Jabberwocky
Terry Gilliam (1977)
J'ai rarement vu une restauration produire des effets aussi spectaculaires que dans "Jabberwocky", le premier long-métrage réalisé par Terry GILLIAM. En effet celui-ci en dépit d'un budget modeste a créé un magnifique univers visuel qui s'était terni avec le temps. En retrouvant son éclat, l'image révèle des paysages ruraux de chateaux-forts nimbés d'une somptueuse lumière. Les mêmes que ceux de "Monty Python sacré Graal" (1975), l'œil du peintre en prime. Cela n'empêche pas de reconnaître le style Gilliam, récurrent de film en film, celui des courtes focales et des contre-plongées qui écrasent les personnages sous l'architecture, bouchent la vue et déforment les perspectives et les traits jusqu'à la caricature. Le Moyen-Age dépeint par Gilliam est pictural et en même temps il s'en dégage une impression de réalisme comme dans le film antérieur des Monty Python. C'est lié à une intimité avec cette époque dans ce qu'elle a de plus "terre-à-terre" c'est à dire sa violence et sa saleté. Celles-ci deviennent d'ailleurs les supports d'un long gag où la tribune royale d'un tournoi est progressivement recouverte de sang et de morceaux de chair sans que les personnages ne s'en émeuvent (un type de gag non-sensique récurrent chez les Python*). Mais de la saleté au sens propre à la saleté au sens figuré il n'y a qu'un pas et la crasse ou la poussière qui recouvre les dirigeants qui utilisant leurs vassaux comme de la chair à canon n'a rien de gratuit. A travers le Moyen-Age, Terry GILLIAM critique en réalité le fonctionnement de la société britannique des années 70 touchée par la crise et le chômage et désormais rétive comme le reste de l'Europe à l'immigration de travail venue des pays pauvres. Quant au "monstre" (emprunté à un autre univers de l'absurde, celui de Lewis Carroll) qui terrorise la contrée, il est cyniquement instrumentalisé pour manipuler les masses puisque les habitants n'ont guère envie de s'aventurer à l'extérieur et apaisent leurs angoisses en… consommant. Il est presque dommage que Terry GILLIAM finisse par le montrer (d'autant que ce n'est pas une réussite, contrairement aux plans où la caméra adopte son point de vue et où il est donc invisible) car comme le magicien d'oz, il aurait pu tout aussi bien n'être qu'une illusion.
* Une partie d'entre eux participent au film en tant qu'acteurs. Michael Palin interprète le rôle principal et le regretté co-fondateur des Python Terry Jones y joue un petit rôle, celui du braconnier qui apparaît en introduction et est la première victime du monstre.
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