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Articles avec #cinema britannique tag

Le Docteur Jivago (Doctor Zhivago)

Publié le par Rosalie210

David Lean (1965)

Le Docteur Jivago (Doctor Zhivago)

S'il ne fallait retenir qu'un seul film de David LEAN, ce serait celui-là. Il contient en effet la quintessence de son art. On y retrouve à la fois sa sensibilité littéraire avec l'adaptation du célèbre roman de Boris Pasternak, le mélodrame intimiste de "Brève rencontre" (1945) (un homme déchiré entre bonheur conjugal et passion amoureuse) mêlée au souffle romanesque d'une grande fresque épique et historico-politique dont il s'est fait une spécialité depuis "Le Pont de la rivière Kwaï" (1957). On y retrouve également l'un de ses acteurs fétiches depuis les adaptations des romans de Charles DICKENS (Alec GUINNESS) et la célèbre musique de Maurice JARRE qui avec son "Lara's theme" a suffit à elle seule à immortaliser le film. C'est aussi l'un de ceux qui a imposé David LEAN comme un maître de la couleur. La partie "moscovite" du film (tournée en réalité comme presque toutes les scènes du film dans la banlieue de Madrid, les Pyrénées faisant office d'Oural) joue sur un contraste entre le rouge, le noir et le blanc qui a à la fois une dimension politique (tsarisme contre communisme) et individuelle (l'initiation brutale de Lara par Komarovsky se manifeste par les changements de couleur de sa robe). La partie campagnarde se coule dans le cycle des saisons avec des hivers glaciaux suivis de la renaissance du printemps et ses champs couverts de jonquilles. La fleur jaune est associée à ce que représente Lara pour Jivago dès l'époque de la guerre avec le bouquet de tournesols sur fond noir qui perd ses pétales quand Lara s'en va. Il existe d'autres aspects symboliques dans le film. Par exemple les trois hommes de la vie de Lara représentent chacun une facette de l'être humain pris dans la tourmente révolutionnaire. Jivago c'est l'humaniste rêveur et idéaliste qui ne vit que pour la beauté c'est à dire l'amour et l'art et tente de faire du bien à son prochain sans tenir compte des enjeux partisans. Komarovsky, c'est le chancre corrupteur opportuniste et cynique qui parvient à survivre dans toutes les situations et ressurgit régulièrement comme un cauchemar dans la vie de Lara. Pavel Antipov enfin est l'idéologue psycho-rigide qui sacrifie tout (à commencer par l'humanité, la sienne et celle des autres) à sa cause. On peut également souligner l'opposition des deux femmes de Jivago, Tonya la brune et Lara la blonde.

Enfin la réussite du docteur Jivago doit aussi beaucoup à sa distribution. Omar SHARIF l'oriental qui a dû à David LEAN sa notoriété mondiale (pour sa participation à "Lawrence d Arabie") (1962) est absolument parfait dans le rôle de Jivago alors que l'on retrouve avec un immense plaisir les acteurs de la nouvelle vague britannique, Julie CHRISTIE et Tom COURTENAY (qui avaient joué ensemble dans "Billy le menteur" (1963) de John SCHLESINGER). Enfin c'est le premier grand rôle d'une débutante illustre: Geraldine CHAPLIN.

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Lolita

Publié le par Rosalie210

Stanley Kubrick (1962)

Lolita

"Moi je m'appelle Lolita
Lo ou bien Lola, du pareil au même."

Et bien non Mylène FARMER, Lolita ne s'appelle ni "Lo" ni "Lola", mais Dolores. Autrement dit elle n'est pas une invitation au plaisir mais à la douleur. De même, le roman de Nabokov fut pendant des décennies interprété par le "male gaze". Celui d'un Bernard Pivot aux yeux égrillards et au rire gras en osmose avec celui d'un pédophile notoire (Gabriel Matzneff) sachant s'entourer de "nymphettes" (sous entendu "toutes des vicieuses qui n'attendent que ça"). Sauf que c'était bien entendu un contresens. Nabokov avait d'ailleurs tenu à rétablir la vérité sur le plateau de ce même Bernard Pivot. Lolita n'était pas une jeune fille perverse mais une pauvre enfant qu'on débauchait et dont les sens ne s'éveillaient jamais sous les caresses de l'immonde monsieur Humbert. "En dehors du regard maniaque de monsieur Humbert, il n'y a pas de nymphette." Comme l'ont révélé les mouvements #MeToo et #Metoo Inceste, c'est la domination patriarcale qui est au coeur de ces déviances et le soi-disant "consentement" voire les attitudes "provocantes" de l'objet du désir ne sont qu'une projection de leur prédateur qui satisfait ainsi ses archaïques besoins de possession.

C'est exactement cela que l'on retrouve dans le film de Stanley KUBRICK qui décrit l'itinéraire d'un homme malade, remarquablement joué par James MASON. Sans jamais montrer ni même surligner le caractère sulfureux de la relation entre un homme mûr et une gamine (Sue LYON qui a donné un visage à Lolita était plus âgée de deux ans que le personnage du roman), il fait ressentir le caractère intenable d'une relation fondée sur l'oppression (la jalousie maladive de Humbert Humbert qui veut contrôler tous les faits et gestes de celle qu'il considère comme sa propriété) et la clandestinité (le regard social pesant et la destructivité de la confusion des rôles, le beau-père étant décrédibilisé par l'amant lui-même démonétisé par le beau-père). Par conséquent, ce couple aberrant est marqué du sceau de l'errance et de la culpabilité. Humbert Humbert est en effet poursuivi par sa conscience, laquelle prend le visage de différentes figures d'autorité (flic, psy). Mais ces surmoi ne sont que les divers déguisements du dramaturge pédophile Clare Quilty (avatar de guilty, coupable) interprété par le génial Peter SELLERS (qui se démultipliera encore plus dans Docteur Folamour) (1963). Chez Stanley KUBRICK, Peter SELLERS incarne des monstres aussi grotesques qu'inquiétants. Dans une scène mémorable, il emmène son personnage jusqu'aux portes de la folie lorsqu'il exprime son désir pour Lolita. Quilty est le ça de Humbert Humbert, hommes aux deux visages, d'un côté universitaire et père de famille , de l'autre criminel et pédophile incestueux. Pas étonnant qu'en éliminant ce double monstrueux qui lui pourrit la vie, Humbert Humbert se détruise lui-même.

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Blow-up

Publié le par Rosalie210

Michelangelo Antonioni (1966)

Blow-up

"Blow-up" fait partie du club des méta-films matriciel du cinéma. C'est aussi un film culte pour sa représentation du swinging london des sixties. C'est enfin un film qui repose sur un mystérieux paradoxe: le personnage principal, Thomas (David HEMMINGS) qui est photographe de mode mais qui aimerait être artiste se comporte en mâle dominant tout ce qu'il y a de plus primaire mais sa puissance phallique repose sur son seul appareil. Privé de cet "appendice", le jeune homme apparaît bien peu viril. Son comportement odieux vis à vis de ses modèles peut donc aussi s'interpréter comme un mal-être quant à son identité. Mal-être qui culmine dans une scène finale assez fascinante dans laquelle toutes les dimensions du film se rejoignent. En effet que raconte "Blow-up" sinon l'impuissance du photographe à s'approprier le réel? Il observe, enregistre, déduit, mime, reconstitue grâce à ses photographies qui lui donnent l'illusion de contrôler son environnement voire de se l'approprier pour le réagencer dans un fantasme de toute-puissance mais ne brasse au final que du vide comme s'il était lui-même un fantôme... ou un enfant.

Brian DE PALMA a prolongé cette réflexion existentialiste de la position de l'artiste dans "Blow Out" (1981) dans lequel un ingénieur son déduit de son enregistrement qu'il a été témoin d'un meurtre mais qui se heurte à une même impuissance vis à vis du réel. Réel qui se dérobe d'autant plus que la lecture des images (ou des images et du son) relève de l'interprétation et ne suffit pas à embrasser la totalité d'une expérience. Michelangelo ANTONIONI suit les traces de Alfred HITCHCOCK qui instaurait volontairement la confusion entre ses scènes d'amour et ses scènes de meurtre, montrant ainsi que les contraires se touchent et qu'il est bien difficile de les séparer à l'image.

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Tamara Drewe

Publié le par Rosalie210

Stephen Frears (2009)

Tamara Drewe

Mais que peut-il bien se passer lorsqu'une bombe sexuelle revient dans son village natal et tombe sur une bande de frustrés? Non ce n'est pas un scénario champêtre de "Supergrave" (2007) bien qu'ils ne pensent tous qu'à "ça". Sauf que, convenances british oblige, les pensionnaires et hôtes du cottage de "Far from the madding crowd" (nom tiré du roman de Thomas Hardy jouant sur l'idée d'une paisible retraite rurale dédiée à la création littéraire et allusion au roman graphique de Posy Simmonds dont le film est l'adaptation qui s'inspire lui-même du roman du célèbre écrivain) ne sont pas du genre à mettre cartes sur table. Mais plutôt à faire croire que la seule motivation qui les anime c'est la création, a cup of tea et les gâteaux de leur hôtesse, Beth (Tamsin GREIG) qui est comme il se doit un cordon bleu. C'est donc un festival de "médisances, fourberies, tromperies et cie" façon vaudeville satirique avec une galerie de personnages dont certains sont savoureux. En tête de liste, je mettrai l'époux de Beth, Nicholas (surnommé "Nico-nnard") Hardiment (Roger ALLAM), propriétaire du cottage et écrivain de romans policiers à succès imbu de sa personne (pourtant peu attrayante) et gagné par le démon de midi lequel finit par prendre le visage de la sexy Tamara (Gemma ARTERTON), ex-vilain petit canard changé en cygne depuis qu'elle s'est fait refaire le nez à Londres. Un petit détail qui lui vaut les surnoms peu flatteurs de "plastique" et "Cyrano" auprès de la petite peste qu'est Jody (Jessica BARDEN), lycéenne désoeuvrée qui passe son temps avec sa copine à lire les magazines people, médire, espionner et semer la zizanie. Elle aussi a le feu aux fesses mais l'objet de son désir se trouve être le type qui sort avec Tamara, le musicien Ben (Dominic COOPER) de passage dans la région avec son groupe. Enfin il y a les losers en quête de revanche amoureux de Beth ou de Tamara observant en retrait cet étalage de libido, le bedonnant et dégarni écrivain Glen (Bill CAMP) qui souffre d'une panne d'inspiration et le larbin bellâtre Andy (Luke EVANS).

J'en suis à mon troisième visionnage en 10 ans de ce film irrésistiblement drôle, sorte de jeu de massacre jubilatoire égratignant entre autre le marketing littéraire et le monde des médias. Une version comique de "Loin de la foule déchaînée" de Thomas Hardy dans lequel une femme à la tête d'un domaine faisait tourner la tête à trois hommes d'âge et de condition différente (un autre propriétaire terrien, un valet et un soldat, ce dernier étant remplacé par la rock star dans le film de Stephen FREARS)

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Hit and Miss

Publié le par Rosalie210

Paul Abbott (2012)

Hit and Miss

"Hit and Miss" est une mini-série de six épisodes de 45 minutes créée en 2012 par Paul Abbott avec Chloë Sevigny, (une adepte des rôles sulfureux) dans le rôle principal qui a été diffusée sur Canal + en 2013. Elle ne comporte qu'une seule saison bien que la première se termine sur un cliffhanger. C'est bien dommage car la série ne manque pas d'intérêt, notamment par les portraits de marginaux mis en scène.

Qui est Mia? Ce qui est sûr c'est que tout ce qui la concerne est fait de morceaux mal ajustés.

Son corps tout d'abord. Une scène montre le petit ami de Mia (très perturbé dans sa propre identité dès qu'il découvre celle de Mia) assemblant deux magazines, l'un avec un buste de femme et l'autre avec un entrejambe masculin. Quoi de mieux pour résumer la difficulté de vivre avec un corps transsexuel encore en chantier?

Les scènes où Mia se regarde dans un miroir sont révélatrices et toujours extrêmes que se soit pour sublimer son reflet ou pour le flageller ou lui cracher dessus.

Son histoire est à l'image de son corps: duale. Dans sa jeunesse et pour l'état civil, Mia est Ryan, le fils cadet d'une famille de forains qui l'ont rejetée quand Ryan a entamé sa transformation. Pour tous les autres, elle est Mia, personnage qui n'a aucune existence légale. 

Enfin il y a sa double vie ou plutôt sa vie coupée en deux. D'un côté, Mia est une tueuse à gages solitaire, sorte d'oiseau de nuit guettant sa proie avant de l'abattre froidement. Pratiquant cette activité à Manchester, elle navigue entre le café de son patron et son nid, un loft à l'état de hangar où elle dissimule la plus grande partie de son matériel.

De l'autre, Mia est le chef d'une famille recomposée de quatre enfants issus de trois pères différents et dont la mère est morte d'un cancer. Ils vivent dans une ferme isolée dans les environs de Manchester.

Cette famille est elle-même une sorte de patchwork rapiécé. Les deux aînés, Levi et Riley sans doute issus du même lit, sont des adolescents rebelles et un peu paumés. Ryan qui a 11 ans n'est autre que le fils biologique de Mia comme le souligne son prénom. Plusieurs scènes montrent qu'il est très perturbé par la mort de sa mère et par l'identité de son père. La plus jeune, Léonie s'est réfugiée dans un monde parallèle où sa mère est encore vivante.

En dépit de tous ses efforts, Mia ne parvient pas à cloisonner ses vies de façon étanche ce qui occasionne des drames. Riley tue son agresseur avec l'arme de Mia, Eddie, le patron de Mia, s'immisce dans la famille et prend Levi à son service sans que celui-ci ne se doute de la nature réelle de ses activités. La scène de fin pousse le drame de l'interpénétration des vies de Mia à son paroxysme.

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Le Théorème zéro (Zero Theorem)

Publié le par Rosalie210

Terry Gilliam (2013)

Le Théorème zéro (Zero Theorem)

Comme je le craignais, "Le Théorème zéro", troisième et dernier volet de la trilogie orwellienne de Terry GILLIAM après "Brazil" (1985) et "L Armée des douze singes" (1995) est raté. Il est à la fois laid et lourd. Le défaut majeur du film est de se placer toujours sur le même ton, celui d'une satire hystérique d'un monde aussi moche que vide de sens. On peut faire de bons films sur des mondes moches et vide de sens. Terry GILLIAM avait réussi à le faire dans "Brazil" (1985) grâce à sa foi dans le pouvoir de l'imaginaire (et de la création artistique). Sauf que "Le Théorème zéro" signe l'arrêt de mort de celles-ci. Le héros ne rêve plus, il a abdiqué et confié cette tâche aux machines omniprésentes qui le cernent de toutes parts. Conséquence, c'est le film lui-même qui devient moche et vide de sens. Il n'est qu'une succession de scènes rivalisant de mauvais goût tant l'esthétique est criarde et vulgaire, en un mot, kitsch. Tout est mis sur le même plan dans une espèce de fourre-tout recyclant pas mal d'idées présentes déjà dans "Brazil" (1985) (les caméras de surveillance, les espaces de travail compartimentés etc.) ou dans "L Armée des douze singes" (1995) (la visite médicale) qui étaient des films autrement mieux charpentés. Ce qui ressort de ce gloubi-boulga assez indigeste est l'impression que le film a été fait par un dépressif qui ne croit plus en ce qu'il raconte et qui se laisse donc aspirer par le trou noir qui l'obsède pour se retrouver épinglé sur un cliché de vacances paradisiaques sous photoshop.

Il n'y a qu'une chose que j'ai aimé dans ce film: son décor principal, la demeure de Qohen (Christoph WALTZ) qui est une église transformée en appartements geek. Le médiéval est l'un des thèmes récurrents de la filmographie de Terry GILLIAM et le mélange entre l'art religieux de cette époque et les hautes technologies est assez réussi, un système de contrôle en chassant un autre. Mais c'est à peu près la seule bonne idée du film avec peut-être cet autre décor en extérieur rempli de panneaux d'interdictions mais qu'il aurait fallu exploiter. L'aspect coercitif est bien peu développé au profit du grotesque burlesque et cartoonesque que Terry GILLIAM savait doser dans ses autres films mais qui là envahit tout jusqu'à l'épuisement.

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La Fille de Ryan (Ryan's daughter)

Publié le par Rosalie210

David Lean (1970)

La Fille de Ryan (Ryan's daughter)

Oui on peut faire un film fleuve et intimiste en reliant macrocosme, microcosme et individus inassimilables donc condamnés à la marginalité. Et oui, on peut construire une histoire romanesque, pleine de passion et de péripéties tout en conservant la complexité des personnages. Tout ça, David LEAN l'accomplit dans l'un de ses plus beaux films "La Fille de Ryan" dont le seul tort est de ne pas avoir répondu aux attentes de l'époque, celle du début des années 70 qui l'a jugé ringard et l'a lynché. Mais comme le dit si bien John CASSAVETES on ne fait pas un bon film pour faire plaisir ou coller à une mode. Les modes passent et les bons films restent. Et "La Fille de Ryan" est un sacré bon film.

Pour en apprécier toutes les qualités, je vais prendre trois exemples. Le premier est celui de Thomas Ryan (Leo McKERN), le tavernier du village irlandais dans lequel se déroule l'intrigue. Sur fond de première guerre mondiale et de guerre civile entre irlandais et anglais, Thomas Ryan va s'avérer être un agent double doublé d'un lâche qui préfèrera laisser sa fille se faire lyncher à sa place plutôt que de se dénoncer. Oui mais ce même Thomas Ryan, embarqué dans une scène épique de récupération d'une cargaison d'armes offertes par les allemands aux irlandais sur une plage dont les éléments se déchaînent avec violence prend plus de risques que tous les autres et manque mourir noyé à plusieurs reprises. Il est donc célébré comme un héros. Et la perte de sa fille le laisse en proie à la solitude, la culpabilité, les regrets peut-être? En tout cas le dernier plan, pathétique nous montre un homme qui noie son malaise dans l'alcool.

Ces ambivalences et cette osmose entre la nature et l'homme se retrouve aussi avec la communauté villageoise très fermée sur elle-même et arriérée qui peut se montrer solidaire et courageuse ou vulgaire, stigmatisante, menaçante voire déchaînée. David LEAN n'héroïse pas les combats de l'Irlande, le village est un "ploucland" qui rejette quiconque ne lui ressemble pas (à l'image de "l'idiot" joué par John MILLS qui est une victime tout en propageant le drame par ses maladresses). Et pourtant il y a des moments où ces gens proches de la bête immonde font preuve de grandeur.

Enfin il y a l'héroïne, Rosy Ryan (Sarah MILES), cousine éloignée d'Emma Bovary pleine de rêves d'amour et d'aventure et qui se retrouve mariée à un homme plus âgé, terne et sans libido (Robert MITCHUM à contre-emploi). Ses rêveries romantiques (immortalisées par des images très picturales à tendance impressionniste) sont magnifiés par ses promenades sur les falaises avant que la réalité ne la rattrape (l'ombrelle qui tombe sur la plage entre les mains de l'idiot Michael au visage repoussant). Puis c'est l'éveil des sens dans les bras de Randolph (Christopher JONES), le soldat anglais estropié et traumatisé au coeur de la forêt, la nature exacerbant l'extase sexuelle. D'autres films ont su connecter avec bonheur sexe et nature mais en 1970 c'était novateur. Le rouge domine alors ses tenues avant que les épreuves ne se déchaînent et que la beauté des grands paysages et des grands sentiments ne laisse place à la laideur et la petitesse de la tourbe. Mais toujours dans les ambivalences, c'est dans ces circonstances que Rosy découvre la grandeur d'âme de son mari qui reste à ses côtés et tente de la protéger ainsi que le calvaire du paria qu'est Michael*. Tout en retenue, Robert MITCHUM offre une composition mémorable.

* Tous les personnages masculins du film sont invalides ou handicapés, incapables de résister au torrent des forces collectives et naturelles qui les emportent.

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Tenet

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2019)

Tenet

J'ai longtemps hésité avant de me décider à regarder "Tenet", j'avais eu de mauvais échos mais l'envie de me faire ma propre idée du film l'a emporté. Hélas, je n'ai pas été emballée et j'ai même fini par ne plus du tout m'intéresser à ce qui se passait à l'écran. Il m'a fait penser à une version ratée de "Inception" (2009). Dans les deux cas il s'agit de films basés sur un concept de distorsion du temps dont le déploiement permet de montrer des scènes d'action spectaculaires se déroulant à un rythme soutenu avec un effet labyrinthique donné par un montage complexe. Mais "Inception" était charpenté par une véritable histoire avec des enjeux à hauteur d'homme et le casting était de haut niveau. "Tenet" repose lui sur un scénario simpliste et archi-rebattu: sauver le monde de l'apocalypse et son casting est franchement médiocre (même si pour l'anecdote, c'est amusant de retrouver une partie des acteurs de "Harry Potter et la coupe de feu" (2005) quinze ans plus tard, Clémence POÉSY et Robert PATTINSON). Le "héros" tout comme "le méchant" (rien que ces mentions soulignent là aussi le manque d'ambition quant à la caractérisation des personnages) manque cruellement de consistance, il n'est que le rouage d'une machine qui semble être la seule raison d'être du film. Sauf que plus celui-ci avance, plus il devient confus à force de vouloir faire cohabiter dans un même plan deux temporalités antagonistes (un temps présent s'écoulant à l'endroit et un temps présent s'écoulant à l'envers). Confus et répétitif de surcroît puisque la deuxième partie du film revient sur les scènes déjà vues, partiellement remontées à l'envers. Pour humaniser un peu son film, Christopher NOLAN a ajouté l'histoire de la femme du méchant, Kat (Elizabeth DEBICKI) qui cherche à sauver son fils, Max de l'apocalypse programmé par son père. Cette intrigue souligne l'incohérence foncière du personnage de Andrei Sator (Kenneth BRANAGH) condamné par un cancer lié à ce qui s'apparente aux conséquences de la catastrophe de Tchernobyl et qui a de ce fait sombré dans le nihilisme mais qui a quand même fait un enfant. Il me semble que lorsqu'on veut détruire l'humanité en anéantissant le temps, on ne se perpétue pas. Le "paradoxe du grand-père" évoqué dans le film consistant à se détruire soi-même en détruisant le passé ne trouve d'ailleurs pas davantage de réponse satisfaisante. Sinon que Sator est russe et que pour nombre de blockbusters américains ratés*, être russe est une explication en soi. Comme le disait Sting dans les années 80 à propos de la menace nucléaire liée à la guerre froide "J'espère que les russes aiment aussi leurs enfants". Visiblement Christopher NOLAN nous a pondu un film avec les fantasmes américains de cette époque -les années 80- vis à vis des soviétiques "relooké" en film des années 2010. C'est ce qui s'appelle un retour en arrière. Mais pas au bon sens du terme.

* Ce n'est pas la première fois que je remarque qu'un film de Christopher NOLAN véhicule des idées conservatrices voire réactionnaires. Ca m'avait déjà frappé dans "Batman - The Dark Knight Rises" (2012).

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Le Messager (The Go-Between)

Publié le par Rosalie210

Joseph Losey (1971)

Le Messager (The Go-Between)

J'avais le souvenir d'un film cruel, j'ai revu un film que je trouve toujours aussi cruel. Cruel et désespéré. Avec cette précision d'entomologiste qui le caractérise (mais qui rendent également beaucoup de ses films froids) Joseph LOSEY filme la société britannique de la Belle Epoque comme une belle toile silencieuse (car marquée par le non-dit) qui cache une fosse aux lions féroce dans laquelle les plus forts mangent les plus faibles. Fosse ou plutôt fossé des classes sociales et des générations dans laquelle ce sont les aînés et les plus riches qui dévorent les plus jeunes et les plus pauvres. Le pauvre Léo a le malheur d'être l'un et l'autre: il sera doublement victime, de sa condition sociale modeste et de la naïveté de sa jeunesse. Mal invité par un milieu dont il ne saisit pas les codes, son inconfort est symbolisé par son costume d'hiver inadapté à la chaleur. Lorsqu'il est rhabillé d'un costume vert, c'est pour mieux faire ressortir son origine étrangère. Je ne sais pas si Joseph LOSEY a choisi cette couleur en référence aux martiens pour caractériser l'enfance ostracisée mais son premier film qui était une parabole anti-raciste s'intitulait "Le Garçon aux cheveux verts" (1948). Léo ainsi "stigmatisé" devient à son insu le larbin de celle qui a choisi son costume (en référence sans doute au valet de pied dont la livrée était justement de couleur verte) à savoir la belle Marian (Julie CHRISTIE) dont il est amoureux. Celle-ci va abuser de sa naïveté en manipulant ses sentiments pour transgresser les règles de son milieu et avoir une liaison avec le très séduisant et sensuel métayer du coin, Ted Burgess (Alan BATES) qui met également l'enfant dans sa poche lorsqu'il comprend comment il peut s'en servir. Bien sûr, Marian et Ted sont à la fois bourreaux et victimes (de leur condition sociale et pour Marian, de son genre, tout cela étant montré lors de scènes éloquentes), leur échappée sans issue les condamnant tous deux à un sort sinistre. Mais lorsque la génération des parents, symbolisée par la mère (Margaret LEIGHTON) rétablit brutalement l'ordre, elle brise également l'enfant qui perd son innocence, ses illusions et sa confiance en l'humanité. De façon très habile, Joseph LOSEY renverse le principe du flashback en faisant du passé le présent de son film alors que le présent qui se situe cinquante ans plus tard n'apparaît que par d'énigmatiques plans-éclairs fantomatiques, à l'image du gâchis de la vie des personnages. Car en procédant ainsi, il montre combien ce passé reste présent et continue à les hanter. Que ce soit Marian qui vit dans la nostalgie de cet amour qu'elle a idéalisé voire sacralisé, son petit-fils avec lequel elle ne peut pas plus communiquer qu'elle ne le faisait avec Ted ou Léo qui est resté sous son emprise en s'empêchant de vivre. Emprise dont il lui est donné une dernière fois de se défaire.

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Le Vent se lève (The Wind That Shakes the Barkey)

Publié le par Rosalie210

Le Vent se lève (The Wind That Shakes the Barkey)

Ken Loach (2006)

J'ai beaucoup de mal avec le cinéma de Ken LOACH en général. Il y a en effet deux façons de le considérer. Côté positif, on dira que c'est un auteur "engagé", "enragé", "révolté", "en lutte pour un monde plus juste" etc. Côté négatif, on dira qu'il a tendance à tout voir par le seul prisme de la lutte des classes et qu'il est souvent manichéen ce qui aboutit à une binarité simpliste: "gentils" ouvriers contre "méchants" patrons. De plus, pour mettre les spectateurs de son côté, il utilise des ficelles parfois assez grossières en faisant des capitalistes dominants des brutes épaisses qui imposent leur domination par la force et l'humiliation. La réalité est évidemment infiniment plus complexe et nuancée, tant sur les méthodes de domination que sur les rapports de force qui traversent une société ou encore sur les identités des individus. Et comme j'aime plutôt la complexité et la nuance, ma sensibilité est souvent heurtée par le style "brut de décoffrage" de ce cinéaste qui en plus question mise en scène est loin d'être toujours inspiré. Certains de ces films sont de véritables pensums illustratifs académiques.

Ces réserves faites, "Le Vent se lève" fait partie de ses bons films même si je soupçonne le festival de Cannes de lui avoir attribué la Palme d'Or pour de mauvaises raisons (on ne devrait jamais attribuer un prix à une oeuvre d'art en guise d'étendard politique ou sociétal mais juste en fonction de sa valeur intrinsèque. Or "Le Vent se lève" a bénéficié du contexte de la guerre d'Irak à laquelle le RU participait aux côtés des USA). Il fait partie de ses bons films parce qu'il dépasse en effet son sujet -la guerre d'indépendance irlandaise et la guerre civile qui lui a succédé- pour démontrer de façon efficace certains mécanismes propres à la stupidité humaine:

- Le fait qu'une domination étrangère qui plus est brutale renforce la détermination du peuple opprimé à s'en débarrasser. Aucune guerre asymétrique (armée contre guérilla) ne peut être gagnée par l'occupant, même si elle peut s'enliser sur des décennies voire des siècles. Les USA l'ont appris (?) à leurs dépends au Vietnam, en Afghanistan ou en Irak.

- Le fait que la plupart de ces guerres ont, tout comme les révolutions victorieuses débouché ou entraîné avec elles des luttes fratricides pour le pouvoir, qu'il soit ou non accompagné d'une idéologie, invalidant d'emblée les beaux idéaux au nom desquels on massacre ses anciens camarades de lutte voire ses "amis" ou même comme dans "Le Vent se lève" sa propre famille. C'est la fameuse phrase de Manon Roland "Liberté, que de crimes on commet en ton nom". Tout homme qui abdique son humanité pour supprimer toute voix discordante au nom de sa "cause", quelle qu'elle soit en théorie ne se contente pas de perdre son innocence. Il détruit la cause qu'il sert. On n'impose pas la liberté et l'égalité dans le sang. Mais la spirale infernale de la guerre c'est à dire de la violence conduit à la radicalisation qui libère les pires instincts au détriment de la raison et amène à la binarité la plus simpliste qui soit "tu es avec nous ou bien contre nous" et donc dans ce dernier cas, je te supprime.

Ken LOACH montre très bien tous ces enjeux de façon convaincante puisqu'il évoque la guerre à l'échelle d'une famille et de la petite communauté qui l'entoure. Le titre se réfère à un poème du XIX° qui évoquait le soulèvement de l'Irlande à la fin du XVIII°. Les acteurs sont remarquables de véracité (Cillian MURPHY que j'ai pourtant vu auparavant chez Christopher NOLAN ne fait pas pièce rapportée et semble même être à sa vraie place) et la nature irlandaise est superbement filmée, sans trop d'emphase. Il n'empêche que les réflexes idéologiques de Ken LOACH viennent de temps à autre polluer le film, que ce soit en prenant parti pour les jusqu'au-boutistes qui refusent tout compromis avec les anglais montrés comme des héros ou en insistant lourdement sur les sévices et exactions que ceux-ci infligent aux irlandais, en omettant (hormis les exécutions) les horreurs que ces derniers ont pu commettre pendant la guerre sur les anglais ou sur leur propre peuple. L'arriération de la société irlandaise en matière de moeurs n'est pas du tout évoquée non plus.

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