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Articles avec #comedie dramatique tag

Mina Tannenbaum

Publié le par Rosalie210

Martine Dugowson (1993)

Mina Tannenbaum

J'avais beaucoup entendu parler de "Mina Tannenbaum" à sa sortie. Force est de constater qu'aujourd'hui il est un peu oublié, sans doute parce qu'il a mal vieilli. C'est en tout cas l'impression que j'ai eu en le regardant. Il y a évidemment les deux actrices qui crèvent l'écran, Elsa ZYLBERSTEIN et Romane BOHRINGER auxquelles il faut rajouter une cousine hors-sol commentant leurs faits et gestes qui est devenue également célèbre, Florence THOMASSIN. Mais autour d'elles, force est de constater que c'est un peu le désert: personnages secondaires inconsistants, environnement qui manque de vie, passage du temps abstrait (leurs looks improbables n'aident pas et comme il y a peu de choses autour, on a du mal à se situer) et même au final une certaine difficulté à nous faire ressentir le poids de leurs origines familiales et culturelles dans leurs existences alors que c'est censé être essentiel. Tout cela fait que je me suis assez vite désintéressée de leurs petits problèmes amoureux (tous leurs Jules sont insipides à part celui joué par Jean-Philippe ÉCOFFEY qui avait un vrai potentiel mais hélas sous-exploité) aussi bien que de leurs ambitions professionnelles ou artistiques. En résumé, le talent et le charisme des actrices dissimule un film anémique. Lorsque des séquences entières sont occupées par des citations musicales ou cinématographiques restituées telles quelles, ce n'est en général pas bon signe. L'étendard qu'il a pu constituer pour une partie des jeunes filles de l'époque a dissimulé sa pauvreté intrinsèque.

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Mandibules

Publié le par Rosalie210

Quentin Dupieux (2020)

Mandibules

Dans "Mandibules", la trouvaille fantastico-absurde de Quentin DUPIEUX n'est ni un pneu psychopathe, ni un blouson en daim qui ne supporte pas la concurrence mais une mouche géante nommée Dominique trouvée dans un coffre de voiture volée par deux losers SDF particulièrement bas de plafond, Manu (Grégoire LUDIG) et Jean-Gab (David MARSAIS). Le genre à enchaîner les gaffes, à avoir un débit de "mongol", trois mots de vocabulaire et aucune suite dans les idées. De quoi bien s'entendre avec la mouche donc. Pas désarçonnés pour deux sous par cette étrange découverte, ils décident d'apprivoiser la bête pour l'utiliser comme drone à leur service. Là où le film devient carrément jubilatoire c'est lorsqu'à la suite d'une méprise, les deux compères quelque peu attardés se retrouvent avec leur passager clandestin dans une superbe villa avec piscine avec une bande de jeunes bourgeois pas très fute-fute eux non plus. Les quiproquos hilarants s'enchaînent portés par une Adèle EXARCHOPOULOS dans un rôle à contre-emploi. Elle est la seule "fine mouche" du groupe mais comme elle est handicapée dans son élocution suite à un accident, elle passe pour une complète agitée du bocal qui fait la paire avec les deux zigotos.

L'univers décalé de Quentin DUPIEUX fait donc encore une fois mouche ^^, nous délivrant une délicieuse petite comédie dont il a le secret, absurde en apparence mais qui retombe parfaitement sur ses pieds. Manu et Jean-Gab semblent coincés dans une réalité parallèle où le temps n'existe pas (ils vivent dans l'insouciance de l'instant) pas plus que l'ancrage dans un espace (ils vivotent dans la précarité la plus complète, dorment dans leur voiture volée déglinguée ou à la belle étoile, mangent ce qui leur tombe sous la main et ont une hygiène douteuse en contraste total avec les luxueuses villas qu'ils sont amenés à visiter ce qui n'a pas l'air de les affecter). D'une certaine manière, ils vont de pair avec la mouche qui vit dans les décharges et se nourrit de rebuts.

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A nous la liberté

Publié le par Rosalie210

René Clair (1931)

A nous la liberté

Impossible en regardant "A nous la liberté" de ne pas penser à "Les Temps modernes" (1934) et même à "Le Roi et l'Oiseau" (1979). Non seulement pour sa critique du travail à la chaîne comme instrument d'un système politique coercitif mais aussi pour le primat de l'image et de la musique sur la parole, associée au monde mécanique. Ce n'est pas seulement un choix lié à la proximité de deux de ces oeuvres avec le cinéma muet. C'est aussi un acte politique alors que les années 30 voyaient se multiplier "le viol des foules par la propagande politique" pour reprendre le titre du livre de Tchakhotine. L'homme nouveau des régimes totalitaires n'était en effet rien d'autre qu'un outil standardisé fabriqué à la chaîne pour servir les désirs de grandeur de leurs chefs: soldat, ouvrier ou les deux. En cela "Le Roi et l'Oiseau" en est leur parfait héritier, transformant en conte universel et atemporel l'expérience de la déshumanisation provoquée par les révolutions industrielles du XIX° siècle et les régimes totalitaires du XX° siècle et faisant par contraste l'apologie de la liberté individuelle et de la résistance à l'oppression, y compris à travers les objets du monde industriel délivrés de leur servitude (une idée reprise ensuite par Hayao MIYAZAKI dans "Le Château dans le ciel") (1986).

"A nous la liberté", l'un des premiers films parlant de René CLAIR est à l'image de ses films muets. Un pied dans l'avant-garde, architecturale notamment (le style Bauhaus des décors de Lazare MEERSON), l'autre dans le rétroviseur et plus précisément dans le burlesque muet dont la mécanique propre, celle de la course-poursuite endiablée, vient dérégler celle de l'usine. Il est d'ailleurs amusant de souligner que René CLAIR et Charles CHAPLIN se sont rendus mutuellement un hommage bien plus qu'ils ne se sont copiés. Le premier en créant des personnages de vagabonds libertaires qui ne peuvent se conformer ni au système de la prison, ni à celui de l'usine (qui est montrée sur le fond et la forme comme une nouvelle prison, évoquant même de façon anticipée la célèbre devise nazie affichée au portail des camps de concentration "le travail rend libre" mais aussi et c'est moins connu au fronton des usines chimiques de sa société IG Farben dont une succursale était installée à Auschwitz) en préférant partir sur les routes, le plan de fin reprenant celui de "The Tramp" (1915). Le second en maximisant les potentialités comiques du dérèglement de la machine à rendement et en terminant son film en ajoutant au vagabond s'éloignant vers l'horizon un autre personnage, celui de sa compagne plutôt que de son compagnon. Car se manifeste dans le film parlant de René CLAIR comme dans ceux de la même époque de Julien DUVIVIER une défiance vis à vis des femmes typique du cinéma français des années 30. Autre différence essentielle: Charles Chaplin ne manifeste pas la même naïveté que René Clair vis à vis du progrès technique qui viendrait délivrer l'homme de son aliénation.

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Pain, tulipes et comédie (Pane e tulipani)

Publié le par Rosalie210

Silvio Soldini (2001)

Pain, tulipes et comédie (Pane e tulipani)

Pain, tulipes et comédie" est un récit d'émancipation qui m'a fait penser (les couleurs pop en plus) à un film français bien postérieur "Lulu femme nue" (2013). Dans les deux cas, les personnages principaux sont des femmes au foyer d'une quarantaine d'années opprimées par le patriarcat qui peu à peu se libèrent de leur mari goujat (et plus largement des injonctions sociales liées à la bonne épouse-bonne mère) en multipliant les actes manqués. Lulu ratait son train et perdait son alliance. Rosalba rate son car de tourisme, son train, fait tomber des objets dans les WC et casse un bibelot. Par conséquent ces femmes désormais sans foyer passent un moment de transition à l'hôtel et font de nouvelles rencontres avant de se créer un nouveau foyer bohème temporaire qui répond mieux à leurs aspirations. Dans le cas de Lulu il s'agissait d'une caravane. Dans celui de Rosalba (Licia MAGLIETTA) qui sur une impulsion soudaine fait une virée à Venise (la ville du cliché romantique où elle n'est jamais allé, tout un symbole), c'est une pièce dans un logement occupé par Fernando (Bruno GANZ) qu'elle a rencontré dans un restaurant où il faisait le service. Rosalba se trouve également rapidement un travail en tant qu'assistante d'un fleuriste anar, se lie d'amitié avec Grazia (Marina MASSIRONI), une masseuse holistique (!) et sort du placard un accordéon qui s'accorde avec la personnalité de Fernando, lequel n'a pas seulement des talents de cuisinier mais aussi de chanteur. Mais avant de pouvoir s'exprimer, il doit lui aussi se libérer des boulets qu'il a au pied. Léger et pétillant, le film est extrêmement plaisant à regarder en dépit d'une fin très prévisible. Les seconds rôles très proches de la bouffonnerie apportent leur lot d'humour*. Le film s'avère émouvant aussi quand on le regarde aujourd'hui. Car pour rendre hommage à cet acteur hors-normes qu'était Bruno Ganz**, sa tombe a été fleurie avec des centaines de tulipes comme on peut le voir dans le documentaire "Bruno Ganz, les Révolutions d'un Comédien" (2021).

* Le titre français se réfère également à la culture italienne, plus exactement à des comédies antérieures "Pain, amour et fantaisie" (1953) et "Pain, amour et jalousie" (1954).

** Bruno Ganz était polyglotte (il parlait couramment cinq langues) notamment en raison de ses origines: un père allemand, une mère italienne et une enfance en Suisse. Mais sa manière de parler l'italien, comme le français était plus littéraire que naturelle. Aussi le scénario en fait un... islandais!

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Missing Johnny (Qiáng ní Kǎi kè)

Publié le par Rosalie210

Huang Xi (2017)

Missing Johnny (Qiáng ní Kǎi kè)

Dans le cadre de sa programmation consacrée au cinéma taïwanais en octobre, MK2 propose en salle et sur sa plateforme de streaming, MK2 Curiosity des films inédits en France dont "Missing Johnny", le premier film de Xi Huang qui a longtemps travaillé aux côtés de HOU Hsiao-Hsien, ce dernier ayant contribué à produire le film.

Bien que cela ne soit pas précisé, je pense que cette mise en avant du cinéma taïwanais par la plateforme alors que la menace géopolitique d'invasion de l'île par la Chine continentale se fait de plus en plus précise n'est pas un hasard d'autant que le congrès du Parti communiste chinois vient de donner un troisième mandat à Xi Jinping, partisan d'une ligne dure qui semble plus puissant que jamais. La plateforme de la Cinémathèque a créé une rubrique consacrée au cinéma ukrainien qui va dans le même sens, rappelant que la culture est un pilier du soft power à l'heure où les autocraties gagnent du terrain au détriment des démocraties.

"Missing Johnny" est avant tout un film d'atmosphère qui filme les pulsations de la capitale de Taïwan, Taipei qui comme toutes les grandes métropoles mondialisées possède sa Skyline (ou à défaut un CBD) et ne dort jamais. Le film suit trois personnages cohabitant dans le même environnement: deux vivent dans le même immeuble, le troisième y travaille. Chacun d'eux vit dans sa bulle. Hsu élève un couple de perroquets dans son appartement, Lee est autiste et accumule des piles de journaux dans sa chambre, Feng semble passer sa vie dans sa voiture. Sauf que l'un des perroquets de Hsu s'envole, que Lee disparaît durant des heures et que la voiture de Feng ne cesse de tomber en panne ce qui a pour conséquence de créer des interactions entre eux. Si l'intrigue reste tout de même très ténue (il ne se passe pas grand-chose en dehors du fait que l'on découvre la situation personnelle compliquée de Hsu au cours du film qui incarne la diaspora chinoise), les images de la ville sont absolument magnifiques: chaque plan semble construit comme un tableau animé, souvent de belles couleurs vives. Sur le plan esthétique, le film est un enchantement.

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Salé sucré (Yin shi nan nu)

Publié le par Rosalie210

Ang Lee (1994)

Salé sucré (Yin shi nan nu)

"Salé sucré" est une chronique familiale à la sauce délicate, subtile et riche en goût pour filer la métaphore culinaire. Il m'a fallu d'ailleurs deux visionnages pour en saisir toutes les nuances ce qui n'est guère étonnant avec un cinéaste de l'étoffe de Ang LEE qui n'est jamais meilleur selon moi que dans ce registre comme l'a confirmé par la suite son inoubliable "Raison et sentiments" (1995).

Deux thèmes majeurs traversent de part en part le film: celui du flux et celui de la place. Alors que des images de circulation de piétons, d'usagers de transports en commun et de voitures reviennent à intervalles réguliers, symbolisant le mouvement de la vie, la famille de M. Chu (Sihung LUNG) se caractérise au contraire par la fixité et la rétention. Fixité des rituels, tel celui du repas dominical auquel ses trois filles adultes n'osent se soustraire sans pour autant parvenir à "goûter" les plats raffinés que leur chef cuisinier de père leur a pourtant concocté avec soin. Pas plus que lui d'ailleurs qui dit avoir perdu le sens du goût. On est d'autant plus désarçonné par cette soupe à la grimace que toute l'introduction nous faisait saliver avec la promesse d'un festin. C'est qu'il manque la dimension fondamentale de la convivialité dans ces repas qui loin de réunir le père et ses filles les enferment dans des rôles qui les étouffent à petit feu, faute d'une circulation adéquate de la parole. Et cela concerne aussi leur entourage. Lorsque Madame Liang (Ah LEI GUA) qui a des vues sur M. Chu en parle à sa fille, Jin-Rong (Sylvia CHANG), quadragénaire en instance de divorce, elle s'exprime d'une manière éloquente: "M. Chu, qu'est ce que tu en penses? Je le trouve très charmant moi, il cuisine très bien, il ne parle pas beaucoup, mais on communique quand même." Quand on connaît la fin du film, on ne peut que sourire devant la naïveté de son propos. A l'image du quatuor formé par Madame Liang, Jin-Rong, sa fille écolière Shan-Shan et M. Chu, les relations sentimentales (et sexuelles) de ses trois filles sont marquées par les quiproquos, les malentendus et les secrets. L'aînée, Jia-Jen (Yang KUEI-MEI), professeure de chimie qui à la suite d'une soi-disant déception sentimentale a renoncé à l'amour pour embrasser la foi chrétienne reçoit jour après jour dans son lycée des lettres d'amour enflammées mais anonymes juste au moment où elle sympathise avec le capitaine de volley. La seconde, Jia-Chien (Jacqueline WU), directrice adjointe d'une compagnie aérienne n'arrive pas à rompre clairement avec son ex tout en flirtant avec un collègue de travail qu'elle soupçonne d'être à l'origine du célibat de sa grande soeur. Enfin la plus jeune, Jia-Ning (Yu-Wen WANG) qui est étudiante jette son dévolu sur un garçon qu'elle croit libre puisque sa copine jure qu'il ne l'intéresse plus. On remarque également qu'à force de monopoliser la sphère culinaire, le père empêche ses filles d'y accéder ce qui menace la transmission de sa culture. Jia-Chien a hérité de son talent mais ne se sent pas le droit de l'exprimer, son métier de femme d'affaires étant une inversion des rôles subie plus que choisie et Jia-Ning a un boulot d'appoint dans un fast-food ce qui rend très concrète la menace d'acculturation (plusieurs personnages ont des liens avec les USA comme Ang LEE lui-même dont une part de la filmographie s'est acculturée).

Bien évidemment les images de flux présentes dans le film dont l'une est associée à la petite Shan-Shan vont finir par faire sauter les digues et entraîner la famille dans son courant, redéfinissant les places en fonction des vrais désirs de chacun. La scène finale est de ce point de vue particulièrement symbolique.

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Garçon d'honneur (The Wedding banquet)

Publié le par Rosalie210

Ang Lee (1993)

Garçon d'honneur (The Wedding banquet)

Le deuxième film de Ang LEE a également été celui de sa consécration internationale puisqu'il obtient d'Ours d'or à Berlin. C'est une comédie souvent désopilante mais porteuse d'un message grave sur la difficulté d'être soi quand on est tiraillé entre deux appartenances incompatibles entre elles (un sujet que connaît bien le réalisateur puisqu'il est dans la même situation que son héros). On rit beaucoup devant les contorsions de Wei-Tong qui tente de préserver sa vie personnelle (individualiste, new-yorkaise, moderne, homosexuelle) tout en faisant plaisir à ses parents taïwanais traditionnalistes qui veulent une belle-fille et un héritier. Comme il est incapable de leur avouer la vérité, il imagine avec son amant, Simon un stratagème censé contenter tout le monde: contracter un mariage blanc avec Wei-Wei, sa locataire chinoise en situation irrégulière pour lui permettre d'obtenir une carte verte et en même temps se délivrer de la pression familiale. Mais ce qu'il n'avait pas prévu c'est que ses parents allaient débarquer à New-York bien décidés à s'installer chez lui pour organiser son mariage en grande pompe avec toute la communauté taiwanaise de New-York qui s'assure que celui-ci a été bien consommé. Wei-Tong qui tout au long de ces péripéties a révélé sa faiblesse de caractère face au poids des traditions de son pays d'origine et également face à Wei-Wei qui en pince pour lui se retrouve donc pris au piège de son mensonge au point de mettre en péril son véritable couple avec Simon relégué au rang de garçon d'honneur qui en vient à se demander ce qu'il fait dans cette galère. A force de vouloir marier la carpe et le lapin, Wei-Tong pourrait bien tout perdre d'autant que son père a le coeur fragile ce qui sert de prétexte pour repousser toute velléité de clarifier la situation. Mais ce père redouté s'avère bien plus fine mouche qu'il n'y paraît et on retrouve avec plaisir la subtilité d'approche de l'humain, par delà les différences culturelles du réalisateur de "Raison et sentiments" (1995).

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Le Chant du Danube (Waltzes from Vienna)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1934)

Le Chant du Danube (Waltzes from Vienna)

"Le Chant du Danube" fait partie des films les moins connus de Alfred HITCHCOCK sans doute parce que sa diffusion est devenu au fil du temps une rareté. Il existe pourtant en DVD zone 2, seul ou à l'intérieur d'un coffret. Mais Hitchcock n'avait pas beaucoup d'estime pour ce film si l'on se fie à ce qu'il en disait dans ses entretiens avec François TRUFFAUT. Selon moi, il avait tort. Déjà parce qu'il y a toujours quelque chose de bon à retirer d'un film de Alfred HITCHCOCK, même considéré comme mineur. Et ensuite, parce que bien qu'atypique dans sa filmographie, "Le Chant du Danube" porte bien sa signature et est plus inventif, dynamique et intéressant (tant sur le fond que sur la forme) que d'autres films qu'il a pu faire à la même époque (par exemple "Junon et le paon") (1929) ou même ultérieurement ("Joies matrimoniales") (1941).

Il est difficile de définir le genre auquel appartient "Le Chant du Danube", c'est selon moi l'un de ses charmes. Il s'agit de l'adaptation d'une opérette, "Walzer aus Wien" (le titre du film en VO) de Heinz Reichter, A.M. Willner et Ernst Marishka, créée à Vienne le 30 octobre 1930 sur des musiques de Johann Strauss père et fils arrangées par Erich Korngold. Pourtant, le résultat à l'écran n'a rien à voir avec ce que l'on pourrait craindre: une grosse pâtisserie meringuée façon "Sissi" (1955). Il est bien question pourtant de pâtisserie dans "Le Chant du Danube" et aussi de biographie romancée, et évidemment de musique mais c'est pour mieux échapper aux clichés. Alfred HITCHCOCK créé un film extrêmement libre (surtout pour l'époque) qui si je devais le définir se situe quelque part entre le récit d'émancipation et la comédie à tendance burlesque. Il fait le portrait particulièrement attachant de Johann Strauss junior dont le génie créatif est étouffé par un père castrateur et une fiancée possessive. Mais un troisième personnage, la comtesse Helga von Stahl lui apporte au contraire une aide décisive (et un grand souffle de liberté). On est charmé par la manière très imagée (et rythmée) avec laquelle Hitchcock transcrit la genèse de la création de la célèbre valse de Strauss junior "Le Beau Danube bleu", la façon dont il parvient à la faire entendre au public ainsi que par quelques moments où la comédie s'emballe jusqu'aux limites de la transgression notamment au début et à la fin, bâties sur le même modèle. Une fin qui m'a beaucoup fait penser à l'acte II du "Mariage de Figaro"* dont le sous-titre est "La folle journée".

* Pour mémoire, il s'agit du moment où le comte surgit chez la comtesse, persuadé de son infidélité, pour y débusquer Chérubin qui s'est caché dans le cabinet adjacent. Mais Chérubin parvient à sauter par la fenêtre et Suzanne a le temps de prendre sa place juste avant que le comte n'oblige la comtesse à ouvrir la porte du cabinet. Dans "Le Chant du Danube", le comte, persuadé que sa femme le trompe avec Strauss junior se précipite chez lui pour se faire ouvrir la porte de sa chambre mais ce n'est pas non plus la personne à laquelle il pense qui en sort à la suite de péripéties savoureuses que je ne dévoilerai pas.

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Master Cheng (Masteri Cheng)

Publié le par Rosalie210

Mika Kaurismäki (2019)

Master Cheng (Masteri Cheng)

"Master Cheng", c'est un peu le "Bagdad café" (1987) sino-finnois de Mika KAURISMÄKI, grand frère de Aki KAURISMÄKI. A savoir la rencontre improbable de deux cultures des antipodes dans un petit village perdu, non plus dans le désert des Mojaves mais en Laponie avec pour unité de lieu un restaurant revivifié par la succulente cuisine chinoise et quelques piliers de bistrot pittoresques qui l'initient aux coutumes locales. Jusqu'à ce que l'expiration du visa de Cheng ne mette en péril ce nouvel équilibre: la solution au problème est bien évidemment aussi prévisible que le film lui-même dont l'intrigue est cousue de fils blancs. La gastronomie au cinéma comme moyen de transmission générationnelle ou interculturelle est un thème archi rebattu qui a donné des pépites ("Le Festin de Babette" (1987), "Les Délices de Tokyo" (2015)). "Master Cheng" n'atteint pas ce niveau à cause de ses grosses ficelles scénaristiques mais reste un joli petit film superbement cadré et photographié qui se contemple comme une succession de tableaux que ce soit dans la mise en valeur des paysages ou des plats.

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Chaussure à son pied (Hobson's Choice)

Publié le par Rosalie210

David Lean (1954)

Chaussure à son pied (Hobson's Choice)

Je ne connaissais pas ce film mais lorsque j'ai vu à l'occasion de son passage sur Arte qu'il était réalisé par David LEAN, j'ai foncé et je ne l'ai pas regretté. Il s'agit du dernier film de la première période de sa carrière, britannique, intimiste, en noir et blanc, accordant une grande importance aux décors et aux ambiances et fortement imprégnée d'une conscience sociale et d'un désir de changement. Mais bien que se déroulant dans le même monde que ses adaptations de Charles Dickens, le ton de "Chaussure à son pied" est celui d'une comédie, genre qui contrairement au drame permet la subversion et David Lean ne s'en prive pas. Bien que ce ne soit pas son genre de prédilection, il en maîtrise le rythme et offre un spectacle mené tambour battant par un cordonnier veuf porté sur la bouteille qui tyrannise ses trois filles adultes qui tiennent sa maison et son commerce, sa misogynie rance s'exprimant sans retenue lorsqu'il est au pub. Ca pourrait être triste et mélodramatique, ça ne l'est pas du tout. D'une part Charles LAUGHTON ridiculise son personnage, ses excès alcoolisés le conduisant inéluctablement à la déchéance, symbolisée par une chute au fond d'un trou. De l'autre, sa fille aînée, Maggie (Brenda DE BANZIE) qui est une femme de tête douée en affaires est déterminée à s'émanciper de l'exploitation paternelle qui a fait d'elle une "vieille fille" sans pour autant retomber entre les griffes du patriarcat. Tout en aidant ses soeurs moins futées, elle a une idée de génie qu'elle va mettre en oeuvre avec une persévérance sans faille ce qui va bouleverser son existence ainsi que celle de l'ouvrier local, William Mossup (John MILLS), sorte de Oliver Twist adulte qu'elle va sortir de son aliénation sociale, symbolisée là encore par la place qu'il occupe à la cave. La métamorphose de ces deux personnages soumis de la société victorienne en forme de revanche et l'évolution de leur relation est filmée avec la même subtilité, la même sensibilité que les élans de "Brève rencontre" (1945), notamment les passages où William Mossup prend conscience qu'une autre existence est possible pour lui. Personnellement, j'ai pensé autant à "Smoking" (1992) (qui est le film du plus anglais des cinéastes français, Alain RESNAIS où la différence de classe joue un rôle déterminant) qu'à "Lady Chatterley" (2006).

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