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Emma

Publié le par Rosalie210

Jim O'Hanlon (2009)

Emma

A l'exception de "Raison et Sentiment" (2008) qui souffre de sa comparaison avec le film de Ang LEE scénarisé et interprété par la divine Emma THOMPSON, j'ai systématiquement préféré les adaptations des romans de Jane Austen en mini-série pour la BBC aux déclinaisons cinématographiques de ces mêmes romans. Je n'avais pas aimé l'adaptation sans relief de "Emma" réalisée par Douglas McGRATH avec Gwyneth PALTROW dans le rôle-titre qui correspondait à un filon commercial exploité par la Weinstein et cie dans les années 90. Rien à voir avec la mini-série en quatre épisodes scénarisée par Sandy WELCH déjà à l'oeuvre sur la formidable adaptation de "Jane Eyre" (2006) réalisée par Susanna WHITE. Le résultat est d'une grande fidélité au roman tout en maintenant l'intérêt du spectateur sur la durée. "Emma" est comme la plupart des livres de Jane Austen un récit initiatique de passage à l'âge adulte mais d'un point de vue féminin. Les contraintes qui pèsent sur les jeunes filles de la gentry (petite noblesse rurale, milieu social auquel elle appartenait) ont une très grande importance. Comme dans "Jane Eyre" autre récit initiatique au féminin (mais plus sauvage, Charlotte Brontë considérait les romans de sa consoeur comme un jardin trop bien ordonné), l'héroïne compense l'impossibilité d'apprendre en se déplaçant par un voyage intérieur. Jane s'évadait dans les livres, Emma se fait des films à partir des gens qui l'entourent, imaginant des intrigues amoureuses entre les uns et les autres qu'elle aide à se concrétiser afin d'avoir un rôle actif et valorisant. Mais sans expérience de la vie et nourrie de préjugés de classe, Emma manque de discernement et multiplie les maladresses et les bévues au point de compromettre sa propre situation à force d'aveuglement. Ce que j'ai aimé dans la série, c'est le regard bienveillant sur Emma (très bien interprétée par Romola GARAI) qui agace certes au début ("la petite fille gâtée qui croit mieux savoir ce qui est bon pour les autres qu'eux") mais évolue très vite. Bien que ses agissements relèvent de la manipulation, elle est trop naïve pour maîtriser les tenants et aboutissants de ses actes et c'est elle qui finalement devient une victime (d'elle-même mais aussi de prétendants plus aguerris). A cela s'ajoute le fait qu'après la mort de sa mère et les mariages de sa soeur et de sa gouvernante, elle se retrouve seule à tenir compagnie à un père particulièrement anxieux qui n'aime pas qu'elle s'éloigne de lui (Michael GAMBON, le Albus Dumbledore de la saga Harry Potter à partir de l'épisode 3). Heureusement, elle a un ami et mentor en la personne de son voisin et beau-frère, George Knightley (Jonny LEE MILLER), plus âgé qu'elle et ayant une meilleure connaissance des codes sociaux et du coeur des hommes mais qui contrairement à Frank Churchill ou à Mr. Elton ne cherche pas à profiter d'elle mais à lui ouvrir les yeux sur ses erreurs. Pour un spectateur qui ne connaît pas le roman et qui donc va s'identifier à Emma, il n'est pas si simple de démêler le vrai du faux et donc de comprendre ce qui se trame vraiment entre les uns et les autres. Et pour celui qui le connaît, il peut une fois de plus admirer la profondeur de l'étude de moeurs de Jane Austen qui nous met face à une galerie de personnages écrasés par leur condition sociale qui dicte souvent leurs actes ce qui fait penser à la phrase de Jean RENOIR, "chacun a ses raisons".

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