Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Articles avec #tavernier (bertrand) tag

L. 627

Publié le par Rosalie210

Bertrand Tavernier (1992)

L. 627

Après l'avoir vu, j'ai compris pourquoi "L.627" faisait partie des films les plus importants tournés par Bertrand TAVERNIER et était devenu une référence. En effet celui-ci accomplit avec l'aide précieuse de Michel ALEXANDRE, ancien policier spécialisé dans le trafic de drogue un film qui colle à la réalité du terrain sans que pour autant cette démythification du boulot de flic, inhabituelle dans le cinéma français ne provoque l'ennui. En fait je pense que beaucoup de fonctionnaires peuvent y reconnaître leurs propres conditions de travail façonnées par les coupes budgétaires: locaux inadaptés ou vétustes, système D pour se procurer les fournitures essentielles (et encore, le film ne parle pas des pénurie de savon et de PQ dans les WC), manque de véhicules fonctionnels (la scène de la fuite d'essence que les policiers ont bien du mal à faire reconnaître pour ce qu'elle est est un cas d'école) et salaires visiblement insuffisants (puisque l'un d'eux complète ses revenus en filmant des mariages). A ce manque flagrant de moyens financiers viennent s'ajouter la passion française pour la paperasserie administrative inutile (des rapports que personne ne lira jamais), pour les stages totalement déconnectés du réel (l'un des flics est un bleu qui, dépassé par les situations qu'il est amené à vivre et par les réactions de ses collègues passe son temps à dire "qu'on ne lui a pas appris ça") et pour "la culture du chiffre" qui confine à l'absurde. Le boulot de ces flics est en effet un travail de Sisyphe, condamné à la répétition pour un butin dérisoire. Mais comme il faut néanmoins afficher des résultats, chacun se débrouille comme il le peut, bien souvent en dehors de la loi (elle aussi déconnectée des réalités du terrain). Le film met particulièrement en évidence le rôle des indicateurs et les relations forcément complexes qui se nouent entre eux et les flics. En échange de renseignements sans lesquels il leur serait impossible d'agir, ceux-ci deviennent leurs protecteurs voire leurs fournisseurs, n'hésitant pas à prélever une partie de la marchandise confisquée pour ceux qu'ils appellent les "cousins". On voit même se nouer une relation trouble faite de séduction et de tendresse filiale entre Lulu (Didier BEZACE) qui est investi à 100% dans son métier au point d'en négliger ses proches et une prostituée toxicomane, Cécile (Lara GUIRAO). Eux aussi sont dépeints avec un grand réalisme (social et médical), parfois éprouvant. Mais si Lulu est le personnage principal, les membres de son équipe sont également importants, chacun ayant sa personnalité propre sans lequel le film n'aurait pas le même relief. J'ai particulièrement apprécié les touches d'humour qui constituent des respirations salutaires pour les flics comme pour le spectateur.
 

Voir les commentaires

La Princesse de Montpensier

Publié le par Rosalie210

Bertrand Tavernier (2010)

La Princesse de Montpensier

Bertrand Tavernier a souvent excellé dans le genre du film historique en réussissant à y insuffler la vie (... et rien d'autre). Cependant, je suis plus partagée sur "La Princesse de Montpensier" que je trouve inégal. Je n'ai pas lu la nouvelle de Mme de La Fayette (je n'en connaissais d'ailleurs pas l'existence avant la sortie du film) mais soit elle ne fournit pas assez de matière pour tenir la route sur la durée d'un long-métrage, soit Bertrand Tavernier et son scénariste n'ont pas su en tirer le meilleur parti. L'histoire tient tout entière sur un paradoxe: une femme a le pouvoir de faire tourner la tête de tous les hommes qu'elle croise (un peu comme le miel et les abeilles ^^) alors qu'elle n'a pourtant comme toutes les femmes de son époque et de sa condition aucune prise sur sa propre vie. Dans la société patriarcale où elle vit, c'est son père, puis son mari qui décident de tout pour elle, la traitant comme un pion sur un échiquier. Plus profondément encore, cette femme découvre qu'elle est incapable de déchiffrer son propre coeur, découvrant trop tard que celui qu'elle croyait aimer n'était pas digne d'elle et qu'elle est passé à côté de celui qui l'aurait le plus mérité. 

Sur le papier, cette intrigue est très intéressante d'autant qu'elle se greffe sur la période troublée des guerres de religion et que la reconstitution historique (comme toujours chez Bertrand Tavernier) est particulièrement soignée avec une recherche du détail véridique qui tend à donner un caractère presque documentaire à l'époque ainsi recréée. Mais il n'en reste pas moins que le film souffre de trous d'air à répétition. La faute avant tout à une interprétation inégale. Si Lambert Wilson, excellent, se taille la part du lion avec un personnage tragique de proscrit, vétéran traumatisé par les horreurs de la guerre (quelque chose que semble éprouver intimement Bertrand Tavernier qui en a fait la chair et le sang de ses meilleurs films) et ami dévoué souffrant en silence d'éprouver un amour non payé de retour, ses concurrents n'ont aucune consistance. Gaspard Ulliel qui dans d'autres films est très bon semble faire tapisserie (on est loin du personnage séducteur et cruel qu'il est censé incarner, Henri de Guise). Raphaël Personnaz ne m'a pas paru incarner un futur Henri III crédible. Mais le pire de tous est Grégoire Leprince-Ringuet, acteur (?) complètement figé qui ne parvient pas à faire exister son personnage de mari jaloux et possessif. Le film s'en trouve forcément déséquilibré d'autant que Mélanie Thierry a beau être très jolie, elle m'a parue elle aussi bien trop lisse. Comme son histoire recoupe celle de Marguerite de Valois, promise à un moment donné à Henri de Guise, des images de "La Reine Margot" m'ont alors traversé l'esprit et j'ai pensé tout à coup à ce que le film aurait été si Isabelle Adjani jeune avait interprété le rôle.

Voir les commentaires

La Mort en direct

Publié le par Rosalie210

Bertrand Tavernier (1980)

La Mort en direct

Bertrand TAVERNIER a touché à de nombreux genres. Même s'il est surtout connu pour ses drames historiques et ses polars, il a aussi fait des incursions dans la comédie, le documentaire, le film musical ou comme ici, la science-fiction. Une science-fiction qui relève davantage de l'anticipation visionnaire car "La Mort en direct" se réfère à une émission de télé-réalité, vingt ans avant son apparition en France. Même si le film est dédié à Jacques TOURNEUR, il y a un autre cinéaste qu'admire Bertrand Tavernier et qui est présent implicitement en filigrane tout au long du film. C'est Michael POWELL et son sulfureux "Le Voyeur" (1960) qui inventait "le crime en direct" pour la jouissance de son unique spectateur qui en était aussi l'auteur avec l'aide sa caméra tueuse. Entre Powell et Tavernier, le spectacle de la mort en direct est sorti de sa confidentialité pour devenir un spectacle de masse, à la manière de "The Truman Show" (1998) mais en plus sensationnel. Dans une époque où la mort par maladie est devenue rare, réservée aux vieillards que l'on dérobe aux regards (ce qui est assez conforme à notre réalité), le directeur cynique de l'émission "Dead Watch" (Harry Dean STANTON) échafaude un scénario digne des expériences nazies pour booster ses audiences. Un médecin à sa solde lui déniche le cobaye parfait, une femme encore jeune au profil cinégénique (Romy SCHNEIDER) à qui il annonce qu'elle n'a plus que quelques semaines à vivre. Pour transformer le mensonge en vérité, il lui donne du poison camouflé en médicaments censés soulager son agonie. Et pour contrecarrer toutes les tentatives de fuite de la jeune femme qui a fait semblant d'accepter le contrat, il la fait suivre par un homme qui gagne sa confiance mais qui est en réalité un insoupçonnable caméraman (Harvey KEITEL qui traversait alors un trou d'air dans sa carrière). Et pour cause: l'objectif est directement greffé dans sa rétine. On a donc affaire à un personnage qui est à la fois manipulé (en tant que sujet d'expérience) et manipulateur ce qui lui permet de mettre à la place de la jeune femme comme d'épouser le point de vue de ses tortionnaires. A travers lui, Bertrand Tavernier développe une réflexion sur l'éthique de son métier: jusqu'où filmer sans tomber dans le voyeurisme obscène? On remarque que comme Steven SODERBERGH le faisait en escamotant les scènes de sexe dans "Sexe, mensonges & vidéos" (1989), Bertrand Tavernier refuse de montrer la mort de son héroïne, son pseudo chevalier servant s'étant au passage brûlé les yeux à force de contradictions insurmontables. En prime, le choix de Romy SCHNEIDER s'avère terriblement prophétique puisque un an après le tournage elle perdait son fils et dénonçait les journalistes déguisés en médecin s'étant introduit à l'hôpital pour tenter de photographier son cadavre.

Aussi bien que "La Mort en direct" soit un film imparfait (outre des passages à vide, je trouve l'image très vieillie et le choix de décors sinistres ou désolés dans la région de Glasgow, discutable, dans le sens où rajouter de la misère à l'horreur de la situation détourne l'attention du véritable sujet), l'interprétation de haut vol et la pertinence de la réflexion sur le malheur d'autrui transformé en spectacle mercantile valent le détour.

Voir les commentaires

Quai d'Orsay

Publié le par Rosalie210

Bertrand Tavernier (2013)

Quai d'Orsay

Le beau parleur au tempérament volcanique, les satellites azimutés, l'homme de l'ombre flegmatique et le scribouillard énarque mais novice composent le tableau du personnel du ministère des Affaires Etrangères tel qu'il est brossé dans la première "vraie" comédie de Bertrand Tavernier. Une comédie certes mais qui répond à ses préoccupations de filmer les coulisses de l'histoire en marche, du côté de ceux qui la produisent. La nouveauté réside plus dans le ton que dans le thème. Tavernier a adapté la BD de Blain et Lanzac (alias Antonin Baudry, diplomate et ex-plume de Dominique de Villepin qui s'inspira de son expérience entre 2002 et 2004 au Quai d'Orsay et qui est représenté dans le film par le personnage qu'interprète Raphael Personnaz) et offre une version qui ne manque pas de piquant. De façon assez déconcertante en effet, le film se compose d'un aspect documentaire (il a été tourné dans les lieux même du pouvoir, en France comme à l'étranger et montre d'une façon méticuleuse les coins et recoins de la machine ministérielle, nous en faisant découvrir tous les rouages) tout en y greffant un aspect burlesque (les portes qui claquent et les feuilles qui s'envolent à chaque passage du ministre, les conseillers tous plus farfelus les uns que les autres). Son origine bédéique se retrouve également dans les pseudo-pays imaginaires évoqués tels que l' "Oubanga" ou le "Lousdémistan" qui n'ont rien à envier à la Syldavie et la Bordurie des albums Tintin. Néanmoins tout le monde comprend qu'il s'agit de la période durant laquelle les néoconservateurs américains dirigés par George W Bush décidèrent de faire une guerre préventive contre l'Irak à laquelle s'opposa la France lors du célèbre discours prononcé par Dominique de Villepin à l'ONU en 2003.

Disons-le tout de suite, la prestation de Niels Arestrup dans le rôle du directeur de cabinet Maupas m'a bluffée dans le film et je n'ai pas du tout été étonnée du prix du meilleur acteur dans un second rôle qu'il a reçu aux César. Quand il s'endort au milieu des séances de blablas, quand il fait appel à tout son self-control pour désamorcer une situation étrangère explosive alors qu'il est dérangé toutes les cinq minutes ou quand il doit faire preuve de diplomatie et d'autorité pour orienter les décisions dans le sens qu'il souhaite, il est impressionnant. On découvre ainsi le rôle clé de celui qui tient les rênes du ministère et agit pendant que le ministre fait le show à l'avant-scène. Autrement dit on assiste à une édifiante (et instructive) répartition des rôles. D'un côté le roi de l'éloquence et ses sous-fifres chargés de le conseiller ou de lui (ré)écrire (10 mille fois) ses discours qui se tirent dans les pattes ou lui servent de souffre-douleur (ou plutôt de boules anti-stress). De l'autre le manoeuvrier de l'ombre, celui qui agit dans les coulisses mais laisse à d'autres le soin de monter en première ligne. Car le personnage du ministre (joué par Thierry Lhermitte qui avait déjà été Louis XIV chez Véra Belmont) est une pile électrique qui use son entourage à force d'extravagances et d'exigences mais c'est lui qui s'expose et se prend les coups comme le montre la séquence africaine où il est chahuté par une manifestation anti-française en "Oubanga" alias la Côte d'Ivoire (séquence inspirée d'un épisode réel durant lequel Dominique de Villepin fut bloqué pendant une heure par des manifestants pro-Gbagbo à Abidjan).

Voir les commentaires

Capitaine Conan

Publié le par Rosalie210

Bertrand Tavernier (1996)

Capitaine Conan

J'ai eu il y a quelques années un "faux départ" avec "Capitaine Conan". Enthousiasmée par "La Vie et rien d'autre" (mon film préféré de Bertrand Tavernier) j'ai voulu enchaîner avec le DVD de son autre grand film sur l'après-guerre (de la première guerre mondiale) mais j'ai baissé les bras au bout de cinq minutes, découragée par l'argot des tranchées dont j'étais loin de connaître tous les termes qui plus est débité à une cadence infernale.

Il serait pourtant vraiment dommage de se laisser arrêter par cet obstacle (gênant surtout au début, après, on s'y habitue ou alors on prend un lexique pour s'aider). Les films historiques de Bertrand Tavernier, saisissants de réalisme et de dynamisme comme s'ils étaient une sorte de reportage de terrain "pris sur le vif" font partie des meilleurs qui existent par le fait d'être capable de donner vie et chair au passé, par le fait qu'il s'agit d'un cinéma humaniste, un cinéma filmé à hauteur d'homme, sans aucun manichéisme. Une scène en particulier illustre bien "l'esprit Tavernier" dans "Capitaine Conan": celle de l'armistice du 11 novembre 1918 qui est totalement démythifié. On y voit des soldats torturés par la dysenterie dont certains partent se cacher derrière le premier obstacle venu pour se soulager plutôt que d'écouter un discours officiel aux allures de pétard mouillé, au sens propre d'ailleurs puisqu'il pleut des cordes. D'ailleurs cette armistice n'en est pas un pour Conan et ses hommes que l'on envoie en Roumanie traquer le Bolchévik. Et même s'ils avaient été démobilisés, la guerre aurait de toute façon continué dans leur tête et dans leur corps.

Car ce que le film de Bertrand Tavernier montre d'une façon admirable, c'est comment la "culture de guerre" c'est à dire la sauvagerie vécue au quotidien imprègne des hommes au point qu'ils ne peuvent plus revenir à la civilisation une fois celle-ci terminée. La décision d'envoyer le corps franc du capitaine Conan terroriser les roumains plutôt que de les faire revenir en France est d'un cynisme révoltant. Un redoutable commando dont la France a bien su se servir en temps de guerre comme champions du combat au corps à corps mais dont elle cherche ensuite à se débarrasser en temps de paix quand ces comportements deviennent ceux de hors la loi, délinquants et criminels en se défaussant de ses responsabilités et en "refilant le bébé" à d'autres pays. C'est pourquoi, sans excuser les exactions dont se rendent coupables ces soldats, Bertrand Tavernier montre comment ceux-ci sont à la fois des bourreaux et des victimes. Et dresse au passage deux admirables portraits, non moins admirablement joués, celui de leur capitaine, Conan (Philippe Torreton, magistral), un dur à cuire fruste issu du peuple qui partage le sort de ses hommes et les défend corps et âme au point de prendre tous leurs errements sur lui et celui du lieutenant Norbert (Samuel Le Bihan) issu d'un milieu intellectuel et bourgeois donc bien plus policé et conscient des lois mais qu'une amitié indéfectible lie à Conan. Norbert décide d'accepter la mission de commissaire-rapporteur pour faire régner la justice au milieu du chaos. Non une justice désincarnée mais une justice humaine pour redonner des repères à ces hommes perdus et les protéger du pire tout en protégeant également la société de leur dérive. Cela ne va pas sans tensions avec Conan qui accuse Norbert d'être un vendu (la vision que Conan -et derrière lui Bertrand Tavernier- a de l'Etat-Major est digne de celle de Stanley Kubrick dans "Les Sentiers de la gloire" même si le personnage du lieutenant joué par Bernard le Coq vient nuancer le propos) mais leur conflit lié à leur différence de classe et d'éducation renforce au final leur amitié. Au point que l'on voir Conan faire ce qu'aucun membre du tribunal militaire ne daigne faire: aller sur le terrain pour comprendre comment un jeune soldat a pu perdre les pédales au point de se livrer à l'ennemi avec des secrets militaires dans la poche (haute trahison qui le rend passible du peloton d'exécution). La valeur du geste étant lié au fait que ce soldat est pourtant issu de l'aristocratie, sa mère étant même liée aux membres de l'Etat-Major. On comprend ainsi comment le fait de se comporter en homme d'honneur sur le champ de bataille peut transcender les barrières de classe sociale (soit exactement ce que démontrait Jean Renoir dans "La Grande Illusion" autre grand film sur cette période). La scène finale, d'une grande force émotionnelle montre aussi comment une fois sorti pour de bon de la guerre, Conan qui faisait office de pilier pour tous les autres s'avère rongé de l'intérieur par le mal incurable de ce qu'il a subi et infligé. Une scène si forte qu'elle vous poursuit bien au-delà du visionnage du film*.

* Que Philippe Torreton ait reçu le césar du meilleur acteur et Bertrand Tavernier celui du meilleur réalisateur pour ce film n'est que justice.

Voir les commentaires

Dans la brume électrique (In the Electric Mist)

Publié le par Rosalie210

Bertrand Tavernier (2009)

Dans la brume électrique (In the Electric Mist)

Intéressant polar métaphysique d'atmosphère se situant dans la lignée de "Coup de torchon" (1981) mais dans un contexte non plus colonial africain mais américain. Plus exactement la Louisiane, incarnation d'un monde à la fois pourri et chamanique (l'électricité et la brume du titre). Bertrand TAVERNIER tire sur les deux ficelles avec un inégal bonheur. Le polar manque de rythme et est parfois confus, sans doute parce qu'il se marie mal avec les passages métaphysiques qui semblent plaqués de façon assez artificielle dans le but de faire revivre le lourd passé du coin. L'histoire de la Louisiane est en effet convoquée dans ce film qui efface la frontière entre présent et passé, rêve et réalité. Guerre de Sécession du XIX°, violences racistes des années 60 et ouragan Katrina de 2005 forment une continuité temporelle brisée par les choix formels du cinéaste (hallucinations dans le premier cas, flashbacks dans le second et stigmates dans l'image et dans l'intrigue pour le troisième). L'humour grinçant de "Coup de torchon" (1981) est remplacé par une sourde mélancolie charriée par Dave Robicheaux, personnage créé par le romancier James Lee Burke. Tommy Lee JONES avec son allure usée porte le film sur les épaules. Il est secondé par l'excellent John GOODMAN dans le rôle du mafieux symbolisant la gangrène du pays que Robicheaux veut extirper avec des méthodes expéditives qui font également penser à celles d'un "Taxi Driver" (1976) du marécage. Une comparaison pas anodine: Martin SCORSESE et Bertrand TAVERNIER qui s'étaient connus dans les années 70 avaient de nombreuses affinités notamment en matière de goûts cinéphiliques (je pense par exemple à leur passion commune pour Michael POWELL) et le premier a joué pour le second dans "Autour de minuit" (1986). Il y a donc comme un lointain écho de Travis Bickle dans Dave Robicheaux, ces deux vétérans du Vietnam qui s'improvisent justicier et "nettoyeurs des bas-fonds" pour sauver ou venger de jeunes prostituées.

Voir les commentaires

Daddy Nostalgie

Publié le par Rosalie210

Bertrand Tavernier (1990)

Daddy Nostalgie

Plutôt mésestimé dans la filmographie de Bertrand Tavernier, "Daddy Nostalgie" est un film intimiste sur la fin de vie et la relation complice qui se noue sur le tard entre un père et sa fille. C'est surtout le dernier rôle de l'immense Dirk Bogarde et on peut tout à fait le considérer comme un documentaire sur cet acteur qui s'était retiré du cinéma pour se consacrer à l'écriture 12 ans auparavant* et qui a longtemps vécu (comme dans le film) dans le sud de la France. Jane Birkin qui lui donne la réplique est assez convaincante si l'on accepte son jeu quelque peu maniéré. Bien sûr, "Daddy Nostalgie" ne parvient pas à se hisser à la hauteur de son modèle, "Un dimanche à la campagne" auquel il fait d'autant plus penser que Louis Ducreux y fait une fugitive apparition. On peut notamment reprocher au film un rythme assez indolent, une mise en scène très plate (sauf les quelques flashbacks et passages en voix-off, celle de Bertrand Tavernier lui-même qui esquisse une mise en abyme qui reste sous-développée) et le personnage antipathique de la mère (fort bien joué ceci étant par Odette Laure) qui n'est pas du tout assorti à celui du père. On se demande bien ce que cet anglais raffiné et plein d'élégance, amateur de whisky et de vin blanc a pu trouver en cette commère "made in PACA" qui boit du coca, joue au bridge et profère des insanités racistes en lisant "Le Figaro" (tout en se prétendant de gauche). Forcément, cela rend les quelques passages consacrés au couple complètement creux (sauf quand Daddy avoue qu'ils n'ont plus rien à se dire).

* Il n'avait en effet plus tourné depuis "Despair" de Rainer Werner Fassbinder en 1978.

Voir les commentaires

Holy Lola

Publié le par Rosalie210

Bertrand Tavernier (2004)

Holy Lola

"Holy Lola" est un film qui divise critiques et public parce qu'il est sans doute lui-même divisé entre deux axes directeurs qui se mélangent assez mal. D'un côté un arrière-plan documentaire sur le Cambodge, ancienne colonie française ayant payé un effroyable tribut humain au nom de l'idéologie maoïste durant la période où les khmers rouges étaient au pouvoir dans la deuxième partie des années 70. Cette souffrance apparaît toujours bien active dans la mémoire collective d'un pays magnifique mais encore convalescent et très pauvre. De l'autre, une fiction autour du parcours du combattant d'un couple français, Pierre et Géraldine (Jacques GAMBLIN et Isabelle CARRÉ) pour parvenir à adopter un bébé cambodgien, leurs difficultés révélant aussi bien l'incurie administrative du pays que son degré élevé de corruption, tous les coups semblant permis dans ce qui s'apparente plus parfois à du trafic d'enfants qu'à une adoption en règle. Le problème réside principalement dans cette partie fictionnelle qui ressemble davantage à une brochure explicative sur les pièges de l'adoption en pays étranger qu'à une expérience cinématographique qui laisserait au spectateur de l'espace pour ressentir et réfléchir par lui-même. On est bombardé de chiffres et de faits qui ne s'incarnent pas à l'écran ou alors maladroitement. Le fait que le couple réside dans un hôtel rempli d'occidentaux dans la même situation ne permet pas de se laisser porter dans cette immersion dans le pays que promettaient les premières images. Cette sensation de coupure est également visible dans les passages, ridicules, où ceux-ci s'adressent à leur futur bébé via un dictaphone. Il aurait mieux valu à la limite leur donner un appareil photo (mais cela aurait fait trop touriste, là ça fait juste bobo). Ou alors, encore mieux, donner du temps pour la rencontre émotionnelle et charnelle avec le bébé, passage largement escamoté (quelques plans lointains tout au plus) alors qu'il me semblait crucial au profit d'une dernière demi-heure redondante autour des énièmes problèmes de paperasse du couple. Quand on sait à quel point une adoption est une greffe délicate, surtout quand la transplantation s'effectue entre deux pays aussi lointains et inégalitaires, on peut se dire que ce que montre le film ne permet pas au final de répondre aux vraies questions que cette adoption pose. C'est dommage car les acteurs sont impeccables, justes et sensibles et l'amour de toute l'équipe vis à vis du pays est palpable, d'ailleurs le grand cinéaste cambodgien Rithy PANH fait une apparition providentielle dans le film. Mieux que rien donc mais Bertrand TAVERNIER nous avait habitué à mieux.

Voir les commentaires

L'Horloger de Saint-Paul

Publié le par Rosalie210

Bertrand Tavernier (1974)

L'Horloger de Saint-Paul

Tous les chemins mènent à Rome. Le premier long-métrage de Bertrand Tavernier qui est aussi sa première collaboration avec Philippe Noiret témoigne déjà d'une conscience politique et sociale qui fait la "patte Tavernier". Bien que très différent sur sa forme, le film a des points communs sur le fond avec "Les Valseuses" de Bertrand Blier sorti la même année. En effet les deux films partagent une perception très critique de la France pompidolienne et dressent le constat d'une fracture générationnelle entre des aînés englués dans leur conservatisme bouffi et une jeunesse post soixante-huitarde révoltée qui faute de trouver sa place dans une société bloquée bascule dans la marginalité et la délinquance. Alors que "Les Valseuses" s'ouvre sur un petit larcin et du harcèlement sexuel commis sur une matrone par deux petits loubards, le début de"L'Horloger de Saint-Paul" établit un parallèle entre une voiture en train de cramer et un repas franchouillard ("y'a du rouge, du saucisson") assaisonné de propos gras dignes d'un best of des meilleures galettes de Michel Sardou ("Je suis pour", "Femme des années 80"). Le délinquant juvénile, c'est Bernard Descombes (Sylvain Rougerie), le fils de l'horloger Michel Descombes (Philippe Noiret), un homme sans histoires qui on le devine rejoint les convives du repas cité plus haut. Néanmoins la comparaison s'arrête là car si dans "Les Valseuses" la fracture entre jeunes et vieux est irréparable (sauf quand les vieux sont eux-mêmes des marginaux), "L'Horloger de Saint-Paul" raconte le parcours de Michel à qui les actes de son fils font prendre conscience de ses propres manques en tant que père. Au lieu de le juger et de le condamner, il saisit l'épreuve comme une seconde chance de pouvoir connaître son fils, essaye de comprendre ses motivations, tente de renouer les liens rompus et finit par prendre son parti publiquement contre le reste de la société. Ironiquement la scène du parloir située à la fin du film où père et fils sont séparés par une cloison vitrée est aussi la première où ils se parlent vraiment. Une parole qui s'oppose à la violence des rapports sociaux et sexués que Bernard a voulu déjouer en prenant la défense de sa compagne, Liliane (Christine Pascal dans un petit rôle muet mais qui ne le restera pas longtemps, livrant haut et fort sa parole d'écorchée vive notamment dans les films ultérieurs de Tavernier) face au gardien de l'usine où elle travaille qui veut abuser d'elle.

Bertrand Tavernier, aidé du duo de scénaristes Jean Aurenche et Pierre Bost qui prirent ainsi leur revanche sur la Nouvelle Vague qui les avaient ringardisés a adapté le roman de Georges Simenon en le transposant à Lyon, sa ville natale et en lui ôtant son caractère policier pour se concentrer uniquement sur le cheminement humain de son personnage principal. Il est d'ailleurs intéressant de souligner qu'il en va de même du commissaire, joué par Jean Rochefort. Celui-ci mène en effet une enquête mais ce n'est pas celle que l'on croit. Ses échanges avec Michel Descombes révèlent qu'il souffre du même problème d'absence de communication avec son propre fils. Par un heureux concours de circonstances, François Périer qui avait d'abord été choisi pour le rôle l'a décliné ce qui rapproche d'autant plus les deux figures paternelles, Jean Rochefort et Philippe Noiret étant de grands amis à la ville en plus d'avoir joué ensemble une dizaine de fois. 

Voir les commentaires

Des enfants gâtés

Publié le par Rosalie210

Bertrand Tavernier (1977)

Des enfants gâtés

"Des enfants gâtés" est un film méconnu de Bertrand Tavernier qui appartient à sa veine sociale et sociétale. Il prend pour décor la frénésie immobilière dans le Paris des années 70 quand le vieux bâti taudifié était rasé pour être remplacé par de grands immeubles esthétiquement très laids*, à la construction bâclée (dans le film l'appartement où s'est installé Bernard Rougerie le personnage joué par Michel Piccoli n'est pas insonorisé et a un grand trou dans le mur de la cuisine) et aux loyers exhorbitants car non encadrés. La lutte d'une poignée d'habitants réunis en association pour faire respecter leurs droits et prévenir les abus de leur propriétaire est l'un des thèmes majeurs du film. D'ailleurs Bernard Rougerie qui est scénariste et dont la notoriété aide les habitants à faire entendre leur cause est le double de Tavernier à qui il était arrivé une mésaventure semblable (et à qui le réalisateur prête la paternité du scénario de son film suivant "La mort en direct"). 

A ce problème de logement qui sous une forme ou sous une autre mine la vie en région parisienne depuis l'époque du baron Haussmann s'ajoute par petites touches toute une série d'autres problèmes qui bien que l'époque ait changé n'ont pas disparu pour autant: la crise économique et le chômage dont est victime Anne (Christine Pascal) et d'autres personnages issus de milieux populaires; l'immigration des travailleurs non qualifiés devenue illégale depuis 1974; le handicap à travers le personnage de la femme de Bernard qui s'occupe de petits autistes; la solitude et le suicide; et enfin la question de la libération sexuelle des femmes avec un passage face caméra (sans doute écrit par Christine Pascal qui a collaboré au scénario) où Anne évoque sa découverte de la jouissance. Tout cela fait un peu catalogue/cahier des charges et c'est effectivement une des faiblesses du film car les différents éléments sont le plus souvent artificiellement reliés les uns aux autres. En revanche le casting est tout simplement royal jusqu'au plus petit rôle avec la participation de la bande masculine du Splendid au complet (Gérard Jugnot, Thierry Lhermitte, Michel Blanc et Christian Clavier), Martin Lamotte, Isabelle Huppert, Daniel Toscan du Plantier, Michel Aumont sans parler des interprètes de la chanson du générique "Paris jadis" composée par Philippe Sarde (un pur régal de cynisme bobo à écouter sans modération!) qui ne sont autres que Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle! Enfin bien que la relation que Anne entreprend avec Bernard Rougerie ne soit pas exempte de contradictions (il y a mieux quand on prétend être une femme moderne et libérée que de se jeter dans les bras d'un homme marié qui pourrait être son père et est d'un milieu social très supérieur ce que Anne finit par comprendre d'ailleurs) elle est empreinte de beaucoup de sensibilité. Le tempérament de Christine Pascal dont la fragilité est palpable y est pour beaucoup mais Michel Piccoli est également assez surprenant, plus doux qu'à son habitude et plus tendre aussi, ses colères étant désamorcées à peine écloses. Bien sûr on ne peut s'empêcher d'établir un parallèle entre Christine Pascal et Romy Schneider, autre actrice aussi belle qu'écorchée vive ayant joué des scènes intimes avec Piccoli et ayant perdu la vie prématurément à peu près au même âge.

* En cela il a été comparé non sans raison à "Mon Oncle" et à "Playtime" de Jacques Tati mais sans l'aspect poétique et burlesque.

Voir les commentaires

1 2 > >>