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Articles avec #comedie dramatique tag

Les 101 Nuits de Simon Cinema

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1995)

Les 101 Nuits de Simon Cinema

Hommage au centenaire du septième art (surtout français et américain mais avec des incursions dans le cinéma italien et japonais), "Les 101 Nuits" est un assez ahurissant catalogue de références et de cameos en forme de who's who. Tout le ban et l'arrière-ban du cinéma français accompagné de quelques stars américaines est convoqué au chevet de Simon Cinéma (Michel Piccoli), un très riche vieux monsieur croulant mythomane censé personnifier le cinéma qui vit dans un château à St-Rémy les Chevreuse (bien relié par le RER B à la rue Daguerre où vivait Agnès Varda depuis les années 50) avec sa domesticité dont un majordome qui rappelle un certain Erich von Stroheim. Si l'approche éclatée et surréaliste (avec des clins d'oeil appuyés à Luis Bunuel) amuse au départ, si le film contient son lot de moments savoureux, son étirement sur 1h41 finit par lasser tant le procédé fondé sur une accumulation-collection de vignettes décousues paraît répétitif et vain. Les stars sont là en tant que signes et symboles, parfois au sens littéral (les frères Lumière sont représentés entourés d'ampoules!) et le film se voulant en surface festif et ludique, les analyses filmiques sont forcément ultra-survolées même si ça fait toujours plaisir de revoir ou d'évoquer des moments iconiques comme le plan-séquence inaugural de "La Soif du mal", le match des séducteurs Michel Piccoli versus Marcello Mastroianni via la comparaison entre les scènes de baignoire tirées des films "Le Mépris" et "Huit 1/2", celui des plus belles morts à l'écran de Gérard Depardieu ou la scène finale de "King-Kong".  Et puis, Agnès Varda ne pouvait évidemment pas le savoir en 1995 mais le choix de donner le rôle de la cinéphile censé entretenir la mémoire de Simon Cinéma à Julie Gayet et de l'apparier de façon gémellaire (ils ont le même prénom à l'écran) à son fils, Mathieu Demy qui joue le réalisateur d'un premier film ne peut que faire sourire étant donné que Julie Gayet est aujourd'hui systématiquement associée à un autre genre d'acteur ^^^^. Plus gênant, leur jeu consternant (celui de Julie Gayet personnifie le cliché de la "blonde idiote" alors qu'elle est censée être une intellectuelle ah ah ah) et leur malhonnêteté (ils veulent s'emparer de l'héritage de Simon Cinéma en lui présentant un faux héritier) donne une vision assez nihiliste de l'avenir du cinéma, hanté comme toujours chez Varda par la figure de la grande faucheuse (laquelle prend les traits de Romane Bohringer). Cette finalement pas si joyeuse féérie pour initiés-érudits (contradiction inhérente à Agnès Varda) qui sombre parfois dans le ridicule (Des pointures comme Alain Delon, Jean-Paul Belmondo ou Robert de Niro ne sont franchement pas bien servis) aurait mérité d'être plus structurée et moins inégale.

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Coup de Torchon

Publié le par Rosalie210

Bertrand Tavernier (1981)

Coup de Torchon

Jugement dernier d'une communauté de dégénérés servant de parabole à une humanité sur le point de basculer dans l'horreur du second conflit mondial (comparable en cela à "La Règle du jeu" de Jean Renoir), "Coup de torchon" est un film déconcertant, inclassable qui marque l'esprit par son contraste de noirceur et de drôlerie, son atmosphère déjantée, surréelle et cynique, son humour pince-sans-rire, registre dans lequel Philippe Noiret et Isabelle Huppert s'illustrent particulièrement, ses répliques magistrales ("ce n'est pas parce qu'on met la tentation à portée de main qu'il faut se laisser tenter"; "s'en prendre à vous c'est comme qui dirait un devoir civique!"; "T'es ombrageux, tu commences à m'ombrager, tu mets les gens à l'ombre" etc.), ses plans séquences remarquables. Bref en tous points un film qui ne ressemble à aucun autre. Si dans mon cœur, c'est "La Vie et rien d'autre" qui demeure mon Tavernier préféré, "Coup de torchon" est certainement celui que je trouve le plus brillant.

Les séquences d'ouverture et de fermeture du film qui se répondent le situent sur un plan métaphysique avec l'apparition d'un justicier vengeur (Philippe Noiret) près d'un groupe d'enfants souffrant de la faim et du froid. Une éclipse solaire souligne le caractère messianique du personnage. Pourtant à la fin il est devenu tellement nihiliste qu'il en arrive à menacer les enfants eux même après avoir repoussé sa seule chance de salut (l'amour de l'institutrice, seul personnage non corrompu du film). Il faut dire que Lucien (Lucifer?) Cordier est un piètre représentant de l'ordre, un policier d'une affligeante médiocrité, veule et laxiste, à l'image de sa communauté où ne règnent que les pulsions les plus viles, la bêtise la plus crasse. L'atmosphère est parfaitement résumée par les latrines qui se trouvent sous son balcon: ça pue en lui, chez lui et autour de lui. Entre sa femme (Stéphane Audran) qui le méprise et le cocufie sous son nez avec son prétendu frère (Eddy Mitchell), son supérieur macho et raciste (Guy Marchand) qui lui donne des coups de pied aux fesses, les proxénètes du coin (Jean-Pierre Marielle et Gérard Hernandez) qui en ont fait leur souffre-douleur, l'autorité qu'est censé représenter Cordier ne cesse d'être humiliée. C'est en s'autoproclamant le bras armé d'une autorité supérieure que Cordier se métamorphose de paillasson en tueur et manipulateur diabolique, réussissant à tous les coups à faire endosser ses crimes par d'autres que lui. Tout cela sur fond de colonialisme (l'histoire se déroule au Sénégal en 1938) et de marche à la guerre (avec une allusion aux accords de Munich). Et si le fond de l'affaire est éminemment tragique, son traitement est proche d'une bouffonnerie à la lisière du fantastique. L'idée la plus dingue de ce point de vue est de faire jouer à Jean-Pierre Marielle deux rôles, celui du maquereau victime de Cordier et plus tard celui de son frère jumeau qui fait figure de revenant. Mais n'est-ce pas finalement le reflet du dédoublement de Cordier lui-même, ce pauvre type inoffensif en apparence qui cache dans ses entrailles un dangereux assassin illuminé?

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Magic in the Moonlight

Publié le par Rosalie210

Woody Allen (2014)

Magic in the Moonlight

Comédie romantico-philosophique possédant un charme fou (je me souviens en être sortie avec un grand soleil dans la tête ^^), "Magic in the Moonlight" représente dans la filmographie de Woody Allen une parenthèse légère, fraiche et pétillante entre deux films beaucoup plus sombres "Blue Jasmine" et "L'Homme irrationnel". Il se situe dans l'univers de la magie et des sciences occultes, un thème souvent abordé par Woody Allen ("Alice", "Le Sortilège du scorpion de jade", "Scoop", "Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu" etc.). L'ouverture sur un spectacle d'illusionnisme est une mise en abyme du film lui-même (et du pouvoir du cinéma en général). Ne nous fait-il pas croire que nous sommes dans les années 20, au bord de la Riviera, dans une luxueuse villa en compagnie d'une compagnie distinguée? La musique jazzy, les costumes et les véhicules classieux années folles, la magnifique photographie de Darius Khondji magnifiant les paysages provençaux, tout concourt à nous immerger dans une atmosphère enchanteresse. Pourtant c'est du pur fake (et ce d'autant plus que les films européens de Woody Allen ont un caractère de carte postale exotique ne montrant que luxe, calme, volupté, images d'Epinal touristiques etc.) Démasquer les fake, c'est la spécialité de l'illusionniste britannique Stanley Crawford (Colin Firth, un magicien du regard qui est fait pour ce genre de rôle de vieil aigri sarcastique qui voit tout d'un coup le monde autour de lui se réenchanter) plus connu sous son pseudonyme de Wei Ling Soo (une caricature de chinois à la Fu Manchu avec longues moustaches, natte et boule à zéro). Un personnage dérivé du magicien Houdini qui avait effectivement traqué dans les années 20 les escrocs détroussant de riches clients en se faisant passer pour des spirites. Stanley a une personnalité cynique, arrogante et misanthrope qui le porte à dénigrer tout le monde et à ne croire à rien (ses répliques pleines d'ironie sont un régal pour le spectateur). Mais il va se faire piéger par son meilleur ami (ou plutôt ennemi) et une pseudo medium de 19 ans, Sophie Baker (Emma Stone, craquante comme tout) dont le charme va le mener par le bout du nez alors même que tout est fait pour que le spectateur voit les artifices grossiers qu'elle emploie pour tromper son monde. Lui aussi en fait les voit mais il est tellement grisé par les délicieux moments qu'il passe avec la jeune femme qu'il préfère vivre dans l'illusion pour en profiter le plus possible. Ainsi même si l'existence d'un monde invisible est une porte définitivement close pour Woody Allen et qu'il s'interroge sur son pouvoir de cinéaste, il célèbre les joies de l'alchimie amoureuse (ou son illusion, la fin est volontairement ambigüe ^^), c'est déjà ça.

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Jeanne et le garçon formidable

Publié le par Rosalie210

Olivier Ducastel et Jacques Martineau (1998)

Jeanne et le garçon formidable

"Jeanne et le garçon formidable" est un alliage réussi entre l'héritage de la comédie musicale de Jacques Demy et l'actualité de l'époque, plus précisément l'épopée activiste d'Act Up telle qu'elle est racontée dans "120 battements par minute" de Robin Campillo. Jacques Martineau et Olivier Ducastel militaient chez Act Up et le deuxième avait été également assistant-monteur sur le dernier film de Jacques Demy "Trois places pour le 26". Leur premier long-métrage lui rend donc hommage de plusieurs manières tout en donnant aux chansons un caractère engagé Act Up. Mathieu Demy, fils de Jacques Demy et d'Agnès Varda interprète le rôle principal. Afin qu'il n'endosse pas le rôle de son père (homosexuel et mort du sida ce qui était tenu secret à l'époque mais était connu des protagonistes du film devant et derrière la caméra), il devient hétérosexuel et toxicomane dans le film, celui-ci pour citer Libération "consistant à goupiller le patois d'un genre (homo) dans le dialecte d'un autre (hétéro)" avec dans le rôle de la butineuse polyamoureuse, Virginie Ledoyen. "Jeanne et le garçon formidable" est par ailleurs une comédie musicale, genre tombé en désuétude dont les codes sont extrêmement proches de celles de Jacques Demy. On retrouve les personnages qui se ratent, qui dansent à l'arrière-plan ainsi que le prosaïsme et la légèreté de façade ("S'il te plait, donne-moi une tranche/ Attends je vais te la, je vais te la beurrer/ Je te mets de la confiture/ Ou bien du miel si tu préfères/ Je crois que j'aime autant nature/Passe-moi le sucre, c'est trop amer." etc.) derrière lesquels se dissimule un contexte social grave. Celui des malades du sida mais également celui de l'exclusion des homosexuels de la juridiction touchant la vie de couple (la chanson de François à propos de la mort de son compagnon rappelle qu'avant l'adoption du PACS en 1999 les conjoints n'avaient aucun droit et se retrouvaient parfois dans des situations dramatiques) et enfin les difficultés pour les immigrés et leurs enfants à accéder à la nationalité française, allusion aux lois Pasqua (une des bêtes noires des réalisateurs avec Edith Cresson pour leur rôle contre-productif dans la gestion de l'épidémie de sida). "Jeanne et le garçon formidable" est donc paradoxalement un film engagé sur la peur de l'engagement, le seul garçon pour lequel Jeanne est prête à s'impliquer étant justement celui qui se dérobe avant de disparaître définitivement. C'est aussi un film sur le consumérisme. Outre la chanson interprétée par Valérie Bonneton et Denis Podalydès (tous les acteurs chantent eux-mêmes sauf Virginie Ledoyen qui est doublée par Elise Caron) célébrant les joies du confort domestique de l'American way of life dont on ne sait si c'est du premier ou du second degré, le personnage de Jeanne est une croqueuse d'hommes qui en change comme de chemise et est toujours pressée avec un emploi du temps de ministre puisqu'elle mène de front plusieurs relations à la fois. Le marivaudage amoureux est un thème qui colle à la peau du cinéma de la nouvelle vague, on pense parfois à Eric Rohmer et surtout à Jeanne Moreau et son "tourbillon de la vie" dans "Jules et Jim" de François Truffaut.

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Les Grands Ducs

Publié le par Rosalie210

Patrice Leconte (1995)

Les Grands Ducs

Trois comédiens vieillissants qui courent le cachet et cabotinent à mort déguisés en sapin de noël ça pourrait être parfaitement pathétique. Sauf que ces trois là sont joués par Philippe Noiret, Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle et qu'ils y vont à 200% dans l'outrance et le ridicule. Car la différence est infime entre le ridicule et le panache et il faut en avoir pour relever le défi de donner de la noblesse à ce qu'il y a de pire dans le milieu. A savoir un vaudeville-pudding que son producteur véreux aux abois (Michel Blanc) cherche par tous les moyens à saboter pour toucher les assurances. Mais nos trois "rôles de complément" se démènent si bien pour faire vivre la pièce, allant jusqu'à intégrer à l'intrigue les péripéties qui se déroulent en coulisses qu'ils finissent par devenir "les trois as" se partageant l'affiche avec la vedette interprétée par une Catherine Jacob perchée mais tout aussi déterminée qu'eux à ne pas lâcher l'affaire, quitte à (beaucoup) payer de sa personne. Bref, à travers ce film qui évoque les arrières cuisines pas toujours ragoûtantes du métier d'acteur, notamment pour les plus modestes d'entre eux, Patrice Leconte rend un hommage appuyé au métier et à ceux qui le font vivre des stars jusqu'au plus petit rôle de figuration. Quant aux trois "as" qui n'avaient plus tourné ensemble dans un film depuis "Que la fête commence" de Bertrand Tavernier 20 ans auparavant, ils affichent une complicité à l'écran qui fait plaisir à voir et nous régalent, chacun dans un registre différent. Philippe Noiret joue le gros bébé gourmand et mort de trac, Jean Rochefort a la moustache qui frise en séducteur obsédé sexuel, enfin Jean-Pierre Marielle, grandiose, fait monter les enchères (et la mayonnaise) autour de sa prestation à coups d'explosions de colère imprévisibles. C'est cette générosité, ce plaisir du jeu, cet amour du public transpirant de chaque scène qui donne au film toute sa saveur et sa valeur en dépit de son apparence tellement grotesque et grand-guignolesque qu'elle en paraît rebutante de premier abord.

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L'Auberge espagnole

Publié le par Rosalie210

Cédric Klapisch (2002)

L'Auberge espagnole

Ingénieux film-mosaïque générationnel qui établit un parallèle entre la construction de l'Europe et celle du héros, Xavier (Romain Duris, le Antoine Doinel de Cédric Klapisch), fils à papa qui pour peaufiner son plan de carrière doit partir un an à Barcelone dans le cadre du programme Erasmus. La première partie du film nous montre d'une façon alerte et amusante son parcours du combattant pour parvenir à ses fins: le dédale kafkaïen des formalités administratives, le stress du départ, la galère pour trouver un logement. Il ne faut pas oublier que le film date du début des années 2000 où les déplacements intra-européens n'étaient pas aussi faciles qu'ils le sont aujourd'hui. Internet ne s'était pas encore répandu, le téléphone mobile n'en était qu'à ses balbutiements (l'essentiel des appels se faisait encore sur téléphone fixe chez soi ou en cabine), l'euro n'était pas encore entré en application (le film a été tourné juste avant sa mise en service). La deuxième partie montre son intégration progressive dans une petite communauté de jeunes symbolisant la diversité des nationalités, des langues, des cultures (y compris à l'intérieur des Etats-nations avec les clivages catalan/castillan et wallon/flamand) et des sexualités. Il multiplie les expériences: amicale avec Isabelle (Cécile de France, excellente), sexuelle avec Anne-Sophie (Judith Godrèche) alors qu'il rompt avec sa petite amie restée en France, Martine (Audrey Tautou). Ses colocataires ne sont pas plus au clair que lui dans leur vie personnelle, laquelle ressemble de plus en plus à un "joyeux bordel". Isabelle qui est lesbienne trompe sa copine avec sa prof de flamenco, Wendy (Kelly Reilly) fait de même avec un américain (Olivier Raynal), suscitant une scène hilarante au cours de laquelle son copain Alistair (Iddo Goldberg) vient lui rendre visite à l'improviste et trouve le frère de Wendy (Kevin Bishop) qui veut lui sauver la mise au lit avec ledit américain. L'avenir tout tracé de Xavier se déglingue sous l'influence de ce parfum de liberté et d'exubérance qu'il respire en compagnie de ses colocataires. Il en revient transformé et incapable de se conformer à ce que l'on attend de lui.

La mise en scène de Cédric Klapisch colle parfaitement au contenu léger, coloré et allègre du film avec une esthétique de film-collage qui fait penser aux pages d'un album photo. Les split-screen, les images-mosaïques et les incrustations sont légion. L'utilisation de la caméra numérique donne également parfois un cachet de vidéo amateur au film.

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Persuasion

Publié le par Rosalie210

Adrian Shergold (2007)

Persuasion

Il y a beaucoup de maladresses dans ce téléfilm produit et diffusé par la BBC en 2007 qui semble avoir été réalisé avec des bouts de ficelle. Des maladresses scénaristiques tout d'abord avec une histoire qui fait la part belle au couple principal en laissant trop dans l'ombre les intrigues secondaires au point qu'on a du mal à identifier de nombreux personnages. Ceux-ci sont à peine esquissés alors qu'un vrai travail de fond permet toujours de rehausser le niveau d'ensemble. En découle un ton mélancolique voire amer assez monocorde qui peine à maintenir l'intérêt. Ensuite, la mise en scène qui manque d'élégance abuse des gros plans. Le gros plan, ça peut être merveilleux quand il s'agit de traquer des émotions sur le visage d'un personnage, dévoiler des vérités intimes dans les échanges. Mais là, cela devient un procédé systématique, vide de sens et donc lassant. Sans parler de la qualité d'image qui laisse à désirer (elle est granuleuse et tremblotante). Et que dire de la fin, trop longue, où l'héroïne court à droite et à gauche avec une caméra à l'épaule qui ne sait pas trop ou se placer (un procédé qui revient plusieurs fois et dont le rendu est particulièrement laid et brouillon). L'interprétation n'est pas non plus très convaincante, voire pas du tout, celle de Sally Hawkins excepté. C'est le premier film où je l'ai vue jouer et j'ai tout de suite été touchée par sa fragilité et sa sensibilité. Hélas, son costume et sa coiffure ne la mettent pas en valeur. Il ressort donc du visionnage du film une impression de travail bâclé à tous les niveaux. C'est dommage car "Persuasion", le dernier roman de Jane Austen, moins connu que "Orgueil et Préjugés" et "Raison et Sentiments" et bien que de tonalité plus grave que ces deux derniers méritait une adaptation plus soignée qui permette de mieux le découvrir. Ainsi Anne, l'héroïne peut être considérée à certains égards comme une lointaine cousine du Bingley de "Orgueil et Préjugés". Elle manque en effet de caractère et de "fermeté" d'âme" et de ce fait, se laisse influencer par les autres (d'où le titre "Persuasion") ce qui compromet ses chances de bonheur.

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Raison et Sentiments (Sense and Sensibility)

Publié le par Rosalie210

John Alexander (2008)

Raison et Sentiments (Sense and Sensibility)

Comme "Orgueil et Préjugés" de Simon Langton, "Raison et Sentiments" de John Alexander est une mini-série produite par la BBC et scénarisée par Andrew Davies.  Dans les deux cas, la longueur (ici trois épisodes de 60 minutes) permet d'être fidèle à l'œuvre. L'autre intérêt de cette adaptation est de mettre l'accent sur des points qui semblent secondaires dans le roman mais qui en réalité sont absolument cruciaux. Ainsi la première scène, volontairement transgressive, montre un prédateur sexuel en train de déshabiller une jeune fille. Son destin, nous ne l'apprenons qu'à la fin mais il menace les sœurs créées par Jane Austen aussi bien dans "Orgueil et Préjugés" que dans "Raison et Sentiments": privées de protection (paternelle notamment) et de fortune, elles se retrouvent à la merci d'hommes qui peuvent ruiner à jamais leurs perspectives d'avenir, ne serait-ce que sur la foi d'une simple rumeur. Tout comme Jane et Elizabeth, Elinor et Marianne sont deux victimes de ce système social qui broie les femmes livrées à elles-même et la richesse de l'œuvre consiste à analyser deux tempéraments opposés face à la même injustice: celle qui supporte son sort avec un stoïcisme apparent et celle qui se laisse consumer par la passion. Les hommes, au nombre de trois dans les deux romans représentent trois possibilités: l'amour réciproque et immédiat mais contrarié (Jane et Bingley, Elinor et Edward), le substitut paternel qui veille secrètement sur celle qu'il aime et dont la patience et le dévouement finissent par être récompensés (Darcy et Elizabeth, Brandon et Marianne) et enfin le séducteur, lâche, manipulateur et irresponsable spécialiste du détournement de mineures (les deux W, Wickham et Willoughby) qui s'en prennent aux filles protégées par le substitut paternel (la sœur de Darcy, la pupille de Brandon) et menacent directement ou indirectement de perdre leur grand amour. Pour parvenir à démêler le bon grain de l'ivraie, un repère est donné dans la série par cette citation: "ce qui est important, ce n'est pas ce qu'il dit ou ce qu'il ressent, c'est ce qu'il fait". Le casting n'est pas aussi flamboyant que dans le film de Ang Lee (qui reste ma version préférée du roman de Jane Austen) mais il est tout à fait satisfaisant (les fans de la série "Downton Abbey" reconnaîtront Dan Stevens dans le rôle de Edward Ferrars alors que ceux qui connaissent les films Harry Potter retrouveront Mark Williams dans le rôle de sir John Middleton). Le paysage maritime où viennent se retirer les sœurs Dashwood a même un côté un peu sauvage et primitif qui fait penser à "L'Aventure de Mme Muir" de Joseph L. Mankiewicz.

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Orgueil et Préjugés (Jane Austen's Pride and Prejudice)

Publié le par Rosalie210

Simon Langton (1995)

Orgueil et Préjugés (Jane Austen's Pride and Prejudice)

La meilleure adaptation du plus célèbre roman de Jane Austen n'est pas un long-métrage de cinéma mais une mini-série télévisée en six épisodes de 50 minutes produite par la BBC et diffusée à partir de 1995. Elle fit sensation dans tous les pays anglo-saxons où elle fut diffusée et devint une œuvre culte, couverte de récompenses. Elle fit redécouvrir Jane Austen aux jeunes générations qui multiplièrent les initiatives pour faire revivre son œuvre (sites internet, marathons de lecture, fanfictions, bals d'époque). Helen Fielding s'en inspira (très) fortement pour sa saga littéraire consacrée à Bridget Jones que les adaptations cinématographiques rendirent indissociables de la mini-série avec de nombreux clins d'œil, à commencer bien sûr par le réemploi de Colin Firth en Mark Darcy.  Son influence s'exerça jusqu'au "Discours d'un roi" qui réunit pour la première fois depuis 1995 Colin Firth et Jennifer Ehle, le splendide couple phare de la version BBC (mais toute la distribution est remarquable). Ce dernier qui devint une star internationale à la suite de la diffusion de la série déclara d'ailleurs en 2006 que les trois femmes de sa vie étaient "sa mère, sa femme et Jane Austen" ^^.

Le format de la mini-série s'avère absolument idéal pour transposer le roman de Jane Austen. Il permet de coller au plus près de l'œuvre dont il restitue toute la richesse avec une grande fidélité grâce au travail scénaristique de Andrew Davies.  De plus, il la rend incroyablement vivante et actuelle, avec une mise en scène très dynamique de Simon Langton et une musique enlevée signée Carl Davis. L'histoire a beau se passer au début du XIX° siècle dans un contexte social et juridique beaucoup plus rigide et inégalitaire que le nôtre, l'écriture de "Orgueil et Préjugés" est très moderne dans son analyse de la difficulté à communiquer, dans son féminisme et dans son regard plein d'ironie vis à vis de la société dont elle croque les travers avec un humour caustique irrésistible. Une ironie qui est l'un des traits de caractère les plus saillants de Elizabeth Bennet (qui tient cela de son père avec lequel elle partage une délicieuse complicité), l'héroïne. Un esprit libre dans un corps toujours en mouvement plongé dans un monde corseté, vénal (il faut voir avec quelle vulgarité la mère d'Elizabeth affiche sur la place publique son obsession de voir ses filles faire un beau mariage) et étriqué. Un monde que semble incarner l'austère, froid et hautain Darcy. Mais dans cette histoire où les apparences sont trompeuses, Elisabeth va l'aider sans le vouloir (consciemment en tout cas) à se libérer du carcan qui l'aliène, rendu dans la série (comme chez James Ivory, autre as du genre) par les plans où le personnage la regarde par la fenêtre comme s'il était en prison. Car Darcy n'est pas plus conventionnel qu'Elizabeth notamment par le fait qu'il est trop intelligent pour se plier à la stupidité des règles du théâtre social et tout aussi incapable de mensonge. Il se révèle également le plus mature de tous les personnages de l'histoire avec un sens des responsabilités qui le fait se substituer aux pères défaillants (le sien, celui d'Elizabeth et même celui de Bingley). Même si sa première demande en mariage est humiliante et maladroite sur la forme elle est révélatrice sur le fond: il est incapable d'aller à l'encontre de ses sentiments, même si son orgueil doit en souffrir et en dépit de toutes les pressions sociales qu'il aura à subir du fait qu'il s'agit d'une mésalliance. Tout en respectant à la perfection tous ces aspects, la mini-série ajoute une dimension sensuelle qui n'existait pas dans le roman. Entre Elizabeth et Darcy, l'essentiel ne passe pas par les mots mais par le corps et surtout le regard, doté d'une charge émotionnelle et même érotique surpuissante qui culmine avec la scène cultissime de la chemise mouillée (qui me fait penser à la "Femme au corbeau" de Frank Borzage). Le désir féminin se fait donc une vraie place dans cette série (la littérature dérivée du type Bridget Jones est d'ailleurs qualifiée de "chick lit", "littérature de fille") tout à fait comparable à celui qui se manifeste dans les shojo mangas même s'il faut pour cela qu'il s'exprime à travers la petite lucarne, jugée moins "noble" que la grande. Heureusement que les apparences sont -parfois- trompeuses.

Orgueil et Préjugés (Jane Austen's Pride and Prejudice)

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Rosita, chanteuse des rues (Rosita)

Publié le par Rosalie210

Ernst Lubitsch (1923)

Rosita, chanteuse des rues (Rosita)

"Rosita, chanteuse des rues" est le premier film américain de Ernst LUBITSCH. Surnommé le "D.W. GRIFFITH allemand", il acquiert une célébrité internationale dès la fin des années 10. En 1923, il est invité aux USA par Mary PICKFORD qui vient de fonder sa propre société de production. Il est donc logique qu’il lui renvoie l’ascenseur en lui donnant le premier rôle de "Rosita". Adapté d’une pièce de théâtre, "Don César de Bazan" qui se déroule dans l’Espagne du XVII° siècle, "Rosita" est une délicieuse comédie romantique pleine de quiproquos et de rebondissements où les femmes, magnifiées par la caméra de Ernst LUBITSCH osent tenir tête au pouvoir masculin et affirmer leurs propres désirs. Une solidarité de fait se créée ainsi entre Rosita la chanteuse des rues et la femme du roi (Irene RICH) pour mettre au pas l’époux volage (Holbrook BLINN), une fripouille libidineuse au possible (dont l’aspect physique n’est pas sans rappeler Serge Lama jouant Napoléon ^^). On pense au "mariage de Figaro" de Beaumarchais qui se déroule aussi en Espagne et qui partage avec "Rosita" le même caractère pétillant et une intrigue assez similaire : un époux volage et lubrique, une épouse bien décidée à ne pas se laisser faire et qui devient de ce fait l’alliée d’une femme de condition inférieure convoitée par le mari mais qui est amoureuse d’un autre et défend bec et ongles son droit au bonheur. Même si Mary PICKFORD se plaignait du fait que Lubitsch préférait filmer des portes plutôt qu’elle-même, elle est fort bien servie par celui-ci dans son premier vrai rôle de femme et non dans plus dans celui d’une éternelle gamine. Et quelle femme! Fidèle à elle-même, elle en fait des tonnes mais son énergie et son exubérance vont bien avec son rôle piquant de chanteuse satiriste de de la cour, sa cible préférée étant bien entendu le roi à qui elle en fait voir de toutes les couleurs pour la plus grande jubilation du spectateur. La célèbre scène où elle pique des raisins dans la corbeille à fruits symbolise fort bien son appétit de la vie. Ernst LUBITSCH orchestre d’ailleurs admirablement sa relation avec Don Diego (George WALSH), la séparation et l’adversité ne faisant au final que les rapprocher toujours plus l’un de l’autre, au point d’oser suggérer des scènes d’intimité physique dans la prison en ombres chinoises. Et pour couronner le tout il lie cet intimisme avec a contrario de superbes scènes de foule (l’histoire se déroule pendant le carnaval de Séville), remarquablement filmées.

A noter que le film a bénéficié d’une restauration en 2017 par le MOMA qui a également complété les intertitres manquants. Il est disponible jusqu’en août sur Arte replay.

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