Blue Jeans
Jacques Rozier (1957)
Il y a comme un parfum d'Italie dans le deuxième court-métrage de Jacques ROZIER. Après "Rentrée des classes" (1956) qui filmait l'école buissonnière comme une épopée sensualiste, "Blue Jeans" conserve l'élément aquatique (l'histoire se déroule à Cannes) ainsi que le charme et la fraîcheur de son précédent court-métrage. Cette fois, ce sont deux adolescents de dix-sept ans qui occupent le devant de la scène. Comme tous les personnages de Jacques ROZIER, ils sont en "vacance" et passent l'essentiel de leur temps à butiner, non les fleurs, mais les filles. Le film colle à leurs corps en mouvement, qu'ils soient à pied ou en Vespa. Ivresse de la sensation de liberté (comparable en cela à la moto) jumelée au plaisir de la "dolce vita" (avec sans doute les "Vacances romaines" (1953) en point de mire), les deux dragueurs n'ont (hélas pour eux) qu'une idée en tête: "lever" des filles, les "emballer" et enfin "conclure" ce qui leur vaut de se vautrer lourdement. Cette sensation de liberté que Jacques ROZIER savait saisir comme personne et qui donne encore aujourd'hui à son film un aspect extrêmement vivant se teinte en effet d'amertume lorsque les deux jeunes s'aperçoivent qu'ils leur manque un élément essentiel à leur entreprise: l'argent. Car faute de moyens, leurs tentatives de séduction grossière tournent court étant donné qu'ils n'ont pas grand-chose à proposer aux filles qu'ils croisent pour les divertir et n'ont strictement rien à leur dire (la seule chose qui les intéresse, on l'a compris, c'est de les mettre dans leur lit). Il leur manque en effet autre chose (qu'ils n'ont visiblement pas compris): le tact. Avec leurs méthodes de pachyderme à la limite du harcèlement de rue voire de l'agression (ils se permettent de toucher toutes les femmes qui se trouvent sur leur chemin), ils n'ont évidemment aucune chance d'y arriver. Aujourd'hui, leurs méthodes ne passeraient d'ailleurs plus du tout et la liberté revendiquée deviendrait celle d'importuner, voire de harceler un sexe féminin vu comme un étalage de chair fraîche sans identité, sans personnalité, juste à prendre d'assaut pour satisfaire ses pulsions les plus primaires. Jacques ROZIER les montre au final comme ce qu'ils sont: des losers pathétiques.
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