au monde réel sont équilibrées par sa créativité et sa capacité à rebondir.

Le film de Bonello n'est cependant pas exempt de défauts. Il est très long et décousu ce qui est un comble pour un biopic consacré à un grand couturier. Il est parfois répétitif et trop clipesque. Il est plein comme un œuf de détails et de personnages survolés (la mère par exemple jouée par Valérie Donzelli puis Dominique SANDA ne fait que passer, les égéries sont peu mises en valeur sans parler des employés de sa maison de couture qui sont interchangeables). Le plus gros raté provient de l'incapacité de Bonello à traiter la relation avec Bergé alors que c'était le point fort du film de Lespert. De façon plus générale, le film manque d'incarnation humaine et se rapproche de l'art pour l'art avec une fascination complaisante pour le vice et la décadence (une obsession de ce réalisateur) ce qui met trop à distance le spectateur.

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Shining (The Shining)

Publié le par Rosalie210

Stanley Kubrick (1980)

Shining (The Shining)

Je ne suis pas d'accord avec tous ceux qui pensent que Shining n'est pas un film effrayant. En 1980, il faut croire qu'il n'existait aucun filtrage des bandes-annonces en fonction du public ciblé. Car c'est juste avant la projection de "Blanche-Neige et les 7 nains" que j'ai eu tout à coup cette vision traumatique qui m'a poursuivie pendant des années: celle d'une pièce se remplissant de sang. J'ai gardé de cette expérience une répulsion pour les motifs et couleurs seventies (l'orange et le marron surtout) ainsi que pour les longs couloirs.

En dehors des grimaces outrancières de Nicholson (que l'on peut diversement apprécier mais qui sont caractéristiques du "masque kubrickien" que l'on retrouve dans "Orange mécanique" ou "Full Metal Jacket"), l'horreur n'est pas démonstrative, elle est plutôt tapie dans l'ombre ce qui crée un climat de tension troué de temps à autre par des images subliminales d'horreur pure. La comparaison de l'hôtel avec un cerveau malade s'impose d'autant plus que l'on passe l'essentiel du temps à en suivre les méandres labyrinthiques avec une répétition obsessionnelle (à l'image de la phrase unique que Jack écrit à longueur de journée sur sa machine).Le surgissement brusque de flots d'hémoglobine dans le dédale de couloirs et de pièces froidement géométriques peut s'interpréter de plusieurs façons. On peut y voir le triomphe des pulsions sur la rationnalité mais aussi l'expression d'un inconscient refoulé fait de crimes. L'hôtel Overlook est en effet un lieu maudit dès l'origine puisque le site a été volé aux indiens. Par conséquent il n'est guère étonnant que son gardien se mue en criminel autodestructeur. Enfin et paradoxalement, le sang représente aussi la vie. Jack s'est en quelque sorte enterré vivant avec sa femme et son fils dans le huis-clos de l'hôtel coupé du monde. Mais le petit Danny possède le shining, la lueur intérieure qui lui permet de briser son isolement en communiquant avec le passé, le futur et les autres êtres ayant le même don. Dont le chef cuisinier de l'hôtel, un "nègre" pour reprendre l'expression du précédent gardien, Grady que l'on devine profondément raciste. C'est pour empêcher l'intrus -l'altérité- de pénétrer son foyer (l'Amérique blanche) que Jack bascule dans la folie meurtrière tentant par tous les moyens d'empêcher sa femme et son fils de s'échapper. Peine perdue, il rejoindra les fantômes pour l'éternité mais seul.

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Minuit dans le jardin du bien et du mal (Midnight in the Garden of Good and Evil)

Publié le par Rosalie210

Clint Eastwood (1997)

Minuit dans le jardin du bien et du mal (Midnight in the Garden of Good and Evil)

C'est un film qui m'a marquée, non pour son histoire assez confuse mais pour l'étrangeté de son atmosphère, un "Autant en emporte le vent sous mescaline" pour reprendre l'expression du seul personnage extérieur de l'histoire, John Kelso joué par John Cusack. Celui-ci est un journaliste new-yorkais des plus rationnels qui va se laisser envoûter par la moiteur sudiste de la ville de Savannah et l'ambivalence romanesque et haute en couleurs de ses habitants. Lui-même en effet est double puisque sa vocation de romancier va revenir le titiller au contact de cet univers plein de mystère où les contraires se côtoient pour le meilleur et pour le pire. Les vivants communiquent avec les morts, le raffinement des mœurs cache une violence sauvage alors que les normes sexuelles et genrées sont profondément bousculées. Jim Williams (joué par Kevin Spacey) est un notable qui cache son homosexualité jusqu'à ce que celle-ci ne sorte du placard ou plutôt de l'horloge de façon fracassante. Son amant Billy (joué par Jude Law) est une petite frappe entretenue prête à tout faire exploser sur son passage. Lady Chablis, connaissance de Billy est une drag-queen aussi extravagante et irrévérencieuse que touchante. Et enfin Minerva est une sorte de prêtresse vaudou dont le talent occulte permet à John Kelso de se frayer un chemin dans un maquis de mensonges, demi-vérités et désillusions.

Film d'atmosphère et étude d'un milieu quasi ethnographique, le film n'en est pas moins tiré de faits réels qui furent par la suite romancés. S'il est un peu trop long, sa profonde originalité mérite le détour.

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Brève rencontre (Brief Encounter)

Publié le par Rosalie210

David Lean (1945)

Brève rencontre (Brief Encounter)

Les affres d'une passion impossible racontée avec maestria par David Lean dont c'est le quatrième film et le premier succès international. C'est aussi le canevas de ses futurs films, y compris les superproductions qui feront sa renommée car elles conserveront cet aspect intimiste si brillamment mis en scène dans ses premiers films britanniques.

Brève rencontre se joue sur deux théâtres qui sont aussi deux facettes contradictoires et incompatibles entre elles de l'expérience humaine. D'un côté le théâtre du train-train quotidien, paisible et sans surprise qui est aussi celui des relations sociales et du foyer conjugal et familial. C'est pour l'essentiel un monde d'apparences, d'incommunicabilité (L'amie qui s'incruste et impose son bavardage futile sans se rendre compte qu'elle est indésirable, le mari qui fait des mots croisés et n'écoute pas sa femme sauf à la fin ce qui est trop beau pour être honnête), de vacuité, d'ennui profond. De l'autre, le théâtre de l'aventure, du voyage, du frisson, de l'exaltation incarné par la gare et ses trains en partance pour un ailleurs où chacun le sait l'herbe est plus verte. On passe facilement de l'un à l'autre car le film adopte le point de vue de l'héroïne, Celia Johnson, et nous fait entendre ses pensées les plus intimes.

C'est sans le vouloir, sans même s'en rendre compte que cette mère de famille à la vie terne qui assouvit sa soif d'exotisme et d'émotions fortes dans la littérature et le cinéma va basculer dans cette deuxième dimension. A l'origine de ce basculement, sa rencontre avec le médecin Alec Harvey, lui aussi un tempérament passionné en quête de sensations fortes. Mais leur histoire, basée sur une réelle complicité est condamnée dès l'origine à n'exister que dans les interstices que leur laisse la vie quotidienne et sous la menace constante d'être découverte. La souffrance et le stress qui en résultent finissent par avoir raison de leur relation, laquelle n'est même pas consommée. On peut déplorer que les mœurs de l'époque fassent peser une telle chape de culpabilité sur les héros et rendent leur histoire impossible mais les histoires flamboyantes sont souvent à ce prix. Pensons à 'In the mood for love" ou encore à "Sur la route de Madison" où l'on retrouve un adieu qui ne peut s'exprimer verbalement ce qui le rend d'autant plus bouleversant.

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Harry Potter et l'ordre du Phénix (Harry Potter and the Order of the Phoenix)

Publié le par Rosalie210

David Yates (2007)

Harry Potter et l'ordre du Phénix (Harry Potter and the Order of the Phoenix)

Avec l'adaptation du tome 5 de la saga Harry Potter commence le règne sans partage de David Yates. Il réalisera en effet tous les films ultérieurs et a récemment remis le couvert pour le premier opus du spin-off des "Animaux fantastiques".

On comprend pourquoi ce réalisateur donne toute satisfaction aux producteurs et aux fans. Comme Christopher Colombus, c'est un élève appliqué qui produit des films parfaitement impersonnels calibrés pour ne pas faire de vagues. Une impression renforcée par les effets numériques qui gomment toutes les aspérités de l'image. Par conséquent l'adaptation du tome 5 est non seulement fade et décevante mais elle caricature tellement le livre qu'elle finit par le trahir.

Il faut dire que le tome 5 est beaucoup plus difficile à adapter que les précédents en raison de sa longueur et de sa complexité. S'il est plutôt mal-aimé c'est en raison de sa richesse, de ses subtilités et du comportement désagréable de Harry, en pleine crise d'adolescence. Tous aspects qui n'existaient pas dans le tome 4, plus axé sur l'action que sur la réflexion. Le tome 5 qui dresse le portrait saisissant d'un ado révolté rejeté de partout accentue la foncière ambivalence qui caractérise chacun de nous. Des membres de l'Ordre du Phénix poursuivant le même objectif (Sirius et Rogue) peuvent se haïr au point de chercher à s'entretuer, les êtres bafoués (Rogue et Kreattur) par le mépris de ceux qui se réclament du bien (James et Sirius) peuvent basculer dans les ténèbres. Parallèlement le livre dresse un panorama approfondi des mécanismes du totalitarisme au travers de la paranoïa du ministre de la magie, Cornelius Fudge (inspiré par Chamberlain célèbre pour s'être couché devant Hitler) ainsi qu'au travers de la figure fascistoïde de Dolorès Ombrage, nouvelle dame de fer en collants roses dont les méthodes coercitives et le sadisme n'ont rien à envier au 1984 de George Orwell.

Tout cela étant jugé trop complexe et mature pour le grand public, le film choisit de simplifier au maximum le livre. En rendant seulement comique le personnage d'Ombrage on ne prend plus au sérieux les aspects politiques du livre. D'autre part, le public étant jugé trop bête pour saisir l'implicite, on souligne lourdement les sentiments. Par exemple dans le livre, lorsque Harry est possédé par Voldemort il pense qu'il va mourir et qu'ainsi il retrouvera Sirius. Le lecteur doit alors comprendre par lui même que l'élan d'affection d'Harry pour son parrain brûle Voldemort au point de l'obliger à lâcher prise. Dans le film, Harry dit qu'il possède l'amour et l'amitié ce que Voldemort n'aura jamais. Or JK Rowling déteste tant les paroles creuses que dans le livre lorsque Dumbledore veut consoler maladroitement Harry, il augmente sa fureur. Harry finit par tout casser dans son bureau et se retient de lui sauter à la gorge. Un aspect trop dérangeant savamment gommé. Daniel Radcliffe, plus raide et inexpressif que jamais contribue à rendre le film insipide et inoffensif.

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La Captive aux yeux clairs (The Big Sky)

Publié le par Rosalie210

Howard Hawks (1952)

La Captive aux yeux clairs (The Big Sky)

"La captive aux yeux clairs" est le deuxième western réalisé par Howard Hawks. Comme "La rivière rouge" il se situe dans les grands espaces au contraire de la trilogie de westerns de chambre qu'il réalisera après ("Rio Bravo", "Eldorado" et son dernier film "Rio Lobo"). Il s'inspire du début du roman d'A. B. Guthrie et nous raconte un épisode clé de la conquête de l'ouest dans le premier tiers du XIXeme siècle: la rivalité entre les peuples pour l'appropriation du territoire et de ses richesses. Certes, les français ont perdu leurs colonies américaines au XVIIIeme siècle mais ils sont toujours présents dans ce qui fut "La nouvelle France" et dont la frontière avec le monde sauvage qui reste à conquérir se situe sur le Mississipi. L'´expédition du capitaine Jourdonnais espère doubler la compagnie anglo-saxonne qui monopolise le commerce des fourrures en remontant le cours du fleuve Missouri jusqu'au pied des Rocheuses, là où vivent les indiens Blackfoot. Pour entrer en contact avec eux, ils ont trois atouts que n'ont pas leurs rivaux: une princesse indienne, Teal-Eye (Elizabeth Threatt) capturée par une tribu adverse qu'ils ramènent chez elle, un indien un peu zinzin surnommé "poor devil" qui s'est égaré sur leur camp et enfin Zeb Calloway (Arthur Hunnicutt), un vieil aventurier marginalisé parce qu'il parle l'idiome Blackfoot ce qui en fait un "hybride". Le neveu de Zeb, Boone (Dewey Martin) et son ami insérapable Jim (Kirk Douglas), deux jeunes trappeurs un peu têtes brûlées sont du voyage.

Tout l'art de Hawks et de mêler à ce contexte historique des enjeux intimes. Le road-movie ou plutôt "fluvial movie" devient un parcours initiatique épousant le rythme nonchalant du cours d'eau. Grandir c'est accepter l'Autre (l'indienne et la femme) ce qui implique la séparation du Même. Boone choisit de quitter son ami et sa communauté pour vivre avec les indiens, esquissant une autre forme de société possible, basée sur le multiculturalisme.

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Le Troisième homme (The Third Man)

Publié le par Rosalie210

Carol Reed (1949)

Le Troisième homme (The Third Man)

Sans Orson Welles, "Le troisième homme" se réduirait à un brillant mais un peu vain exercice de style entre film noir néo-expressionniste et formalisme russe à la Eisenstein dans les ruines viennoises de l'après-guerre. Ses entrées en scène ultra-théâtralisées donnent à ce film la dimension charnelle qui lui manque par ailleurs. Comment oublier l'expression de son visage lorsqu'il est démasqué sur le pas de la porte puis au sommet de la grande roue ou encore sa traque animale dans les égouts? On en comprend d'autant mieux le dernier plan où Anna Schmidt (Alida Valli) passe devant Holly Martins (Joseph Cotten) sans lui accorder un regard après l'avoir dans le reste du film confondu (nié même) en l'appelant avec le prénom de son ancien amant. Face au monstre d'amoralité mais aussi de présence qu'est Harry Lime (Orson Welles) Holly Martins ne fait vraiment pas le poids, lui, le petit écrivain de romans à 4 sous dont le charisme est inexistant, au point de vider la salle de son audience lorsqu'il y fait une conférence.

La moralité de l'histoire est parfaitement résumée par Harry (et c'est Orson qui en a eu l'idée): "L'Italie sous les Borgia a connu 30 ans de terreur, de meurtres, de carnage...mais ça a donné Michel-Ange, de Vinci et la Renaissance. La Suisse a connu la fraternité, 500 ans de démocratie et la paix. Et ça a donné quoi? Le coucou!" Merci Orson d'avoir donné une âme à ce film qui sinon n'aurait laissé dans les mémoires qu'une ritournelle de cithare un peu trop détachée pour être honnête.

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Le Fils du désert (Three Godfathers)

Publié le par Rosalie210

John Ford (1948)

Le Fils du désert (Three Godfathers)

Quoiqu'on en dise, "Le fils du désert" est une pépite. Son apparente simplicité, sa supposée naïveté, les critiques sur sa lenteur, ses invraisemblances ou son symbolisme appuyé, bref tout ce qui dérange dans ce film atypique cache le fait qu'il s'agit avant tout de l'œuvre d'un immense cinéaste.

Il ne s'agit pas d'un western classique. En réalité Ford utilise les codes du genre, du moins au début pour ensuite emmener le spectateur dans une autre direction que l'on pourrait qualifier de mystico-biblique. A l'image des 3 hors-la-loi contraints par leur acte délictueux de quitter le chemin balisé pour s'enfoncer toujours plus loin dans le désert et l'inconnu.

En réalité la dimension religieuse et humaniste du film est présente dès le début lors d'une scène anodine en apparence mais à forte teneur symbolique pour la suite de l'histoire. On y voit les 3 brigands sympathiser puis prendre un café avec un couple de part et d'autre d'une barrière. Le repas partagé est un rite religieux commun aux trois monothéismes permettant de rapprocher les hommes qui se reconnaissent ainsi frères en humanité. La barrière est à l'inverse la Loi qui sépare ceux qui la bafouent de ceux qui la font respecter. L'homme qui a offert l'hospitalité aux 3 brigands n'est autre que le shérif de la ville de "Welcome" (Ward Bond): il leur tend la main. Les brigands braquent la banque: ils rejettent la main offerte. L'un d'entre eux, William dit le "Kid d'Abilène" (Harry Carey Jr, fils de l'acteur qui avait joué dans une adaptation antérieure muette, perdue) sera même blessé à cet endroit.

Ayant perdu le (droit) chemin, ils sont condamnés à errer dans le désert jusqu'à ce qu'ils se rachètent. Un chemin de croix certes mais aussi une quête spirituelle. Le désert est un haut lieu de méditation depuis les premiers moines chrétiens qui s'y réfugièrent au IVeme siècle après JC pour protester contre les dérives de l'Eglise et s'unir à Dieu. C'est avec une partie inconnue ou refoulée d'eux-mêmes que ces trois hommes font connaissance. Celle du shérif si pacifiste qu'il s'appelle "B. Sweet". Celle qui va leur faire rendre les armes, donner des biberons et chanter des berceuses. Celle qui mènera leur âme (à défaut de leur vie pour deux d'entre eux) à bon port. Cette rencontre avec le divin prend la forme d'une mission: sauver un nouveau-né que la mère abandonnée et mourante a remis entre leurs mains en faisant d'eux leurs parrains ("godfathers" en vo). À partir de ce moment, les signes de grâce se multiplient: l'étoile du berger se met à briller dans le ciel, les élevant au rang de rois; ils trouvent une bible qui devient leur guide en s'ouvrant miraculeusement à la bonne page; la gourde d'eau semble se remplir toute seule alors qu'ils sont torturés par la soif; l'enfant entre leurs mains ne semble souffrir d'aucune privation ni excès de chaleur; les images épurées, dépouillées atteignent un degré de beauté confinant au sublime.

La boucle est alors bouclée lorsque Bob (John WAYNE) atteint avec l'esprit de ses camarades la nouvelle Jérusalem. Le lien entre la communauté et lui est désormais scellé par l'enfant qui porte son nom et les prénoms des trois ex-brigands. La communauté lui pardonne et il peut entrer dans la famille du shérif dont il a sauvé l'héritier (l'enfant est le fils de la nièce de son épouse). Une alliance par "le pain et le sel" qui est réitérée, la barrière en moins.

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Steamboy (Suchīmubōi)

Publié le par Rosalie210

Katsuhiro Otomo (2004)

Steamboy (Suchīmubōi)
Visuellement c'est bluffant, scénaristiquement beaucoup moins. Beaucoup de bruit pour rien en quelque sorte. 10 ans d'élaboration qui font ainsi pschitt c'est dommage.

Pourtant l'idée de transposer "Akira", œuvre post apocalyptique culte dans un univers steampunk à la Jules Verne avait de quoi susciter de grands espoirs. De fait le résultat technique est grandiose. La société victorienne est reconstituée avec beaucoup de minutie, les machines sont plus fascinantes les unes que les autres et il y a de grands morceaux de bravoure où on en prend plein les mirettes, notamment à la fin lors de (l'auto)destruction de la tour steam qui entraîne la glaciation d'une partie de Londres.

Le problème, c'est que toute cette débauche visuelle a été réalisée au détriment de l'histoire et des personnages. Le conflit intra-familial autour de l'utilisation des innovations technologiques était pourtant une excellente idée, une sorte de réactualisation de la tragédie des Atrides à l'ère de la vapeur. Hélas, les personnages ne sont pas cohérents, leurs motivations sont floues ce qui introduit la confusion. Le grand-père semble s'opposer à la récupération de ses inventions pour des intérêts politiques ou économiques mais sa quête de puissance est tout aussi démente que celle de son fils. Quant au petit-fils, il apparaît surtout comme un pion que s'échangent les deux patriarches et leurs camps respectifs (bonnet blanc et blanc bonnet tellement les inventeurs artisanaux semblent aussi cupides et mesquins que les riches industriels). Les autres personnages, trop nombreux, sont tout aussi mal ficelés. Scarlett par exemple nous est présentée comme une insupportable fille à (très riche) papa avant de se transformer sans transition en courageuse héroïne. Les questions éthiques sont traitées de façon tout aussi superficielles. Bref le travail de fond est bâclé ce qui fait de cet animé une énorme usine à gaz sans âme.
 

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La Victime (Victim)

Publié le par Rosalie210

Basil Dearden (1961)

La Victime (Victim)

"C'est incroyable de penser que faire ce film ait pu être considéré comme un acte courageux, osé ou dangereux. A l'époque il était les trois à la fois." Dirk Bogarde savait de quoi il parlait car le rôle de Melville Farr était une sorte de mise en abyme de sa propre vie. Bogarde contrairement à son personnage ne s'était pas marié mais il vivait quand même dans le mensonge, du moins dans sa vie publique. Il jouait en effet les jeunes premiers pour midinettes et s'affichait avec des femmes séduisantes pour mieux cacher qu'il était en couple avec un autre homme. En acceptant le premier rôle d'un film engagé n'hésitant pas à appeler un chat un chat, Bogarde prit un risque qui s'avéra déterminant pour la suite de sa carrière. Les Losey et autres Visconti le repérèrent et lui offrirent les rôles majeurs qui l'ont fait passer à la postérité.

"Victim" date de 1961. À cette époque en Angleterre, l'homosexualité jugée comme une perversion contre-nature (on parle "d'invertis") est passible de prison. De sombres individus en profitent pour exercer un odieux chantage sur les homosexuels qui pris entre le marteau (la police) et l'enclume (les maîtres-chanteurs) sont nombreux à se suicider. Mi film noir, mi étude de mœurs, "Victim" entretient habilement un suspense étouffant tout en dressant le portrait d'une société rongée de l'intérieur par la haine et la peur. La paranoïa (chaque personne est filmée comme un délateur potentiel) est à la mesure de la gravité des névroses sexuelles. Les maîtres-chanteurs sont dépeints comme des personnes puritaines qui refoulent leur propre homosexualité en persécutant ceux qui l'assument. La solitude et la détresse des homosexuels est dépeinte avec sensibilité de même que la relation faite d'écoute, de compréhension mutuelle et de franchise entre Melville et sa femme qui de ce fait échappe aux clichés.

Dommage que ce film ressorti au cinéma en 2009 ne soit pas disponible en DVD d'édition française (cela a heureusement changé depuis que j'ai écrit cet avis). Car il est un parfait exemple de la nécessité de l'engagement pour faire cesser les injustices. L'homosexualité fut dépénalisée en Angleterre 6 ans après la sortie du film qui joua un rôle certain dans cette évolution. Mais l'intolérance vis à vis des homosexuels a perduré jusqu'à nos jours car changer les mentalités est une autre paire de manches.

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