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Articles avec #cinema britannique tag

Mystère à Venise (A Hauting in Venice)

Publié le par Rosalie210

Kenneth Branagh (2023)

Mystère à Venise (A Hauting in Venice)

Après l'Orient-Express et la croisière sur le Nil, Kenneth BRANAGH adapte une troisième fois Agatha Christie, plus précisément son roman "La Fête du potiron" connu aussi sous le titre "Le crime d'Halloween". Comme les deux autres, il met en scène le détective Hercule Poirot sommé de résoudre une enquête criminelle dans un lieu clos, non plus un train ou un bateau mais cette fois un palais vénitien. Ce qui n'est pas le cas du roman d'origine qui situe l'intrigue en Angleterre, plus propice à développer l'imaginaire autour de la fête de Halloween. Qu'à cela ne tienne. Pour accentuer l'effet huis-clos, Kenneth BRANAGH fait se dérouler l'intégralité de l'enquête de nuit et par une tempête déchaînée. Il ne lésine pas non plus sur les effets visuels et sonores du type jump scare qui tendent à faire croire que le palais est envahi d'esprits frappeurs. La question de la croyance est en effet le fil rouge de l'histoire. Le très shakespearien Hercule Poirot joué par Kenneth BRANAGH s'est réfugié dans la Venise d'après-guerre pour y finir ses jours en se terrant dans sa demeure en véritable misanthrope qui ne croit plus en rien ni en personne. Son amie écrivaine, Ariadne Oliver (Tina FEY) au visage aussi couturé que le sien vient l'en exhumer pour le mettre au défi de résoudre une énigme mêlant mettant en oeuvre des phénomènes soi-disant surnaturels. Si le film a du cachet et figure désormais dans la liste des nombreuses oeuvres mettant en scène la cité des Doges (dont le côté mortifère se marie très bien avec les fantômes de Halloween), l'intrigue à la "Shining" (1980) ne tient pas toutes ses promesses, nombre de pistes restant sous-exploitées. Peut-être est-ce dû au trop grand nombre de personnages qui ne peuvent pas être aussi développés qu'il le faudrait. De même tous les phénomènes "surnaturels" (dont certains tombent dans le grand-guignol, pauvre Michelle YEOH!) trouvent une explication rationnelle décevante. J'aurais aimé plus d'ambiguïté, notamment dans tous ces fantômes que croise Hercule Poirot dont Kenneth BRANAGH a fait une âme tourmentée mais qui cette fois-ci s'efface un peu trop au profit de sa galerie survolée de suspects.

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Je suis un fugitif (They made me a fugitive)

Publié le par Rosalie210

Alberto Cavalcanti (1947)

Je suis un fugitif (They made me a fugitive)

Malgré les apparences, il n'y a pas plus cosmopolite que "Je suis un fugitif": film noir britannique réalisé par le franco-brésilien Alberto CAVALCANTI et produit par La Warner dans l'après-guerre. Cependant, si les codes du film sont américains, l'identité qui ressort le plus est britannique avec une brutalité, un pessimisme et un humour noir typiquement british. "Je suis un fugitif" est ainsi un exemple de "spiv film", genre de l'après-guerre désignant les malfrats de petite envergure ("spiv" dans le langage argotique anglais) régnant sur des bas-fonds creusés par la misère, les privations et le rationnement. Venu du documentaire, Alberto CAVALCANTI peut ainsi affûter son sens de l'observation de la réalité sociale sordide régnant dans les grandes villes britanniques au sortir de la guerre. Les décors eux-mêmes rappellent fortement les bas-fonds du Londres de Charles Dickens tandis que les deux acteurs principaux incarnent des personnages qui font penser pour Narcy (abréviation de Narcisse) joué par Griffith JONES à Dorian Gray et pour Morgan à un prolongement du rôle joué par Trevor HOWARD dans "Breve rencontre" (1945) de David LEAN. Le parallèle que je fais entre Narcy et Dorian Gray est lié à son apparence quelque peu dandy, à la façade de respectabilité qu'il recherche en recrutant Morgan et au plan déformant son visage dans le miroir où il apparaît pour ce qu'il est, un psychopathe particulièrement sadique envers les femmes. Morgan est quant à lui un vétéran de guerre alcoolique qui pour tromper son désoeuvrement fait l'erreur de s'acoquiner avec la bande de Narcy, laquelle, comme Lime et ses comparses dans "Le Troisieme homme" (1948) (film contemporain de celui de Alberto CAVALCANTI) se livrent à toutes sortes de trafics. Autre point commun avec le film de Carol REED, l'expressionnisme avec une superbe lumière de Otto HELLER. Car Narcy, figure profondément malfaisante jusqu'à son dernier souffle de vie (comme Lotso dans le final mémorable de "Toy Story 3") (2010) règne sur un monde gangrené d'où il s'avère impossible de s'échapper. La violence et la désespérance sont omniprésentes, on n'est pas prêt d'oublier la scène où Morgan en cavale se réfugie chez une femme qui veut l'utiliser pour abattre son mari. Morgan lui-même est un desperado qui sait que la rédemption est hors de sa portée (les symboles sont nombreux jusqu'à la bagarre spectaculaire et hitchcockienne sur un toit surmonté des lettres "RIP") lancé dans une course contre le temps qui se dérobe.

@solaris_distribution

@bepolar.fr

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Meurtre dans un jardin anglais (The Draughtsman's Contract)

Publié le par Rosalie210

Peter Greenaway (1982)

Meurtre dans un jardin anglais (The Draughtsman's Contract)

Si on accepte le "contrat" (pour reprendre un terme clé du titre en VO et du film lui-même) que propose le réalisateur Peter GREENAWAY au spectateur, on ne peut qu'être comblé par un film raffiné jusqu'au bout de ses plumes et de ses pinceaux. Personnellement, je suis partagée entre fascination pour la splendeur esthétique que dégage "Meurtre dans un jardin anglais" (tant par sa musique que par la composition de ses cadres et sa photographie) et exaspération envers le refus de ce dernier d'aller au-delà d'une mise en scène mécanique au service d'un jeu social froid et abstrait dans lequel les personnages ne sont que des pions manipulés par de super calculateurs*. Alors certes, il s'agit d'une satire au vitriol de la haute bourgeoisie et de son obsession pour la propriété et le patrimoine mais de là a ôter toute vie au tableau comme s'échine à le faire Neville (Anthony HIGGINS, sans doute le double du réalisateur) il y a une marge et si humour il y a, il est si écrit, si métaphorique qu'il faudrait comme dans les opéras posséder le livret pour en saisir toutes les subtilités: cela rajoute un écran supplémentaire à un film qui en contient déjà beaucoup à la façon des poupées russes. Il est beaucoup question de fruits par exemple: prunes, grenades, ananas et toujours comme substituts au sexe ou à la mort. Mais dans ce jardin où tout est sous contrôle, même les éléments incongrus qui s'immiscent dans le paysage (vêtements perdus, échelle oubliée, animal abandonné) ont été disposés sciemment pour renvoyer à des actes qui restent largement hors-champ et que le spectateur est invité à élucider en tant que participant à ce grand jeu qu'est le film. Toute cette complexité est au service d'une histoire pourtant très simple que l'on retrouve dans une nouvelle de Maupassant, "L'Héritage" à ceci près que celui qui croit mener le jeu alias Neville est en réalité le dindon de la farce et qu'il finira mangé tout cru.

* Notamment Mrs Talmann interprétée par Anne LAMBERT, inoubliable beauté botticellienne du merveilleux film de Peter WEIR, "Pique-nique a Hanging Rock" (1975).

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Joue-la comme Beckham (Bend It Like Beckham)

Publié le par Rosalie210

Gurinder Chadra (2002)

Joue-la comme Beckham (Bend It Like Beckham)

"Joue-la comme Beckham" est une petite comédie britannique alerte et pleine d'énergie positive. Si l'histoire est cousue de fil blanc et ressemble à un conte de fées où tous les rêves se réalisent comme par magie, les personnages sont attachants car ils n'entrent pas dans les normes, formant une équipe informelle que l'on a envie de suivre. Jess (Parminder NAGRA) l'héroïne doit sans cesse trouver des subterfuges pour pratiquer son sport favori à l'insu de sa famille indienne attachée aux traditions qui désapprouve son activité. Sa coéquipière "Jules" (Keira KNIGHTLEY alors débutante) est traquée par sa mère, persuadée que son amour du foot dissimule des penchants homosexuels. Leur coach Joe (Jonathan RHYS MEYERS qui n'avait pas encore révélé la face obscure de son jeu avec "Match point") (2005) entraîne des filles et est rejeté par son père. Enfin Tony, le meilleur ami de Jess, indien comme elle fait croire à une idylle entre eux pour mieux dissimuler son homosexualité. Les quiproquos ne cessent ainsi de s'enchaîner autour des différences culturelles et des stéréotypes de genre. La réalisatrice, Gurinder CHADHA est elle-même anglo-indienne et cette double culture nourrit ses films, comme le savoureux "Bride And Prejudice" (2004) (en français "Coup de foudre à Bollywood"). C'est moins le foot que les couleurs, la musique, l'énergie des interprètes et la vivacité de la mise en scène qui nous entraîne et nous fait passer un moment très agréable.

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Prick Up Your Ears (Prick Up)

Publié le par Rosalie210

Stephen Frears (1987)

Prick Up Your Ears (Prick Up)

Merci Maggie. Sans la politique antisociale et homophobe de Margaret Thatcher, il n'y aurait pas eu de renouveau du cinéma anglais dans les années 80, porté par des cinéastes engagés comme Ken LOACH, Mike LEIGH ou Stephen FREARS. Bien que n'étant pas lui-même gay, ses premiers films pour le cinéma revêtent les atours engagés et transgressifs des débuts de Pedro ALMODOVAR ou du cinéma de Rainer Werner FASSBINDER. "Prick Up your ears", son deuxième film après "My Beautiful Laundrette" (1985) a des faux airs de "Querelle" (1982) (l'allusion au phallus dressé n'est pas dans l'affiche mais dans le jeu de mots du titre). Sexe et mort unissent étroitement un duo totalement improbable par ailleurs, celui formé par l'insolent et sensuel dramaturge Joe Orton (Gary OLDMAN) et son amant soumis et jaloux Kenneth Halliwell (Alfred MOLINA) qui s'est donné la mort après l'avoir assassiné. Construit sur un flashback à partir de la découverte de leurs corps par la police, le film prend l'allure d'une enquête, celle du biographe d'Orton John Lar (Wallace SHAWN) assisté de son épouse pour reconstituer la vie de Orton à l'aide du journal intime que lui a confié son agent, Peggy (Vanessa REDGRAVE).

Issu du prolétariat avec lequel il a rompu les amarres de par sa sexualité considérée comme déviante en Angleterre au début des années soixante (le film fait allusion à "La Victime" (1961) premier film à avoir abordé frontalement la question de l'homosexualité au Royaume-Uni), Joe Orton se lance dans une carrière d'acteur avant d'opter pour l'écriture sur les conseils de Kenneth rencontré à l'Académie royale d'art dramatique de Londres. Les pièces de Joe, comme son journal intime que Kenneth prétend ne pas lire en cachette ont pour fonction d'exciter sa jalousie comme si Joe avait besoin du regard de Kenneth pour jouir pleinement de ses frasques. Exhibitionnisme et voyeurisme sont au coeur de leur histoire, de leur sexualité et sont une mise en abyme du théâtre qu'ils pratiquent et du film lui-même. Sexe et mort deviennent entre leurs mains des mises en scène de théâtre où l'on s'invente des rôles, où l'on prend la pose. Joe Orton en Christ offrant son corps à la "passion" dans une pissotière juste après avoir reçu la statuette de son prix préfigure le moment où il se fait tuer, Kenneth regrettant de ne pas avoir utilisé l'objet pour en finir avec lui et s'adressant face caméra au spectateur-témoin. L'aspect outrancier, grotesque de cette mort qui rappelle l'os de jambon de "Qu'est-ce que j'ai fait pour meriter ca ?" (1984) transforme la tragédie en grosse farce. Alors que Joe qui attire la lumière et est fou de son corps opprime Kenneth (y compris en se refusant à lui), ce dernier, complexé et aigri trouve ainsi le moyen cynique de s'offrir une revanche et de passer à la postérité aux côtés de son amant.

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Oppenheimer

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2023)

Oppenheimer

"Oppenheimer" est l'adaptation du livre de Kai Bird et Martin J. Sherwin "Robert Oppenheimer: Triomphe et tragédie d'un génie". En VO, le titre compare Oppenheimer au mythe de Prométhée ce qui est repris dans le film dès la citation qui accompagne les premières images. Ce qui est intéressant dans ce mythe, c'est la versatilité de son interprétation au fil du temps lié au fait que dans la réalité comme dans le mythe (qui est justement une manière d'expliquer le monde), le bien et le mal sont indissociables. Vu d'abord comme un héros positif associé aux progrès de la civilisation occidentale, Prométhée est aujourd'hui associé aux dangers de la "science sans conscience" et Robert Oppenheimer illustre bien cette double facette du Titan: le savant qui vole le feu/l'arme ultime de destruction massive aux Dieux afin de donner un avantage décisif à son camp qu'il pense être celui du bien pour voir ensuite sa création lui échapper, devenir le bouc-émissaire d'une Amérique en pleine paranoïa anti-communiste et être torturé par sa conscience face aux terribles conséquences de l'usage de cette arme entre les mains des grandes puissances.

"Oppenheimer" repose donc sur un matériau solide et une excellente interprétation, Cillian Murphy en tête qui est un habitué des films de Christopher Nolan mais accède enfin à un grand rôle. Son Oppenheimer particulièrement complexe est à la fois proche d'Einstein par son approche scientifique et radicalement opposé à lui sur tout le reste. Aussi les rencontres entre les deux hommes, le vieux sage retiré du monde et le carriériste hanté par les conséquences de son pacte faustien et notamment le final, superbe, en dit très peu et en suggère beaucoup. Des scènes de cette puissance, il y en a d'autres comme l'essai nucléaire qui précède le largage des bombes sur le japon ou la conférence durant laquelle Oppenheimer prend conscience de l'horreur qu'il a rendu possible. Dans les deux cas le décalage entre l'image et le son amplifie la sensation d'apocalypse. Le parallèle entre la basse vengeance de Lewis Strauss, le président de la commission à l'énergie atomique des USA (AEC) sur Oppenheimer puis la revanche des scientifiques au Sénat sur celui-ci vaut aussi son pesant d'or d'autant que si Strauss (Robert Downey Junior) est un personnage simple (un aigri bouffi d'ego), la façon dont Oppenheimer utilise ses démêlés extra-judiciaires pour échapper à sa culpabilité en se posant en victime du maccarthysme est troublante.

Hélas avant cela, il faut subir ce qui s'apparente à une interminable purge de paroles creuses émises par des personnages qui le sont tout autant. Les détracteurs de "Oppenheimer" ont raison au moins sur un point. Le film est "trop": trop long, trop bavard, trop rempli d'effets de style et de personnages secondaires inutiles (tous ces scientifiques au nom et au visage interchangeable auraient pu être réduits de moitié, on aurait pu se passer des scènes de sexe avec l'amante communiste etc). Mais un film plus épuré, plus posé, moins grandiloquent aurait sans doute été moins grand public, aurait moins fait le buzz et Christopher Nolan n'aurait pas pu y greffer ses marottes formalistes. Dommage, il n'en aurait été que plus fort.

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Emma.

Publié le par Rosalie210

Autumn de Wilde (2020)

Emma.

"Emma." est la dernière adaptation en date du livre de Jane Austen "Emma l'entremetteuse", la deuxième pour le cinéma après "Emma, l'entremetteuse" (1996) avec Gwyneth PALTROW. Si la réalisatrice, Autumn DE WILDE dont c'est le premier film tente d'apporter une touche visuelle plus contemporaine et si Anya TAYLOR-JOY (connue notamment pour ses collaborations avec M. Night SHYAMALAN et pour avoir joué le rôle principal dans "Le Jeu de la dame") (2019) est charismatique dans le rôle principal, le reste du casting est assez fade et se compose pour l'essentiel d'acteurs interchangeables ou sous-exploités (Bill NIGHY dans le rôle du père) ce qui n'aide pas à rendre l'intrigue lisible. Cette version du livre de Jane Austen n'est pas désagréable à voir mais reste en surface, manque d'enjeux et est nettement en deça de la mini-série réalisée pour la BBC qui donnait du relief à la plupart des personnages et les rendaient mémorables contrairement à cette version qui lisse toutes les aspérités, même celles de l'ami de Emma, Knightley, loin de la rugosité de l'oeuvre d'origine. On sent que la forme a primé sur le fond. Joli mais parfaitement anecdotique comme l'était déjà la version de Douglas McGRATH.

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Le choix de Jane (Miss Austen Regrets)

Publié le par Rosalie210

Jeremy Lovering (2008)

Le choix de Jane (Miss Austen Regrets)

Dans "Une chambre à soi", Virginia Woolf énumérait les raisons pour lesquelles les femmes ne parvenaient pas à produire une oeuvre littéraire et qui se résumaient dans leur dépendance vis à vis des hommes, détenteurs du pouvoir financier mais également des normes culturelles infériorisant les femmes en les cantonnant au rôle d'épouse et de mère et en les privant des conditions nécessaires à la liberté créatrice ("de l'argent et une chambre à soi"). C'est exactement ce que démontre de manière convaincante "Le choix de Jane". Pour avoir bravé les conventions de son époque en refusant de se marier par intérêt à un homme riche, Jane Austen se retrouve dans une situation si difficile qu'elle n'est sans doute pas étrangère à son décès prématuré. Le téléfilm de Jeremy LOVERING évoque en effet les dernières années de l'écrivaine alors âgée d'une quarantaine d'années et confrontée aux conséquences douloureuses de ses choix. Si ses romans débouchent sur un mariage heureux en guise de consolation/compensation, Jane tout comme sa soeur Cassandra et tout comme 1/4 des femmes de cette époque a opté pour le célibat. Soit comme je le disais plus haut par refus de se vendre à un homme riche, soit parce que sa situation financière ne lui permettait pas de s'unir à un homme pauvre (ou dépendant d'un tuteur riche décidant pour lui). On le constate, le mariage à cette époque est une affaire d'argent qui domine d'ailleurs tous ses romans. Et l'argent appartient aux hommes puisque les femmes de la gentry britannique du début du XIX° siècle n'ont pas accès à l'emploi ni à l'héritage. Lorsqu'un homme chasse une dot, il s'unit en réalité à un autre homme, celui qui la détient, la femme n'étant qu'un instrument de la transaction financière. Lorsque cette dot n'existe pas, comme dans le cas de Jane et sa soeur, le mariage relève de la prostitution, donner son corps et sa liberté en échange d'un toit et d'une place à table. En le refusant, Jane se met dans la précarité ainsi que sa mère et sa soeur (le révérend Austen, mort en 1905 les a laissées sur la paille). Elle dépend de fait de ses frères dont deux seulement sont présentés dans le film qui la soutiennent, l'un en négociant les droits de vente de ses romans et l'autre en mettant à sa disposition son cottage pour écrire. Mais parce qu'ils sont écrits par une femme, ils sont dévalués et les droits du frère sur le cottage sont attaqués ce qui contribue un peu plus à l'usure prématurée de Jane. "Un peu plus" car tout dans son quotidien lui rappelle qu'elle n'est pas dans la norme, que ce soit les reproches de sa nièce Fanny pour qui elle s'improvise marieuse (comme son héroïne "Emma") ou ses anciens flirts ou encore sa mère. Olivia WILLIAMS est très convaincante dans le rôle-titre et le film, éclairant sur la réalité de la condition féminine à cette époque.

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Emma

Publié le par Rosalie210

Jim O'Hanlon (2009)

Emma

A l'exception de "Raison et Sentiment" (2008) qui souffre de sa comparaison avec le film de Ang LEE scénarisé et interprété par la divine Emma THOMPSON, j'ai systématiquement préféré les adaptations des romans de Jane Austen en mini-série pour la BBC aux déclinaisons cinématographiques de ces mêmes romans. Je n'avais pas aimé l'adaptation sans relief de "Emma" réalisée par Douglas McGRATH avec Gwyneth PALTROW dans le rôle-titre qui correspondait à un filon commercial exploité par la Weinstein et cie dans les années 90. Rien à voir avec la mini-série en quatre épisodes scénarisée par Sandy WELCH déjà à l'oeuvre sur la formidable adaptation de "Jane Eyre" (2006) réalisée par Susanna WHITE. Le résultat est d'une grande fidélité au roman tout en maintenant l'intérêt du spectateur sur la durée. "Emma" est comme la plupart des livres de Jane Austen un récit initiatique de passage à l'âge adulte mais d'un point de vue féminin. Les contraintes qui pèsent sur les jeunes filles de la gentry (petite noblesse rurale, milieu social auquel elle appartenait) ont une très grande importance. Comme dans "Jane Eyre" autre récit initiatique au féminin (mais plus sauvage, Charlotte Brontë considérait les romans de sa consoeur comme un jardin trop bien ordonné), l'héroïne compense l'impossibilité d'apprendre en se déplaçant par un voyage intérieur. Jane s'évadait dans les livres, Emma se fait des films à partir des gens qui l'entourent, imaginant des intrigues amoureuses entre les uns et les autres qu'elle aide à se concrétiser afin d'avoir un rôle actif et valorisant. Mais sans expérience de la vie et nourrie de préjugés de classe, Emma manque de discernement et multiplie les maladresses et les bévues au point de compromettre sa propre situation à force d'aveuglement. Ce que j'ai aimé dans la série, c'est le regard bienveillant sur Emma (très bien interprétée par Romola GARAI) qui agace certes au début ("la petite fille gâtée qui croit mieux savoir ce qui est bon pour les autres qu'eux") mais évolue très vite. Bien que ses agissements relèvent de la manipulation, elle est trop naïve pour maîtriser les tenants et aboutissants de ses actes et c'est elle qui finalement devient une victime (d'elle-même mais aussi de prétendants plus aguerris). A cela s'ajoute le fait qu'après la mort de sa mère et les mariages de sa soeur et de sa gouvernante, elle se retrouve seule à tenir compagnie à un père particulièrement anxieux qui n'aime pas qu'elle s'éloigne de lui (Michael GAMBON, le Albus Dumbledore de la saga Harry Potter à partir de l'épisode 3). Heureusement, elle a un ami et mentor en la personne de son voisin et beau-frère, George Knightley (Jonny LEE MILLER), plus âgé qu'elle et ayant une meilleure connaissance des codes sociaux et du coeur des hommes mais qui contrairement à Frank Churchill ou à Mr. Elton ne cherche pas à profiter d'elle mais à lui ouvrir les yeux sur ses erreurs. Pour un spectateur qui ne connaît pas le roman et qui donc va s'identifier à Emma, il n'est pas si simple de démêler le vrai du faux et donc de comprendre ce qui se trame vraiment entre les uns et les autres. Et pour celui qui le connaît, il peut une fois de plus admirer la profondeur de l'étude de moeurs de Jane Austen qui nous met face à une galerie de personnages écrasés par leur condition sociale qui dicte souvent leurs actes ce qui fait penser à la phrase de Jean RENOIR, "chacun a ses raisons".

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Secrets et mensonges (Secrets and Lies)

Publié le par Rosalie210

Mike Leigh (1996)

Secrets et mensonges (Secrets and Lies)

Mike LEIGH a un point commun avec Pedro ALMODÓVAR: c'est un cinéaste qui sait donner du relief à ses personnages et mettre en valeur ses acteurs. Si la jeune génération a découvert David THEWLIS, Imelda STAUNTON ou Timothy SPALL avec les films de la saga Harry Potter, tous trois ont connu la consécration d'un prix d'interprétation dans un grand festival international (Cannes ou Venise) grâce aux films de Mike LEIGH dans lesquels ils ont joué (respectivement "Naked" (1993), "Vera Drake" (2005) et "Mr. Turner") (2014).

Ce talent de portraitiste, Mike LEIGH le met en abyme dans "Secrets et mensonges" au travers du personnage de Maurice (Timothy SPALL) qui est photographe de profession et dont les clichés tentent de saisir la vérité de l'instant sous l'artificialité de la pose (le secret derrière le mensonge?). C'est dans la maison où il habite depuis un an avec sa femme Monica (Phyllis LOGAN) que l'on découvre sur l'un de ses clichés Roxanne (Claire RUSHBROOK), une petite fille charmante et souriante que l'on pense être leur fille. On a tout faux. Roxanne est leur nièce et est devenue une jeune femme au visage renfrogné qui vit encore chez sa mère, Cynthia (Brenda BLETHYN) dans une maison ouvrière exigüe, délabrée et encombrée. Pour ne rien arranger les rapports entre les deux femmes sont exécrables. Si Roxanne semble toujours être en colère, Cynthia semble se résumer à une plainte perpétuelle. Inversant les rôles, elle passe son temps à réclamer de l'amour (voire leur amour exclusif) à sa fille ou à Maurice (qui est son petit frère et qu'elle a plus ou moins élevé) avec une insupportable voix de petite fille geignarde ce qui logiquement les fait fuir tous les deux. Les rapports de Maurice avec Monica ne sont guère plus satisfaisants, celle-ci s'avérant facilement irritable ou souffrante.

Dans cette famille éclatée façon puzzle et dysfonctionnelle, Mike LEIGH introduit non un élément perturbateur (la famille l'est déjà bien assez, perturbée) mais au contraire un élément rassembleur: Hortense (Marianne JEAN-BAPTISTE), la fille aînée de Cynthia abandonnée à la naissance et qui à la mort de sa mère adoptive entreprend des recherches pour retrouver sa mère biologique. L'apparence exogène de Hortense, tant par son appartenance sociale aisée que par sa couleur de peau ou son tempérament apaisant s'avère être une bouffée d'air frais dans le microcosme vicié de la famille de Cynthia. Plus que la fin du film qui pèche parfois par un excès de lourdeur, j'aime les scènes où l'on voit Cynthia et Hortense ensemble, la manière dont elles se découvrent, dont elles s'apprivoisent et le temps que le cinéaste prend pour filmer ce processus (la longueur du film qui a été déplorée par certains est sur ce plan là un atout). Le changement qui s'opère alors chez Cynthia qui redresse la tête, retrouve le goût de se faire belle et surtout la force de sortir de sa posture infantile pour prendre ses responsabilités d'adulte justifie amplement le prix d'interprétation attribué à Brenda BLETHYN (cumulé avec la Palme d'Or, à l'époque, c'était possible), énième preuve du talent de Mike LEIGH à diriger ses acteurs.

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